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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
8C_265/2008
Arrêt du 7 novembre 2008
Ire Cour de droit social
Composition
Mme et MM. les Juges Widmer, Juge présidant, Lustenberger et Frésard.
Greffier: M. Beauverd.
Parties
M.________,
recourante, représentée par Etude de Maîtres Charles Guerry, Marie-Laure Paschoud Page et Sandra Wohlhauser, rte du Beaumont 20, 1701 Fribourg,
contre
Vaudoise Générale Compagnie d'Assurances SA, Place de Milan, 1001 Lausanne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Fribourg Cour des assurances sociales du 21 février 2008.
Faits:
A.
M.________, née en 1971, a travaillé en qualité de sommelière au café-restaurant Y.________. A ce titre, elle était assurée obligatoirement contre le risque d'accident auprès de la Vaudoise générale, Compagnie d'assurances SA (ci-après : la Vaudoise). Le 11 juillet 1999, elle a perdu la maîtrise de sa voiture qui a effectué deux tonneaux et heurté un regard de source en ciment. Son passager est décédé sur place. Quant à l'assurée, elle a été conduite à l'Hôpital X.________, où le docteur S.________ a diagnostiqué une fracture-tassement de la vertèbre D6 et des contusions multiples (rapport du 27 août 1999). La Vaudoise a pris en charge le cas.
L'intéressée a repris son emploi à 50 % au mois de janvier 2000. Son activité a pris fin en mars 2001, l'employeur ayant remis son commerce.
Dans un rapport du 9 octobre 2000 adressé à la Vaudoise, le docteur P.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, a indiqué que le discret tassement du plateau supérieur de D6 avait guéri sans séquelles et qu'il n'existait plus d'incapacité de travail imputable à cette lésion.
La Vaudoise a confié une expertise au docteur R.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans un premier rapport du 6 janvier 2000, ce médecin a indiqué que l'assurée souffrait d'un état de stress post-traumatique, qu'actuellement, des facteurs étrangers à l'accident ne jouaient pas de rôle dans la genèse ou la persistance de ce trouble, que l'assurée était probablement incapable de travailler et qu'il était prématuré d'établir un pronostic. Dans un rapport complémentaire du 11 novembre 2000, le docteur R.________ a attesté que la symptomatologie évoquait encore un état de stress post-traumatique qui semblait bien en voie de chronification, la relation de causalité entre l'accident et cette affection psychique étant entière. Selon l'expert, les douleurs dont le docteur P.________ avait fait état, étaient dues à une somatisation dans le cadre d'un tableau dépressif. A son avis, l'incapacité de travail était de 50 %, mais le processus de guérison restait figé dans l'attente de l'issue de la procédure pénale. Dans un troisième rapport, du 28 novembre 2001, qu'il a signé avec le docteur O.________, rhumatologue, le docteur R.________ a attesté qu'il était devenu difficile d'admettre l'existence d'un état de stress post-traumatique. En revanche, le cas avait évolué et l'assurée présentait désormais des dorsalgies chroniques ainsi qu'un trouble somatoforme douloureux, dont la relation de causalité avec l'accident n'était que possible.
Par décision du 18 juin 2002, confirmée sur opposition le 29 juillet 2003, la Vaudoise a supprimé le droit de l'intéressée à des prestations d'assurance à partir du 10 décembre 2001, motif pris qu'il n'existait pas de relation de causalité entre l'accident et l'atteinte à la santé persistant à cette date.
B.
M.________ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg, en concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité fondée sur un taux d'incapacité de gain de 50 % à partir du 1er janvier 2002, et de 100 % dès le 1er février 2002.
