Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C_492/2008
Arrêt du 18 mai 2009
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffière: Mme Mabillard.
Parties
A._________,
recourante, représentée par Me Isabelle Python, avocate,
contre
Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1701 Fribourg.
Objet
protection de l'environnement, cadastre des sites contaminés,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIe Cour administrative, du 22 septembre 2008.
Faits:
A.
La société A._________ est propriétaire de la parcelle 617 du registre foncier de la commune d'Avry, sise en zone industrielle.
Par décision du 14 avril 2008, la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg (ci-après: la Direction cantonale) a ordonné l'inscription de l'aire d'exploitation située sur la parcelle susmentionnée dans le cadastre des sites pollués du canton de Fribourg, conformément à l'art. 5 de l'ordonnance fédérale du 26 août 1998 sur l'assainissement des sites pollués (ci-après: l'ordonnance sur les sites contaminés ou OSites; RS 814.680). Elle a prévu que l'inscription comporterait les informations suivantes:
a) Emplacement: zone industrielle, 1754 Avry (secteur Avry-sur-Matran), RF 617, coordonnées 570'980/181'330
b) Type d'activité sur le site: commerce de gros de machines et de matériel agricole (code NOGA 51.66)
c) Période approximative d'exploitation: de 1969 à nos jours
d) Investigations et mesures de protection de l'environnement déjà réalisées: investigations réalisées = non
e) Atteintes déjà constatées = non
f) Domaines de l'environnement menacés: eaux souterraines = non, eaux de surface = non, sol = non, atmosphère = non
g) Evénements particuliers = non
h) Classement OSites selon art. 5 : Site pour lequel on ne s'attend à aucune atteinte nuisible ou incommodante à l'environnement.
La Direction cantonale a retenu que l'entreprise en cause exerçait depuis 1969 des activités liées au commerce de gros de machines et de matériel agricoles, qui faisaient partie des branches susceptibles d'être concernées par une pollution, conformément à l'annexe 1 de la directive de l'Office fédéral de l'environnement relative à l'établissement du cadastre des sites pollués datée de 2001 (ci-après: directive OFEV 2001). Dans la mesure où, selon une décision du Service cantonal de l'environnement du 4 octobre 1988, il avait été constaté à l'époque que la place de la station de service et les colonnes de distribution n'étaient pas sécurisées, la vraisemblance d'une pollution du site devait être admise. L'entreprise n'avait pas réussi à prouver qu'aucune activité susceptible de polluer avait été effectuée sur le site, que les mesures de protection nécessaires contre les atteintes avaient été prises depuis le début ou que des démarches adéquates démontraient la non-pollution du site.
B.
Par arrêt du 22 septembre 2008, la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de A._________ contre la décision de la Direction cantonale du 14 avril 2008. Elle a considéré pour l'essentiel que la pollution du site était très probable, au sens de l'art. 5 al. 3 OSites, au vu des conditions non conformes au droit en vigueur qui avaient prévalu pendant des années dans l'exploitation d'une activité à risque. Les griefs soulevés par l'intéressée ne modifiaient pas cette constatation. La décision respectait en outre le principe de la proportionnalité.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A._________ demande au Tribunal fédéral de dire que l'aire d'exploitation n° 2174-1023 située sur la parcelle 617 du registre foncier d'Avry n'est pas inscrite dans le cadastre des sites pollués du canton de Fribourg. Elle conclut en outre à ce que les frais de procédure devant les instances précédentes soient mis à la charge de l'Etat de Fribourg.
Le Tribunal cantonal renvoie aux considérants de son arrêt et conclut au rejet du recours. La Direction cantonale conclut également au rejet du recours. Dans ses déterminations, l'Office fédéral de l'environnement constate que la décision attaquée est conforme au droit fédéral de la protection de l'environnement. La recourante a répliqué le 19 février 2009.
Par ordonnance du 24 novembre 2008, le Président de la Ire Cour de droit public a rejeté la requête d'effet suspensif contenue dans le recours.
Considérant en droit:
1.
1.1 La voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) est en principe ouverte contre une décision prise par une autorité cantonale de dernière instance dans une contestation portant sur l'application du droit de la protection de l'environnement. La recourante, qui a pris part à la procédure devant l'autorité précédente, est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué qui confirme l'inscription de sa parcelle dans le cadastre cantonal des sites pollués. Elle dispose ainsi de la qualité pour recourir en vertu de l'art. 89 LTF.
1.2 Aux termes de l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Le recourant ne saurait se contenter de renvoyer aux actes cantonaux ou de reproduire la motivation déjà présentée dans la procédure cantonale: l'art. 42 al. 2 LTF exige qu'il discute au moins de manière succincte les considérants de la décision attaquée (ATF 134 II 244 consid. 2.1-2.3 p. 246 s.).
