Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_190/2009
Arrêt du 27 mai 2009
IIe Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
Jacquemoud-Rossari et von Werdt.
Greffière: Mme Aguet.
Parties
X.________ SA,
recourante, représentée par Me François Bohnet,
avocat,
contre
Y.________,
intimé, représenté par Me Régine Delley, avocate,
Objet
faillite,
recours contre l'arrêt de la Ie Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 16 février 2009.
Faits:
A.
A.a A la requête de Y.________, un commandement de payer la somme de 60'431 fr. avec intérêts à 5% dès le 27 avril 2007 a été notifié le 21 mai 2007 à X.________ SA (poursuite n° xxxx); la poursuivie y a fait opposition.
Par jugement du 3 septembre 2007, le Tribunal des prud'hommes du district de Neuchâtel a condamné la société poursuivie à payer au poursuivant la somme de 8'551 fr. 20 avec intérêts à 5%; la mainlevée définitive de l'opposition formée dans la poursuite n° xxxx a été prononcée à concurrence de ce montant.
A.b Dans l'intervalle, par requête du 10 août 2007, le poursuivant a sollicité la faillite de la poursuivie, pour un montant de 23'254 fr. 55, reconnu définitivement par jugement du Tribunal de prud'hommes du district de Neuchâtel du 19 décembre 2005.
A.c Le 4 septembre 2007, les parties ont signé un accord global portant sur leurs divers litiges. Aux termes de celui-ci, la société poursuivie devait verser au poursuivant la somme nette de 27'083 fr. 60 pour solde de tout compte (23'254 fr. 55 + 8'551 fr. 20 = 31'805 fr. 75 brut), selon un plan de paiement précis, moyennant que la réquisition de faillite du 10 août 2007 soit retirée. Cette convention prévoit que, "en cas de retard dans le versement d'un des acomptes, l'ensemble de la somme restant due devient immédiatement exigible, Monsieur Y.________ étant dès cet instant libre de déposer, sans mise en demeure ou avertissement préalable, une réquisition de faillite à l'égard de la débitrice X.________ SA".
La poursuivie ne s'est pas conformée aux échéances fixées dans cette convention. Le 19 mai 2008, le poursuivant lui a fait notifier un commandement payer la somme de 19'583 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2007, auquel la poursuivie a fait opposition; la cause de l'obligation était "solde dû selon convention du 4 septembre 2007".
A.d Le 1er octobre 2007, la société poursuivie s'est vu notifier, à la requête du poursuivant, une commination de faillite dans la poursuite n° xxxx, portant sur la somme de 8'551 fr. 20 plus intérêts.
Le 22 octobre 2008, le poursuivant a déposé une réquisition de faillite à l'encontre de la poursuivie.
B.
Par jugement du 1er décembre 2008, le Président du Tribunal civil du district de Neuchâtel a prononcé la faillite de la société poursuivie.
Par arrêt du 16 février 2009, la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a rejeté le recours déposé par la société poursuivie et dit que sa faillite prendra effet le lundi 16 février 2009 à 14 heures.
C.
Contre cet arrêt, la poursuivie interjette le 18 mars 2009 un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation du prononcé de sa faillite. Elle se plaint d'une violation des art. 116 CO et 172 LP, ainsi que d'arbitraire dans la constatation des faits.
L'effet suspensif a été accordé au recours par ordonnance du 11 mai 2009, en ce sens qu'aucun acte d'exécution de la décision attaquée ne doit être entrepris.
Le poursuivant n'a pas été invité à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
1.1 La décision par laquelle le juge prononce la faillite est une décision finale (art. 90 LTF) qui peut faire l'objet d'un recours en matière civile (art. 72 al. 2 let. a LTF; ATF 133 III 687 consid. 1.2 p. 689), quelle que soit la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. d LTF). Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), par une partie ayant été déboutée de ses conclusions prises devant la juridiction précédente (art. 76 al. 1 LTF), le présent recours est en principe recevable.
1.2 Le recours en matière civile peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique en principe le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres arguments que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 133 III 545 consid. 2.2 p. 550). Compte tenu des exigences de motivation posées, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), à l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 134 III 102 consid. 1.1 p. 104/105).
1.3 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF); il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
2.
La cour cantonale a considéré que la convention signée par les parties le 4 septembre 2007 ne vaut pas novation. Cet accord prévoit un échelonnement des paiements du montant total dû par la recourante, celui-ci restant identique; aussi n'y a-t-il pas de différences suffisamment marquées entre la créance originaire et celle prévue dans l'accord pour admettre qu'il y a eu novation. En outre, la convention stipule que, en cas de retard dans le versement d'un des acomptes, l'ensemble de la somme restant due devient immédiatement exigible, le créancier étant dès cet instant libre de déposer, sans mise en demeure ou avertissement préalable, une réquisition de faillite à l'égard de la débitrice. Selon les juges précédents, il ressort de cette formulation que l'intimé n'avait pas à entamer de nouvelles poursuites mais pouvait se baser sur une des créances qui avaient déjà fait l'objet de poursuites pour requérir la faillite; le fait que le créancier ait fait notifier à la recourante une poursuite le 10 avril 2008, portant sur le solde dû selon la convention litigieuse, n'est pas déterminant.
3.
