Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_469/2008
{T 0/2}
Arrêt du 10 juillet 2009
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Merkli, Karlen, Zünd et Aubry Girardin.
Greffier: M. Addy.
Parties
X.________ SA,
représentée par Me Yves Noël, avocat,
recourante,
contre
Département de l'économie du canton de Vaud, Police cantonale du commerce, rue Caroline 11, 1014 Lausanne,
intimé.
Objet
Taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 23 mai 2008.
Faits:
A.
Le 26 mars 2002, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté la loi sur les auberges et débits de boissons (RS/VD 935.31; ci-après également citée: LADB ou loi cantonale). Ce texte, entré en vigueur le 1er janvier 2003, a remplacé l'ancienne loi homonyme du 11 décembre 1984 (ci-après citée: aLADB ou ancienne loi cantonale) qui régissait jusqu'alors la matière. A titre de nouveauté, la (nouvelle) loi cantonale a notamment abandonné la clause du besoin et le régime des patentes en vigueur auparavant pour les établissements publics et les débits de boissons alcooliques à l'emporter. Elle soumet désormais l'exploitation des établissements publics à l'obtention d'une licence d'établissement, qui comprend l'autorisation d'exercer et l'autorisation d'exploiter, tandis que l'exploitation des débits de boissons alcooliques à l'emporter nécessite une autorisation dite simple. Par ailleurs, les taxes de patentes annuelles, précédemment à la charge des établissements publics (d'un montant compris entre 150 et 10'000 fr., selon des barèmes différenciés établis en fonction des recettes globales brutes "boissons", "restauration" et "logement") et des débits de boissons alcooliques à l'emporter (d'un montant de 100 fr. au minimum fixé à 0,8% du prix d'achat des boissons alcooliques non distillées vendues au détail et à 2 % du prix d'achat des boissons distillées ou considérées comme telles) ont été supprimées. Elles ont été remplacées par des émoluments spécifiques destinés à financer certaines prestations (émolument de délivrance de la licence ou de l'autorisation simple; émolument de surveillance; contribution à la fondation de la formation professionnelle; etc...).
Le 24 octobre 2006, le Grand Conseil a introduit une novelle dans la loi cantonale prévoyant le prélèvement d'une taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter (art. 53a à 53i LADB); cette taxe se monte à 0,8% du chiffre d'affaires moyen réalisé sur de telles boissons au cours des deux années précédentes; les producteurs de vin du canton sont exonérés de payer une telle taxe sur la vente du produit de leur propre récolte.
B.
Le 1er mai 2007, la Police cantonale du commerce vaudoise (ci-après: la Police du commerce) a fait parvenir aux différents titulaires d'autorisations simples de débits de boissons alcooliques à l'emporter actifs dans le canton, dont les cinq surfaces de ventes exploitées dans le canton de Vaud par X.________ SA, un formulaire de déclaration du chiffre d'affaires réalisé sur les ventes des années 2005 et 2006. A réception des formulaires remplis par la Société, la Police du commerce a notifié à celle-ci, entre le 23 et le 26 juillet 2007, cinq décisions exigeant le versement d'un montant total de ***** fr. au titre de la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter pour l'année 2007. X.________ a formé une réclamation contre ces décisions, en contestant la constitutionnalité de la taxe d'exploitation litigieuse.
Par décision du 7 septembre 2007, le Département de l'économie du canton de Vaud (ci-après: le Département cantonal) a rejeté la réclamation de la Société.
C.
X.________ a recouru contre la décision précitée du Département cantonal, en soutenant que la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter violait les principes constitutionnels de la légalité, de l'égalité de traitement et de la liberté économique. Elle faisait notamment valoir que la contribution litigieuse ne reposait "sur aucun motif d'intérêt ou de santé publique, ni de police du commerce ou de sécurité publique" et que son seul objectif était d'accroître les recettes de l'Etat en mettant de façon discriminatoire l'entier de la charge fiscale nouvelle sur les seuls débits de boissons alcooliques à l'emporter, à l'exception des autres acteurs du marché, en particulier les établissements publics et les producteurs de vin vaudois.
Le Département cantonal a indiqué que la taxe litigieuse était un impôt spécial sur l'activité économique, qui reposait sur des motifs de santé et de sécurité publiques. X.________ a objecté que de tels motifs ne ressortaient nullement des travaux préparatoires entourant la novelle précitée du 24 octobre 2006.
Par arrêt du 23 mai 2008, le Tribunal cantonal, Cour de droit administratif et public (ci-après: le Tribunal cantonal), a rejeté le recours. Il a retenu que la taxe litigieuse, ancrée dans une loi formelle cantonale, respectait le principe de la légalité et, en outre, répondait à un intérêt public suffisant, lié notamment à la lutte contre la surconsommation d'alcool chez les jeunes.
D.
X.________ forme un recours en matière de droit public contre l'arrêt précité du Tribunal cantonal. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle se plaint de la violation des principes de la séparation des pouvoirs, de la liberté économique, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération.
La Police du commerce conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal cantonal préavise en faveur de son rejet. Estimant que la taxe d'exploitation litigieuse ne touche pas le domaine de la taxe à la valeur ajoutée (TVA), l'Administration fédérale des contributions a renoncé à déposer des observations sur le recours. A sa requête, X.________ a été autorisée à déposer des observations en réponse à la prise de position déposée par la Police du commerce.
Le 10 juillet 2009, la Cour de céans a délibéré sur le présent recours en séance publique.
Considérant en droit:
1.
Interjeté en temps utile (art. 100 LTF) et dans les formes requises (art. 42 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur et non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral par le destinataire de cette décision (art. 86 al. 1 let. d et al. 2, art. 89 al. 1 LTF), le présent recours, qui ne tombe sous aucune des exceptions de l'art. 83 LTF, est en principe recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF.
2.
