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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_821/2008
Arrêt du 14 juillet 2009
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Schneider et Mathys.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
Parties
X.________,
recourant, représenté par
Me Antoine Eigenmann, avocat,
contre
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1005 Lausanne,
intimé.
Objet
Violation des règles de la LCR,
recours contre le jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois du 3 septembre 2008 et contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois du 22 janvier 2009.
Faits:
A.
Statuant sur appel, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a, par jugement du 3 septembre 2008, confirmé le prononcé préfectoral, rendu le 23 août 2007 par le Préfet du district d'Aigle, condamnant X.________ pour violation des règles de la circulation à une amende de 300 fr., la peine de substitution étant fixée à 3 jours.
Les faits retenus à l'origine de cette condamnation sont les suivants. Le 10 mai 2007, X.________ circulait sur la route principale, de Barboleusaz en direction de Gryon. Voyant une place de parc libre de l'autre côté de la route, il bifurqua à gauche, alors que A.________ arrivait en sens inverse au guidon de son motocycle. Malgré un freinage d'urgence et une manoeuvre d'évitement, celui-ci n'a pas pu éviter la collision. A.________ a été blessé au genou droit.
A l'endroit de l'accident, la route est presque rectiligne et en paliers. La visibilité y est étendue et la vitesse limitée à 50 km/h. Au moment des faits, il faisait jour et la chaussée était sèche.
Il est reproché à X.________ de n'avoir pas accordé la priorité à un véhicule venant en sens inverse, en violation des art. 36 al. 3 LCR et 14 al. 1 OCR, ainsi que d'avoir été inattentif à la circulation, contrevenant à l'art. 3 OCR.
Sur requête de X.________, le Tribunal de police a ordonné une expertise qui a permis de déterminer que la vitesse à laquelle circulait le motocycliste avant le freinage était comprise entre 51 et 62 km/h. X.________ a en outre sollicité une inspection locale, qui a été refusée.
B.
X.________ a formé un recours en matière pénale contre ce jugement. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'il est libéré de tous chefs d'accusation et subsidiairement à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle statue à nouveau. Il sollicite par ailleurs l'effet suspensif.
C.
Invités à présenter des observations, le Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois et le Ministère public du canton de Vaud ont tous deux renoncé à se déterminer et se réfèrent au jugement attaqué.
D.
Parallèlement, X.________ a déposé contre le même jugement, un recours devant la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois, de sorte que le Tribunal fédéral a sursis à statuer jusqu'à droit connu sur son sort. Ce recours a été écarté, en date du 22 janvier 2009, au motif qu'il était irrecevable.
E.
X.________ a également attaqué ce dernier arrêt par la voie du recours en matière pénale. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
Considérant en droit:
1.
Conformément à l'art. 80 al. 1 LTF, le recours en matière pénale est recevable notamment contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance. L'alinéa 2 de cette disposition précise que les cantons instituent comme autorités cantonales de dernière instance des tribunaux supérieurs, qui statuent sur recours. Toutefois, l'art. 130 al. 1 LTF prévoit que les cantons doivent édicter des dispositions d'exécution sur ce point au plus tard pour l'entrée en vigueur d'un code de procédure pénale suisse. Tant qu'un canton n'a pas adopté une telle réglementation, les jugements de tribunaux inférieurs qui ne peuvent pas donner lieu à un recours de droit cantonal pour violation du droit fédéral peuvent être attaqués directement par la voie du recours en matière pénale.
En l'espèce, il ressort de l'arrêt du 22 janvier 2009 de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal que le recourant n'était pas recevable à attaquer devant cette autorité le jugement du Tribunal de police pour violation du droit fédéral, de sorte qu'il y a lieu de considérer comme recevable le recours en matière pénale formé contre cette dernière décision.
2.
Le recourant reproche en premier lieu à l'autorité cantonale d'avoir violé le principe "in dubio pro reo". Il soutient d'une part qu'il a été condamné sans que la preuve de sa culpabilité ait été rapportée, le rapport d'expertise ne permettant pas d'établir que la vitesse à laquelle circulait le motocycliste n'était pas propre à entraîner une rupture du lien de causalité. Il allègue d'autre part que le jugement attaqué repose sur des constatations arbitraires, l'autorité cantonale ayant mal apprécié la portée du rapport d'expertise, duquel il ressortait que le motocycliste circulait à une vitesse excessive, ce qui impliquait que les juges éprouvent un doute quant à la responsabilité du recourant dans l'accident.
Le principe "in dubio pro reo" est le corollaire de la présomption d'innocence garantie par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, qui ont la même portée. Il régit tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle de l'appréciation des preuves, il signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire la question de savoir si le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-dire celle de l'appréciation des preuves (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40 ss; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37 s.).
