Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_141/2009
Arrêt du 12 mai 2009
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Hohl, Présidente, Escher,
L. Meyer, Marazzi et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Aguet.
Parties
dame X.________,
recourante, représentée par Me Bernard Geller, avocat,
contre
X.________,
intimé, représenté par Me Jacques Micheli, avocat,
Objet
mainlevée d'opposition,
recours contre l'arrêt de la Cour des poursuites
et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud
du 13 novembre 2008.
Faits:
A.
A.a Par jugement du 28 novembre 1986, le Tribunal civil du district de Lausanne a notamment prononcé le divorce des époux X.________, et ratifié pour faire partie intégrante du jugement la convention sur les effets accessoires du divorce signée par les parties. Celle-ci prévoyait, à son chiffre V, que l'époux verserait à l'épouse une pension mensuelle de 1'500 fr. et, à son chiffre VI, que ce montant correspondait à la position 108.0 de l'indice officiel suisse des prix à la consommation et qu'il serait adapté proportionnellement le premier janvier de chaque année, la première fois le 1er janvier 1988, sur la base de l'indice au 30 novembre précédent, pour autant que les revenus de l'époux soient eux-mêmes adaptés au coût de la vie, à charge pour ce dernier d'apporter la preuve que l'indexation n'aurait le cas échéant pas eu lieu.
Le 28 août 1991, les parties sont convenues d'une modification du chiffre V de ce jugement, en ce sens que la pension due par l'ex-époux était réduite à 1'000 fr. par mois dès le 1er octobre 1991; le chiffre VI a également été modifié en ce sens que le montant dû serait indexé au coût de la vie sur la base de l'indice officiel suisse des prix à la consommation à fin août 1991 et qu'il serait adapté proportionnellement le premier janvier de chaque année, la première fois le 1er janvier 1993, sur la base de l'indice au 30 novembre précédent, pour autant que le revenu de l'ex-époux soit adapté au coût de la vie et à charge pour lui d'établir, le cas échéant, que tel ne serait pas le cas.
A.b Le 28 novembre 2002, l'ex-époux a ouvert une action en modification du jugement de divorce. Par jugement du 28 juin 2004, le Président du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a rejeté cette demande et maintenu le jugement du 28 novembre 1986 tel que modifié le 28 août 1991.
B.
B.a Par commandement de payer notifié le 14 janvier 2008, l'ex-épouse a requis de son ex-mari le paiement de la somme de 2'657 fr. 40 plus intérêt à 5% dès le 1er juillet 2007, plus 70 fr. de frais de comman-dement de payer et 13 fr. 30 de frais d'encaissement, indiquant comme cause de l'obligation: "PRIVILEGE LEGAL REQUIS Indexation pension alimentaire 2007 Fr. 12'000,-- : 129.6 x 158.3 - 12'000,-- = Fr. 2'657,40". Le poursuivi a fait opposition totale.
B.b Par prononcé du 24 avril 2008, le Juge de paix du district de Lausanne a rejeté la requête de mainlevée déposée par la poursuivante.
Par arrêt du 13 novembre 2008, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud a confirmé le refus de la mainlevée.
C.
La poursuivante interjette un recours en matière civile et un recours constitutionnel contre cette décision, concluant à sa réforme en ce sens que la mainlevée définitive lui est accordée à concurrence de 2'194 fr. 45 avec intérêt à 5% l'an dès le 1er juillet 2007, plus frais et accessoires légaux; subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelles instruction et décision dans le sens des considérants. Elle se plaint d'une violation des art. 128 et 143 ch. 4 CC et, subsidiairement, du principe de l'interdiction de l'arbitraire. Elle sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
L'intimé conclut à l'irrecevabilité des recours, subsidiairement à leur rejet. La cour cantonale se réfère à son arrêt.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 134 III 115 consid. 1 p. 117 et les arrêts cités).
1.1 La décision qui refuse la mainlevée de l'opposition est finale au sens de l'art. 90 LTF puisqu'elle met fin à la procédure. Elle peut faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF) lorsque la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 133 III 399 consid. 1.3 p. 399/400) ou, exceptionnellement et pour autant que cela soit démontré (art. 42 al. 2 LTF), lorsqu'elle soulève une question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF).
En l'espèce, la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 fr. La recourante soutient cependant que la question de savoir si, en cas de non-indexation durant plusieurs années des revenus du débirentier, l'indexation obtenue jusque-là reste acquise ou non à la crédirentière, constitue une question juridique de principe; elle fait valoir que cette question a fait l'objet de décisions contradictoires au niveau cantonal, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois ayant tranché, dans une précédente décision, que l'indexation des contributions d'entretien obtenue jusqu'à l'année lors de laquelle la non-indexation des revenus du débirentier advient restait acquise à la crédirentière. Selon elle, la résolution de cette question par le Tribunal fédéral devrait permettre une interprétation uniforme du droit fédéral sur tout le territoire.
