Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_319/2008
Arrêt du 16 décembre 2008
Ire Cour de droit civil
Composition
MM. et Mmes les Juges Corboz, Président, Klett, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Parties
X.________,
recourante, représentée par Me Michel Bosshard,
contre
Y.________,
intimée.
Objet
contrat de travail; effets de droit civil d'un engagement envers l'Etat,
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève du 27 mai 2008.
Faits:
A.
En 1999, A.________, alors diplomate au sein d'une mission permanente, à Genève, voulait engager, en qualité d'employée de maison, Y.________, ressortissante des Philippines résidant dans ce pays.
La procédure d'engagement était soumise à la directive du 1er mai 1998 du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sur l'engagement des domestiques privés par les fonctionnaires internationaux (ci-après: directive du DFAE de 1998 ou la directive), en vigueur jusqu'au 30 avril 2006. Parmi les conditions d'admission et de séjour du domestique privé, le chiffre 3.1 de la directive instituait notamment l'obligation de travailler à plein temps pour un seul et même employeur; à titre exceptionnel, un domestique privé engagé selon le chiffre 3.1 pouvait être autorisé à travailler pour deux employeurs, lesquels devaient tous deux être autorisés à engager un domestique privé au bénéfice d'une carte de légitimation (chiffre 3.21 de la directive). L'établissement d'une carte de légitimation supposait que l'organisation de l'employeur adressât à la Mission suisse, avant la prise d'emploi, diverses pièces justificatives, parmi lesquelles devaient figurer trois exemplaires originaux de la déclaration de garantie de l'employeur, signés par celui-ci, ainsi que trois exemplaires originaux de la déclaration du domestique privé, signés par ce dernier.
Par la déclaration susmentionnée, l'employeur garantissait vis-à-vis des autorités suisses le paiement de cotisations et frais déterminés (cotisations aux assurances conformément aux dispositions de la directive, frais médicaux non couverts pas les assurances, frais de voyage du retour dans le pays d'origine du domestique privé) ainsi que la fourniture du logement et de la nourriture conformément à la directive; par ailleurs, l'employeur déclarait avoir pris connaissance des dispositions de la directive et de la déclaration faite par son futur domestique privé, auquel il devait remettre copie de la déclaration de l'employeur.
Dans la déclaration de l'employé, le domestique privé prenait note, entre autres, qu'il devait travailler à plein temps pour un seul et même employeur, à moins d'avoir été autorisé par la Mission suisse à travailler simultanément pour deux employeurs.
Le 1er août 1999, Y.________ a signé la déclaration du domestique privé; le 16 septembre 1999, A.________ a signé la déclaration de garantie de l'employeur, avant de faire parvenir les deux déclarations à la Mission suisse. Le 14 décembre 1999, les parties ont signé un contrat de travail préformulé, soumis au droit suisse; A.________ s'engageait à occuper Y.________ à raison de huit heures par jour, six jours par semaine, à lui verser un salaire mensuel de 1'500 fr., à lui accorder le logement ainsi qu'une allocation «nourriture» de 300 fr. par mois et à prendre en charge différents frais.
Ayant obtenu le visa demandé, Y.________ est arrivée en Suisse le 9 janvier 2000. Le 21 janvier 2000, elle s'est vu délivrer, par la Mission suisse, une carte de légitimation F. Fin février 2000, elle a commencé à travailler chez A.________. Dès le début des rapports de travail, l'employeur a informé Y.________ qu'il n'était pas à même de l'occuper à plein temps et qu'elle devait chercher un travail complémentaire ailleurs. Elle a rapidement trouvé un tel emploi, chez B.________, fonctionnaire internationale. Ce deuxième emploi n'a pas été porté à la connaissance de la Mission suisse et n'a pas été autorisé par le DFAE. Dans un premier temps, B.________ n'a occupé Y.________ comme employée de maison qu'à raison de trois heures par semaine; à partir de l'été 2003, elle lui a donné davantage de travail. Cet emploi complémentaire a duré jusqu'en juin 2005.
Avant son départ de Suisse, à fin mars 2001, A.________ a suggéré à Y.________ d'entrer au service de C.________, également diplomate, lequel a déféré à la procédure d'engagement prévue par la directive. A son tour, le nouvel employeur a fait savoir à Y.________ qu'il ne pouvait lui fournir un emploi à plein temps, mais tout au plus une mise à contribution de neuf heures par semaine. Le 17 octobre 2001, les parties ont signé un contrat de travail, prévoyant, entre autres, un salaire mensuel brut de 948 fr.50 pour une durée de travail hebdomadaire de neuf heures. De fait, les rapports de travail avaient commencé en mai 2001 et se sont poursuivis jusqu'au 30 avril 2003, date à laquelle C.________ a quitté la Suisse.
