Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_364/2008/ech
Arrêt du 12 décembre 2008
Ire Cour de droit civil
Composition
M. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett et Romy, juge suppléante.
Greffier: M. Carruzzo.
Parties
X.________,
recourant, représenté par Me André-François Derivaz,
contre
Y.________,
intimée, représentée par Me Danielle Preti.
Objet
responsabilité du dentiste,
recours en matière civile contre le jugement rendu le
10 juillet 2008 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Faits:
A.
En novembre 2001, Y.________ a consulté X.________, médecin-dentiste, en vue notamment de se faire poser plusieurs implants dentaires avec couronnes. Le Dr X.________ a procédé à divers traitements en 2002, qui ont donné lieu à des réclamations de Y.________. Cette dernière, insatisfaite du résultat, a par la suite consulté d'autres médecins-dentistes, qui ont effectué des traitements supplémentaires et de réparation.
Le Dr X.________ a adressé plusieurs factures à Y.________. Cette dernière s'en est acquittée partiellement; en revanche, elle a refusé de payer le solde des factures en invoquant la compensation avec sa propre créance en dommages-intérêts, d'un montant de 25'000 fr., qu'elle faisait valoir contre le prénommé. Ce montant comprenait les frais encourus pour les prestations effectuées par d'autres médecins-dentistes, le coût des travaux de réparation futurs nécessaires, les frais de trajet, les honoraires d'avocat ainsi qu'une indemnité pour tort moral.
Le 3 juin 2004, A.________ SA, qui s'était fait céder les créances d'honoraires contre Y.________, a fait notifier à celle-ci trois commandements de payer pour des soldes d'honoraires de 1'927 fr. 80, de 2'590 fr. 70 et de 4'522 fr. 90, auxquels s'ajoutaient les intérêts moratoires et les frais de recouvrement. Y.________ a formé opposition à ces poursuites.
B.
Aucun accord n'ayant été trouvé entre les parties, Y.________ a assigné X.________ devant les juridictions valaisannes. Selon ses conclusions dans leur teneur finale, elle demandait qu'il soit condamné à lui payer la somme de 20'120 fr. 75 à titre de dommages-intérêts ainsi que 6'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral, le tout avec intérêts.
Le défendeur a conclu au rejet des conclusions de la demanderesse et, reconventionnellement, à ce que cette dernière lui paye le montant de 10'221 fr. 25 plus intérêts, ce montant étant compensé à due concurrence avec celui de 5'425 fr. 90 qu'il reconnaissait devoir à la demanderesse. Celle-ci a conclu à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au rejet de la demande reconventionnelle.
Par jugement du 10 juillet 2008, la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné le défendeur à verser à la demanderesse le montant de 11'092 fr. 05, avec intérêts à 5% dès le 1er janvier 2004, ainsi que 7'484 fr. 70, rejetant toute autre et plus ample conclusion. Elle a considéré, en substance, que le défendeur avait manqué à son devoir de diligence au sens de l'art. 398 al. 2 CO lors de la pose des implants.
C.
Le défendeur a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile. Il conclut à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce sens que lui-même est reconnu débiteur de la demanderesse du montant de 5'425 fr. 90 reconnu par lui, que la demanderesse est reconnue débitrice envers lui du montant de 10'221 fr. 25 et que ce dernier montant est compensé à due concurrence avec le montant précité. Le recourant a sollicité également l'octroi de l'effet suspensif à son recours, ce qu'il a obtenu à titre superprovisoire par ordonnance présidentielle du 14 août 2008.
L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 379 consid. 1 et l'arrêt cité).
1.1 La voie du recours en matière civile n'est en principe ouverte que si la valeur litigieuse minimale fixée par la loi est atteinte. Dans les autres causes que celles du droit du travail et du droit du bail à loyer, elle est de 30'000 francs (art. 74 al. 1 let. b LTF). Il appartient à la cour cantonale d'indiquer les voies de droit, y compris l'indication de la valeur litigieuse dans les cas où la LTF requiert une valeur litigieuse minimale (art. 112 al. 1 let. d LTF), ce que la cour cantonale a omis de faire en l'espèce. Le recourant, représenté par un avocat, ne se plaint toutefois pas de cette omission.