Dans son écriture, la recourante reprend quasi textuellement l'argumentation de son précédent recours au Tribunal cantonal. Elle émet les mêmes objections qu'elle avait déjà soulevées devant la cour cantonale et auxquelles celle-ci a pris la peine de répondre en détail. Il est dès lors douteux que son écriture soit suffisamment motivée sous l'angle de l'art. 42 al. 2 LTF. La question de la recevabilité peut toutefois rester indécise puisque le recours doit de toute façon être rejeté au fond.
2.
La recourante forme tout d'abord son recours pour constatation inexacte et manifestement incomplète des faits pertinents.
2.1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui invoque que les faits ont été établis de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF) doit démontrer par une argumentation précise en quoi consiste la violation.
2.2 La recourante n'explique pas en quoi les faits retenus dans l'arrêt attaqué auraient été établis de manière inexacte ou incomplète; en réalité, elle discute à nouveau, comme devant l'instance précédente, les faits sur lesquels s'est fondée la Direction cantonale pour prendre sa décision. Une telle critique ne satisfait pas aux exigences posées par l'art. 42 al. 2 LTF (cf. consid. 1.2 ci-dessus) et est dès lors irrecevable. Quoi qu'il en soit, le grief aurait dû être rejeté. La recourante prétend notamment que la décision du Service cantonal de l'environnement du 4 octobre 1988 sur laquelle s'est basée la Direction cantonale, concernait l'assainissement de la station-service du point de vue de la récupération des eaux de surface et de la protection de l'air, et non pas l'infiltration d'essence par la terre. Or, la décision précitée ne comporte aucune référence à la législation sur la protection de l'air. Elle renvoie plutôt aux différentes dispositions légales relatives à la protection des eaux contre la pollution et constate que la place de la station service n'était pas sécurisée et que les colonnes de distribution n'étaient pas munies de bacs d'interception. Il est possible que la recourante confonde cette décision avec celle du Service cantonal de l'environnement du 13 novembre 1989, laquelle concerne effectivement l'assainissement de la station du point de vue de l'hygiène de l'air. Au surplus, la recourante allègue que la Direction cantonale se serait basée sur de faux éléments pour rendre la décision litigieuse; elle aurait considéré que la station service comportait plusieurs citernes enterrées et à simples parois, alors qu'en réalité il n'y a qu'une seule citerne enterrée, à double paroi et munie d'un système de sécurité. Dans un courrier du 12 octobre 2006, dont elle a rappelé le contenu dans sa décision du 14 avril 2008, la Direction cantonale a pris acte des informations de la recourante concernant la citerne, tout en indiquant que cela ne permettait pas d'éviter l'inscription dans le cadastre des sites pollués en raison d'autres motifs, ce que le Tribunal cantonal a confirmé à juste titre (voir consid. 3 ci-dessous). Dès lors, pour autant qu'il s'agisse d'une constatation manifestement inexacte, sa correction ne saurait influer sur le sort de la cause au sens de l'art. 97 al. 1 in fine LTF. Il apparaît ainsi que le Tribunal cantonal a correctement établi les faits pertinents.
3.
La recourante se plaint ensuite d'une mauvaise application du droit fédéral, en particulier de l'art. 5 OSites.
3.1 Selon l'art. 32c de la loi fédérale du 7 octobre 1983 sur la protection de l'environnement (LPE; RS 814.01), les cantons veillent à ce que soient assainis les décharges contrôlées et les autres sites pollués par des déchets (sites pollués), lorsqu'ils engendrent des atteintes nuisibles ou incommodantes ou qu'il existe un danger concret que de telles atteintes apparaissent (al. 1); les cantons établissent un cadastre, accessible au public, des sites pollués (al. 2). Les dispositions d'exécution concernant ce cadastre sont réglées par l'ordonnance sur les sites contaminés. En vertu de l'art. 5 al. 3 OSites, l'autorité inscrit au cadastre les sites dont la pollution est établie ou très probable.