Avant son départ, l'employeur a recommandé Y.________ à X.________, alors diplomate auprès d'une mission permanente; il lui a fait part de sa préoccupation au sujet de la carte de légitimation de l'employée et, partant, de son droit de rester en Suisse. Conformément à la procédure d'engagement prévue par la directive du DFAE de 1998, X.________ a fait signer à Y.________ la déclaration du domestique privé et a signé la déclaration de garantie de l'employeur, puis elle a fait parvenir ces documents, par les soins de sa mission permanente, à la Mission suisse, laquelle a alors établi à l'intention de Y.________, le 27 mai 2003, une carte de légitimation F. X.________ a d'emblée fait savoir à Y.________ qu'elle n'était pas à même de lui fournir un emploi à plein temps, mais tout au plus une occupation équivalente à son travail précédent, à savoir neuf heures par semaine, pour un salaire identique, soit 20 fr. de l'heure. Elle l'a encouragée à trouver un autre employeur pour le temps restant. Au moment de l'engagement de Y.________, X.________ ne connaissait pas B.________; à aucun moment il n'y a eu concertation entre ces deux employeuses. Le 8 août 2003, X.________ a fait signer à Y.________ un contrat de travail, identique à celui que la travailleuse avait conclu avec C.________; le contrat prévoyait notamment une durée de travail de neuf heures par semaine et un salaire mensuel brut de 948 fr.50. En réalité, les rapports de travail avaient commencé fin mai 2003. Dès le début, X.________ n'a occupé Y.________ que trois heures par semaine, le vendredi matin. L'employée recevait 240 fr. par mois, montant qui lui était remis de la main à la main; X.________ a pris en charge la totalité des primes d'assurance-maladie de la travailleuse. Le contrat de travail a pris fin le 26 juillet 2004.
Du 1er juin 2003 au 31 juillet 2004, Y.________ a réalisé en sus un revenu mensuel de 1'340 fr., correspondant à des prestations de travail effectuées auprès d'autres employeurs que X.________, dont B.________. Elle n'a pas pris de vacances pendant cette période.
B.
Le 4 décembre 2006, Y.________ a assigné X.________ en paiement de 43'916 fr.95, soit 40'540 fr. à titre de différence entre le salaire payé et le salaire prévu pour un emploi à plein temps par le contrat-type genevois pour les travailleurs de l'économie domestique et 3'376 fr.95 à titre d'indemnité de vacances non prises, le tout avec intérêts à 5 % dès le 1er septembre 2004.
Par jugement du 7 août 2007, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a condamné X.________ à payer à Y.________ le montant brut de 280 fr. avec intérêts à 5 % dès le 1er septembre 2004, à titre d'indemnité pour vacances non prises.
Y.________ a formé appel, concluant à ce que X.________ lui verse 29'725 fr.75, soit 27'440 fr. à titre de salaire et 2'285 fr.75 à titre d'indemnité pour vacances non prises. Statuant le 27 mai 2008, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a annulé le jugement de première instance et condamné l'employeuse à verser à Y.________ la somme nette de 6'815 fr.50 avec intérêts à 5 % dès le 1er septembre 2004. Selon l'arrêt cantonal, la travailleuse pouvait prétendre à un salaire pour un emploi à plein temps pendant quatorze mois, soit du 1er juin 2003 au 31 juillet 2004. En substance, la cour cantonale a considéré qu'en signant la déclaration de garantie, l'employeuse avait attesté savoir que l'engagement à plein temps de la domestique constituait l'une des conditions d'admission et de séjour en Suisse de ladite employée; ce faisant, l'employeuse était tenue, en vertu d'une obligation de droit public, de respecter cet engagement, dont la travailleuse pouvait se prévaloir devant les tribunaux civils, conformément à l'art. 342 al. 2 CO («effet horizontal» de l'engagement). La Cour d'appel excluait par ailleurs tout abus de droit de la part de l'employée. Au montant de 33'700 fr. représentant le salaire dû pendant quatorze mois pour un travail à temps plein, il convenait d'ajouter l'indemnité pour les vacances par 1'244 fr.50. De la somme totale de 34'944 fr.50 ainsi obtenue, la cour cantonale a déduit le salaire perçu de X.________ (3'360 fr.), les revenus réalisés chez d'autres employeurs (18'760 fr.) et les primes d'assurance-maladie payées par l'employeuse (6'009 fr.) pour aboutir à un solde de 6'815 fr.50 encore dû à Y.________.