Selon l'art. 95 LTF, le recours (ordinaire) au Tribunal fédéral peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (let. a), qui comprend les droits constitutionnels des citoyens, ainsi que pour violation des droits constitutionnels cantonaux (let. c). En revanche, sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. d LTF), les dispositions législatives cantonales ne peuvent pas être attaquées directement comme telles devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). Il est néanmoins possible de faire valoir que leur application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou la garantie d'autres droits constitutionnels (cf. ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466). Le Tribunal fédéral n'examine cependant de tels moyens que s'ils sont formulés conformément aux exigences de motivation qualifiées prévues à l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 III 639 consid. 2 p. 639 s.; 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254). A cet égard, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation (cf. ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351 sv.; 134 I 83 consid. 3.2 p. 88 et les arrêts cités).
3.
A la fin de son exposé des faits, la recourante "s'étonne" que l'opinion minoritaire d'un juge du Tribunal cantonal ayant siégé dans deux autres affaires similaires à la sienne auxquelles elle n'était pas partie, ne lui ait pas été communiquée. Elle trouve également curieux que ces différentes affaires connexes, pourtant toutes tranchées le même jour que son cas, n'aient pas été jugées dans la même composition.
Pour autant qu'on puisse les considérer comme des griefs, de telles critiques sont irrecevables, la recourante n'articulant aucune motivation juridique à leur appui (cf. art. 42 al. 1 et 106 al. 2 LTF).
4.
4.1 La recourante conteste, sous différents aspects, la constitutionnalité de la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter prévue aux art. 53e ss LADB.
Avant d'examiner les griefs soulevés par la recourante, il convient de qualifier la taxe litigieuse, car certaines exigences et limites constitutionnelles dépendent pour partie directement de la nature de la contribution visée; il en va notamment ainsi de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons et de la portée des principes de légalité et d'égalité dans un cas concret (cf. Xavier Oberson, Droit fiscal suisse, Bâle 2007, 3ème éd., n. 18 ad § 1; Michael Beusch, Lenkungsabgaben im Strassenverkehr, thèse Zurich 1999, p. 105).
4.2 Parmi les contributions publiques, la jurisprudence et la doctrine distinguent traditionnellement entre les impôts et les contributions causales (cf. ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133; 121 I 235 consid. 3e p. 235 s.; Ernst Blumenstein/Peter Locher, System des schweizerischen Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 5 s.; Ernst Höhn/Robert Waldburger, Steuerrecht, vol. I, 9ème éd., 2001, n. 6 ad § 1; Jean-Marc Rivier, L'imposition du revenu et de la fortune, 2ème éd. 1998, p. 47; Walter Ryser/Bernard Rolli, Précis de droit fiscal suisse, 4ème éd., 2002, p. 3; Lukas Widmer, Das Legalitätsprinzip im Abgaberecht, thèse Zurich 1998, p. 118 ss et les nombreuses références citées). Une partie de la doctrine postule de reconnaître l'existence d'une troisième catégorie de contributions, à savoir les taxes d'orientation (cf. Oberson, op. cit., n. 3 ad § 1; Beusch, op. cit., p. 101; Valérie Donzel, Les redevances en matière écologique, thèse Lausanne 2002, p. 20 ss). La jurisprudence n'ignore pas ce type de contributions; elle n'y voit toutefois pas l'émergence d'une nouvelle catégorie contributive à proprement parler, mais considère les taxes d'orientation comme une simple subdivision des catégories traditionnelles que sont les impôts et les contributions causales (sur ce point, cf. infra consid. 4.2.3).
4.2.1 De manière générale, l'impôt se définit comme la contribution versée par un particulier à une collectivité publique pour participer aux dépenses résultant des tâches générales dévolues à cette dernière en vue de la réalisation du bien commun. Il est perçu de manière inconditionnelle ("voraussetzungslos"), c'est-à-dire uniquement en fonction d'une certaine situation économique réalisée en la personne de l'assujetti, sans considération d'une prestation de l'Etat ou d'un avantage particulier consenti en sa faveur (cf. ATF 122 I 305 consid. 4b p. 309; parmi d'autres auteurs, cf. Oberson, op. cit., n. 24 ad § 1).
Selon qu'il sert à alimenter les caisses générales de l'Etat ou qu'il est plus spécifiquement destiné à couvrir des dépenses déterminées, l'impôt peut être subdivisé entre impôts généraux et impôts d'affectation ("Zwecksteuern") (cf. Blumenstein/Locher, op. cit., p. 10; Höhn/Waldburger, op. cit., n. 5 ad § 1; Oberson, op. cit., n. 24 ad § 1). Une distinction supplémentaire est également opérée, depuis plusieurs années, entre les impôts d'affectation destinés à financer l'accomplissement de tâches d'intérêt général (routes, écoles, hôpitaux, etc.), et les impôts d'affectation destinés à couvrir des dépenses spécifiques qui sont provoquées par des personnes déterminées ou qui profitent plus directement à certaines catégories de personnes qu'à la majorité des citoyens; on parle dans ce dernier cas d'impôts d'attribution des coûts ("Kostenanlastungssteuern") (cf. ATF 131 II 271 consid. 5.3 p. 277; 129 I 346 consid. 5. 1 p. 354 s.; 124 I 289 consid. 3b p. 291; Blumenstein/Locher et Höhn/Waldburger, ibid.; Oberson, op. cit., n. 25 ad § 1; Rivier, op. cit., p. 51). Cette dernière distinction revêt une importance particulière pour délimiter le cercle des contribuables pouvant être appelés, dans les limites du principe de l'égalité, à participer au devoir fiscal (cf. Oberson, op. cit., n. 27 ad § 1), en ce sens qu'il doit exister des motifs objectifs et raisonnables à ne mettre un impôt (d'affectation) qu'à la charge de certaines catégories de contribuables, plutôt qu'à l'ensemble de ceux-ci (cf. ATF 124 I 289 consid. 3b p. 291 s. et les références citées).