1.2 En vertu de l'art. 51 al. 1 LTF, en cas de recours contre une décision finale, la valeur litigieuse est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente. Les intérêts, notamment, n'entrent pas en ligne de compte dans la détermination de la valeur litigieuse (art. 51 al. 3 LTF).
En l'espèce, les conclusions restées litigieuses devant l'autorité cantonale unique sont, pour la demande principale, de 20'120 fr. 75 à titre de dommages-intérêts, et de fr. 6'000 à titre d'indemnité pour tort moral. Ces deux montants s'additionnent puisque ces divers chefs de conclusions ne s'excluent pas (art. 52 LTF), de sorte que la conclusion principale a une valeur litigieuse de 26'120 fr. 75.
La demande reconventionnelle formée par le recourant s'élève à 10'221 fr. 25. Étant donné qu'en procédure cantonale, il a reconnu devoir 5'425 fr. 90 à l'intimée et a déclaré compenser cette dette avec sa créance de 10'221 fr. 25, la conclusion reconventionnelle restée litigieuse devant le tribunal cantonal est de 4'795 fr. 35.
Aux termes de l'art. 53 LTF, le montant d'une demande reconventionnelle et celui de la demande principale ne sont pas additionnés (al. 1). Si les conclusions de la demande principale et de la demande reconventionnelle s'excluent et si l'une de ces demandes n'atteint pas à elle seule la valeur litigieuse minimale, cette demande est quand même réputée atteindre la valeur litigieuse minimale si le recours porte sur les deux demandes (al. 2).
L'art. 53 al. 2 LTF correspond dans sa teneur à l'art. 47 al. 3 OJ, en dépit d'une légère modification rédactionnelle (voir le Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, du 28 février 2001, FF 2001 p. 4000 ss, 4099).
1.3 Contrairement à ce que semble suggérer le recourant, cette disposition, tout comme l'art. 47 al. 3 de l'ancienne OJ, ne prévoit pas l'addition des deux demandes, principale et reconventionnelle, mais consacre la recevabilité du recours par attraction à l'égard de la demande qui n'atteint pas la valeur litigieuse minimale prescrite à l'art. 74 al. 1 let. b LTF pour les affaires pécuniaires (cf. JEAN-FRANÇOIS POUDRET, COJ, p. 256). L'art. 53 al. 2 LTF exige cependant que l'une au moins des demandes atteigne la valeur litigieuse minimale requise. La recevabilité par attraction permet alors de porter devant le Tribunal fédéral la demande qui n'atteint pas la compétence de ce tribunal, ceci afin d'éviter des décisions contradictoires sur des demandes qui ne sauraient être admises concurremment (cf. ATF 73 II 48; POUDRET, op. cit., p. 256 s.;). Cette attraction de compétence exige en outre que les conclusions s'excluent (arrêt 5A_332/2007 du 15 novembre 2007 consid. 2.2; POUDRET, op. cit., p. 261).
En l'espèce, aucune des deux demandes, principale et reconventionnelle, n'atteint à elle seule le seuil de 30'000 fr., de sorte que le recours n'est recevable ni pour l'une ni pour l'autre, l'art. 53 al. 2 LTF n'ayant pas pour objet de permettre l'addition exclue par l'art. 53 al. 1 LTF (voir POUDRET, op. cit., p. 258).
1.4 Le recours en matière civile est recevable même lorsque la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, si la contestation soulève une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF), ce que le recourant doit motiver (art. 42 al. 2 LTF). Or, le mémoire de recours ne contient aucune motivation à cet égard, l'argument n'étant pas même soulevé, de sorte que le recours en matière civile est irrecevable.
2.
L'intitulé erroné d'un recours ne nuit pas à son auteur, pour autant que les conditions de recevabilité du recours qui aurait dû être interjeté soient réunies (cf. arrêt 4A_524/2007 du 4 février 2008 consid. 3 et les arrêts cités). En l'espèce, étant donné que la valeur litigieuse pour entrer en matière sur le recours en matière civile n'est pas atteinte, ce recours ne peut qu'être déclaré irrecevable dans son ensemble et pourrait être ainsi converti en recours constitutionnel subsidiaire, si les conditions de recevabilité de ce recours sont réunies, ce qu'il convient d'examiner.
