BGer 1B_50/2009
 
BGer 1B_50/2009 vom 11.03.2009
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
1B_50/2009
Arrêt du 11 mars 2009
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Raselli.
Greffière: Mme Mabillard.
Parties
A.________,
recourant, représenté par Me Willy Lanz, avocat,
contre
Juge de l'arrestation I Jura Bernois-Seeland, Préfecture, rue de l'Hôpital 14, 2501 Bienne,
Procureur 3 du Ministère public I Jura bernois-Seeland, rue du Château 13, case postale 57, 2740 Moutier 2.
Objet
détention préventive, refus de mise en liberté,
recours contre la décision de la Chambre d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne du 28 janvier 2009.
Faits:
A.
A.________ se trouve en détention préventive depuis le 5 septembre 2008, sous les préventions d'omission de prêter secours, d'infractions graves à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121), et éventuellement de meurtre et de rixe. Il lui est reproché d'avoir été le commanditaire d'une action punitive menée par B.________ et C.________ ayant conduit à la mort d'une personne à Bienne le 30 août 2008.
B.
Par décision du 23 décembre 2008, le Juge de l'arrestation I Jura bernois - Seeland (ci-après: le Juge de l'arrestation) a rejeté la requête de mise en liberté du prévenu, notamment en raison des dangers de fuite et de récidive. La Chambre d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne (ci-après: la Chambre d'accusation) a rejeté le recours de l'intéressé contre ce prononcé, le 28 janvier 2009. Elle a estimé que les présomptions de culpabilité étaient suffisantes et qu'il existait des risques de récidive et de fuite. Par ailleurs, le principe de la proportionnalité était respecté compte tenu des infractions reprochées, de la peine à laquelle l'intéressé était susceptible d'être condamné et de la durée de la détention provisoire qu'il avait subie jusqu'à présent.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler la décision de la Chambre d'accusation et d'ordonner à "l'autorité cantonale" de procéder à sa mise en liberté provisoire, en la soumettant éventuellement à des mesures de substitution (saisie des papiers d'identité et obligation de se présenter à des intervalles réguliers auprès d'un service administratif ou de police). Subsidiairement, il conclut à ce que le Tribunal fédéral ordonne sa mise en liberté provisoire, en la soumettant éventuellement aux mesures de substitution précitées. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. La Chambre d'accusation et le Juge de l'arrestation ont renoncé à se déterminer. Le Ministère public I Jura bernois - Seeland conclut au rejet du recours, sous suite de frais. Le recourant a renoncé à répliquer.
Considérant en droit:
1.
Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 273). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.
2.
Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 176 du Code de procédure pénale bernois du 15 mars 1995 (CPP/BE; RSB 321.1). Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; art. 177 CPP/BE; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 176 al. 2 ch. 1 à 4 CPP/BE). La gravité de l'infraction - et l'importance de la peine encourue - n'est, à elle seule, pas suffisante (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 117 Ia 69 consid. 4a p. 70). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168; art. 176 al. 2 in initio CPP/BE). S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves, revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d p. 271; pour une définition de l'arbitraire, cf. art. 9 Cst. et ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 132 I 13 consid. 5.1 p. 17; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 283 consid. 3; 112 Ia 162 consid. 3b).
3.
Le recourant reproche à la Chambre d'accusation d'avoir établi les faits de façon erronée en ne faisant pas mention de l'absence de contacts téléphoniques entre lui-même et B.________ et C.________, ce qui infirmerait la thèse de l'action punitive. En outre, l'arrêt attaqué ne tiendrait pas compte des jugements prononcés à l'encontre de deux personnes également inculpées en matière de LStup, lesquels seraient propres à relativiser la gravité des faits reprochés. Invoquant le principe in dubio pro reo, le recourant remet en question l'existence de charges suffisantes à son encontre.
3.1 Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité d'une décision de maintien en détention préventive, le Tribunal fédéral n'a pas à procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à apprécier la crédibilité des personnes ou des éléments de preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (arrêt 1P.405/1998 du 30 novembre 1998 consid. 7b/cc, non publié in ATF 125 I 146; ATF 116 Ia 143 consid. 3c p. 146). L'intensité des charges permettant de justifier une mesure de détention n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si l'on admet qu'après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables la perspective d'une condamnation doive apparaître vraisemblable, des soupçons, même encore peu précis, peuvent être considérés comme suffisants dans les premiers temps de l'enquête (arrêt 1P.713/1991 du 27 novembre 1991 consid. 4b/aa).
