BGer 2C_23/2009
 
BGer 2C_23/2009 vom 25.05.2009
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
2C_23/2009
{T 0/2}
Arrêt du 25 mai 2009
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffière: Mme Dupraz.
Parties
A.X.________ et B.X.________, recourants,
tous les deux représentés par Kaloyan Stoyanov, expert fiscal diplômé,
contre
Administration cantonale des impôts du canton de Vaud, route de Berne 46, 1014 Lausanne.
Objet
Art. 127 al. 3 Cst. (double imposition intercantonale, période fiscale 2005),
recours contre l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 16 décembre 2008.
Faits:
A.
Sous la raison de commerce "X.________", A.X.________ a créé en 1995 une entreprise individuelle ayant son siège à Genève.
Le 1er mai 1999, A.X.________ a conclu deux contrats avec la même personne: le premier portait sur la location pour dix ans d'un bar discothèque à Genève et le second sur l'achat du fonds de commerce, des installations, du matériel et du mobilier dudit bar pour le prix de 120'000 fr.
Le 5 juin 2001, les époux X.________ ainsi qu'un troisième associé ont créé une société à responsabilité limitée "Y.________ Sàrl" qui, selon le registre du commerce, a pour but l'exploitation de bars et restaurants.
Le 25 septembre 2001, la raison de commerce "X.________" a été radiée du registre du commerce.
A la suite d'une rupture anticipée du contrat de bail par le propriétaire, une convention a été passée le 17 juin 2005 entre les parties et avalisée par la Commission genevoise de conciliation en matière de baux et loyers le 20 juin 2005. Aux termes de cette convention, A.X.________ s'est engagé à quitter les locaux le 31 octobre 2005, moyennant le versement d'une indemnité de 630'000 fr. pour résiliation anticipée du bail.
Cette somme a été versée à A.X.________ sur son compte bancaire personnel à raison de 300'000 fr. le 1er novembre 2005 et de 330'000 fr. le 3 novembre 2005.
Le 22 décembre 2005, A.X.________ et deux autres personnes ont fondé la société anonyme Z.________ SA ayant pour but l'exploitation de bars et restaurants. A.X.________ en est le directeur et dispose de la signature individuelle.
B.
Dans leur déclaration d'impôt 2005, les époux A.X.________ et B.X.________ n'ont pas mentionné les 630'000 fr. versés sur le compte bancaire personnel du mari. Le 27 juin 2007, l'Office d'impôt de Rolle et d'Aubonne a rendu une décision de taxation pour l'année 2005 dans laquelle il a fixé le revenu imposable des époux X.________ à 687'100 fr. et la fortune imposable à 0 fr. en matière d'impôt cantonal et communal; en outre, il a fixé le revenu imposable à 673'400 fr. en matière d'impôt fédéral direct; il était précisé que l'indemnité susmentionnée de 630'000 fr. était prise en compte.
Le 4 avril 2008, l'Administration cantonale des impôts du canton de Vaud (ci-après: l'Administration cantonale) a rendu une décision sur réclamation confirmant la décision de taxation du 27 juin 2007.
C.
Par arrêt du 16 décembre 2008, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours de A.X.________ et B.X.________ contre la décision de l'Administration cantonale du 4 avril 2008 et confirmé ladite décision.
D.
Le 14 janvier 2009, A.X.________ et B.X.________ ont déposé un recours en matière de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du 16 décembre 2008. Ils demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, principalement, d'annuler l'arrêt attaqué et de déclarer qu'ils ne sont pas imposables dans le canton de Vaud pour l'indemnité de 630'000 fr. résultant de la résiliation anticipée d'un bail commercial à Genève et, subsidiairement, de renvoyer la cause à l'autorité de taxation pour qu'elle procède à un dégrèvement de leur impôt cantonal/communal 2005 à concurrence de l'exonération de l'indemnité en cause. Les recourants reprochent au Tribunal cantonal d'avoir violé le droit d'être entendu et l'interdiction de la double imposition intercantonale.
Le Tribunal cantonal a renoncé à répondre au recours. L'Administration cantonale et l'Administration fédérale des contributions concluent au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance par un tribunal cantonal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), le présent recours en matière de droit public ne tombe pas sous le coup d'une des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 et 5 ainsi que 46 al. 1 let. c LTF) et en la forme prévue (art. 42 LTF) par les destinataires de l'arrêt attaqué qui ont un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de celui-ci (art. 89 al. 1 LTF), il est en principe recevable. En effet, celui qui se plaint d'une violation de l'interdiction de la double imposition intercantonale peut recourir au Tribunal fédéral dès qu'un canton a rendu une décision en dernière instance, sans attendre la décision d'un autre canton ni épuiser les instances des autres cantons concernés (ATF 133 I 308 consid. 2.3 p. 312).