C.
X.________ interjette un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire. Elle demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal du 27 mai 2008 et de confirmer le jugement de première instance du 7 août 2007.
Y.________ n'a pas déposé de réponse dans le délai qui lui avait été imparti à cette fin.
L'autorité cantonale a formulé des observations.
La cour de céans a délibéré sur les recours en séance publique.
Considérant en droit:
1.
1.1 L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF) dans une affaire dont la valeur litigieuse, déterminée par les conclusions encore contestées devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF), atteint le seuil de 15'000 fr. prévu en matière de droit du travail (art. 74 al. 1 let. a LTF). Le recours en matière civile est ainsi ouvert de sorte que le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable (art. 113 LTF).
1.2 Le recours a été interjeté par la partie qui a succombé partiellement dans ses conclusions libératoires (art. 76 al. 1 LTF). Par ailleurs, il a été déposé dans le délai (art. 45 al. 1 et art. 100 al. 1 LTF ) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il convient dès lors d'entrer en matière.
1.3 Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), y compris les droits constitutionnels (ATF 133 III 446 consid. 3.1 p. 447, 462 consid. 2.3). Saisi d'un tel recours, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF) sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), que le recours ne peut critiquer que s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 134 V 53 consid. 4.3) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
En l'espèce, les éléments de fait présentés dans le recours ne seront pris en compte que s'ils ressortent de l'arrêt entrepris ou si la recourante démontre qu'une exception telle que définie ci-dessus est réalisée.
1.4 Au surplus, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les moyens du recours ni par le raisonnement de la cour cantonale, ce qui implique qu'il peut admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés ou, à l'inverse, rejeter un recours en substituant une nouvelle argumentation à celle de l'autorité précédente (ATF 134 III 102 consid. 1.1 et l'arrêt cité). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sanctionnée par l'irrecevabilité des recours dont la motivation est manifestement insuffisante (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est donc pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
2.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante soutient tout d'abord que l'arrêt attaqué est entaché d'arbitraire. La cour cantonale aurait admis de manière insoutenable, d'une part, que la déclaration de garantie signée par l'employeuse comprenait la promesse d'occuper la domestique à plein temps et, d'autre part, que cet engagement conditionnait l'octroi d'une carte de légitimation par le DFAE. La recourante fait observer à cet égard que, dans sa déclaration de garantie, elle a uniquement attesté avoir pris connaissance de la directive du DFAE de 1998, mais ne s'est pas engagée à en respecter les termes. En effet, la déclaration de garantie distingue les éléments - expressément énumérés - que l'employeur garantit vis-à-vis des autorités suisses, comme le paiement de certaines cotisations, de ceux dont il déclare simplement avoir pris connaissance, comme la directive en général; or, la fourniture d'un travail à plein temps au domestique ne fait pas partie de la liste des garanties expresses de la déclaration de l'employeur. La recourante en déduit que la délivrance d'une carte de légitimation à l'employé de maison n'est pas soumise à la promesse de l'employeur d'occuper le domestique à plein temps. L'arrêt attaqué serait ainsi arbitraire dans son résultat, dans la mesure où il condamne l'employeuse à verser à la travailleuse un salaire pour une occupation à temps complet, alors que les parties ont passé un contrat portant sur trois heures de travail par semaine et que l'intimée n'a jamais effectué plus d'heures que celles convenues.
La recourante voit également un abus de droit dans l'attitude de l'intimée. Elle fait valoir que l'employée a signé une déclaration dans laquelle elle s'engage envers le DFAE à travailler à plein temps pour un seul employeur et qu'elle a insisté pour que la recourante lui obtienne une nouvelle carte de légitimation, tout en sachant qu'elle ne travaillerait pas plus de trois heures par semaine pour cette employeuse.
La recourante se plaint enfin d'une violation de la liberté contractuelle, consacrée aux art. 1er et 19 CO et découlant tant de la liberté économique garantie par l'art. 27 Cst. que de la liberté personnelle. L'obligation pour un fonctionnaire international d'occuper un domestique privé à temps complet constituerait une restriction portant une atteinte grave à la liberté contractuelle et, partant, ne pourrait être fondée que sur une base légale satisfaisant aux exigences de l'art. 36 Cst. Or, la directive du DFAE de 1998 ne remplirait pas ces conditions.