A l'appui de ses conclusions, elle a produit une expertise qu'elle avait demandée à titre privé au docteur K.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport du 21 mai 2003, ce médecin s'est distancé des conclusions de son confrère R.________, considérant que les critères nécessaires au diagnostic d'un syndrome de stress post-traumatique étaient présents et que ce syndrome avait évolué vers une modification acquise de la personnalité. Par ailleurs, il a indiqué que le trouble somatoforme douloureux persistant constituait une atteinte à la santé relevant du domaine médical. A son avis, ces affections, au nombre desquelles il a ajouté un état dépressif majeur grave avec syndrome somatique, étaient invalidantes et entraînaient chez l'assurée une incapacité de travail de 50 % qui s'était accrue au fil du temps pour atteindre actuellement plus de 70 %.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Fribourg a constaté un taux d'invalidité de 50 % dès le 1er juillet 2000, et de 70 % à compter du 1er juin 2003 (cf. communications des 9 décembre 2003 et 12 mai 2004). L'assurée a alors modifié ses conclusions en ce sens que la Vaudoise fût condamnée à lui allouer ses prestations légales (frais de traitement, indemnités journalières, rente et indemnité pour atteinte à l'intégrité) au-delà du 10 décembre 2001, le taux de la rente étant fixé à 50 %, et 70 % à partir du 1er mai 2003.
La juridiction cantonale a rejeté le recours par jugement du 26 août 2004. Elle a considéré, en se fondant sur les conclusions du docteur R.________, qu'il n'existait pas de lien de causalité naturelle entre le trouble psychique et l'accident du 11 juillet 1999.
C.
Saisi d'un recours de droit administratif de M.________, le Tribunal fédéral des assurances l'a admis en ce sens que le jugement entrepris a été annulé, la cause étant renvoyée à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire au sens des motifs et nouveau jugement. Il a considéré, en résumé, que les motifs pour lesquels la juridiction cantonale avait écarté l'avis du docteur K.________ n'étaient pas convaincants, dans la mesure où ils étaient fondés sur la seule date des nouveaux examens médicaux pratiqués par le médecin prénommé (arrêt du 1er mars 2006 dans la cause U 355/04).
D.
Invité par la juridiction cantonale à se prononcer sur le rapport du docteur K.________ du 21 mai 2003, le docteur R.________ a présenté ses déterminations le 20 juin 2006. De son côté, le docteur K.________ a pris position sur ces déterminations dans un rapport du 18 septembre 2006.
Statuant le 21 février 2008, la juridiction cantonale a rejeté le recours dont elle était saisie.
E.
M.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont elle demande l'annulation, en concluant, sous suite de frais et dépens, au maintien de son droit à des prestations de l'assurance-accidents au-delà du 10 décembre 2001 et à l'octroi d'une rente fondée sur une incapacité de gain de 50 % à partir de cette date et de 70 % dès le 1er mai 2003. En outre, elle demande la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique, afin de savoir si l'atteinte à la santé psychique est durable au sens de l'art. 36 al. 1 OLAA. Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouveau jugement après instruction complémentaire sous la forme d'une expertise au sujet de l'existence d'un lien de causalité naturelle.
L'intimée conclut au rejet du recours, sans frais ni dépens. De son côté, l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à présenter des déterminations.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'intimée était fondée, par sa décision sur opposition du 29 juillet 2003, à supprimer le droit de la recourante à toute prestation d'assurance à partir du 10 décembre 2001.
Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 97 al. 2 LTF).
2.
Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b p. 289 et les références). Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 p. 181, 402 consid. 2.2 p. 405; 125 V 456 consid. 5a p. 461 et les références).
3.
Sur le plan somatique, il est constant que la recourante ne souffre plus, postérieurement au 10 décembre 2001, de troubles en relation avec l'accident du 11 juillet 1999.
4.