4.2.2 Pour leur part, les contributions causales constituent la contrepartie d'une prestation spéciale ou d'un avantage particulier appréciable économiquement accordé par l'Etat. Elles reposent ainsi sur une contre-prestation étatique qui en constitue la cause (cf. ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133; Blumenstein/Locher, op. cit., p. 2, 4 s.; Höhn/Waldburger, op. cit., n. 3 s. ad § 1; Adrian Hungerbühler, Grundsätze des Kausalabgabenrechts, ZBl 2003 p. 505 ss, p. 507; Oberson, op. cit., n. 5, 6 et 10 ad § 1). En raison de leur caractère causal, ces contributions doivent, en principe, être calculées d'après la dépense à couvrir (principe de la couverture des frais), et répercutées sur les contribuables proportionnellement à la valeur des prestations fournies ou des avantages économiques retirés (principe de l'équivalence) (cf. ATF 135 I 130 consid. 2 p. 133 s.; 131 I 313 consid. 3.3 p. 318; 122 I 305 consid. 4b p. 309 et les références citées; Hungerbühler, op. cit., p. 520 ss).
Les contributions causales se subdivisent en différentes sous-catégories (cf. ATF 135 I 130 consid. 1 p. 133; Blumenstein/Locher, op. cit., p. 2 s.; Oberson, op. cit., n. 7 ad § 1; Hungerbühler, op. cit., p. 508 s.) qui comprennent notamment les charges de préférence. Celles-ci caractérisent les contributions causales destinées à financer des installations, institutions ou services que l'Etat fournit dans l'intérêt général, mais qui procurent des avantages économiques spécifiques à certaines catégories de contribuables (cf. ATF 131 I 313 consid. 3.3 p. 317; 122 I 305 consid. 4b p. 309; Hungerbühler, op. cit., p. 510 s.). La notion de charge de préférence est donc proche de celle d'impôt d'attribution des coûts. La différence tient au fait qu'en raison de sa nature causale, la charge de préférence suppose qu'il existe un avantage individuel particulier concret - soit relativement direct et dans une certaine mesure quantifiable - en faveur des contribuables concernés, tandis qu'un impôt d'attribution des coûts peut être mis à la charge d'un groupe de contribuables dès qu'il apparaît abstraitement que ceux-ci profitent plus que la généralité des contribuables des dépenses visées ou qu'ils en sont la principale cause; le montant d'un impôt d'attribution des coûts peut donc être calculé d'une manière plus schématique que le montant d'une charge de préférence (cf. ATF 131 I 313 consid. 3.3 p. 317; 129 I 346 consid. 5.1 p. 354 s.; 128 I 155 consid. 2.2 p. 160; parmi d'autres auteurs, cf. Hungerbühler, ibid. et les références citées).
4.2.3 Enfin, même si sa nature juridique exacte prête encore à discussion, il est généralement admis que la notion de taxe d'orientation (ou d'incitation) englobe toutes les contributions (impôts ou taxes) qui sont destinées de façon exclusive (la doctrine parle alors de pures taxes d'incitation) ou prépondérante (la doctrine parle alors de taxes d'orientation mixtes ou hybrides) à modifier le comportement des particuliers en vue d'atteindre un objectif voulu par le législateur (cf. Oberson, op. cit., n. 17 in fine ad § 1; Höhn/Waldburger, op. cit., n. 6 ad § 1; Hungerbühler, op. cit., p. 514). Le but principal de cette contribution n'est donc pas prioritairement de procurer des ressources supplémentaires à l'Etat, mais d'agir sur les citoyens (cf. Rivier, op. cit., p. 51; Beusch, op. cit. p. 102). C'est pourquoi Oberson (ibid.) postule de se référer au critère de l'objectif poursuivi par le législateur pour distinguer les taxes d'orientation des autres contributions publiques. Le Tribunal fédéral estime toutefois qu'aussi bien un impôt qu'une taxe peuvent présenter une composante incitative. Il en déduit que la qualification juridique d'une contribution ne dépend pas de son but, mais de sa nature, et que les critères de distinction habituels entre les impôts et les taxes demeurent également pertinents pour désigner les contributions ayant une composante incitative (cf. ATF 125 I 182 consid. 4c p. 194; 122 I 279 consid. 2d p. 285; 121 I 129 consid. 3a p. 131 et les références citées; en ce sens, cf. Donzel, op. cit., p. 14 sv.). La jurisprudence a ainsi repris à son compte les notions, consacrées par la doctrine, d'impôt d'orientation ("Lenkungssteuer") (cf. ATF 125 I 182 consid. 4c p. 194; arrêt 2P.139/1993 du 15 décembre 1994, consid. 4 in: SJ 1995 p. 409) et de taxe causale d'orientation ("Lenkungskausalabgabe") (cf. ATF 125 I 182 consid. 4c et 4d p. 194 sv. ; arrêt 2P.63/2006 du 24 juillet 2006, consid. 3.3; pour la doctrine, cf., entre autres références, Oberson, op. cit., n. 17 ad § 1; Beusch, op. cit., p. 102 ss.; Klaus A. Vallender/Reto Morell, Umweltrecht, Berne 1997, p. 168 ss.).
4.3 La taxe litigieuse sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter fait l'objet du titre X (taxes, émoluments et contributions), chapitre II (taxe sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter) de la loi sur les auberges et les débits de boissons (art. 53e ss LADB).
Aux termes de l'art. 53e LADB, le Département cantonal prélève une taxe d'exploitation auprès des commerces au bénéfice d'une autorisation simple de débit de boissons alcooliques à l'emporter (al. 1). Cette taxe est fixée à 0,8% du chiffre d'affaires moyen réalisé sur les boissons alcooliques au cours des deux années précédentes (al. 2). La taxe est perçue annuellement et ne peut être inférieure à 100 fr. par an (al. 3). Le Conseil d'Etat fixe, par voie réglementaire, les modalités de perception de la taxe (al. 4). L'art. 53f LADB précise que les producteurs de vin du canton sont autorisés à vendre le produit de leur propre récolte sans être soumis à l'octroi d'une autorisation simple de débit de boissons alcooliques à l'emporter et au paiement d'une taxe d'exploitation. Enfin, l'art. 53i LADB autorise les communes à percevoir également une taxe d'exploitation auprès des titulaires d'autorisations simples de débits de boissons alcooliques à l'emporter, sous réserve que le montant de la taxe communale ne peut pas être supérieur à la taxe cantonale (art. 53i al. 1 et 2 LADB).
