Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_621/2007 /rod
Arrêt du 1er octobre 2008
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges Schneider, Président,
Ferrari, Favre, Zünd et Mathys.
Greffière: Mme Angéloz.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me Corinne Monnard Séchaud, avocate,
contre
Ministère public du canton de Vaud,
rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.
Objet
Violation simple des règles de la LCR,
recours contre le jugement du Tribunal
d'arrondissement de la Côte
du 1er octobre 2007.
Faits:
A.
Par jugement du 1er octobre 2007, le Tribunal de police de l'arrondissement de La Côte a rejeté l'appel formé par X.________ contre un prononcé préfectoral du 1er juin 2007, le condamnant, pour violation des art. 36 al. 4 LCR, 3 al. 1, 14 al. 1 et 15 al. 3 OCR, à une amende de 200 fr.
B.
Ce jugement retient, en résumé, ce qui suit.
B.a Le 11 décembre 2006, un accident de la circulation s'est produit sur le parking de la surface commerciale Hornbach, à Etoy, sur lequel seules les places de parc sont balisées au sol, à l'exclusion de tout autre marquage, notamment de flèches indiquant les sens de circulation ou les priorités. Après avoir quitté une place de stationnement, X.________, empruntant l'allée transversale, s'est dirigé vers la voie d'entrée et de sortie, en vue d'obliquer à droite. A cet endroit, où une camionnette masquait la visibilité, il a heurté, avec l'avant gauche de son véhicule, l'avant droit de celui de l'automobiliste Y.________, qui arrivait sur la gauche et s'apprêtait à obliquer à droite dans l'allée transversale pour aller parquer sa voiture.
B.b Le tribunal a estimé que la règle de l'art. 15 al. 3 OCR s'appliquait, du moins par analogie, et non celle de la priorité de droite. L'appelant devait donc accorder la priorité à l'automobiliste Y.________. Au besoin, il devait s'arrêter, voire, dans la mesure où sa visibilité était gênée, recourir à l'aide de sa passagère. L'accident lui était donc imputable.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour violation de son droit d'être entendu, de son droit à un procès équitable ainsi que des dispositions de la LCR et de l'OCR retenues à son encontre. Il conclut à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'il soit acquitté, subsidiairement à son annulation.
Parallèlement, X.________ a recouru contre le jugement d'appel à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, qui, par arrêt du 5 novembre 2007, a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.
Par courrier du 14 avril 2008, X.________, agissant par l'entremise de sa mandataire, a fait parvenir au Tribunal fédéral une copie de l'arrêt cantonal du 5 novembre 2007, en précisant qu'il contestait le raisonnement par lequel cet arrêt écartait son grief de violation du droit d'être entendu.
Le Ministère public conclut au rejet du recours, en se référant au jugement attaqué. L'autorité cantonale a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le recours peut notamment être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels. Il ne peut critiquer les constatations de fait qu'au motif que les faits ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il doit être motivé conformément à l'art. 42 al. 2 LTF, qui exige que le recourant indique en quoi la décision attaquée viole le droit. Les griefs mentionnés à l'art. 106 al. 2 LTF, en particulier celui pris d'une violation des droits fondamentaux, sont toutefois soumis à des exigences de motivation accrues, qui correspondent à celles qui résultaient de l'art. 90 al. 1 let. b OJ pour le recours de droit public (ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).
2.
Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Il se plaint de n'avoir pas pu se déterminer sur un croquis versé au dossier en première instance et de ce que l'audience d'appel n'ait pas été suspendue en vue de l'audition d'un gendarme qui aurait pu fournir des explications à ce sujet. Il reproche par ailleurs au Tribunal d'arrondissement de n'avoir pas ordonné une inspection locale.
2.1 En vertu de l'art. 80 al. 1 LTF, les décisions des autorités cantonales ne peuvent faire l'objet d'un recours que si elles ont été prises en dernière instance. Il en découle qu'une décision cantonale ne peut être attaquée devant le Tribunal fédéral que dans la mesure où elle n'est pas susceptible d'un recours cantonal.