4.1 Sur le plan psychique, le docteur R.________ a indiqué que le diagnostic d'état de stress post-traumatique posé après l'accident était de plus en plus improbable, l'anamnèse et le status évoquant davantage un trouble de l'adaptation ayant évolué en trouble somatoforme douloureux dont la relation de causalité avec l'accident n'était que possible (rapport d'expertise du 28 novembre 2001). De son côté, le docteur K.________ a posé le diagnostic d'état de stress post-traumatique (F 43.1), d'état dépressif majeur grave avec syndrome somatique (F 32.2), de trouble douloureux somatoforme persistant (F 45.4) et de modifications persistantes autres de la personnalité (F 62.8).
Par sa décision sur opposition du 29 juillet 2003, l'intimée a nié le droit de l'assurée à des prestations à partir du 10 décembre 2001, motif pris de l'absence d'un lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l'accident. Elle s'est fondée pour cela sur les conclusions du docteur R.________.
Dans son jugement du 26 août 2004, la juridiction cantonale a nié l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre les troubles et l'accident. En ce qui concerne la causalité naturelle, elle s'est fondée sur les conclusions du docteur R.________ plutôt que sur celles du docteur K.________, motif pris que l'appréciation de celui-ci reposait sur un examen pratiqué quatre ans environ après l'accident, de sorte qu'une évaluation objective et précise de l'évolution de l'état de santé n'était plus réalisable.
Dans son arrêt du 1er mars 2006 (U 355/04), le Tribunal fédéral des assurances a considéré que le motif pour lequel la juridiction cantonale avait écarté l'avis du docteur K.________ n'était pas convaincant; dans la mesure où les conclusions des docteurs R.________ et K.________ étaient contradictoires sur des points déterminants, la juridiction cantonale aurait dû inviter le docteur R.________ à se déterminer sur les objections du docteur K.________ et, au cas où les faits déterminants pour la solution du litige seraient demeurés incertains, ordonner une expertise judiciaire afin de les établir.
Reprenant l'instruction de la cause, la juridiction cantonale a invité le docteur R.________ à se prononcer sur le rapport du docteur
K.________ du 21 mai 2003 (déterminations du 20 juin 2006), lequel a pris position sur ces déterminations le 18 septembre 2006.
4.2 Dans le jugement entrepris du 21 février 2008, la juridiction cantonale a derechef nié l'existence d'un lien de causalité naturelle et adéquate entre les troubles psychiques persistant après le 10 décembre 2001 et l'accident. En ce qui concerne la causalité naturelle, elle s'est référée à nouveau aux conclusions du docteur R.________ plutôt qu'à celles du docteur K.________. Elle a considéré, en effet, que contrairement à celle du docteur K.________, l'analyse du docteur R.________ a été menée dans le cadre strict de la procédure en matière d'assurance-accidents et qu'elle apporte ainsi des réponses claires et précises à la question topique de la causalité naturelle; en outre, le docteur R.________ souligne la contradiction contenue dans l'expertise de son confrère qui admet un état antérieur de fragilité sans l'intégrer dans l'analyse de la causalité; en outre, il explique de manière convaincante, à propos du syndrome de stress post-traumatique avec modification durable de la personnalité, que le facteur de stress, ici l'accident de la circulation, n'est pas d'une intensité telle que la vulnérabilité personnelle de la recourante puisse être écartée dans l'examen de la causalité; enfin, le docteur K.________ indique lui-même que le tableau clinique complexe ne permet pas d'établir un lien de causalité univoque avec l'événement considéré.
De son côté, la recourante conteste les motifs pour lesquels la juridiction cantonale a écarté les conclusions du docteur K.________ pour se référer à celles du docteur R.________. En particulier, elle reproche à celui-ci de ne pas avoir expliqué pourquoi l'état de stress post-traumatique en voie de chronification avancée, diagnostiqué les 6 janvier et 11 novembre 2000, aurait totalement disparu au mois de décembre 2001. Par ailleurs, elle soutient que la juridiction cantonale ne saurait tirer aucun argument du fait que la présence d'un état antérieur ne permet pas d'établir un lien de causalité univoque avec l'accident, du moment qu'il n'est pas nécessaire que celui-ci soit la cause unique de l'atteinte à la santé.