Conformément à la délégation de compétence prévue à l'art. 53e al. 4 LADB, les modalités de perception ont été définies par le Conseil d'Etat au titre II (art. 7 ss) du règlement du 20 décembre 2006 sur la taxe, les émoluments et les contributions à percevoir en application de la loi du 26 mars 2002 sur les auberges et les débits de boissons (RE-LADB; RS/VD 035.31.5).
4.4 Compte tenu de leur caractère incitatif, les motifs d'intérêt public retenus par le Tribunal administratif pour justifier l'introduction de la taxe litigieuse (lutte contre la consommation abusive d'alcool et protection de la jeunesse) tendent à rapprocher cette contribution d'une taxe d'orientation. A supposer qu'elle soit exacte (sur ce point, cf. infra consid. 6.6), une telle qualification ne dispense toutefois nullement, comme on l'a vu (supra consid. 4.2.3), de déterminer si l'on a affaire à un impôt ou à une contribution causale. Or, les motifs pris en compte par les premiers juges ne correspondent manifestement pas, pour les commerçants qui y sont assujettis, à des prestations ou à des avantages particuliers concrets consentis par l'Etat en leur faveur. En réalité, la taxe litigieuse est due par les débits de boissons alcooliques à l'emporter en raison de leur seule situation économique et juridique, indépendamment de toute contre-prestation quelque peu précise ou individualisée de l'Etat à leur endroit. Elle ne revêt dès lors aucunement le caractère d'une contribution causale. Elle fait d'ailleurs l'objet d'un chapitre particulier de la loi, distinct de celui consacré aux différents émoluments détaillés aux art. 54ss LADB (titre X, chapitre III de la loi cantonale), dont le prélèvement dépend expressément d'une prestation étatique: ainsi en va-t-il des "émoluments destinés à couvrir les frais effectifs relatifs au travail de l'administration occasionné" par la délivrance des licences et autorisations simples et des permis temporaires (cf. art. 54 et 58 LADB) et par la surveillance ordinaire des établissements (art. 55 LADB), ou encore des "autres émoluments" calculés en fonction d'une échelle tenant compte du temps de travail nécessaire à l'administration pour satisfaire des demandes de renseignements (art. 57 LADB en relation avec l'art. 24 RE-LADB). Par opposition, l'assiette de la taxe litigieuse correspond à un pourcent du chiffre d'affaires et n'est pas limité par un plafond. Cela confirme le caractère inconditionnel du prélèvement, soit l'absence de tout lien effectif entre la contribution en cause et une éventuelle contre-prestation de l'Etat.
Par conséquent, malgré sa dénomination, la taxe litigieuse ne constitue pas une contribution causale, mais revêt de manière prépondérante - sinon exclusive - le caractère d'un impôt. Dans la mesure où seules certaines activités ou catégories de contribuables sont visées, il s'agit plus particulièrement, comme l'ont retenu les premiers juges, d'un impôt cantonal spécial. Selon la jurisprudence, ce type de contributions n'est admissible, au regard notamment des principes de l'universalité de l'impôt et de l'égalité de traitement en matière fiscale, que s'il existe des "motifs objectifs" ou des "motifs d'intérêt général" en justifiant le prélèvement (cf. ATF 128 I 102 consid. 5 p. 109 sv.; arrêts 2P.8/2001 du 18 juin 2002, consid. 3.3 et 3.5 et 2P.136/2001 du 30 janvier 2002, consid. 2.3). Les parties ne contestent pas cette qualification juridique. La recourante remet cependant en cause, sous différents aspects, la constitutionnalité de la taxe litigieuse et s'oppose au principe même de son prélèvement.
5.
5.1 En premier lieu, la recourante invoque une violation du principe de la séparation des pouvoirs inscrit à l'art. 89 de la Constitution du canton de Vaud du 14 avril 2003 (Cst-VD; RS VD 101.01). Elle soutient qu'en justifiant l'admissibilité de la taxe d'exploitation litigieuse par des buts de santé et de sécurité publiques liés notamment à la prévention de la consommation excessive d'alcool, en particulier chez les jeunes, le Tribunal cantonal se serait substitué au législateur cantonal en violation des compétences établies par la Constitution cantonale, car de tels objectifs ne figurent pas dans les travaux préparatoires ayant précédé l'adoption des art. 53e ss LADB.
5.2 Il est certes exact que les travaux préparatoires ne font pas état des motifs de santé et de sécurité publiques pris en compte par le jugement attaqué pour justifier le prélèvement de la taxe litigieuse. Ces travaux évoquent, d'une part, la création d'une redevance tenant compte du type et de l'importance des débits de boissons alcooliques à l'emporter (grandes surfaces, épiceries, kiosques, etc.) et, d'autre part, la volonté d'augmenter les recettes fiscales tirées de la loi cantonale (cf. rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la démarche DEFI 2007 et exposé des motifs et projets de loi modifiant notamment la loi du 26 mars 2002 sur les auberges et les débits de boissons, in Bulletins des séances du Grand Conseil du canton de Vaud [BSGC], séance du mercredi 27 septembre 2006, p. 4185 ss, p. 4212, 4238 sv., 4256 et 4307 ss).