2.2 L'art. 80a al. 1 de la loi vaudoise sur les contraventions du 18 novembre 1969 (LContr; RSV 312.11) prescrit qu'un jugement rendu sur appel en matière de contraventions et de délits de droit cantonal peut faire l'objet d'un recours au Tribunal cantonal. L'alinéa 2 de cette disposition prévoit en revanche que le jugement rendu sur appel en matière de contraventions ou de délits de droit fédéral est définitif. Dans cette seconde hypothèse, le recours en nullité à la Cour de cassation vaudoise est cependant ouvert, en vertu de la jurisprudence cantonale, lorsque le recourant entend se plaindre de la violation d'une règle essentielle de procédure au sens de l'art. 411 let. g CPP/VD (cf. arrêt du 20 mars 2000 de la Cour de cassation pénale vaudoise, in JT 2001 III p. 95 consid. 1 p. 97 ss).
2.3 Le jugement attaqué, qui a été rendu sur appel, condamne le recourant pour avoir contrevenu à la LCR, respectivement à l'OCR, soit au droit fédéral. Il est donc directement attaquable par un recours au Tribunal fédéral, sauf pour les griefs pris de la violation d'une règle essentielle de procédure au sens de l'art. 411 let. g CPP/VD. Dès lors qu'un recours cantonal est ouvert pour soulever de tels griefs, ceux-ci doivent préalablement être invoqués dans le cadre de cette voie de droit. Ils ne peuvent être soumis au Tribunal fédéral qu'à l'occasion d'un recours dirigé contre l'arrêt cantonal qui les écarte.
2.4 Le recourant a formé un recours en nullité cantonal contre le jugement attaqué, dans lequel il s'est notamment plaint des vices de procédure qu'il invoque dans le présent recours comme constitutifs d'une violation de son droit d'être entendu. Ces griefs ont été examinés et rejetés par la cour de cassation cantonale dans son arrêt du 5 novembre 2007, laquelle a en particulier considéré que l'impossibilité pour le recourant de se déterminer sur certaines pièces en première instance avait été réparée en instance d'appel. Le recourant ne saurait donc soumettre ces griefs au Tribunal fédéral dans un recours dirigé contre le jugement d'appel, qui, s'agissant de ceux-ci, ne constitue pas un jugement de dernière instance cantonale. Il devait le faire dans un recours dirigé contre l'arrêt cantonal du 5 novembre 2007, qu'il a toutefois renoncé à former. Le courrier qu'il a adressé au Tribunal fédéral le 14 avril 2008 ne saurait à l'évidence être considéré comme tel, ne serait-ce que faute de conclusions et de motivation (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF ). Le grief de violation du droit d'être entendu est par conséquent irrecevable.
3.
Le recourant invoque une violation de la présomption d'innocence découlant du droit à un procès équitable, plus précisément du principe "in dubio pro reo" qui en est le corollaire. Alléguant que le rapport de police "officiel" est contredit par un rapport de police "partiel", qui attribuerait la responsabilité de l'accident à l'autre automobiliste, il reproche à l'autorité cantonale de ne l'avoir pas acquitté au bénéfice du doute.
Tel qu'il est soulevé, le grief revient à se plaindre d'une violation du principe "in dubio pro reo" en tant que règle de l'appréciation des preuves, donc, en définitive, d'arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41). Sous peine d'irrecevabilité (cf. supra, consid. 1), le recourant doit par conséquent démontrer, conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, que la décision attaquée, sur le point contesté, est non seulement discutable ou même critiquable, mais manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153).
La critique du recourant ne satisfait manifestement pas à ces exigences. A supposer que l'autorité cantonale ait écarté un rapport de police qui attribuerait la responsabilité de l'accident à l'autre automobiliste et qui serait donc plus favorable au recourant, encore faudrait-il qu'il soit établi qu'elle l'ait fait arbitrairement, ce qui n'est aucunement démontré. Il s'ensuit l'irrecevabilité du grief.
4.
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 36 LCR ainsi que de l'art. 15 al. 3 OCR, au motif que l'autorité cantonale aurait dû faire application, non pas de cette dernière disposition, mais de la règle de la priorité de droite.
