Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C_425/2008
Arrêt du 26 janvier 2009
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Raselli.
Greffier: M. Parmelin.
Parties
A.________ et B.________,
recourants, représentés par
Me Christophe Claude Maillard, avocat,
contre
Commune de Châbles, 1474 Châbles, représentée par Me Jacques Meyer, avocat,
Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1700 Fribourg.
Objet
révision du plan général d'affectation,
recours contre l'arrêt de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 18 juillet 2008.
Faits:
A.
A.________ et B.________ sont propriétaires en commun de la parcelle n° 147 du registre foncier de la commune de Châbles. Ce bien-fonds non bâti de 5'984 mètres carrés est classé pour les deux-tiers environ de sa surface en zone agricole et pour le solde dans la zone résidentielle à faible densité du plan d'affectation des zones communales approuvé par le Conseil d'Etat du canton de Fribourg le 19 août 1980. Il se trouve dans un secteur délimité au nord par la route cantonale reliant la localité de Châbles à l'autoroute A1 et à la route cantonale Estavayer-Yverdon, à l'est par un quartier bâti de villas, et au sud par la route communale reliant le centre du village au quartier du Rafor. Il dispose d'un accès à cette route par une servitude de passage à char pour l'exploitation agricole grevant les parcelles nos 771, 148 et 137, inscrite au registre foncier les 9 décembre 1975 et 27 novembre 1986.
Par avis paru dans la Feuille officielle du 22 novembre 2002, la Commune de Châbles a mis à l'enquête publique la révision générale de son plan d'aménagement local. Dans le nouveau plan d'affectation des zones, la parcelle n° 147 est classée intégralement en zone agricole. Le plan directeur des circulations prévoit une route de délestage qui la traverse du nord au sud, visant à desservir le quartier du Rafor sans passer par le centre du village.
A.________ et B.________ ont fait opposition en demandant à ce que leur parcelle, respectivement la partie est de celle-ci, soit classée en zone à bâtir. Le Conseil communal de Châbles a écarté l'opposition au terme d'une décision prise le 5 mai 2004 que leurs destinataires ont vainement contestée auprès de la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg. La IIe Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois (ci-après: le Tribunal cantonal ou la cour cantonale) a confirmé la décision prise par cette autorité le 6 juillet 2005 au terme d'un arrêt rendu le 18 juillet 2008 sur recours des propriétaires.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de dire que la partie est de leur parcelle est maintenue en zone résidentielle à faible densité; ils concluent subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour instruction ou décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. La Commune de Châbles propose également de le rejeter dans la mesure où il est recevable. La Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions n'a pas déposé d'observations.
Considérant en droit:
1.
La voie du recours en matière de droit public au sens de l'art. 82 let. a LTF est ouverte contre les décisions rendues, comme en l'espèce, en dernière instance cantonale dans une contestation relative à la modification d'un plan d'affectation (ATF 133 II 353 consid. 2 p. 356). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée. Les recourants ont pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal. Ils sont particulièrement touchés dans leurs droits de propriétaires par l'arrêt attaqué, qui confirme le classement de leur parcelle en zone agricole dans le nouveau plan d'aménagement local de la commune de Châbles; ils peuvent se prévaloir d'un intérêt digne de protection à son annulation et au classement partiel de leur bien-fonds en zone à bâtir. Leur qualité pour recourir selon l'art. 89 al. 1 LTF est à l'évidence donnée. Les autres conditions de recevabilité du recours en matière de droit public sont réunies de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
2.
Les recourants voient une violation de leur droit d'être entendus ancré à l'art. 29 al. 2 Cst. dans le refus de la cour cantonale de procéder à l'inspection locale qu'ils avaient requise. Cette mesure d'instruction lui aurait permis de constater qu'il était possible de construire une, voire plusieurs habitations sur la surface de leur parcelle classée en zone résidentielle à faible densité.