Que le Tribunal cantonal ait retenu des motifs absents des travaux préparatoires ne signifie cependant pas qu'il aurait de la sorte empiété sur les compétences du législateur cantonal en trahissant sa volonté. Saisi d'un contrôle de constitutionnalité, il lui appartenait en effet de vérifier que, comme impôt cantonal spécial, le prélèvement de la contribution en cause répond à des motifs objectifs ou d'intérêt général, conformément aux exigences constitutionnelles posées en la matière par la jurisprudence (cf. supra consid. 4.4 et infra consid. 6.4). Or, dans le cadre de cet examen de constitutionnalité, rien n'empêchait les premiers juges de privilégier une interprétation systématique et téléologique de la loi cantonale plutôt qu'une interprétation limitée aux seuls travaux préparatoires. La jurisprudence postule en effet de n'accorder aucun ordre de priorité entre les différentes méthodes d'interprétation reconnues (littérale, systématique, téléologique, historique, etc.). Elle précise même que la prise en compte de la volonté du législateur n'est en principe décisive que si celle-ci fournit une réponse claire et sans ambiguïté à la question sujette à interprétation (cf. ATF 134 II 308 consid. 5.2 p. 311; 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178; 129 III 656 consid. 4.1 p. 658 et les arrêts cités). Mais tel n'est justement pas le cas en l'espèce, en ce sens que rien, dans les travaux préparatoires, ne permet d'exclure l'interprétation systématique et téléologique des premiers juges fondée sur les buts énoncés à l'art. 1er LADB. Or, parmi ceux-ci figurent expressément la sauvegarde de l'ordre et de la tranquillité publics (let. b), ainsi que la contribution à la protection des consommateurs et à la vie sociale (let. d). D'autres dispositions de la loi manifestent également le souci de prévenir la consommation excessive d'alcool ainsi que de tenir les mineurs à l'écart de ce produit (cf. art. 50 et 51 LADB).
En conséquence, le Tribunal cantonal ne s'est pas substitué au législateur cantonal en retenant, sur la base d'une interprétation téléologique et systématique de la loi cantonale, que celle-ci pouvait justifier des mesures fiscales destinées à prévenir la consommation excessive d'alcool, notamment par les jeunes; la seule circonstance que les travaux préparatoires ne mentionnent pas de tels buts ne permet en effet pas, comme le voudrait la recourante, de déduire un silence qualifié du législateur cantonal sur ce point. Il s'ensuit que le grief tiré de la violation du principe de la séparation des pouvoirs est mal fondé, le Tribunal cantonal s'étant limité, en interprétant la loi cantonale, à un contrôle judiciaire qui reste dans le cadre de ses compétences constitutionnelles.
6.
6.1 La recourante soutient également que la taxe litigieuse est inconstitutionnelle, car elle ne serait motivée que par des buts fiscaux et ne reposerait pas sur des motifs "objectifs" ou "d'intérêt général" au sens des exigences posées par la jurisprudence (cf. supra consid. 4.4 et infra consid. 6.4).
6.2 Dans un arrêt relativement récent concernant le canton de Soleure (ATF 128 I 102 consid. 5 p. 109 sv), le Tribunal fédéral a précisé que la reconnaissance de motifs objectifs ou d'intérêt général ne devait pas être soumise à des critères trop rigoureux (cf. ATF 128 I 102 consid. 6b p. 110 s.). A cet égard, il a estimé que les raisons liées à la protection de la santé et de la sécurité publiques invoquées par les autorités soleuroises pour justifier le prélèvement d'un impôt spécial sur la vente de boissons alcoolisées dans les établissements publics étaient valables et suffisantes (cf. ATF 128 I 102 précité, consid. 6c p. 111 s.; voir aussi, mutatis mutandis, les arrêts précités 2P.8/2001, consid. 3.5 et 2P.136/2001, consid. 2.5 et les références citées).
6.3 Une partie de la doctrine a critiqué cette jurisprudence.
En particulier, Yvo Hangartner (in: PJA 2002 p. 712 ss) tient les impôts spéciaux frappant les établissements publics pour contraires aux principes de l'universalité de l'impôt et de l'égalité de traitement inscrits à l'art. 127 al. 2 Cst. Il estime en effet qu'en raison de leur caractère d'exception (impôt "spécial"), ces contributions doivent reposer, quant au principe même de leur prélèvement, sur des motifs particulièrement importants, lesquels doivent également être de nature à justifier pour quelle(s) raison(s) l'imposition est limitée à la seule catégorie de contribuables visés. Or, de tels motifs feraient défaut à l'égard des établissements publics. D'une part, Hangartner souligne qu'il existe d'autres branches d'activités engendrant des nuisances ou des coûts importants pour la société, sans pour autant faire l'objet d'une imposition spéciale (loc. cit., p. 714; dans le même sens: Tomas Poledna, Le point sur le droit administratif, SJZ 2003, p. 476; Hugo Casanova, ASA 2004, p. 65 ss, p. 75 s.). D'autre part, Hangartner soutient que les établissements publics sont également, sous certains aspects, directement en concurrence avec les commerces de détail. A cet égard, il suggère que le principe de l'universalité de l'impôt, tel que consacré à l'art. 127 al. 2 Cst., aurait une portée plus large que sous l'ancienne constitution fédérale (ibid.; également en ce sens, cf. Casanova, ibid.).
6.4 L'ATF 128 I 102 précité confirme une jurisprudence ancienne et constante élaborée sous l'empire de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (ci-après: ancienne constitution fédérale ou aCst.). Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a jugé qu'en vertu de la souveraineté fiscale que leur confère de manière générale l'art. 3 Cst., les cantons peuvent continuer à percevoir des impôts spéciaux dans la même mesure qu'auparavant, même si, contrairement à l'art. 31 al. 2 aCst., la nouvelle Constitution fédérale ne prévoit plus expressément une telle prérogative. Il n'y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence, ni même d'intensifier les exigences susceptibles de justifier le prélèvement des impôts spéciaux cantonaux. Sous réserve du respect des compétences fiscales propres de la Confédération (art. 134 Cst.) et des autres limites constitutionnelles (notamment l' art. 127 al. 1 et 2 Cst. ), il faut bien plutôt maintenir en faveur des cantons une marge de manoeuvre pour décider quels impôts (spéciaux) ils entendent établir, selon quelles modalités, et à quelles fins. Toute autre interprétation aurait en effet pour résultat de restreindre de manière inadmissible leur souveraineté fiscale garantie à l'art. 3 Cst. Or, une telle conséquence n'a nullement été voulue par le constituant. Au contraire, ce dernier a réaffirmé, quasiment dans les mêmes termes que sous l'empire de l'ancienne constitution fédérale (cf. art. 3 aCst.), le principe de la souveraineté des cantons, qui vise notamment, en matière fiscale, à leur assurer "une autonomie substantielle en matière de détermination, de prélèvement et d'utilisation de leurs recettes, et donc une responsabilité substantielle quant au financement de leurs tâches" (cf. Message du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, in FF 1997 I 1, p. 131).