2.
Dès lors qu'on ne se trouve pas dans une situation où un autre canton contesterait l'état de fait retenu dans la décision cantonale de dernière instance comme il peut le faire en matière de double imposition, le Tribunal fédéral est lié par les faits établis par l'autorité précédente et ne peut les rectifier ou les compléter d'office que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 1 et 2 LTF; cf. arrêt 2C_748/2008 du 19 mars 2009 consid. 1.3).
3.
Les recourants font valoir une violation de leur droit d'être entendus garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. Ils reprochent au Tribunal cantonal d'avoir violé son obligation de motivation en ne se prononçant pas sur leur grief de violation de l'interdiction de la double imposition intercantonale.
3.1 Le droit d'être entendu implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il ne lui impose cependant pas d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties; l'autorité peut, au contraire, se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88; 133 III 439 consid. 3.3 p. 445 et la jurisprudence citée). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (arrêt 2D_87/2008 du 10 novembre 2008 consid. 3.1). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt 4P.216/2006 du 21 novembre 2006 consid. 2). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la
décision à rendre (cf. ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248; 126 I 97 consid. 2b p. 102 s.; 125 III 440 consid. 2a p. 441).
3.2 Les époux X.________ ont conclu comme suit le recours qu'ils ont adressé au Tribunal cantonal:
"La décision sur réclamation attaquée viole l'interdiction de double imposition intercantonale (art. 46 al. 2 CstF). Le droit exclusif d'imposer l'indemnité pour résiliation anticipée de bail revient au Canton de Genève. (...)"
Ils ont donc soulevé expressément le grief de violation de l'interdiction de la double imposition intercantonale.
Certes, le Tribunal cantonal n'a pas formellement répondu à ce grief. Toutefois, il ressort des faits retenus dans l'arrêt attaqué et de l'analyse qu'en ont faite les juges cantonaux que l'hypothèse d'une double imposition intercantonale a été d'emblée exclue. En particulier, il a été constaté que la raison individuelle de A.X.________ à Genève avait été radiée le 25 septembre 2001, de sorte que ce contribuable, qui exerçait depuis lors une activité salariée, ne disposait plus d'aucun for fiscal dans le canton de Genève. Par conséquent, le grief soulevé par les époux X.________ perdait toute portée. Ainsi, les intéressés étaient à même de comprendre à la lecture de l'arrêt attaqué, notamment de la motivation qui y est développée, pour quelle raison le Tribunal cantonal n'avait pas donné suite au grief de violation de l'interdiction de la double imposition intercantonale. Preuve en est du reste qu'ils ont été à même de soulever ce grief devant le Tribunal fédéral en expliquant les motifs pour lesquels, à leur avis, l'arrêt attaqué était contraire à l'interdiction de la double imposition intercantonale. On ne discerne donc pas de violation du droit d'être entendu.
4.
Les recourants se plaignent que le Tribunal cantonal ait méconnu l'interdiction de la double imposition intercantonale consacrée à l'art. 127 al. 3 Cst. Ils font valoir que l'indemnité de 630'000 fr. reçue pour la résiliation anticipée du bail à loyer portant sur un bar discothèque constituait un revenu provenant d'une activité indépendante qui aurait dû être imposé dans le canton de Genève en tant que for spécial d'exploitation.
4.1 Le principe de l'interdiction de la double imposition déduit de l'art. 127 al. 3 1ère phrase Cst. s'oppose à ce qu'un contribuable soit concrètement soumis, par deux ou plusieurs cantons, sur le même objet, pendant la même période, à des impôts analogues (double im- position effective) ou à ce qu'un canton excède les limites de sa souveraineté fiscale et, violant des règles de conflit jurisprudentielles, prétende prélever un impôt dont la perception est de la seule compétence d'un autre canton (double imposition virtuelle) (ATF 134 I 303 consid. 2.1 p. 306 s.; 133 I 308 consid. 2.1 p. 311).
4.2 Il n'est à juste titre plus contesté devant le Tribunal fédéral que l'indemnité litigieuse de 630'000 fr. versée sur le compte bancaire personnel de l'époux recourant constitue un revenu imposable (sur cette notion, cf. Xavier Oberson, Droit fiscal suisse, 3e éd. 2007, p. 80 ss). Reste à déterminer si le canton de Vaud, sur le territoire duquel les recourants ont leur domicile fiscal principal, est en droit de les imposer.
