Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_635/2008/ frs
Arrêt du 23 janvier 2009
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Aguet.
Parties
A.________,
recourante, représentée par Me François Magnin, avocat,
contre
X.________ SA,
intimée.
Objet
mainlevée d'opposition,
recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 14 août 2008.
Faits:
A.
Par jugement du 10 octobre 2007, le Tribunal de police de l'arrondis-sement de Lausanne a libéré B.________, en raison de la prescription, de l'accusation de violation simple des règles de la circulation, donné acte à A.________ de ses réserves civiles contre B.________ et dit que celui-ci participera à ses frais d'intervention pénale à hauteur de 7'000 fr. La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé par B.________ contre cette décision, par arrêt du 12 décembre 2007.
B.
B.a Le 24 janvier 2008, A.________ a fait notifier à X.________ SA, l'assureur responsabilité civile de B.________, un commandement de payer la somme de 7'000 fr. plus intérêt à 5 % dès le 14 décembre 2007, indiquant comme titre de la créance: "Dépens pénaux alloués par jugement du 10 octobre 2007 du Tribunal de police de Lausanne, définitif et exécutoire". L'assurance a fait opposition totale.
B.b Par prononcé du 2 mai 2008, le Juge de paix du district de Nyon a rejeté la requête de mainlevée définitive déposée par la poursuivante. La Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé cette décision par arrêt du 14 août 2008.
C.
Contre cette décision, A.________ interjette un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral, concluant à la levée de l'opposition formée par X.________ SA. Elle se plaint d'une violation des art. 65 LCR et 81 LP, subsidiairement de l'art. 9 Cst.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1 p. 117 et les arrêts cités).
1.1 La décision qui refuse la mainlevée de l'opposition est finale au sens de l'art. 90 LTF puisqu'elle met fin à la procédure. Elle peut faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF) lorsque la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.3 p. 399/400) ou, exceptionnellement et pour autant que cela soit démontré (art. 42 al. 2 LTF), lorsqu'elle soulève une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF).
En l'espèce, la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr. La recourante soutient cependant que la question de savoir si le lésé peut opposer, sur la base de l'art. 81 LP, le jugement pénal à l'assurance- responsabilité civile du détenteur du véhicule constitue une question juridique de principe; elle fait valoir que les dépens alloués à la victime sont, à de très rares exceptions près, toujours inférieurs à 30'000 fr., et que le Tribunal fédéral n'a jamais tranché cette question, qui se poserait "de manière extrêmement fréquente", de sorte qu'il se justifierait qu'il statue avec un plein pouvoir d'examen.
1.2 La notion de question juridique de principe doit être interprétée de manière restrictive (ATF 134 III 267 consid. 1.2 p. 269). En particulier, lorsque le point soulevé ne concerne que l'application des principes jurisprudentiels à un cas d'espèce, il ne peut être qualifié de question juridique de principe (ATF 133 III 493 consid. 1.2 p. 496).
La question juridique qui se pose en l'espèce est celle de savoir si l'art. 65 LCR permet d'opposer, dans le cadre d'une poursuite, à l'assurance-responsabilité civile du détenteur d'un véhicule un jugement pénal rendu à l'encontre de son assuré. Un arrêt du Tribunal fédéral, d'ailleurs cité par la recourante, porte sur une problématique similaire en matière d'assurance-responsabilité civile du cycliste (ATF 87 I 97); la cour de céans a en outre déjà eu l'occasion de traiter la question de l'étendue subjective du titre de mainlevée dans d'autres cas de figure (cf. infra, consid. 2.3). La question litigieuse n'est rien d'autre que celle de l'application des principes posés par la jurisprudence dans le cas particulier; elle ne constitue donc pas une question de principe au sens de l'art. 74 al. 2 let. a LTF. Le recours en matière civile est par conséquent irrecevable.
1.3 Seule la voie du recours constitutionnel est ainsi ouverte dans le cas présent (art. 113 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi ( art. 42 et 119 al. 1 LTF ), par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 115 let. a LTF), ce recours est en principe recevable.
Le recours constitutionnel peut être formé uniquement pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés ( art. 106 al. 2 et 117 LTF ), c'est-à-dire expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (principe d'allégation; ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287), les exigences de motivation correspondant à celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 III 439 consid. 3.2 p. 444). Il n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 133 II 396 consid. 3. p. 399/400). Le recourant qui se plaint d'arbitraire ne saurait, dès lors, se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision est manifestement insoutenable.
L'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de cette décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260; 133 III 462 consid. 4.4.1 p. 470).
2.
2.1 La cour cantonale est partie du principe que la mainlevée définitive ne peut être prononcée que contre la personne que le titre désigne comme débitrice. Le jugement pénal qui condamne le détenteur d'un véhicule à participer aux frais d'intervention pénale de la poursuivante ne constitue pas un titre de mainlevée définitive dans la poursuite contre l'assurance-responsabilité civile du détenteur; l'art. 65 LCR ouvre un droit d'action directe contre l'assureur, non un droit de lui opposer un jugement rendu contre son assuré, le jugement obtenu par le lésé contre celui-ci n'ayant pas force de chose jugée à l'égard de l'assureur.