Les principes de l'universalité de l'impôt et d'égalité en matière fiscale ne contredisent pas cette interprétation: selon les termes mêmes de l'art. 127 al. 2 Cst., ils ne sont en effet applicables que dans la "mesure où la nature de l'impôt" le permet; par définition, ils n'ont donc qu'une portée restreinte en matière d'impôts spéciaux (cf. ATF 128 I 102 consid. 6d p. 112, 155 consid. 2 p. 159 ss).
6.5 Il est vrai que, comme le relève la recourante, dans l'arrêt soleurois précité ainsi qu'à l'occasion d'autres affaires (cf. arrêts précité 2P.8/2001 du 18 juin 2002, consid. 3.5, et 2P.136/2001 du 30 janvier 2002, consid. 2.4), le Tribunal fédéral avait admis l'introduction de taxes de patente ne visant que les établissements publics, à l'exception des débits de boissons alcooliques à l'emporter, pour des motifs de santé, de sécurité et d'ordre publics. Il avait notamment considéré que la consommation d'alcool dans les établissements publics posait des problèmes spécifiques en matière de sécurité routière (liés au risque de conduite en état d'ébriété) et de nuisances au voisinage (problèmes de bruit, de parcage, etc...), problèmes que l'on ne retrouvait pas dans la même mesure avec la vente d'alcool dans le commerce de détail.
Cela n'autorise toutefois pas à conclure, par un raisonnement a contrario, que le prélèvement, comme en l'espèce, d'un impôt spécial sur les seuls débits de boissons alcooliques à l'emporter, à l'exception des établissements publics, serait forcément entaché d'arbitraire ou heurterait les principes d'universalité de l'impôt et d'égalité de traitement en matière fiscale. La question de savoir s'il existe des motifs raisonnables et suffisants pour opérer valablement des distinctions légales peut en effet recevoir des réponses différentes suivant les époques et les évolutions sociales. Par ailleurs, le Tribunal fédéral fait preuve d'une grande retenue lorsqu'il s'agit, comme en l'occurrence, de tenir compte de circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (cf. ATF 135 I 233 consid. 3.2 p. 246 et les arrêts cités), et il ne qualifie d'arbitraire une norme cantonale que si celle-ci ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et de but (cf. ATF 133 I 259 consid. 4.3 p. 265; 123 I 241 consid. 2b p. 243 et les arrêts cités).
6.6 En l'espèce, il ressort des constatations cantonales (arrêt attaqué, consid. 5c) qu'un écolier sur quatre et une écolière sur six consomme de l'alcool chaque semaine en Suisse, que la proportion des jeunes de quinze ans déclarant au moins deux ivresses hebdomadaires est en constante augmentation depuis plusieurs années et que trois à quatre adolescents ou jeunes adultes en moyenne sont dirigés chaque jour vers un hôpital suisse en raison d'un diagnostic lié à l'alcool. Le plus souvent, l'alcool est consommé par les jeunes en quantité excessive lors de fêtes et autres réunions (phénomène dit du "binge drinking", consistant à boire une grande quantité d'alcool dans un court laps de temps). En outre, le Département a produit des documents (notamment des articles de journaux) faisant état de l'apparition, depuis quelques années, d'un autre phénomène nouveau, soit les "botellones", qui consistent, pour les jeunes, à se regrouper dans des lieux publics (parcs, plages, rues, etc...) afin de consommer de l'alcool, le plus souvent sous la forme de mélanges d'alcools forts. Cette pratique expose les jeunes à des risques multiples: comas éthyliques, accidents (chutes, noyades, accidents de circulation, ...), actes de violence, relations sexuelles non-protégées, etc.
Par ailleurs, toujours selon les constatations cantonales, la consommation dans les bars et autres cafés-restaurants est loin d'être négligeable, mais c'est avant tout vers le commerce de détail (en particulier la grande distribution) que se tournent en règle générale les jeunes gens, essentiellement pour des raisons de coûts d'approvisionnement (arrêt attaqué, consid. 5c précité). Comme l'imposition des boissons alcooliques constituerait, d'après de nombreuses études, l'instrument le plus efficace pour lutter contre les abus d'alcool, notamment par les jeunes (cf. Message du 26 février 2003 concernant l'introduction d'un impôt spécial sur les alcopops, in: FF 2003 1980, p. 1983), les premiers juges en déduisent que la poursuite de cet objectif est propre à justifier la mise en place de la taxe litigieuse, sans égard au fait qu'une taxe comparable n'est pas prévue pour les établissements publics.
Que l'imposition d'une taxe soit, de manière générale, une mesure efficace pour réduire la consommation de boissons alcooliques ne saurait être contesté. Dans le cas particulier, il faut toutefois admettre, avec la recourante, que la contribution litigieuse est d'un taux nettement insuffisant pour avoir un quelconque effet dissuasif sur les clients. Même si elle était pleinement répercutée sur les boissons alcooliques - ce qui n'est nullement certain (cf. infra consid. 9.2) -, elle n'en renchérirait en effet le prix que de quelques centimes ou - au mieux - dizaines de centimes par bouteille, soit dans une mesure trop faible pour modifier le comportement des consommateurs. Par comparaison, le législateur fédéral, suivant en cela l'exemple de la France, avait augmenté de 300 % l'impôt spécial prélevé sur les alcopops, afin de réduire la consommation de ce produit par les jeunes, ce qui a eu pour effet de faire passer cette contribution d'environ 50 centimes par bouteille de 3 dl à 2 fr. (cf. message précité, p. 1984 s.). Le prélèvement de la taxe litigieuse ne saurait donc se justifier sous la forme d'une contribution d'orientation au sens de la jurisprudence (cf. supra consid. 4.2.3), faute pour cette contribution d'avoir un véritable effet incitatif.