4.3 En principe, le droit d'assujettir un contribuable de manière intégrale et exclusive appartient au canton du domicile fiscal principal de celui-ci (cf. art. 3 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14]). Un droit limité d'assujettissement est cependant reconnu à d'autres cantons pour certaines matières (Walter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit fiscal suisse, 4e éd. 2002, p. 104 s.; Peter Locher, Einführung in das interkantonale Steuerrecht, 2e éd. 2003, p. 46 s.). Ainsi, de jurisprudence constante, le produit d'une activité lucrative indépendante découlant de l'exploitation d'un établissement commercial au moyen d'installations fixes et permanentes ainsi que la fortune mobilière investie en vue d'exercer cette activité sont imposables dans le canton de l'établissement stable et non dans le canton du domicile fiscal de l'indépendant (arrêts 2P.165/2006 du 7 décembre 2006 consid. 4.2 et 2P.149/2005 du 13 décembre 2005 consid. 3.1). En revanche, les revenus provenant d'une activité lucrative dépendante sont imposables au domicile fiscal principal du contribuable, quel que soit le lieu où s'exerce cette activité (ATF 121 I 259 consid. 2b p. 261; arrêt 2P.235/2003 du 5 avril 2004 consid. 3.1, traduit in RDAF 2004 II p. 274; voir aussi arrêt 2C_770/2008 du 4 mars 2009 consid. 2).
4.4 Dans un arrêt du 2 février 1972, dont se prévalent les recourants, le Tribunal fédéral a eu à se prononcer sur le lieu d'imposition d'une indemnité versée à la suite de la cessation avant terme d'une activité commerciale à l'exploitant d'une entreprise louée dans un autre canton que celui de domicile de l'exploitant. Il a considéré que le droit d'imposer appartenait au canton de l'entreprise, à condition que la prétention soit née durant l'exercice de l'activité commerciale (cf. arrêt précité in Archives 42 p. 481, consid. 2 et 3).
4.5 En l'espèce, selon les faits ressortant de l'arrêt attaqué, l'époux recourant a créé une entreprise individuelle ayant son siège à Genève en 1995, sous la raison de commerce "X.________". Cette raison individuelle a été radiée du registre du commerce le 25 septembre 2001. Aucun élément ne permet de retenir que le recourant ait développé une autre activité qu'il aurait exercée à titre d'indépendant depuis 2001. Celui-ci a créé, avec d'autres personnes, une société à responsabilité limitée, Y.________ Sàrl, le 5 juin 2001, puis, le 22 décembre 2005, la société anonyme Z.________ SA, dont il est le directeur. Lorsque le recourant exerce des activités pour ces sociétés, il ne le fait pas, par définition, à ses propres risques et profits, de sorte qu'il ne saurait en tirer un statut d'indépendant (cf. arrêt 2P.98/2005 du 27 septembre 2005 consid. 3.1).
Quant au versement litigieux, il a pour origine une convention signée le 17 juin 2005, par laquelle le locataire s'est engagé à quitter les locaux, qu'il avait loués en 1999 pour une durée de 10 ans, le 31 octobre 2005 moyennant le versement d'une indemnité pour résiliation anticipée du bail de 630'000 fr. Or, en juin 2005, soit au moment déterminant où la cause de l'indemnité est née (cf. supra consid. 4.4), le recourant n'exerçait plus aucune activité à titre indépendant, celle-ci ayant cessé en 2001. Par conséquent, cette indemnité constitue un revenu devant être imposé au lieu du domicile fiscal principal des recourants (art. 3 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux [LI; RSV 642.11]). Il n'est pas contesté que les recourants étaient déjà domiciliés dans le canton de Vaud (commune de W.________) en 2005. L'arrêt attaqué, qui confirme la prise en compte de l'indemnité de 630'000 fr. dans la taxation des recourants par les autorités vaudoises pour la période fiscale 2005, ne viole donc pas l'interdiction de la double imposition intercantonale.
5.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Succombant, les recourants doivent supporter solidairement les frais judiciaires (art. 65 ainsi que 66 al. 1 et 5 LTF) et n'ont pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge des recourants, solidairement entre eux.
3.
Le présent arrêt est communiqué au représentant des recourants, à l'Administration cantonale des impôts et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt anticipé, des droits de timbre.
Lausanne, le 25 mai 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Müller Dupraz