3.
3.1 Selon le contrat de travail signé par les parties, l'intimée devait fournir sa prestation à raison de neuf heures par semaine. En réalité, la recourante n'a occupé l'employée de maison que trois heures par semaine. Il ne résulte pas de l'état de fait déterminant que l'intimée, qui travaillait par ailleurs pour une autre employeuse, ait demandé à effectuer six heures hebdomadaires supplémentaires auprès de la recourante ou, à tout le moins, ait offert ses services dans cette mesure. Dans ces conditions, il convient de retenir l'existence d'un accord implicite sur un taux d'occupation de trois heures par semaine.
3.2 La question litigieuse en l'espèce est la suivante: l'intimée ne peut-elle réclamer à la recourante que le salaire afférent aux heures de travail fournies effectivement et conformément au contrat? Ou alors peut-elle prétendre au salaire correspondant à un emploi à plein temps, en se prévalant, par le biais de l'art. 342 al. 2 CO, d'une obligation de droit public de la recourante portant sur l'engagement d'une domestique privée à temps complet?
3.2.1 L'art. 342 al. 2 CO autorise une partie à un contrat de travail à agir civilement afin d'obtenir l'exécution d'une obligation de droit public imposée à son cocontractant par des dispositions fédérales ou cantonales sur le travail et susceptible d'être l'objet d'un contrat individuel de travail. L'obligation de droit public peut résulter directement d'une norme générale et abstraite, mais elle peut aussi être fondée sur une décision (STAEHELIN/VISCHER, Zürcher Kommentar, n° 15 ad art. 342 CO; REHBINDER, Berner Kommentar, n° 14 ad art. 342 CO).
Dans le domaine du droit des étrangers ordinaire, le Tribunal fédéral a appliqué l'art. 342 al. 2 CO en rapport avec l'art. 9 al. 1 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007; cf. actuellement art. 22 LEtr [RS 142.20] et art. 22 OASA [RS 142.201]), disposition qui soumet l'autorisation nécessaire pour exercer une activité lucrative, notamment, à la garantie que le travailleur bénéficie des conditions de rémunération usuelles dans la localité et la profession en question. Il a ainsi admis qu'une fois l'autorisation délivrée, l'employeur est tenu, en vertu d'une obligation de droit public, de respecter les conditions qui l'assortissent, en particulier le salaire approuvé par l'autorité administrative; le travailleur dispose alors d'une prétention qu'il peut exercer devant les juridictions civiles, le juge civil étant lié par les conditions de rémunération fixées dans l'autorisation délivrée pour un emploi donné. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a rappelé le but visé par l'art. 9 OLE, qui tend à maintenir la paix sociale en préservant les travailleurs suisses d'une sous-enchère salariale induite par la main d'oeuvre étrangère, d'une part, et en protégeant les travailleurs étrangers eux-mêmes, d'autre part (ATF 122 III 110 consid. 4d p. 114/115; 129 III 618 consid. 5.1 p. 621/622 et et consid. 6.1 p. 623).
3.2.2 La procédure permettant à l'intimée, de nationalité étrangère, de travailler en Suisse pour la recourante, diplomate auprès d'une mission permanente, n'était pas régie par le droit des étrangers ordinaire. Aux termes de l'art. 25 al. 1 let. f de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers applicable à l'époque (LSEE; cf. actuellement art. 98 al. 2 LEtr), le Conseil fédéral est autorisé à régler, dans le domaine de la police des étrangers, le traitement spécial des représentants d'Etats étrangers ou des membres d'organisations internationales. Il a ainsi soustrait à l'application de l'OLE, en particulier, les membres de missions diplomatiques et permanentes ainsi que le personnel privé au service de ces personnes, pour autant qu'ils soient titulaires d'une pièce de légitimation établie par le DFAE (art. 4 al. 1 let. a et d OLE; cf. actuellement, art. 43 al. 1 let. a et d OASA). C'est en effet le DFAE qui est compétent pour délivrer la carte de légitimation, valant à la fois titre de séjour et autorisation de travail dans un domaine délimité (cf. arrêt 2A.432/1999 du 12 avril 2000 consid. 2; LUCIUS CAFLISCH, La pratique suisse en matière de droit international public, in ASDI 1988, p. 238/239).