Pour autant, la taxe sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter n'est pas inconstitutionnelle. En effet, le Tribunal cantonal a également constaté - et ce fait n'est pas contesté - que, d'une manière générale, la collectivité publique doit supporter d'importants coûts liés directement ou indirectement à des consommations excessives ou inappropriées d'alcool (arrêt attaqué, consid. 5c). Or, les nouveaux modes de consommation d'alcool par une partie de la jeunesse ("binge drinking", "botellones") contribuent sans conteste pour une part significative à de tels coûts (prise en charge médicale des personnes victimes d'un coma éthylique ou d'un accident à la suite d'une consommation excessive d'alcool; actes de violence et de vandalisme; frais liés à la remise en état et au nettoyage des espaces publics investis lors de "botellones"; etc.). Partant, le prélèvement de la taxe litigieuse au titre d'un impôt d'attribution des coûts apparaît admissible, les boissons vendues au détail se présentant comme une cause non négligeable des dépenses dues à une consommation inappropriée d'alcool par les jeunes, tandis que le caractère forfaitaire et schématique du montant prévu par la loi est conforme à ce type de contributions (cf. supra consid. 4.2.1 et 4.2.2 in fine).
7.
7.1 La recourante se plaint de la violation du principe de la liberté économique garantie à l'art. 27 Cst., qui comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative et son libre exercice.
7.2 Selon la jurisprudence, la liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 134 I 214 consid. 3 p. 215 s.; 132 I 97 consid. 2 p. 99; 128 I 19 consid. 4c/aa p. et les références citées). Elle peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales (cf. arrêt 2P.94/2005 du 25 octobre 2006, consid. 4.2).
Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer sur la question de savoir si des mesures fiscales constituent une restriction à la liberté économique. A la différence d'interdire l'exercice d'une activité économique ou de la soumettre à autorisation, le prélèvement de contributions ne constitue pas une restriction juridique, mais il peut de fait influer sur l'exercice de la liberté économique. Toute mesure ayant une incidence sur la liberté en question ne constitue toutefois pas une limitation de celle-ci et il y a lieu de se montrer restrictif pour admettre l'existence d'une telle limitation (cf. ATF 125 I 182 consid. 5b p. 198). Il faut au demeurant distinguer selon le type de contributions en cause. S'agissant des impôts cantonaux spéciaux, la jurisprudence les tient pour contraires à la liberté économique seulement lorsqu'ils frappent de manière prohibitive une industrie au point de rendre son exercice excessivement difficile ou impossible, ou lorsqu'ils ont en vue de satisfaire des buts de pure politique économique, par exemple en imposant certaines formes d'activité économique plus lourdement que d'autres à des seules fins protectionnistes (cf. ATF 128 I 102 consid. 6b p. 110; 75 I 110 consid. 5 p. 112 et les références citées; voir aussi ATF 125 I 182 consid. 5b p. 199, 114 Ib 17 consid. 5a p. 23, 87 I 31 ainsi que les arrêts [précités] 2P.8/2001, du 18 juin 2002, consid. 5.3 et 2P.136/2001, du 30 janvier 2002, consid. 2.4).
7.3 Conformément aux exigences de motivation accrues de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. supra consid. 2), il appartient à la recourante de démontrer l'existence d'une atteinte à sa liberté économique. Sur ce point, il faut toutefois constater que son argumentation se limite à soutenir que la taxe litigieuse perturberait la libre concurrence et comporterait une dimension protectionniste, en ceci que les producteurs de vins vaudois en sont exonérés en vertu de l'art. 53f LADB. Cette exonération ne porte toutefois que sur la propre production des intéressés, soit le vin obtenu à partir de leur récolte. Or, contrairement aux vignerons-encaveurs, la recourante n'exerce aucune activité de production agricole; en outre, elle vend non seulement des produits vinifiés, mais aussi toutes sortes de boissons alcoolisées ainsi que d'autres produits de consommation; enfin, elle dispose d'un grand nombre de points de vente répartis sur l'ensemble du territoire cantonal. Il n'y a donc pas de véritable rapport de concurrence directe entre la recourante, qui vend des boissons alcoolisées au détail par le canal de la grande distribution, en s'approvisionnant auprès de différents fournisseurs, et les producteurs de vins du canton, qui ne sont exonérés de la taxe litigieuse que pour les produits vendus qui sont issus de leur propre récolte. Partant, le régime spécial prévu par la loi en faveur de ces derniers n'est pas de nature à fausser le jeu de la concurrence.
Par ailleurs, on ne saurait considérer - et la recourante n'entreprend du reste pas de le démontrer - que la taxe litigieuse poursuit un but de pure politique économique. Comme on l'a vu (supra consid. 5.2), son instauration a essentiellement visé, dans l'esprit du législateur cantonal, à augmenter les rentrées fiscales de l'Etat et à créer une redevance tenant compte de l'importance des exploitations visées. Par ailleurs, le prélèvement de cette contribution est justifié par certaines dépenses que doit supporter l'Etat en raison, notamment, de nouveaux modes de consommation d'alcool par une partie de la jeunesse. Enfin, la taxe litigieuse, correspondant à 0,8 % du chiffre d'affaires moyen réalisé les deux années précédant l'imposition, n'apparaît pas non plus prohibitive, la recourante arguant du reste elle-même qu'un tel taux n'est pas suffisant pour modifier sensiblement les habitudes de consommation des clients.
L'introduction de la taxe querellée ne contrevient dès lors pas au principe de la liberté économique.
8.
La recourante invoque une violation du principe d'égalité inscrit à l'art. 8 Cst.
8.1 Un arrêté de portée générale est contraire à ce principe lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 132 I 157 consid. 4.1 p. 162; 131 I 1 consid. 4.2 p. 6-7, 394 consid. 4.2 p. 399 et les arrêts cités). L'art. 8 Cst. offre une protection juridique moins étendue que le principe d'égalité entre concurrents directs déduit de la liberté économique garantie à l'art. 27 Cst. (cf. ATF 125 I 431 consid. 4b/aa p. 435 s.; arrêts 2P.94/2005 du 25 octobre 2006, consid. 4.2; 2A.81/2005 du 7 février 2006, consid. 6.2 et les arrêts cités). A raison, la recourante ne soutient pas qu'elle serait en concurrence directe avec les établissements publics, seuls les membres de la même branche qui s'adressent avec les mêmes offres au même public pour satisfaire les mêmes besoins pouvant prétendre à la protection offerte par une telle reconnaissance (eod. loc.).
