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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_555/2008
{T 0/2}
Arrêt du 5 novembre 2008
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Merkli, Président,
Hungerbühler, Müller, Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffier: M. Dubey.
Parties
Administration fiscale du canton de Genève, rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3,
recourante,
contre
X.________, intimé,
représenté par Me Antoine Kohler, avocat,
Commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct du canton de Genève, Rue Ami Lullin 4, 1207 Genève.
Objet
Impôt fédéral direct pour la période fiscale 1989-1990, prescription
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 17 juin 2008.
Faits:
A.
X.________ s'est établi dans le canton de Genève en 1983. Il a élu domicile dans le canton de Vaud à la fin de l'année 1990.
Le 12 décembre 1996, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève a notifié à X.________ une décision de rappel d'impôt fédéral direct pour la période fiscale 1989/1990 d'un montant de 72'863 fr. 70, ainsi qu'une décision le condamnant au paiement d'une amende d'un montant de 18'216 fr. pour soustraction d'impôt fédéral direct consommée.
Par décision du 9 juillet 1998, l'Administration fiscale cantonale du canton de Genève a rejeté la réclamation déposée par l'intéressé à l'encontre des décisions rendues le 12 décembre 1996. Par décision du 14 mars 2001, la Commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct du canton de Genève a rejeté le recours déposé par l'intéressé contre la décision sur réclamation rendue le 9 juillet 1998.
B.
Le 23 avril 2001, X.________ a déposé un recours contre la décision rendue le 14 mars 2001 auprès du Tribunal administratif du canton de Genève. Il exposait notamment qu'il avait fait l'objet de procédures similaires en soustraction d'impôts dans le canton de Vaud à partir des périodes fiscales 1991/1992, que les décisions rendues par l'Administration cantonale vaudoise de l'impôt avaient fait l'objet de réclamations et que les décisions sur réclamation rendues le 27 février 1998 faisaient l'objet d'une procédure de recours depuis mars 1998 devant le Tribunal administratif du canton de Vaud. Il concluait à la suspension de la procédure de recours devant le Tribunal administratif du canton de Genève jusqu'à droit jugé sur la procédure de recours devant le Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi que jusqu'à droit jugé sur la réclamation déposée contre la décision vaudoise en matière d'impôt fédéral direct. Sur le fond, il concluait à l'annulation de la décision rendue le 14 mars 2001 par la Commission de recours en matière d'impôt du canton de Genève.
Par décision du 26 avril 2001, le juge délégué à l'instruction du Tribunal administratif du canton de Genève a suspendu la procédure de recours jusqu'à droit jugé sur la procédure pendante devant le Tribunal administratif du canton de Vaud ainsi que jusqu'à droit jugé sur la réclamation déposée contre la décision vaudoise en matière d'impôt fédéral direct.
Le 24 mai 2002, le juge délégué à l'instruction a envoyé au mandataire de l'intéressé un courrier aux fins de savoir si la procédure ouverte devant le Tribunal administratif vaudois était toujours en cours. Le cas échéant, une copie du jugement devait lui être adressée. Le 30 mai 2002, l'intéressé a informé le Tribunal administratif genevois que le Tribunal administratif vaudois n'avait pas encore rendu de jugement. L'Administration fiscale genevoise a reçu copie de ce courrier. Le 30 octobre 2002, sur demande du juge délégué, l'intéressé a informé le Tribunal administratif genevois qu'un arrêt avait été rendu le 20 août 2002 par le Tribunal administratif vaudois et que cet arrêt avait fait l'objet d'un recours auprès du Tribunal fédéral. L'Administration fiscale genevoise a reçu copie de ce courrier. Par lettre du 22 juillet 2003, l'intéressé a transmis une copie de l'arrêt rendu le 7 avril 2003 par le Tribunal fédéral. Comme une procédure de recours en matière d'impôt fédéral direct était encore pendante devant le Tribunal administratif vaudois, l'intéressé a demandé le maintien de la suspension prononcée le 26 avril 2001. L'Administration fiscale genevoise a reçu copie de ce courrier. Entre 2004 et 2007, sur demandes réitérées du juge délégué, l'intéressé a plusieurs fois confirmé que la cause vaudoise était toujours pendante. L'Administration fiscale genevoise a également reçu copie de ces courriers. Le 30 juillet 2007 enfin, l'intéressé a informé le Tribunal administratif genevois que le Tribunal administratif vaudois avait rendu son arrêt en date du 14 juin 2007.