Le séjour du domestique privé étranger en Suisse est soumis à certaines conditions, dont celle de travailler à plein temps pour un seul et même employeur (art. 3.1 de la directive du DFAE de 1998); l'unique dérogation concerne la possibilité de répartir ce temps de travail entre deux employeurs autorisés à engager un tel travailleur étranger (art. 3.21 de la directive). L'exigence d'un emploi à temps complet, voire de deux emplois représentant ensemble une activité à cent pour cent, vise à garantir des moyens de subsistance suffisants au domestique, dès lors qu'un emploi à temps partiel dans ce secteur ne permet guère de réaliser un revenu assurant une existence décente. Cette condition tend ainsi à protéger l'employé de maison étranger, mais également à éviter le travail au noir, source de dumping salarial défavorable aux travailleurs suisses. Ce double objectif de protection, qui cherche à préserver la paix sociale, correspond au but visé par l'art. 9 OLE en imposant le respect des conditions salariales usuelles par l'employeur qui occupe un travailleur étranger. A cet égard, le taux d'occupation imposé, qui influe nécessairement sur la rémunération, joue un rôle similaire au salaire agréé par l'autorité cantonale dans le régime ordinaire applicable aux étrangers voulant travailler en Suisse.
Pour obtenir une carte de légitimation en faveur d'un domestique privé, l'employeur n'a pas à fournir un contrat de travail écrit, contrairement à ce qui est exigé dans le droit des étrangers ordinaire (art. 9 al. 3 OLE); en revanche, il doit remettre aux autorités suisses différents documents, dont la déclaration de garantie de l'employeur.
En l'espèce, la recourante a déposé une telle pièce, dans laquelle elle déclare avoir pris connaissance des dispositions de la directive du DFAE de 1998; l'exigence du travail à plein temps figure parmi ces dispositions. Cette déclaration ne peut se comprendre que comme un engagement de l'employeuse envers la Confédération d'occuper la domestique à temps complet et de la payer en conséquence. En déclarant savoir que le séjour en Suisse suppose un emploi à temps complet, l'employeur promet par là-même d'engager le domestique à ce taux d'occupation. Contrairement à ce que la recourante soutient, la distinction opérée dans la déclaration entre les points garantis par l'employeur et ceux simplement connus de celui-ci relève de la pure forme et ne saurait traduire une différence de fond, en tout cas sur un élément aussi important que la durée du temps de travail conditionnant l'octroi de la carte de légitimation. L'engagement de l'employeur à cet égard est encore renforcé par la remise aux autorités suisses, par le fonctionnaire international, de la déclaration de l'employé, dont l'employeur atteste connaître la teneur; en effet, le domestique y déclare précisément avoir pris connaissance du fait qu'il doit travailler à plein temps pour le même employeur. Il s'ensuit que, comme la cour cantonale l'a bien vu, la recourante s'est obligée envers les autorités suisses à engager l'intimée à temps complet.
Il reste à examiner si l'employée de maison peut se prévaloir de cette obligation de droit public devant le juge civil. Dans le droit des étrangers ordinaire, l'octroi d'une autorisation de travail dépend en particulier de l'approbation par l'autorité du salaire convenu par les parties, lequel doit correspondre au niveau de la rémunération en usage dans la localité et la profession considérées. Dans le droit spécial applicable en l'espèce, la délivrance d'une carte de légitimation au domestique privé par le DFAE suppose notamment l'engagement susmentionné de l'employeur d'offrir à l'employé un travail à plein temps. Comme déjà relevé, les conditions exigées dans les deux procédures présentent une analogie et poursuivent le même but. Rien ne justifie dès lors de traiter différemment les deux situations dans leurs effets de droit civil.
Au surplus, la recourante ne peut se prévaloir de la liberté économique, et singulièrement de la liberté contractuelle, pour se soustraire à son propre engagement envers l'Etat et, par extension, envers son employée. Au demeurant, l'employeuse n'a pas été entravée dans sa liberté économique puisqu'elle pouvait engager comme domestique une ressortissante suisse ou étrangère au bénéfice d'une autorisation ordinaire (cf. CAROLINE KRAEGE, in Ausländerrecht, 2e éd. 2009, n° 5.133, p. 182). La liberté économique n'emporte pas le droit pour le fonctionnaire international de prendre à son service comme employé de maison n'importe quel ressortissant étranger, indépendamment de toute procédure d'admission en Suisse.