3.2 En l'espèce, la Chambre d'accusation a retenu qu'il ressortait des déclarations de plusieurs personnes entendues dans la procédure, soit aussi bien des personnes ayant participé directement à la bagarre que d'autres personnes qui connaissent la victime ou le recourant, que ce dernier avait commandité une action punitive contre la victime au motif que celle-ci lui avait volé une grande quantité de chanvre dans son magasin quelques semaines avant les faits. Contrairement à ce que prétend le recourant, ce ne sont pas seulement trois collègues de la victime qui ont témoigné à sa charge. B.________ a également déclaré qu'"il était venu à Bienne pour infliger une correction à l'Algérien qui dérangeait le business de A.________" et D.________, qui a repris le magasin du recourant, a affirmé que ce dernier lui avait indiqué vouloir faire venir quelqu'un de Neuchâtel pour administrer une correction à la victime. Le fait que le recourant n'a pas eu de contacts téléphoniques avant la bagarre avec B.________ et C.________ n'apparaît pas déterminant, puisque le dossier contient des déclarations de ces derniers, également prévenus, qui mettent directement en cause l'intéressé. En outre, s'agissant des infractions à la LStup, les jugements rendus à l'égard des personnes proches du recourant n'ont aucune incidence sur les charges qui pèsent contre celui-ci et qui constituent un faisceau d'indices suffisant pour justifier un maintien en détention.
4.
Le recourant conteste ensuite l'existence d'un danger de fuite. Il fait valoir qu'il est de nationalité suisse et vit depuis 1989 en Suisse, où il a ses liens familiaux, à savoir un fils de trois ans qui vit dans le canton de Neuchâtel et un frère qui réside à Bienne avec son épouse. Après les faits litigieux, il est revenu rapidement d'un séjour de 48 heures en Tchéquie et il n'a jamais été question de fuir le pays.
4.1 Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que la gravité de l'infraction, le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'État qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître un tel danger non seulement possible, mais également probable (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités). Lorsqu'elle admet l'existence d'un risque de fuite, l'autorité doit en outre examiner s'il ne peut être contenu par une mesure moins rigoureuse (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 123 I 268 consid. 2c p. 271; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67; 102 Ia 379 consid. 2a p. 381/382 et les arrêts cités).
4.2 Dans le cas particulier, la Chambre d'accusation a motivé le risque de fuite par les fréquents déplacements du recourant à l'étranger et par la gravité des charges qui pèsent sur lui.
Le recourant est prévenu d'omission de prêter secours, d'infractions graves à la LStup et éventuellement de meurtre et de rixe. S'il devait être reconnu coupable de ces chefs d'accusation, il serait exposé à une lourde peine privative de liberté. Il a gardé des liens avec ses parents qui habitent en Syrie et il entretient une relation avec une compagne qui habite en Tchéquie. Il se rend aussi régulièrement à Paris dans le cadre de son commerce de vêtements. La tentation de se soustraire par la fuite au risque à une longue peine de prison ne peut être écartée, et l'on peut douter que la présence en Suisse de son fils, avec lequel il ne vit pas, et de son frère suffise à le retenir. Le recourant indique qu'après les faits du 30 août 2008, il est revenu "rapidement et sans le moindre problème" d'un court séjour en Tchéquie. Cette circonstance n'est toutefois pas déterminante, dans la mesure où il ignorait encore à ce moment-là les charges qui pesaient contre lui. La Chambre d'accusation pouvait ainsi admettre, sans mésuser de son pouvoir d'appréciation, qu'il existait un risque concret de fuite. Quant aux mesures de substitutions proposées par le recourant (obligation de se présenter à intervalles réguliers auprès d'un service administratif, dépôt des papiers d'identité), elles n'apparaissent pas suffisantes pour prévenir ce risque et ne sauraient de toute façon pallier le risque de réitération.
5.
Celui-ci ne peut en effet, lui non plus, être écarté. L'arrêt attaqué apparaît suffisamment motivé sur ce point, puisqu'il rappelle les différentes infractions commises par le recourant en relation avec les stupéfiants, notamment la poursuite de son activité dans ce domaine, malgré la fermeture de son magasin en 2005 et l'ouverture d'une procédure pénale à son encontre. Le recourant pourrait facilement être tenté de commettre des infractions pour améliorer son train de vie, surtout lorsqu'il ressort du dossier qu'il a conservé des liens avec le commerce du chanvre. Les regrets allégués ne permettent pas d'écarter un risque de réitération, ce d'autant qu'il a récidivé durant la précédente procédure.
6.
Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies. Me Willy Lanz est désigné comme avocat d'office du recourant, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Le recourant est dispensé des frais judiciaires (art. 64 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Willy Lanz est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre d'accusation de la Cour suprême du canton de Berne.
Lausanne, le 11 mars 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Féraud Mabillard