Si une simple probabilité de pollution ne suffit pas pour justifier l'inscription (Konrad Baumann, Le cadastre des sites pollués, in DEP 2001, p. 731 ss, p. 742; Pierre Tschannen, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, n. 39 ad art. 32c LPE, p. 21), il n'est pas nécessaire cependant de prouver l'existence effective d'une pollution avant de procéder à la mesure. Ceci découle du principe de la prévention (art. 1 al. 2 LPE), selon lequel il existe une présomption de nuisibilité dès que le seuil de la probabilité suffisante est dépassé. Dans ces cas, la charge de la preuve objective - c'est-à-dire le risque du défaut de preuve - se déplace de l'autorité, qui veut ordonner une mesure, aux destinataires potentiels de la décision (cf. Alexandre Flückiger, La preuve juridique à l'épreuve du principe de précaution, in Revue européenne des sciences sociales 2003, Tome XLI n° 128, p. 112 s. et 117 ss). Ainsi, le fait que, par le passé, un site ait supporté une activité à risque entraîne pratiquement un renversement du fardeau de la preuve (cf. Hans U. Liniger, Bauen im reglementierten Baugrund, Das Problem der Altlasten, in Baurechtstagung 1999, Fribourg 1999, vol. I, p. 49 ss, p. 71). De façon générale, le seuil posé pour l'inscription au cadastre des terrains industriels et artisanaux est placé relativement bas; les exploitations qui relèvent d'une branche susceptible de polluer selon la directive OFEV 2001 et qui ont été mises en service avant 1985 sont en principe réputées polluées (Ruth E. Blumer, Untersuchungs- und Sanierungsmassnahmen: Praxiserfahrungen aus der Industrie, in DEP 2001 p. 758 ss, p. 762 s.).
3.2 Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que la recourante exerce une activité liée au "commerce de gros de machines et véhicules agricoles" (code 5243 de l'Annexe 1 à la directive OFEV 2001) qui, pratiquée avant 1985, constitue une activité à risque selon l'Office fédéral de l'environnement. Dans le cadre de cette activité, la recourante exploite notamment une station-service depuis 1976. Or, la distribution de carburant constitue un activité qui est susceptible d'entraîner des pollutions et qui fait l'objet d'une liste de contrôle (p. 80 de la directive OFEV 2001). La décision du Service cantonal de l'environnement du 4 octobre 1988 atteste que cette installation n'était pas conforme du point de vue de la protection des eaux depuis sa mise en service. Le fait qu'à l'époque les réservoirs étaient en charge sur les colonnes représente un risque important de pollution. De plus, les colonnes de distribution étant dépourvues de bacs d'interception, les écoulements chroniques de carburant au cours de leur utilisation n'étaient pas interceptés et pouvaient facilement s'infiltrer dans le terrain au pied et sous les colonnes. A cela s'ajoute que l'absence de raccordement permettant la collecte des eaux polluées de la place et leur évacuation au travers d'un système de traitement présentait un risque avéré de pollution du sous-sol; le seul fait que la place de distribution était bétonnée ne signifie pas qu'elle était sécurisée. En effet, les eaux polluées, si elles stagnent, peuvent s'infiltrer à travers la porosité du béton ou à la faveur d'une fissuration ou d'un défaut d'étanchéité; dans le cas où elles s'écoulent de la place sans raccordement, elles peuvent atteindre un point d'infiltration préférentiel comme un défaut de joint de dilatation entre le béton de la place et les accès. La pollution du terrain sous une installation de distribution de carburant qui a été exploitée pendant au moins douze ans (de 1976 à 1988) sans être parfaitement sécurisée présente donc bien un risque de pollution très probable, ce qui justifie l'inscription au cadastre des sites pollués.
Les éléments exposés par la recourante ne sont pas suffisants pour exclure un risque de pollution. Celle-ci n'a en effet pas réussi à démontrer que la place de la station-service était sécurisée depuis le début de l'exploitation. Par ailleurs, le rapport du bureau d'étude CSD Ingénieurs Conseils SA qu'elle mentionne porte uniquement sur la pollution du sol et des eaux souterraines par du plomb; elle ne permet en aucun cas de conclure à la non-pollution du site par des hydrocarbures, ce d'autant que la parcelle n'a fait l'objet d'aucun prélèvement ni analyse.
La décision litigieuse respecte en outre le principe de la proportionnalité. L'inscription au cadastre précise qu'il s'agit d'un site pour lequel on ne s'attend à aucune atteinte nuisible ou incommodante à l'environnement (art. 5 al. 4 let. a OSites). Par conséquent, sur la base des connaissances actuelles du dossier, des mesures d'investigation, de surveillance ou d'assainissement ne sont pas requises dans le cas présent (cf. art. 5 al. 4 let. b OSites). Une intervention ne sera nécessaire qu'en cas de modification ou transformation du site.
4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable, de même que les conclusions de la recourante tendant à mettre à la charge de l'Etat de Fribourg les frais de procédure devant les instances précédentes. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires ( art. 65 et 66 LTF ). La Direction cantonale n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions et à la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'environnement.
Lausanne, le 18 mai 2009
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Féraud Mabillard