En l'espèce, le recourant se prévaut des deux aspects de la présomption d'innocence. Néanmoins, il ne prétend pas véritablement qu'il aurait été condamné faute d'avoir pu prouver son innocence, ni que l'autorité cantonale l'aurait condamné bien qu'elle ait éprouvé un doute quant à sa culpabilité. Lorsqu'il reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé le principe "in dubio pro reo" en tant que règle sur le fardeau de la preuve, le recourant soutient en réalité que les éléments de preuve dont disposait cette autorité n'étaient pas suffisants pour fonder une condamnation. C'est donc à l'interprétation des preuves qu'il s'en prend, de sorte que son grief doit uniquement être examiné sous cet angle.
L'ensemble de l'argumentation du recourant consiste à reprocher à l'autorité cantonale de n'avoir pas suffisamment tenu compte de la vitesse à laquelle circulait le motocycliste impliqué dans l'accident.
Se fondant sur l'expertise de laquelle il ressort que ce dernier roulait, avant le freinage, à une allure comprise entre 51 et 62 km/h, le Tribunal de police a considéré que celle-ci n'était pas excessive au point d'entraîner une rupture du lien de causalité, ce que le recourant conteste. Or, aucune des infractions imputées au recourant n'est une infraction de résultat, de sorte que la question de la causalité n'est pas pertinente. C'est plutôt à la lumière du principe de la confiance, brièvement évoqué par le recourant, que doit être examinée la question de sa culpabilité et donc celle de savoir si l'autorité cantonale disposait des éléments de preuve nécessaires pour l'établir et si elle les avait correctement appréciés.
Déduit de la règle générale de l'art. 26 al. 1 LCR selon laquelle chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies, le principe de la confiance implique que l'usager de la route qui se comporte de manière réglementaire est en droit d'attendre, tant que des circonstances particulières ne doivent pas l'en dissuader, des autres usagers qu'ils se comportent également de manière conforme aux règles de la circulation, c'est-à-dire ne le gênent pas ni ne le mettent en danger (ATF 118 IV 277 consid. 4a p. 280 et les arrêts cités). Ainsi, l'usager n'a notamment pas à compter avec le fait que d'autres conducteurs surviennent à une vitesse largement excessive (ATF 118 IV 277 consid. 4a p. 280 s.; SCHAFFHAUSER, Grundriss des schweizerischen Strassenverkehrsrechts, vol. I, 2e éd. 2002, p. 185 s., no 420). Toutefois, seul celui qui s'est comporté réglementairement peut invoquer le principe de la confiance. Celui qui viole des règles de la circulation et génère ainsi une situation confuse ou dangereuse ne peut pas attendre des autres usagers de la route qu'ils parent à ce danger par une attention accrue. Cette limitation n'est toutefois pas applicable lorsque, comme en l'espèce, la question de savoir si le conducteur a contrevenu à une règle de circulation dépend précisément de la possibilité qu'il a d'invoquer le principe de la confiance (ATF 120 IV 252 consid. 2d/aa p. 254 et les références citées).
Conformément à la jurisprudence, le recourant, qui voulait obliquer sur la gauche et était débiteur de la priorité, pouvait se prévaloir du principe de la confiance et, s'il devait envisager la possibilité qu'un véhicule prioritaire puisse surgir à une vitesse excessive, n'avait toutefois pas à compter avec une allure largement supérieure à celle autorisée (voir ATF 118 IV 277 consid. 5 p. 282 ss). Dans l'optique d'une réglementation claire de la priorité, on ne saurait admettre facilement que le débiteur de la priorité n'a pas à compter avec le passage, respectivement l'entrave d'un prioritaire. Il doit avoir égard au fait qu'un véhicule prioritaire peut surgir à une vitesse excessive ou déboucher sur sa moitié gauche de la route (ATF 98 IV 279 consid 1d p. 285 s. et les arrêts cités).
L'expertise a permis d'établir que la vitesse à laquelle circulait le motocycliste se situait entre 51 et 62 km/h. Faute d'indication plus précise à ce propos, il faut partir de l'hypothèse la plus favorable au recourant et retenir une vitesse de 62 km/h. Cet élément n'est pas le seul pertinent pour déterminer si le recourant a prêté une attention suffisante à la circulation. En effet, on ne saurait lui reprocher d'avoir manqué de vigilance et de n'avoir pas respecté la priorité du véhicule qui arrivait en face que s'il était possible, compte tenu de la vitesse à laquelle celui-ci se déplaçait, de l'apercevoir suffisamment tôt pour s'arrêter de manière à le laisser passer. Il ressort de l'arrêt attaqué que l'accident a eu lieu sur un tronçon quasi rectiligne, en paliers et où la visibilité est étendue. Dans ces circonstances, le recourant qui, en tant que débiteur de la priorité, devait s'attendre à ce qu'un véhicule prioritaire surgisse, éventuellement à une vitesse excessive, n'a pas fait preuve de l'attention requise, laquelle lui aurait permis d'apercevoir le motocycliste suffisamment tôt pour interrompre sa manoeuvre et respecter le droit de priorité. Par ailleurs, même en retenant que la vitesse de ce dernier était de 62 km/h sur un tronçon où elle était limitée à 50 km/h, l'excès n'était pas si important que le recourant n'avait pas à compter avec une telle éventualité. C'est donc sans violer le droit fédéral que l'autorité cantonale a condamné le recourant pour n'avoir pas accordé la priorité au véhicule venant en sens inverse et n'avoir pas prêté une attention suffisante à la circulation.