3.1 La recourante fait tout d'abord grief à la cour cantonale d'avoir constaté les faits de manière arbitraire en indiquant qu'il n'y avait pas de différences suffisamment marquées entre la créance originaire et celle prévue dans l'accord conclu entre les parties pour admettre qu'il y ait eu novation. Elle lui reproche de n'avoir tenu aucun compte des concessions réciproques des parties - qu'elle ne relaterait pas dans son arrêt -, notamment du fait que l'intimé s'engageait à ne pas recourir contre le jugement du Tribunal des prud'hommes du district de Neuchâtel du 3 septembre 2007 et renonçait à tout intérêt sur les sommes dues, ainsi qu'à toute autre prétention en lien avec son contrat de travail; l'arrêt attaqué ne mentionnerait pas non plus la volonté des parties de conclure cet accord "pour solde de tout compte". Ce dernier élément ressort toutefois expressément des faits retenus par les juges précédents; quant aux autres points mis en avant par la recourante, la correction du vice n'apparaît pas de nature à influer sur le sort de la cause (cf. infra, consid. 3.4). Pour le surplus, son grief vise en réalité l'appréciation juridique des faits par la cour cantonale; sa critique, en tant qu'elle porte sur l'établissement des faits, est ainsi infondée.
3.2 La recourante soutient que les parties ont conclu, par la signature de la convention du 4 septembre 2007, une transaction; chacune a fait des concessions réciproques et cet accord global a été passé pour solde de tout compte. Or, une telle transaction emporterait novation. La réquisition de faillite de l'intimé se fondant sur une dette inexistante, puisque novée, la cour cantonale aurait violé l'art. 172 LP en prononçant sa faillite.
3.3 La novation est l'extinction d'une dette par la création d'une nouvelle. La novation ne se présume point (art. 116 al. 1 CO). En particulier, sauf convention contraire, elle ne résulte pas de la souscription d'un engagement de change en raison d'une dette existante, ni de la signature d'un nouveau titre de créance ou d'un nouvel acte de cautionnement (art. 116 al. 2 CO). Elle suppose la volonté de créer une nouvelle dette en lieu et place de la précédente, ce qui est une question d'interprétation (ATF 126 III 375 consid. 2e/bb p. 380). Pour que la novation puisse être retenue, la volonté des parties concernant l'extinction de l'ancienne créance doit être établie de manière non équivoque et prouvée par celui qui s'en prévaut. Les déclarations des parties et leurs intérêts sont déterminants pour en décider (ATF 107 II 479 consid. 3 p. 481 et les références). N'ont pas d'effet novatoire les simples modifications qui, sans toucher la nature de l'obligation initiale, modifient le montant de la dette, sa durée, le taux d'intérêt ou les sûretés constituées en faveur du créancier (ATF 131 III 586 consid. 4.2.3.3 p. 592). De même, l'octroi de délais de paiement n'emporte pas novation (ATF 84 II 645 consid. 3a p. 650; 69 II 298 consid. 2 p. 302).
3.4 Selon la jurisprudence sur laquelle se fonde la recourante, la transaction, judiciaire ou non, est un contrat par lequel les parties mettent fin par des concessions réciproques à un litige ou à l'incertitude dans laquelle elles se trouvent au sujet d'un rapport de droit. Ainsi, elles substituent souvent à un rapport de droit existant un nouveau rapport au sens de l'art. 116 CO. Le cas de la transaction judiciaire est spécial lorsqu'elle donne lieu à une décision qui met fin au procès et qui bénéficie de l'autorité de la chose jugée; lorsqu'une transaction judiciaire passe en force comme un jugement, il y a manifestement novation (ATF 105 II 273 consid. 3a p. 277). La question de savoir si, en l'espèce, la convention signée par les parties le 4 septembre 2007 vaut transaction ou si elle constitue uniquement, comme l'a admis la cour cantonale, un arrangement de paiement peut demeurer indécise. En effet, la recourante ne saurait déduire de la jurisprudence précitée que la transaction non judiciaire emporte systématiquement novation. Comme on l'a vu (cf. supra, consid. 3.3), seule la volonté des parties est déterminante à cet égard.
3.5 En retenant que la convention du 4 septembre 2007 prévoit uniquement un plan de paiement des montants dus par la recourante à l'intimé, respectivement qu'il ressort de sa formulation que l'intimé n'avait pas à entamer de nouvelles poursuites, mais pouvait se baser sur une des créances qui avait déjà fait l'objet de poursuites pour requérir la faillite de la recourante, la cour cantonale admet que la volonté de nover n'est pas établie. Si elle entendait constater par là la volonté interne des parties, ce qui est douteux, il s'agirait d'une question de fait, qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). Si, en revanche, à défaut d'éléments permettant de déterminer la volonté interne des parties, elle a recherché leur volonté objective, la cour cantonale devait interpréter la portée de cette convention selon le principe de la confiance, à savoir dans le sens que chacune des parties pouvait raisonnablement et de bonne foi prêter aux déclarations de l'autre. L'application du principe de la confiance est une question de droit, que la cour de céans peut examiner librement; pour trancher cette question juridique, il faut cependant se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait (ATF 131 III 586 consid. 4.2.3.1 p. 592).
3.6 En l'espèce, il ressort de la convention litigieuse que l'intimé pouvait, en cas de retard de paiement, requérir la faillite de la recourante sans mise en demeure ou avertissement préalable. Cette formulation pouvait de bonne foi être comprise par l'intimé en ce sens que les créances initiales n'étaient pas éteintes par cet accord. La recourante n'expose pas de quelle autre manière ce point de l'accord devrait être interprété. Au surplus, si les parties avaient eu l'intention de nover, on ne voit pas pourquoi elles n'auraient pas prévu, à la place du seul retrait de la réquisition de faillite du 10 août 2007, le retrait des poursuites initiales. Partant, c'est à juste titre que la cour cantonale a admis que la convention du 4 septembre 2007 n'emportait pas novation et que l'intimé était fondé à requérir la faillite de la recourante sur la base de la créance ayant fait l'objet de la poursuite n° xxxx.
4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à se déterminer sur le fond.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Ie Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel et à l'Office des faillites du district de La Chaux-de-Fonds.
Lausanne, le 27 mai 2009
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Hohl Aguet