1.2 La notion de question juridique de principe doit être interprétée de manière restrictive (ATF 134 III 267 consid. 1.2 p. 269). Lorsque la question soulevée pose simplement un problème d'application des principes jurisprudentiels au cas particulier, il ne s'agit pas d'une question juridique de principe (ATF 133 III 493 consid. 1.2 p. 495; arrêts 5A_125/2007 du 20 septembre 2007 consid. 2.2.2; 5A_241/2007 du 9 août 2007 consid. 3.1). De même, le seul fait que la question posée n'ait encore jamais été tranchée par la jurisprudence ne suffit pas (arrêt 2C_116/2007 du 10 octobre 2007 consid. 4.2).
La question juridique qui se pose en l'espèce est celle de l'application et de l'interprétation d'une clause d'indexation contenue dans la convention de modification du jugement de divorce. Or, plusieurs arrêts du Tribunal fédéral portent sur une problématique semblable (ATF 127 III 289 consid. 4a p. 293; 126 III 353 consid. 1b p. 357; 116 III 62 consid. 3 p. 63). En outre, le simple fait que cette question ait pu faire l'objet de deux décisions contradictoires rendue par la juridiction cantonale vaudoise n'en fait pas une question de principe au sens de l'art. 74 al. 2 let. a LTF; le recours en matière civile est par conséquent irrecevable.
1.3 Seule la voie du recours constitutionnel est ainsi ouverte dans le cas présent (art. 113 LTF). Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et en la forme prévue par la loi ( art. 42 et 119 al. 1 LTF ), par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 115 let. a LTF), ce recours est en principe recevable.
Le recours constitutionnel peut être formé uniquement pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs que s'ils ont été invoqués et motivés ( art. 106 al. 2 et 117 LTF ), c'est-à-dire expressément soulevés et exposés de façon claire et détaillée (principe d'allégation; ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287), les exigences de motivation correspondant à celles de l'ancien art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 133 III 439 consid. 3.2 p. 444). Il n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 133 II 396 consid. 3. p. 399/400). Le recourant qui se plaint d'arbitraire ne saurait, dès lors, se borner à critiquer la décision attaquée comme il le ferait en instance d'appel, où l'autorité de recours jouit d'une libre cognition; il ne peut, en particulier, se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, mais doit démontrer, par une argumentation précise, que cette décision est manifestement insoutenable (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 352).
L'arbitraire prohibé par l'art. 9 Cst. ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait concevable, voire préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de cette décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260; 133 III 462 consid. 4.4.1 p. 470).
1.4 L'intimé produit deux pièces nouvelles, dont une avait été déclarée irrecevable par la cour cantonale, l'art. 58 al. 3 de la loi du 18 mai 1955 d'application dans le Canton de Vaud de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LVLP, RSV 280.05) interdisant, en matière de mainlevée d'opposition, la production de nouveaux moyens de preuve en procédure de recours. Selon l'art. 99 al. 1 LTF (applicable par renvoi de l'art. 117 LTF), aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. L'intimé, comme le recourant, doit exposer dans quelle mesure les conditions nécessaires à une présentation ultérieure de moyens de preuve sont remplies (ATF 133 III 393 c. 3 p. 395 et la jurisprudence citée). En l'espèce, il n'avance pas le début d'une justification à "l'administration de nova", ni ne soutient que les juges précédents auraient, à tort, refusé de tenir compte de la pièce déclarée irrecevable en instance cantonale. Partant, les pièces nouvellement produites sont irrecevables.
1.5 Aux termes de l'art. 99 al. 2 LTF (applicable par renvoi de l'art. 117 LTF), toute conclusion nouvelle est irrecevable. La recourante demande que la mainlevée soit prononcée à concurrence de 2'194 fr. 45 plus intérêt et frais. Les conclusions du recours ne sont donc pas nouvelles; elles sont seulement réduites (ATF 111 II 305 consid. 5c p. 306).
1.6 Lorsqu'il admet un recours constitutionnel, le Tribunal fédéral peut statuer lui-même sur le fond (art. 107 al. 2 LTF par renvoi de l'art. 117 LTF) et donc prononcer la mainlevée de l'opposition, s'il dispose de tous les faits nécessaires; en effet, contrairement à l'ancien recours de droit public, ni le recours en matière civile ni le recours constitutionnel ne sont purement cassatoires (FF 2001, p. 4143).
2.
2.1 La cour cantonale a considéré que l'indexation s'opère d'année en année et non pas à compter de l'année en cours par rapport à l'année de reddition du jugement de divorce ou à celle du revenu pris en compte dans le jugement. Or, il résulte des pièces que le salaire de l'intimé était le même en 2005, 2006 et 2008; celui-ci établit dès lors que son revenu n'a pas augmenté entre 2006 et 2007, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'indexer la contribution d'entretien due à la recourante pour l'année 2007 en fonction de l'évolution de l'indice officiel suisse des prix à la consommation du 30 novembre 2006.