3.
Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., le recourant reproche par ailleurs à l'autorité cantonale d'avoir violé son droit d'être entendu en refusant d'ordonner l'inspection locale qu'il avait requise. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comporte notamment le droit à l'administration de preuves valablement offertes. Ce droit n'est toutefois pas violé lorsque la mesure probatoire refusée est inapte à établir le fait à prouver, lorsque ce fait est sans pertinence ou lorsque, sur la base d'une appréciation non arbitraire des preuves dont elle dispose déjà, l'autorité parvient à la conclusion que les faits pertinents sont établis et que la mesure sollicitée n'est pas susceptible de modifier sa conviction (ATF 134 I 140 consid. 5.3 p. 148 et les arrêts cités).
En l'espèce, le recourant relève que l'autorité cantonale s'est estimée suffisamment renseignée par les pièces du dossier, savoir les photographies, schémas et l'expertise, de sorte qu'une inspection locale n'était pas nécessaire. Il soutient toutefois qu'en voyant la disposition des lieux elle aurait au contraire été contrainte de se rendre à l'évidence et d'admettre que la vitesse excessive du motocycliste était la seule cause de l'accident. Il se contente ainsi d'exposer son point de vue, sans démontrer, conformément aux exigences accrues de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 IV 286 consid. 1.4, p. 287), que l'autorité cantonale aurait apprécié de manière arbitraire les preuves dont elle disposait ou que celles-ci ne suffisaient pas pour permettre de considérer que l'inspection locale sollicitée n'était pas propre à ébranler sa conviction. Mal fondé, ce grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
4.
Le recourant forme également un recours en matière pénale contre l'arrêt du 22 janvier 2009 de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois. Il considère cette décision comme arbitraire. L'arrêt attaqué par ce second recours est celui par lequel l'autorité cantonale a déclaré irrecevable le recours formé contre le jugement du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois. Il ressort du mémoire du recours cantonal que le recourant avait formulé les mêmes griefs qu'il a soulevés dans le premier recours adressé à l'autorité de céans, griefs qui ont été examinés aux considérants 2 et 3 ci-dessus.
La notion d'arbitraire a été rappelée dans des arrêts récents, auxquels on peut donc se référer. En bref, une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable. Il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148 et les arrêts cités).
Le recourant donne sa propre interprétation des règles de procédure cantonale appliquées par la Cour de cassation, sans toutefois montrer en quoi celle de l'autorité cantonale serait manifestement insoutenable. Par ailleurs, il conclut qu'en n'entrant pas en matière sur les griefs tirés de la violation du principe « in dubio pro reo » et du droit d'être entendu, alors qu'ils peuvent selon lui être soumis au Tribunal cantonal par la voie d'un recours en nullité, la Cour de cassation l'a empêché de se plaindre de violations aux règles essentielles de procédure, que ce soit au niveau cantonal ou fédéral. Or, ces griefs sont exactement ceux qu'il a également soumis au Tribunal fédéral et qui ont été examinés par celui-ci précisément parce qu'ils ne pouvaient pas être soumis à la Cour de cassation du Tribunal cantonal, comme cela ressortait de l'arrêt rendu par celle-ci. Le recourant a donc bel et bien pu porter ces griefs devant une autorité de recours, satisfaisant ainsi à l'exigence qu'une voie de recours ordinaire soit toujours ouverte contre un jugement rendu par un tribunal de police sur une contravention ensuite d'un prononcé préfectoral (voir JT 2005 III 62 consid. 3b p. 65). On pourrait au demeurant se demander si le recourant a encore un intérêt à recourir contre la décision cantonale refusant d'entrer en matière sur ces griefs, puisque ceux-ci ont déjà été soumis au contrôle du Tribunal fédéral. Partant, ce second recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
5.
Mal fondés, les deux recours doivent être rejetés dans la mesure où ils sont recevables, les frais de la procédure étant mis à la charge du recourant qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours dirigé contre le jugement du Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois du 3 septembre 2008 est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Le recours dirigé contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois du 22 janvier 2009 est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant qui succombe.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 14 juillet 2009
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Favre Paquier-Boinay