Les possibilités de bâtir sur la parcelle n° 147 offertes par l'ancien plan d'affectation des zones pouvaient être appréciées en connaissance de cause sur la base des plans et autres documents versés au dossier cantonal. La cour cantonale n'a dès lors pas violé le droit d'être entendus des recourants en refusant de donner suite à leur demande de vision locale. Pour les mêmes raisons, une telle mesure d'instruction ne s'impose pas devant le Tribunal fédéral.
3.
Les recourants soutiennent que le refus de la Commune de Châbles de maintenir au moins partiellement leur parcelle en zone à bâtir dans le cadre de la révision générale de son plan d'aménagement local violerait leur droit de propriété et les art. 15 ss LAT.
3.1 Le classement d'un terrain dans une zone agricole représente une restriction au droit de propriété qui n'est conforme à l'art. 26 Cst. que si elle repose sur une base légale, se justifie par un intérêt public suffisant et respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 Cst.; cf. ATF 125 II 129 consid. 8 p. 141; 121 I 117 consid. 3b p. 120; 120 Ia 227 consid. 2c p. 232; 119 Ia 411 consid. 2b p. 415 et les arrêts cités). Les recourants ne contestent pas la base légale de cette mesure, de sorte qu'il n'y a pas lieu de qualifier l'atteinte portée en l'occurrence à leur droit de propriété par cette nouvelle affectation. Le Tribunal fédéral examine en principe librement si une restriction de la propriété se justifie par un intérêt public et si cet intérêt l'emporte sur l'intérêt privé auquel il s'oppose; il jouit d'une même latitude lorsqu'il convient d'apprécier si une telle restriction viole le principe de la proportionnalité. Il s'impose toutefois une certaine retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 125 II 86 consid. 6 p. 98 et les arrêts cités). Tel est notamment le cas lorsque le litige porte sur la délimitation des zones d'affectation (ATF 113 Ia 444 consid. 4b/ba p. 448 et les arrêts cités).
3.2 Les autorités en charge de l'aménagement du territoire bénéficient d'une importante liberté d'appréciation dans l'accomplissement de leurs tâches (art. 2 al. 3 LAT) et notamment dans leurs tâches de planification. Cette liberté d'appréciation n'est pas totale. Elle doit s'exercer en tenant compte des objectifs et des lignes directrices mentionnés dans le plan directeur cantonal (art. 8 LAT et 4 ss OAT). L'autorité de planification doit en outre se conformer aux buts et aux principes d'aménagement du territoire tels qu'ils résultent de la Constitution (art. 75 Cst.) et de la loi ( art. 1er et 3 LAT ). Elle doit également prendre en considération les exigences découlant des autres dispositions du droit fédéral de la protection de l'environnement au sens large et plus particulièrement de la loi sur la protection de l'environnement et ses ordonnances d'application, de la loi forestière, de la loi sur les eaux ou encore de la loi sur la protection de la nature et des sites (ATF 129 II 63 consid. 3.1 p. 68; 121 II 72 consid. 1d p. 76). Enfin, elle doit suivre les critères posés aux art. 15 à 17 LAT et tenir compte, le cas échéant, des autres zones prévues par le droit cantonal conformément à l'art. 18 LAT dans la délimitation concrète des zones à bâtir et des zones non constructibles. Une appréciation correcte de ces principes implique une pesée globale de tous les intérêts en présence (art. 3 OAT).
3.3 La cour cantonale a justifié le classement de la parcelle n° 147 en zone agricole pour trois motifs, soit le surdimensionnement de la zone à bâtir, le fait que le terrain serait quasiment inconstructible en l'état et la nécessité de réserver un espace libre de construction suffisant en vue de la réalisation de la route de délestage prévue à cet endroit. Les recourants contestent l'ensemble de ces motifs, conformément aux exigences de motivation des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF (ATF 133 IV 119 consid. 6.3 p. 120). Selon eux, la portion est de leur parcelle aurait dû être maintenue en zone résidentielle à faible densité parce qu'elle ferait partie d'un secteur largement bâti et qu'elle serait en mesure d'accueillir une voire deux constructions; à défaut, elle aurait dû être classée dans une zone réservée si la Commune de Châbles entendait maintenir des espaces inconstructibles suffisants pour la route de délestage.