3.
Exercé par le défendeur qui a succombé, et dirigé contre un arrêt final (art. 90 al. 1 LTF auquel renvoie l'art. 117 LTF) contre lequel un recours en matière civile n'est pas ouvert (art. 113 LTF), le recours constitutionnel subsidiaire est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai, compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. b LTF en liaison avec l'art. 100 al. 1 LTF auquel renvoie l'art. 117 LTF), et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
3.1 Le recours constitutionnel subsidiaire peut être formé pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral doit statuer sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 118 al. 1 LTF); il ne peut rectifier ou compléter que les constatations de fait auxquelles l'autorité précédente est parvenue en violation des droits constitutionnels (art. 118 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine s'il y a violation d'un droit fondamental que lorsque le recourant a invoqué et motivé ce grief (art. 117 LTF renvoyant à l'art. 106 al. 2 LTF). Les exigences de motivation correspondent à celles de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 133 III 393 consid. 6; 133 IV 286 consid. 1.4). Partant, en plus d'expliquer en quoi la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (ATF 133 III 393 consid. 7.1), il faut démontrer de manière claire et détaillée dans quelle mesure les constatations de fait violent la Constitution, en particulier sont arbitraires (art. 9 Cst.), manifestement insoutenables, c'est-à-dire en contradiction claire avec la situation de fait, reposent sur une erreur patente ou ne se laissent justifier d'aucune manière (ATF 130 I 258 consid. 1.3; 128 I 81 consid. 2; 120 la 31 consid. 4b). Pour ce faire, il faut expliquer, en s'appuyant sur les considérants de l'arrêt attaqué, dans quelle mesure un droit constitutionnel a été violé (ATF 133 III 393 consid. 6). Il faut alléguer que des éléments de preuve auraient été omis sans raison sérieuse ou que l'autorité cantonale aurait tiré des constatations insoutenables des éléments recueillis (arrêt 4P.175/2006 du 24 novembre 2006 consid. 4). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 262). Seuls les griefs expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée sont examinés.
Par ailleurs, aucun fait nouveau ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF).
3.2 La plupart des griefs soulevés par le recourant à l'appui de son recours sont irrecevables dans le cadre d'un recours constitutionnel subsidiaire. En effet, dans une argumentation des plus confuses, qui mêle fait et droit, le recourant invoque une constatation inexacte et incomplète des faits en violation des art. 4 et 8 CC , des art. 1er et 18 CO ainsi que des règles du droit cantonal de procédure relatives à l'allégation (art. 66 al. 4 et 149 al. 1 du Code de procédure civile valaisan). Ces griefs sont irrecevables, puisque le recours constitutionnel subsidiaire n'est ouvert que pour se plaindre de la violation des droits constitutionnels, que le recourant ne fait pas valoir (art. 116 LTF). Il ne suffit pas, pour remplir les conditions de motivation de l'art. 116 LTF rappelées ci-dessus, de déclarer péremptoirement que l'appréciation des preuves ou la constatation des faits effectuée par l'autorité cantonale est "franchement insoutenable", comme le fait le recourant. Ce dernier aurait dû, bien plutôt, énoncer expressément quels droits constitutionnels ont été enfreints par la cour cantonale en relation avec l'établissement des faits (art. 118 al. 2 LTF) et démontrer de façon claire et détaillée en quoi réside cette violation, ce qu'il n'a pas fait.
3.3 Le recourant invoque la violation de l'art. 9 Cst. et la constatation prétendument arbitraire des faits en relation avec l'obturation canalaire incomplète de la dent 17. La cour cantonale a considéré à cet égard, en se fondant sur l'expertise T.________, que l'obturation canalaire de la dent 17 était incomplète, ce qui était à l'origine des douleurs et de la gêne dont l'intimée avait souffert à la mastication. Elle a considéré, en s'écartant sur ce point de ladite expertise et en procédant à une appréciation motivée des preuves et des témoignages, que cette obturation incomplète était bien le fait du recourant et qu'à cet égard, il avait manqué à son devoir de diligence au sens de l'art. 398 al. 2 CO.