2.2 La recourante fait grief aux juges précédents de n'avoir pas tenu compte, de manière arbitraire, de l'indexation acquise jusqu'en novembre 2004; même s'il paraît établi que l'intimé n'a pas vu son revenu augmenter dès 2005, la cour cantonale ne devait pas pour autant omettre de prendre en considération l'indexation précédente. La solution retenue aboutit à un résultat insoutenable, dès lors qu'elle revient à admettre que la contribution d'entretien due en 2007 est celle de l'époque de la modification du jugement de divorce intervenue en 1991, à savoir 1'000 fr. par mois.
2.3 L'intimé soutient que son salaire n'a pas été indexé au coût de la vie depuis 1994. Son revenu annuel brut en 2007, de 104'500 fr., est inchangé depuis le 1er juillet 2000 et il est inférieur à ses revenus réalisés durant les années 1994 à 1999. Entre 1993 et 2007, son revenu annuel a augmenté de 913 fr.; or, cette évolution est insignifiante par rapport à l'augmentation de l'indice suisse des prix à la consommation, passé de 129.6 à 153.3 points, ce qui représente un écart de 23.7 points ou 18,2 %.
2.4 Aux termes de l'art. 128 CC, le juge peut décider que la contribution d'entretien sera augmentée ou réduite d'office en fonction de variations déterminées du coût de la vie. La convention ou le jugement qui fixent des contributions d'entretien doivent indiquer si et dans quelle mesure la rente doit être adaptée aux variations du coût de la vie (art. 143 ch. 4 CC). Selon la jurisprudence, les clauses d'indexation mettant à la charge du débirentier la preuve exonératoire que son revenu n'a pas augmenté dans la même mesure que le coût de la vie sont admissibles même dans l'éventualité d'une exécution forcée. Il appartient au débiteur d'établir par pièces dans la procédure de poursuite que son revenu n'a pas été adapté au renchérissement. S'il y parvient, la mainlevée devra être refusée pour la partie de la contribution d'entretien qui correspond à l'adaptation au renchérissement (ATF 127 III 289 consid. 4a p. 293/294 et les références).
En l'espèce, il résulte de l'arrêt entrepris et des pièces produites par l'intimé en première instance que ses revenus sont les mêmes depuis 2005; c'est à juste titre, par conséquent, que la cour cantonale a jugé qu'il n'y a pas lieu d'indexer la contribution d'entretien due pour l'année 2007 à l'indice suisse des prix à la consommation du 30 novembre 2006. En revanche, il est arbitraire de considérer, à l'instar des juges précédents, que la pension doive être arrêtée dans ce cas de figure à son montant fixé dès octobre 1991, à savoir à 1'000 fr. par mois. L'intimé a établi que son revenu n'a pas été adapté au coût de la vie en 2006, 2007 et 2008; il n'a pas démontré en procédure, toutefois, comme le lui imposait la clause d'indexation figurant dans la convention de modification du jugement de divorce, que tel ne fût pas le cas les années précédentes. Les pièces sur lesquelles il se fonde pour affirmer que son revenu annuel est inchangé depuis 2000, respectivement que celui-ci n'a augmenté que de 913 fr. entre 1993 et 2007 sont irrecevables (cf. supra, consid. 1.4); il ne peut en être tenu compte. Il s'ensuit que la contribution d'entretien doit être indexée conformément à l'IPC du mois de novembre 2004, dès lors que l'intimé n'a pas prouvé que son salaire n'a pas été adapté au coût de la vie jusqu'en 2005. A défaut de raisonner ainsi, il suffirait que les revenus du débirentier ne soient pas adaptés au coût de la vie durant une année pour que le montant de la contribution d'entretien "retombe" à son niveau initial sans égard à l'indexation acquise jusque-là. Or, cette solution, adoptée par la cour cantonale, conduit à un résultat manifestement arbitraire.
2.5 L'IPC du mois de novembre 2004 se montait à 153.3, alors qu'il s'élevait à 129.6 au mois d'août 1991. L'indexation de la contribution alimentaire pour l'année 2007 représente par conséquent 2'194 fr. 45 (12'000 : 129.6 x 153.3 - 12'000).
3.
Vu ce qui précède, le recours constitutionnel subsidiaire doit être admis. La cour de céans dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer elle-même sur le fond, de sorte que l'arrêt attaqué sera réformé en ce sens que la mainlevée définitive est prononcée à concurrence de 2'194 fr. 45 plus intérêt et frais. L'intimé, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 LTF). Celle-ci ne fait pas valoir que les dépens ne pourront pas être recouvrés auprès de lui et il ne résulte pas de la décision attaquée ou du dossier qu'il serait impécunieux. Dans ces conditions, la demande d'assistance judiciaire de la recourante devient sans objet. La cause sera renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours en matière civile est irrecevable.
2.
Le recours constitutionnel est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que l'opposition formée par X.________ au commandement de payer n° xxxx de l'Office des poursuites de Lausanne-Est est levée définitivement à concurrence de 2'194 fr. 45, avec intérêt à 5% dès le 1er juillet 2007, plus frais et accessoires légaux.
3.
La requête d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet.
4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
5.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimé.
6.
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
7.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 12 mai 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Hohl Aguet