3.4 Aux termes de l'art. 16 al. 1 LAT, les zones agricoles comprennent les terrains qui se prêtent à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice et sont nécessaires à l'accomplissement des différentes tâches dévolues à l'agriculture (let. a), ainsi que les terrains qui, dans l'intérêt général, doivent être exploités par l'agriculture (let. b). Rien n'indique que la parcelle litigieuse ne se prêterait pas à l'agriculture. Toutefois, la Commune de Châbles n'a pas justifié le classement en zone agricole par ce motif, mais essentiellement par la volonté de maintenir celle-ci libre de construction pour les besoins de la future route de délestage. L'intérêt général au classement en zone agricole est établi si, d'une part, le classement en zone à bâtir est exclu en vertu de l'art. 15 LAT et si, d'autre part, un classement dans une zone à protéger au sens de l'art. 17 LAT, voire dans une autre zone inconstructible selon l'art. 18 LAT, ne s'impose pas (cf. arrêts 1C_15/2008 du 10 juin 2008 consid. 2.2.3 et 1P.387/1994 du 12 décembre 1995 consid. 7c in ZBl 98/1997 p. 266).
3.5 Selon l'art. 15 LAT, les zones à bâtir comprennent les terrains propres à la construction, qui sont soit déjà largement bâtis (let. a), ou qui seront nécessaires à la construction dans les quinze ans à venir et équipés dans ce laps de temps (let. b). Une zone à bâtir est ainsi largement surdimensionnée lorsque sa surface excède ce qui est probablement nécessaire à la construction dans les quinze années à venir, au sens de l'art. 15 let. b LAT (ATF 103 Ia 250 consid. 2b p. 252).
D'après les chiffres mentionnés dans le rapport de conformité faisant partie du dossier d'enquête, dont les recourants ne contestent pas l'exactitude, il est manifeste que la zone à bâtir définie dans le plan d'affectation communal de 1980 est trop vaste. La surcapacité touche précisément les parcelles affectées en zone résidentielle à faible densité. Dans ces conditions, la Commune de Châbles se trouvait dans une situation où elle était non seulement autorisée, mais bien davantage obligée de réduire ses zones à bâtir. Les recourants ne démontrent pas non plus que le maintien de la partie est de leur parcelle en zone à bâtir serait nécessaire pour assurer les besoins en terrains constructibles au cours des quinze prochaines années. Le classement de la partie est de leur parcelle en zone résidentielle de faible densité ne s'imposait donc pas au regard de l'art. 15 let. b LAT. Il est à cet égard sans importance que ni la Commune de Châbles ni la Direction cantonale de l'aménagement, de l'environnement et des constructions n'aient motivé le transfert de leur bien-fonds en zone agricole en raison du surdimensionnement de la zone à bâtir, car il incombait à l'autorité cantonale de recours d'examiner d'office si la mesure de planification litigieuse était conforme au droit fédéral et, en particulier, aux exigences déduites de cette disposition.