C.
Par arrêt du 17 juin 2008, le Tribunal administratif du canton de Genève a admis le recours à l'encontre de la décision du 14 mars 2001. Il a jugé en substance qu'il devait se saisir d'office de la question de la prescription des créances fiscales litigieuses. Constatant que le dernier acte interruptif de la prescription avait eu lieu le 26 avril 2001 avec la décision de suspension de la procédure, il a jugé que les créances en cause étaient prescrites depuis le mois d'avril 2006.
D.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Administration fiscale du canton de Genève demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 17 juin 2008 pour violation de l'art. 128 de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct (AIFD ou encore arrêté sur l'impôt fédéral direct; RO 56 2021).
Le Tribunal administratif du canton de Genève s'en tient à l'arrêt attaqué. X.________ conclut au rejet du recours. L'Administration fédérale des contributions conclut à l'admission du recours.
Considérant en droit:
1.
Déposé en temps utile et dans les formes prévues par la loi (art. 100 al. 1 et 106 al. 2 LTF) contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut pas être attaquée devant le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 lettre d LTF; art. 33 lettre i LTAF) par l'Administration cantonale de l'impôt fédéral direct, qui a qualité pour recourir (art. 89 al. 2 lettre d LTF et 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 142.11]), le présent recours en matière de droit public est en principe recevable pour violation du droit fédéral (cf. art. 95 lettre a LTF).
2.
Sous réserve de la violation des droits fondamentaux et des dispositions du droit cantonal et intercantonal, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (cf. art. 106 LTF). Comme il n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent, il peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par l'autorité précédente. Conformément aux exigences de motivation prévues par l'art. 42 LTF, il n'examine en principe que les griefs qui ont été dûment motivés, pour autant que l'erreur de droit ne soit pas manifeste (ATF 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254).
3.
3.1 La prescription des créances d'impôt fédéral direct de la période fiscale 1989/1990 est régie par l'arrêté sur l'impôt fédéral direct car - bien qu'elle figure à la cinquième partie, relative à la procédure, de la loi sur l'impôt fédéral direct - la prescription doit être considérée comme une institution de droit matériel qui concerne directement l'existence de la créance fiscale (ATF 126 II 1 consid. 2a p. 2/3 et les arrêts cités).
3.2 D'après l'art. 128 AIFD, les créances résultant de l'assujettissement à l'impôt se prescrivent par cinq ans. La prescription court dès l'échéance de la créance. Elle est interrompue par tout acte tendant au recouvrement de celle-ci. Elle est suspendue tant que le contribuable ne peut être poursuivi en Suisse.
L'art. 128 AIFD ne précise pas la notion d'acte tendant au recouvrement de la créance fiscale entraînant l'interruption du délai de prescription. Selon la jurisprudence, il s'agit de toutes les mesures des autorités fiscales portées à la connaissance du contribuable et tendant à déterminer cette créance, notamment celles qui sont prises au cours de la procédure de réclamation ou de recours. Il en va de même de simples lettres ou d'injonctions qui visent la poursuite de la procédure de taxation (ATF 126 II 1 consid. 2f p. 5; 112 Ib 88 consid. 2b p. 93; Archives 59 p. 250 consid. 4d p. 256 et la jurisprudence citée; Känzig/ Behnisch, Die direkte Bundessteuer, 2e éd., IIIe partie, Bâle 1992 , n° 8 à 10 ad art. 128 AIFD), qu'elles aient été portées à la connaissance du contribuable par l'autorité de taxation ou par un tribunal (Archives 59, p. 250 consid. 4g, p. 257), ce dernier disposant au demeurant, d'après l'art. 109 al. 2 AIFD, des attributions mentionnées aux art. 89 à 91 AIFD (cf. également sur ce point, ATF 88 I 45 consid. 1b p. 46 s.).
Une communication de l'autorité de taxation indiquant à un contribuable que sa réclamation était transmise à l'autorité compétente (qui prendrait des mesures d'instruction dans la procédure de taxation) a ainsi été considérée comme un acte tendant au recouvrement de la créance fiscale interrompant la prescription dans la mesure où elle portait à la connaissance du contribuable la volonté des autorités de poursuivre les travaux aux fins de recouvrer la créance fiscale (arrêt 2A.271/2002 du 20 novembre 2002, consid. 2.3.3).