8.2 Cela étant, la situation des établissements publics et des débits de boissons alcooliques à l'emporter n'est, contrairement à l'opinion de la recourante, pas comparable. En effet, si les premiers servent des boissons alcooliques, comme les seconds, ils offrent généralement aussi des repas; par ailleurs, ils accueillent des clients à la recherche d'un moment de convivialité ou d'une ambiance; enfin, ils proposent des boissons à consommer sur place et les prix pratiqués sont fortement majorés par rapport au commerce de détail. Aussi bien les prestations que la clientèle sont ainsi différentes.
En outre, les exploitants d'établissements publics n'ont pas seulement l'interdiction de vendre des boissons alcooliques aux jeunes, comme les débits de boissons alcooliques à l'emporter (cf. art. 50 LADB). Ils doivent également leur interdire ou leur limiter l'accès à leurs établissements (cf. art. 51 LADB) et prendre des mesure en vue d'assurer le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique aussi bien à l'intérieur que dans les abords immédiats de ceux-ci afin d'éviter des nuisances au voisinage (cf. art. 53 LADB). Ils sont donc tenus d'exercer une surveillance accrue sur la clientèle - et notamment les jeunes consommateurs - et assument en la matière une responsabilité plus étendue que les débits de boissons alcooliques à l'emporter au bénéfice d'une autorisation simple.
La loi cantonale peut donc réserver un traitement distinct aux deux types de commerces en cause au regard de l'art. 8 Cst.
9.
9.1 Enfin, dans un dernier moyen, la recourante invoque une violation de la répartition des compétences entre les cantons et la Confédération. A cet égard, elle fait valoir que la taxe d'exploitation sur les débits de boissons alcooliques à l'emporter heurte l'art. 134 Cst. - qui réserve la compétence exclusive de la Confédération de prélever la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au sens de l'art. 130 Cst - ainsi que l'impôt sur la bière au sens de l'art. 7 de la loi fédérale du 6 octobre 2006 sur l'imposition de la bière (LIB; RS 641.411). Elle soutient également que la taxe litigieuse revient à l'imposer deux fois sur son bénéfice, en violation de l'art. 2 al. 1 let. b LHID, qui n'autorise les cantons à prélever qu'un seul impôt sur le bénéfice des personnes morales.
9.2 Dans la mesure où, comme on l'a vu, la taxe litigieuse est un impôt (spécial) d'attribution des coûts, elle ne saurait être assimilée "à un impôt du même genre" que la TVA ou que l'impôt sur la bière au sens de l'art. 134 Cst.
Contrairement à la TVA, elle n'a du reste nullement le caractère d'un impôt de consommation, puisqu'elle frappe exclusivement les débits de boissons alcooliques à l'emporter: la loi cantonale ne prévoit en effet pas que la contribution en cause doive être répercutée sur les consommateurs. En outre, il est douteux qu'une telle répercussion ait lieu dans les faits, en ce sens que rien n'indique que les débits de boissons alcooliques à l'emporter vont automatiquement renchérir le prix de vente des boissons d'un montant correspondant à l'entier de l'impôt litigieux dont ils devront s'acquitter (0,8 % du chiffre d'affaire réalisé sur ces boissons). Ils peuvent en effet parfaitement réduire leurs marges bénéficiaires ou faire entrer cette nouvelle contribution dans le total de leurs charges. La recourante ne soutient du reste pas qu'elle répercutera la taxe litigieuse dans son entier sur les consommateurs de boissons alcooliques à l'emporter. A cela s'ajoute que l'assiette de la taxe litigieuse ne coïncide pas avec celle de la TVA: en effet, le chiffre d'affaires moyen réalisé sur les boissons alcooliques au cours des deux années précédentes sert de base d'imposition pour la taxe cantonale litigieuse, tandis que la TVA se calcule sur la "contre-prestation" au sens de l'art. 33 LTVA, soit l'augmentation de valeur réalisée par une prestation ou une prestation de service déterminée (cf. ATF 125 I 449).
Quant à l'impôt sur la bière, il frappe la fabrication ou l'importation de la bière (cf. art. 7 LIB), mais non sa vente au détail, contrairement à la taxe litigieuse. Par ailleurs, cet impôt se calcule sur la base du volume en hectolitres et de la teneur en moût d'origine, exprimée en degrés Plato (cf. art. 10 LIB). On ne saurait donc parler, s'agissant de la taxe litigieuse, d'un impôt du même genre que l'impôt sur la bière.
Le grief tiré de la violation de l'art. 134 Cst. s'avère dès lors mal fondé.
9.3 La recourante ne peut davantage être suivie lorsqu'elle invoque la loi fédérale d'harmonisation fiscale (LHID) qui, comme son titre l'indique, concerne les impôts directs (revenu et fortune). Selon la théorie dominante, les impôts directs sont ceux dont l'objet correspond à la matière imposable servant de base de calcul, par opposition aux impôts indirects qui sont calculés sur des éléments différents de leur objet (cf. Ryser/Rolli, op. cit., p. 18; Oberson, op. cit., n. 21 ad § 1; Höhn/Waldburger, op. cit., n. 74 ad § 3). Par exemple, les impôts sur les successions sont qualifiés d'indirects, car ils visent les transferts de propriété pour cause de décès, mais sont assis sur la valeur vénale des éléments transférés (Oberson, op. cit., n. 21 ad § 1; Ryser/Rolli, op. cit., p. 18; Blumenstein/Locher, op. cit., p. 140 s.). Il en va exactement de même s'agissant de la taxe en cause, qui vise l'exploitation des débits de boissons alcooliques à l'emporter, tout en étant calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé par la vente de ces boissons. S'agissant d'un impôt indirect, la recourante ne peut donc se prévaloir de la LHID.
10.
Il s'ensuit que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.
Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (cf. art. 65 al. 1 à 3 et 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (cf. art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais de justice, arrêtés à 3'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire de la recourante, au Département de l'économie et à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions.
Lausanne, le 10 juillet 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Müller Addy