Sur le vu de ce qui précède, l'intimée disposait d'une prétention de droit privé, fondée sur la déclaration de garantie de l'employeur, à être occupée à plein temps par la recourante. La conclusion dans ce sens de la cour cantonale ne consacre aucune violation du droit fédéral.
3.3 Il convient encore d'examiner si, comme la recourante le prétend, l'intimée commet un abus de droit en se prévalant de cette prétention.
3.3.1 A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. La règle prohibant l'abus de droit permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste (ATF 134 III 52 consid. 2.1 p. 58 et les références). L'existence d'un abus de droit se détermine selon les circonstances concrètes du cas, en s'inspirant des diverses catégories mises en évidence par la jurisprudence et la doctrine (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497 et les arrêts cités). L'emploi dans le texte légal du qualificatif «manifeste» démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique contrairement à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497; 127 III 357 consid. 4c/bb p. 364). Dans cette dernière catégorie, le comportement de celui qui accepte d'abord de conclure une convention et qui, par la suite, en considération de règles impératives, excipe de l'invalidité de cette même convention, n'est toutefois constitutif d'abus de droit que si des conditions particulières sont réalisées (ATF 133 III 61 consid. 4.1 p. 76; 129 III 493 consid. 5.1 p. 497). Une telle limitation s'impose spécialement en matière de contrat de travail car, à défaut, la protection assurée au travailleur par des dispositions impératives peut se révéler illusoire (ATF 129 III 493 consid. 5.1 p. 497, 618 consid. 5.2 p. 622). Il incombe à la partie qui se prévaut d'un abus de droit d'établir les circonstances particulières qui autorisent à retenir cette exception (ATF 133 III 61 consid. 5.1 p. 76 et les références).
3.3.2 En l'espèce, l'intimée a accepté de ne travailler que trois heures par semaine pour la recourante; or, elle avait signé la déclaration de l'employé et pris ainsi note qu'elle devait travailler à cent pour cent pour le même employeur, sauf dérogation n'entrant pas en ligne de compte dans le cas présent. La seule contradiction résultant de ces deux actes ne suffit pas à qualifier la prétention de l'intimée d'abusive, d'autant plus que la recourante elle-même a adopté la même attitude inconséquente et n'a pas hésité à tromper les autorités pour pouvoir engager la domestique philippine. Pour le reste, les constatations de l'autorité cantonale ne laissent pas apparaître des circonstances particulières qui justifieraient de ne pas reconnaître la prétention de l'intimée à un travail à plein temps.
Le moyen tiré de l'art. 2 al. 2 CC est par conséquent mal fondé.
3.4 A juste titre, la recourante ne critique pas les considérants de l'arrêt attaqué sur la demeure de l'employeur. Si elle pouvait prétendre à travailler à cent pour cent pour la recourante, l'intimée n'avait pas à offrir ses services pour la durée du temps de travail dépassant trois heures par semaine, dès lors que l'employeuse lui avait fait clairement savoir qu'elle ne pouvait l'occuper plus longtemps que l'horaire convenu (cf. entre autres, arrêt 4A_332/2007 du 15 novembre 2007 consid. 2.1; GABRIEL AUBERT, in Commentaire romand, n° 3 ad art. 324 CO). La recourante en demeure restait dès lors tenue de payer le salaire pour un emploi à plein temps (art. 324 al. 1 CO; cf. également CAROLINE KRAEGE, op. cit., n° 5.142, p. 184), sous réserve de l'imputation liée aux revenus réalisés en exécutant un autre travail (art. 324 al. 2 CO). Le calcul effectué en l'espèce par la cour cantonale, qui aboutit à un solde de 6'815 fr.50 en faveur de l'intimée, n'est pas remis en cause par la recourante et n'a pas à être examiné par la cour de céans.
3.5 En conclusion, le recours en matière civile doit être rejeté.
4.
La recourante, qui succombe, prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Comme la valeur litigieuse, calculée selon les prétentions à l'ouverture de l'action (cf. ATF 115 II 30 consid. 5b p. 41), dépasse le seuil de 30'000 fr., le montant de l'émolument judiciaire sera fixé selon le tarif ordinaire (art. 65 al. 3 let. b LTF), et non réduit (art. 65 al. 4 let. c LTF).
Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas déposé de réponse.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
2.
Le recours en matière civile est rejeté.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Il n'est pas alloué de dépens.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
Lausanne, le 16 décembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Corboz Godat Zimmermann