3.3 En l'espèce, les parties et l'instance précédente (cf. consid. 6 de l'arrêt attaqué) sont d'accord, à bon droit, pour considérer que la décision de suspension rendue le 26 avril 2001 par le Tribunal administratif a eu pour effet d'interrompre la prescription des créances litigieuses, qui n'était au demeurant pas encore acquise à cette date.
L'autorité précédente a en revanche jugé que les lettres que le juge délégué à l'instruction envoyait plusieurs fois par an au mandataire de l'intimé ne constituaient pas des actes tendant au recouvrement de la créance fiscale interrompant la prescription. En effet, selon elle, ces courriers visaient simplement à obtenir des informations sur le statut des procédures en cours dans le canton de Vaud, qui concernaient en outre des périodes fiscales ultérieures ne jouant aucun rôle dans le recouvrement de la créance d'impôt de l'autorité fiscale genevoise. Selon elle, les créances en cause étaient donc prescrites depuis le mois d'avril 2006.
Cette opinion ne saurait être suivie. La suspension de la procédure de recours devant le Tribunal administratif du canton de Genève avait été requise par l'intimé. Ce dernier soutenait à cet effet que le sort de la procédure de soustraction conduite par les autorités vaudoises aurait une influence sur la procédure en soustraction similaire ouverte dans le canton de Genève. Dans ces conditions, il pouvait et devait comprendre que les requêtes du juge délégué à l'instruction tendant à savoir si la procédure devant le Tribunal administratif du canton de Vaud était toujours en cours, constituaient des démarches destinées à mettre un terme à la suspension de la procédure de recours dont l'objet était précisément d'établir le bien-fondé, ou non, des créances fiscales litigieuses et finalement de décider de leur éventuel recouvrement. Dans ces conditions, les lettres adressées au mandataire de l'intimé constituaient des actes tendant au recouvrement des créances fiscales au sens de l'art. 128 AIFD.
On ne saurait suivre la motivation du Tribunal administratif selon laquelle la procédure vaudoise ne jouait aucun rôle sur la procédure genevoise. Pareille motivation est difficilement compréhensible et même contradictoire: le Tribunal administratif ne pouvait pas, sans tomber dans l'arbitraire, décider dans un premier temps (le 26 avril 2001) de suspendre la procédure de recours parce qu'il estimait nécessaire de connaître le sort de la procédure vaudoise, puis affirmer ensuite dans l'arrêt attaqué que cette procédure ne jouait aucun rôle dans le recouvrement des créances fiscales litigieuses.
3.4 En l'espèce, le juge délégué à l'instruction a envoyé à l'intimé une première lettre le 24 mai 2002 aux fins de savoir si la procédure ouverte devant le Tribunal administratif vaudois était toujours en cours. Le cas échéant, une copie du jugement devait lui être adressée. Cette lettre a été suivie de nombreux courriers de teneur identique entre 2004 et 2007 tous adressés au mandataire de l'intimé comme l'a constaté l'instance précédente dans l'arrêt attaqué. Chacune de ces lettres a eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de l'art. 128 AIFD à l'égard des créances fiscales litigieuses. La prescription n'était par conséquent pas acquise le 17 juin 2008 lorsque le Tribunal administratif du canton de Genève a rendu l'arrêt attaqué.
En jugeant que les créances litigieuses étaient prescrites, le Tribunal administratif du canton de Genève a violé l'art. 128 AIFD.
4.
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours et à l'annulation de l'arrêt rendu le 17 juin 2008 par le Tribunal administratif du canton de Genève. La cause est renvoyée au Tribunal administratif pour qu'il se prononce sur le fond du recours déposé le 23 avril 2001.
Succombant, l'intimé doit supporter les frais judiciaires (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Il n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. L'arrêt rendu le 17 juin 2008 par le Tribunal administratif du canton de Genève est annulé. La cause est renvoyée au Tribunal administratif du canton de Genève pour qu'il tranche le recours déposé le 23 avril 2001 sur le fond.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de X.________.
3.
Le présent arrêt est communiqué à l'Administration fiscale du canton de Genève, au mandataire de l'intimé, à la Commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct et au Tribunal administratif du canton de Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division juridique impôt fédéral direct.
Lausanne, le 5 novembre 2008
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Merkli Dubey