2.2 La recourante soutient que la cour cantonale aurait appliqué arbitrairement les art. 81 LP et 65 LCR. Il serait arbitraire d'exiger d'elle qu'elle ouvre une action civile contre l'intimée pour le seul motif que celle-ci n'a pas pris part à la procédure pénale: d'une part, une assurance-responsabilité civile ne peut, par définition, être partie à une procédure pénale; d'autre part, l'art. 65 LCR confère au lésé le droit de s'en prendre directement à l'assurance du responsable, celle-ci étant d'emblée privée de la possibilité de faire valoir les éventuelles exceptions découlant du contrat d'assurance le liant à son assuré. Une procédure civile ferait double emploi avec la procédure pénale; le juge civil saisi d'une action contre l'assureur ne pourrait en effet statuer différemment du juge pénal, dans la mesure où le montant des dépens a été fixé dans le jugement pénal.
2.3 En vertu de l'art. 81 al. 1 LP, lorsque la poursuite est fondée sur un jugement exécutoire rendu par une autorité de la Confédération ou du canton dans lequel la poursuite a lieu, le juge ordonne la mainlevée définitive de l'opposition, à moins que l'opposant ne prouve par titre que la dette a été éteinte ou qu'il a obtenu un sursis, postérieurement au jugement, ou qu'il ne se prévale de la prescription. Le juge doit vérifier d'office notamment l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné (STAEHELIN, in Basler Kommentar, SchKG I, 1998, n° 29 ad art. 80 LP). En principe, la mainlevée ne peut être prononcée que contre la personne que le jugement désigne comme débitrice (GILLIÉRON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, vol. II, 2000, n° 22 ad art. 80 et n° 74 ad art. 82 LP; PANCHAUD/CAPREZ, La mainlevée d'opposition, 2e éd., 1980, § 106 p. 256). Ce principe connaît toutefois des exceptions. Ainsi, la reconnaissance de dette établie par le défunt permet la mainlevée dans la poursuite contre la communauté héréditaire jusqu'au partage, respectivement contre les héritiers après le partage (ATF 102 II 385 consid. 2 p. 387). La mainlevée a également été accordée contre le propriétaire d'une société sur la base d'un jugement condamnant celle-ci, pour le motif qu'ils ne formaient manifestement qu'une seule et même entité juridique (arrêt 5P.541/1993 du 27 avril 1994 consid. 4b). De même, un jugement rendu à l'encontre d'une société en nom collectif ou en commandite vaut titre à la mainlevée - provisoire selon la doctrine dominante - à l'égard aussi des associés indéfiniment responsables (ATF 116 II 651 consid. 2d p. 655 et les références). En revanche, selon la jurisprudence rappelée par la cour cantonale, rendue en matière d'assurance-responsabilité civile du cycliste - régie par la loi sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA; RS 221.229.1), dont l'art. 60 n'accorde au lésé qu'un droit de gage sur l'indemnité due au preneur d'assurance -, un jugement condamnant l'auteur d'un dommage à payer des dommages-intérêts au lésé ne constitue pas un titre de mainlevée dont peut se prévaloir le lésé dans la poursuite qu'il a introduite contre l'assureur-responsabilité civile, après que, dans la poursuite en réalisation de gage diligentée à sa réquisition contre l'auteur du dommage, l'office des poursuites lui eut donné en paiement, conformément à l'art. 131 al. 1 LP, la créance objet du gage (ATF 87 I 97 consid. 1 p. 98).
2.4 En l'espèce, l'intimée n'est pas désignée comme débitrice par le jugement pénal produit à l'appui de la requête de mainlevée. Certes, l'art. 65 LCR prévoit que le lésé peut intenter une action directe contre l'assureur du détenteur (al. 1), celui-ci ne pouvant lui opposer les exceptions découlant du contrat d'assurance ou de la LCA (al. 2). Toutefois, dans un arrêt rendu sous l'empire de l'ancienne loi fédérale du 15 mars 1932 sur la circulation des véhicules automobiles et des cycles - dont l'art. 49 conférait également au lésé une action directe contre l'assureur, alors que l'art. 50 privait celui-ci du droit de lui opposer les exceptions découlant du contrat d'assurance ou de la LCA -, le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'y a pas de solidarité parfaite, mais un simple concours d'actions (ou solidarité imparfaite) entre l'assureur et le détenteur (ATF 69 II 162 consid. 1 p. 166 ss); le lésé peut attaquer soit l'assureur soit le détenteur, soit encore les deux, simultanément ou l'un après l'autre, mais le jugement obtenu contre l'un n'a pas force de chose jugée contre l'autre (ATF 66 I 92 consid. 6 p. 104 ss). La recourante ne soutient pas qu'il en irait différemment sous l'empire de l'art. 65 LCR. Elle se borne à affirmer que dans la mesure où il n'est plus possible de faire valoir une prétention en remboursement des frais de défense pénale par une action ultérieure en responsabilité civile lorsque ceux-ci ont été indemnisés par l'allo-cation de dépens (ATF 117 II 101 consid. 5 p. 106; arrêt 5C.51/2000 du 7 août 2000 consid. 2, in SJ 2001 p. 153), il serait arbitraire d'exiger qu'elle ouvre une action civile contre l'intimée, dès lors que les dépens pénaux obtenus ont été fixés de manière définitive. Cependant, il ne résulte pas des arrêts précités que le lésé pourrait obtenir le paiement par l'assurance des dépens mis à charge du responsable ni, a fortiori, que l'art. 65 LCR permettrait de requérir la mainlevée de l'opposition formée par l'assurance sur la base du jugement pénal. Partant, c'est sans tomber dans l'arbitraire que la cour cantonale a rejeté la requête de mainlevée de la recourante.
3.
Vu ce qui précède, le recours constitutionnel subsidiaire doit être rejeté. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours en matière civile est irrecevable.
2.
Le recours constitutionnel subsidiaire est rejeté.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 23 janvier 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Hohl Aguet