Les recourants prétendent que la partie est de leur parcelle devrait néanmoins être classée en zone à bâtir parce qu'elle serait rattachée à un secteur largement bâti au sens de l'art. 15 let. a LAT. Pour que tel soit le cas, l'on doit se trouver en présence d'un groupement de constructions formant un noyau, soit un milieu bâti de manière compacte comportant des accès et des infrastructures (ATF 116 Ia 335 consid. 4a p. 337). Par ailleurs, les terrains largement bâtis comprennent également des surfaces non bâties formant des brèches dans le tissu bâti. Il doit s'agir de surfaces de peu d'importance par rapport à l'étendue du milieu bâti dans lequel elles s'insèrent (ATF 122 II 455 consid. 6a p. 462). L'appartenance d'une parcelle au territoire largement bâti d'une localité se détermine suivant la structure du territoire bâti existant dans son ensemble et ses particularités (ATF 121 II 417 consid. 5a p. 424; arrêt 1A.41/2002 du 26 novembre 2002 consid. 4 in ZBl 104/2003 p. 386; arrêt 1A.200/1997 du 11 novembre 1997 consid. 4c in ZBl 100/1999 p. 38). En l'occurrence, si le quartier de villas des Verdzires forme un tissu suffisamment dense pour être considéré comme largement bâti au sens de l'art. 15 let. a LAT, cela ne signifie pas encore que la portion est de la parcelle des recourants en fasse partie intégrante. Elle ne se situe en effet pas à l'intérieur de la zone de villas, mais en limite sud de celle-ci. Elle jouxte une vaste zone agricole qui marque une nette séparation entre le quartier de villas des Verdzires et celui du Rafor. Le refus de classer la portion est de la parcelle des recourants en zone à bâtir n'a donc pas pour effet de former une brèche dans le milieu bâti et ne consacre aucune violation de l'art. 15 let. a LAT. Cela étant, il n'y a pas lieu d'examiner si ce refus se justifiait aussi parce que la parcelle ne serait pas "propre à la construction", au sens de cette disposition, en raison de son étroitesse et de l'absence d'accès, comme l'a retenu la cour cantonale.
Les recourants soutiennent enfin que la Commune de Châbles aurait dû classer leur parcelle dans une zone réservée si elle entendait la maintenir libre de toute construction afin de ne pas compromettre la réalisation de la route de délestage destinée à détourner du centre du village le trafic en provenance du quartier du Rafor à destination de Cheyres et Yverdon-les-Bains. Pour atteindre cet objectif, il est indifférent que le régime juridique applicable aux espaces visés par le projet de route de délestage soit celui de la zone agricole ou d'une autre zone inconstructible telle que la zone réservée au sens de l'art. 27 LAT à laquelle peut être rattachée celle prévue à l'art. 33 de la loi fribourgeoise sur les routes (cf. arrêt 1P.264/1997 du 5 mars 1998 consid. 2e in SJ 1998 p. 636). Comme le relève à juste titre l'arrêt attaqué, l'affectation agricole de la parcelle n° 147, qui correspond à l'exploitation actuelle du terrain, ne fait nullement obstacle à un éventuel transfert ultérieur en zone à bâtir. Dans le schéma directeur de structuration, la parcelle n° 147 est d'ailleurs intégralement inclue dans le "secteur d'extension dont un changement d'affectation est soumis à la coordination avec le projet de route de délestage". La cour cantonale n'a en définitive pas violé le droit fédéral de l'aménagement du territoire en confirmant la mesure de classement en zone agricole prise par la commune.
4.
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais des recourants qui succombent ( art. 65 et 66 al. 1 LTF ). Bien qu'elle obtienne gain de cause avec l'assistance d'un avocat, la Commune de Châbles n'a en principe pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF). La pratique qui prévalait sous l'empire de l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire en matière recours de droit public, consistant à allouer des dépens aux collectivités publiques qui ne disposaient pas d'une infrastructure administrative et juridique suffisante pour procéder sans l'assistance d'un avocat, ne se justifie plus dans le cadre du recours en matière de droit public (ATF 134 II 117). La Commune de Châbles n'invoque aucune raison particulière qui exigerait de remettre en cause cette jurisprudence ou qui devrait conduire la cour de céans à ne pas l'appliquer dans le cas d'espèce. En particulier, les recourants n'ont pas avancé, devant le Tribunal fédéral, des arguments juridiques nouveaux (cf. arrêt 1C_20/2008 du 16 septembre 2008 consid. 5).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourants et de la Commune de Châbles, ainsi qu'à la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions et au Tribunal cantonal du canton de Fribourg.
Lausanne, le 26 janvier 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Féraud Parmelin