4.1 Dans la mesure où le recourant conteste les faits retenus, en alléguant que l'accident se serait produit sur l'allée centrale, bien avant qu'il ne débouche sur la voie de sortie, il n'y a pas lieu d'entrer en matière, faute d'une quelconque démonstration d'arbitraire dans l'établissement des faits.
4.2 L'art. 36 al. 2 1ère phrase LCR pose le principe qu'aux intersections le véhicule qui vient de droite a la priorité. Sont des intersections, les croisées, les bifurcations ou les débouchés de chaussée (art. 1 al. 8 1ère phrase OCR). De ces règles, il découle que la règle de la priorité de droite s'applique en principe toujours lorsque des chaussées interfèrent ou se croisent sous la forme de croisées, de bifurcations ou de débouchés (ATF 117 IV 498 consid. 3 p. 500).
La loi et l'ordonnance prévoient toutefois des exceptions. Ainsi, l'art. 36 al. 2 2ème phrase LCR dispose que les véhicules qui circulent sur une route signalée comme principale ont la priorité, même s'ils viennent de gauche. L'art. 36 al. 2 3ème phrase LCR réserve toute réglementation différente de la circulation imposée par des signaux ou par la police. Une exception au principe résulte en outre de l'art. 36 al. 4 LCR, qui prescrit que le conducteur qui veut engager son véhicule dans la circulation, faire demi-tour ou marche arrière ne doit pas entraver les autres usagers de la route, en précisant que ces derniers bénéficient de la priorité. Une autre exception découle encore de l'art. 1 al. 8 2ème phrase OCR, en tant qu'il prévoit que ne constituent pas des intersections les endroits où débouchent sur la chaussée des pistes cyclables, des chemins ruraux ou des sorties de garage, de places de stationnement, de fabriques, de cours, etc. (ATF 117 IV 498 consid. 3 p. 500).
Dans une jurisprudence relativement ancienne, le Tribunal fédéral a assimilé les allées secondaires, transversales ou perpendiculaires, conduisant les automobilistes depuis les voies de circulation d'entrée et de sortie de la place de parc vers les cases de stationnement proprement dites des véhicules, à ces dernières. Il a retenu que les voies de circulation ne permettent pas d'accéder à une case sans passer par l'une ou l'autre des allées perpendiculaires. Celles-là (les voies de circulation) se trouvaient donc par rapport à celles-ci (les allées perpendiculaires) dans la situation d'une chaussée ou d'une route. Il s'ensuivait que celui qui y débouchait en sortant d'une place de parc ne bénéficiait d'aucune priorité conformément à l'art. 15 al. 3 OCR et à la règle générale de l'art. 36 al. 4 LCR. Les endroits où débouchaient sur la voie de circulation les sorties des places de stationnement que constituaient aussi bien les allées que les cases n'étaient pas des intersections, en vertu de l'art. 1 al. 8 OCR, de sorte que la règle de la priorité de droite ne trouvait pas application dans ce lieu déterminé (ATF 100 IV 59 consid. 3 et 4 p. 62).
Ultérieurement, cette jurisprudence a été confirmée dans l'ATF 117 IV 498 consid. 4b p. 501/502. A cette occasion, il a été rappelé que les exceptions à la règle de la priorité de droite risquant de causer des accidents, la sécurité du trafic exigeait qu'elles fussent limitées aux cas qui, même pour les usagers qui ne connaissent pas les lieux ou si les conditions de visibilité sont mauvaises, étaient clairement reconnaissables en l'absence de signalisation. Dans le doute, la réglementation ordinaire doit l'emporter sur l'exception (ATF 117 IV 498 consid. 4a p. 501).
Or, l'assimilation à une case de parc des allées transversales ou perpendiculaires, qui soustrait le traitement de la priorité au régime ordinaire de l'art. 36 al. 2 LCR (priorité de droite), est de nature à provoquer des confusions et des accidents, dans la mesure où toutes les voies de circulation, à l'intérieur d'une grande place de parc (ou parking), ont topographiquement une relation les unes avec les autres qui se rapproche bien davantage de celle existant entre deux routes secondaires que de la sortie d'une case individuelle de stationnement sur une voie publique, même secondaire. En l'absence de toute indication au sol ou de toute signalisation adéquate, le conducteur doit pouvoir se référer au principe général de l'art. 36 al. 2 1ère phrase LCR, qui fixe la priorité de droite, et non pas s'interroger sur les exceptions possibles, pour apprécier la nature juridique de l'espace sur lequel il roule, et pour déterminer en conséquence son comportement.