Le recourant fait valoir que les faits relatifs à l'obturation incomplète de ce canal ont été constatés de manière arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Son argumentation est confuse et de nature appellatoire, de sorte qu'il est douteux que les exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF, applicable par renvoi de l'art. 117 LTF, soient remplies. Cette question peut néanmoins être laissée ouverte dans la mesure où ce grief doit de toute façon être écarté, pour les raisons suivantes:
L'expertise T.________ considère que l'obturation canalaire incomplète de la dent 17 ne saurait être imputée à faute au recourant, dès lors que le dossier ne renfermait pas d'élément permettant de définir à quelle date et par quel médecin le traitement préalable avait été effectué, ni à quel moment une part de la symptomatologie pouvait être rattachée au traitement radiculaire.
On observera en premier lieu que la question de savoir si le recourant a commis une faute ou un manquement à son devoir de diligence relève du droit et non du fait, de sorte que le juge n'est en aucun cas lié par les déclarations d'un expert qui se prononcerait à tort sur cette question.
Deuxièmement, la cour cantonale a soigneusement énuméré et présenté les éléments de preuve établissant que c'est bien le recourant qui avait traité la dent 17 et que les maux dont souffrait l'intimée résultaient de cette obturation incomplète. La cour cantonale s'est fondée sur les propres déclarations du recourant, qui a admis avoir traité cette dent, ainsi que sur le témoignage d'un autre dentiste, le Dr B.________. Le recourant admet expressément dans son recours qu'il a traité la dent 17. En outre, l'expertise T.________ confirme elle-même que les maux subis par l'intimée proviennent de l'obturation incomplète de la dent 17.
Le recourant, tout en admettant qu'il a traité la dent 17, fait valoir que ce traitement n'aurait duré que jusqu'en novembre 2002 et non jusqu'en janvier 2003 comme l'aurait admis à tort la cour cantonale. Ce point n'a cependant aucune pertinence pour l'issue de la procédure, dès lors que la cour cantonale mentionne bien que l'intimée a consulté un autre médecin que le recourant en janvier 2003, mais précise que jusqu'aux soins apportés par D.________ en automne 2003, aucun des praticiens consultés par l'intimée n'a traité la dent 17.
Enfin, le recourant fait valoir que l'on ne saurait lui reprocher aucun manquement à son devoir de diligence contractuel dès lors que le traitement radiculaire de la dent 17 n'était pas terminé mais toujours en cours lorsque l'intimée a consulté un autre médecin en janvier 2003; le traitement opéré n'était que provisoire et le recourant aurait procédé à l'obturation définitive si l'intimée lui avait laissé la possibilité et le temps de continuer ce traitement. Cette argumentation se fonde sur des faits qui ne résultent pas de la décision attaquée, de sorte que le Tribunal fédéral ne peut pas les prendre en considération (art. 118 al. 1 LTF). Par ailleurs, le recourant n'invoque pas que la cour cantonale aurait violé le droit constitutionnel en ne retenant pas les faits précités, ni qu'elle aurait apprécié les preuves y relatives de manière arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.
Au vu de ce qui précède, les constatations de la cour cantonale, selon lesquelles le recourant a procédé à une obturation incomplète du canal radiculaire de la dent 17 et a manqué de ce fait à son devoir de diligence, ne sont pas entachées de la moindre trace d'arbitraire.
Pour ces raisons, le recours constitutionnel subsidiaire doit être rejeté, dans la très faible mesure de sa recevabilité.
4.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). En outre, il devra verser à l'intimée une indemnité à titre de dépens ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ). Vu le sort du recours, la requête de restitution de l'effet suspensif devient sans objet.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours, traité comme un recours constitutionnel subsidiaire, est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le recourant versera à l'intimée une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais.
Lausanne, le 12 décembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Corboz Carruzzo