4.3 Le point central de la divergence entre les experts réside dans l'existence - niée par le docteur R.________ mais admise par le docteur K.________ - d'un syndrome de stress post-traumatique, ayant finalement évolué vers une modification acquise de la personnalité. Selon le docteur K.________, il est toutefois extrêmement difficile, dans le cas d'espèce, de trouver des arguments convaincants pour démontrer avec une probabilité suffisante qu'il existe un lien de causalité naturelle entre l'atteinte à la santé psychique persistant au moment de l'expertise et l'accident. L'expert prénommé est néanmoins d'avis qu'un tel lien existe pour le motif suivant: les situations traumatisantes vécues par l'assurée dans son enfance ont entraîné un certain degré de confusion entre agresseur et victime, et l'accident a remis en question cette identité fragile en transformant la victime d'autrefois en auteur de faits violents incontestables et meurtriers. Cela étant, il est difficile de saisir les critiques des premiers juges à l'endroit du rapport d'expertise du docteur K.________, selon lesquelles cet expert admet l'existence d'un état antérieur mais ne l'intègre pas dans son analyse de la causalité naturelle. Par ailleurs, s'il est vrai que, d'après l'expert prénommé, le tableau clinique complexe ne permet pas d'établir un lien de causalité « univoque » avec l'accident, cela n'est pas déterminant pour se prononcer sur la causalité naturelle, du moment qu'il n'est pas nécessaire que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit, en effet, que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337 et les références).
Vu ce qui précède, les motifs pour lesquels la juridiction cantonale a écarté l'avis du docteur K.________ pour se fonder sur les conclusions du docteur R.________ n'apparaissent pas pleinement convaincants.
4.4 Cela étant, il n'en demeure pas moins que la suppression du droit de la recourante à des prestations de l'assurance-accidents à partir du 10 décembre 2001 doit être confirmée pour un autre motif.
En effet, en ce qui concerne les troubles psychiques persistant après cette date, la juridiction cantonale a nié l'existence d'un lien de causalité adéquate entre ces troubles et l'accident du 11 juillet 1999 en se fondant sur les critères objectifs définis par la jurisprudence pour examiner le caractère adéquat du lien de causalité entre une atteinte à la santé psychique et un accident de gravité moyenne, à la limite des accidents graves (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409).
Ce point de vue est bien fondé. Si le critère relatif au caractère particulièrement impressionnant de l'accident est réalisé en raison du décès du passager à la suite de l'accident, il n'en demeure pas moins qu'aucun des autres critères n'est présent en l'occurrence. La recourante ne soutient pas le contraire mais fait valoir que la réalisation du critère en question suffit pour établir le caractère adéquat du lien de causalité.
La jurisprudence considère qu'un seul critère peut être suffisant pour que soit admise l'existence d'une relation de causalité adéquate entre un accident et une affection psychique, à la condition qu'il revête une importance particulière (ATF 115 V 133 consid. 6c/bb p. 140 s., 403 consid. 5c/bb p. 409; cf. également RAMA 1999 no U 335 p. 207, U 287/97 consid. 3b/bb et 3b/cc). Tel n'est toutefois pas le cas en l'espèce en ce qui concerne le critère relatif au caractère particulièrement impressionnant de l'accident. Il apparaît en effet que le passager décédé n'était pas un proche mais une connaissance de la recourante, laquelle, au demeurant, n'a jamais craint pour sa propre vie. En outre, comme elle l'a rapporté au docteur R.________, l'intéressée n'a pas assisté au décès de la victime et ne sait pas quand celui-ci a eu lieu car elle ne l'a appris que plus tard (cf. également avec l'arrêt RAMA 1999 no. U 335, précité).
Le jugement entrepris n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle mal fondé dans toutes ses conclusions.
5.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al.1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 7 novembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
p. la Juge présidant: Le Greffier:
Lustenberger Beauverd