Il est en effet manifeste que les conducteurs circulant sur les voies d'accès et sur les voies transversales (ou perpendiculaires) desservant une grande place de parc (parking) se trouvent dans une situation analogue à celle des usagers empruntant deux routes secondaires. Dans ce cas, la priorité appartient aux conducteurs venant de droite, selon la règle ordinaire, tant qu'elle n'a pas été supprimée par le signal 116 ou 217; que l'une des deux routes soit plus animée que l'autre, ce qui peut être éventuellement le cas des voies d'entrée et de sortie de l'espace de parc, ne joue aucun rôle (ATF 96 IV 35 consid. 1 in fine p. 37 et l'arrêt cités). Dans ces conditions, il convient d'abandonner la jurisprudence inaugurée par l'arrêt 100 IV 59 et d'affirmer qu'à l'intérieur d'un emplacement de parc (parking) la règle de la priorité de droite de l'art. 36 al. 2 LCR s'applique aux intersections entre les différentes dessertes, qu'il s'agisse des voies de circulation d'entrée et/ou de sortie ou des voies de circulation transversales, la seule exception concernant l'entrée ou la sortie de la case individuelle de stationnement, qui est soumise à la règle prévue à l'art. 36 al. 4 LCR.
En l'absence d'une signalisation claire et vu la relative équivalence de trafic entre les différentes dessertes, qui ne justifie pas une exception au principe de l'art. 36 al. 2 LCR, celui-ci doit être affirmé à leurs intersections (ATF 127 IV 91 consid. 2b p. 95 et 96 et les références).
4.3 Dans le cas présent, l'accident est survenu sur une place de parc (parking) ne comportant, hormis le balisage des places de parc au sol, aucune signalisation. En particulier, la voie d'entrée et de sortie de la place de parc (parking) n'est pas signalée comme principale. Cette voie permet d'accéder aux aires de stationnement, soit aux allées transversales séparant les cases de parc et, partant, à ces dernières. Ces mêmes allées transversales peuvent être empruntées par les automobilistes qui, après avoir quitté leur place de stationnement, veulent rejoindre la voie d'entrée et de sortie de la place de parc (parking). Entre celle-là et les allées, il n'y a pas de différence significative. Leur point de rencontre constitue donc une intersection au sens de l'art. 1 al. 8 1ère phrase OCR. A cet endroit, la règle de la priorité de droite est par conséquent applicable. Demeure réservé l'art. 36 al. 4 LCR, qui implique notamment que l'automobiliste qui, en avançant ou reculant, quitte une case de parc, doit la priorité aux autres usagers.
4.4 En l'espèce, l'accident s'est produit à l'intersection entre la voie d'entrée et de sortie de la place de parc (parking) et l'une des allées transversales, au moment où l'automobiliste Y.________, qui arrivait sur cette voie, bifurquait à droite pour entrer dans l'aire de stationnement et où le recourant, après avoir quitté sa case, sortait de cette aire et bifurquait à droite pour s'engager dans la voie d'entrée et de sortie, en vue de quitter la place de parc (parking). Le recourant survenait ainsi sur la droite de l'automobiliste Y.________, de sorte qu'il bénéficiait de la priorité. Le grief est donc fondé.
5.
Le recours doit ainsi être admis dans la mesure où il est recevable, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants.
Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il ne sera pas perçu de frais. Le canton de Vaud versera en revanche une indemnité de dépens au recourant pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
2.
Il n'est pas perçu de frais.
3.
Le canton de Vaud versera au recourant une indemnité de dépens de 3000 fr.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal d'arrondissement de la Côte.
Lausanne, le 1er octobre 2008
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Schneider Angéloz