Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_394/2009
Arrêt du 27 juillet 2009
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Schneider et Ferrari.
Greffière: Mme Paquier-Boinay.
Parties
X.________, représenté par Me Daniel Kinzer, avocat,
recourant,
contre
Y.________, représenté par Me Dominique Warluzel, avocat,
intimé,
Procureur général du canton de Genève, 1211 Genève 3,
intimé.
Objet
Lésions corporelles graves, participation à une rixe; révision,
recours contre l'arrêt de la Cour de cassation du canton de Genève du 20 mars 2009.
Faits:
A.
Par arrêt du 20 mars 2009, la Cour de cassation du canton de Genève a rejeté la demande de révision formée par X.________ contre l'arrêt de la Cour d'assises du 17 septembre 2008. La Cour de cassation a considéré que le requérant n'avait apporté aucun élément suffisamment sérieux propre à rendre vraisemblable que la Cour d'assises, si elle l'avait connu, se serait déclarée incompétente pour le juger.
B.
Le contexte de faits à l'origine de cette procédure est le suivant.
X.________, ressortissant somalien, a été admis provisoirement en Suisse en 1996, en même temps que plusieurs de ses frères et soeurs. Sur la base de renseignements prétendument fournis par son frère aîné, il a été enregistré par l'Office fédéral des migrations puis par l'Office genevois de la population comme étant né le 1er janvier 1984. Depuis lors, il a toujours soutenu être né le 28 juillet 1987.
En janvier 2004, dans le cadre d'une première procédure pénale ouverte contre X.________ pour agression, dommages à la propriété et violation de domicile, une expertise a été ordonnée afin de déterminer l'âge de l'intéressé. Sur la base de radiographies de la denture et de la main gauche de l'expertisé, l'Institut universitaire de médecine légale (ci-après IUML), eu égard aux processus biologiques qui peuvent varier d'un individu à l'autre, est parvenu à la conclusion que l'âge de X.________, en février 2004, se situait entre 18 et 22 ans, de sorte que la date de naissance du 1er janvier 1984 était vraisemblable. Sur la base de cette expertise, le Tribunal de la jeunesse s'est dessaisi du dossier, qui a été transmis au Procureur général, lequel a, par ordonnance de condamnation du 7 septembre 2004, infligé à X.________ une peine de 45 jours d'emprisonnement avec sursis. En outre, le 18 octobre 2004, par une ordonnance de condamnation, le Juge d'instruction a infligé à X.________ deux mois d'emprisonnement avec sursis pour conduite sans permis et en état d'ébriété. Aucun recours n'a été formé contre ces décisions.
Le 18 juin 2005, X.________ a participé à une rixe au cours de laquelle plusieurs jeunes gens s'en sont pris violemment à Y.________, à qui ils ont administré de nombreux coups de couteau. Il a été établi que l'un de ceux-ci, porté par X.________, avait provoqué la section de l'artère et de la veine fémorale de la victime et aurait très certainement entraîné sa mort si un médecin, qui se trouvait sur place au moment des faits, n'était pas intervenu immédiatement.
Lors de son arrestation, le 22 juin 2005, X.________ a déclaré être né le 28 juillet 1987, de sorte que son dossier a été transmis au Tribunal de la jeunesse. Cette autorité l'a toutefois immédiatement retourné au Procureur général au motif que selon l'expertise de l'IUML l'intéressé était âgé de plus de 18 ans.
A l'audience du Juge d'instruction du 23 juin 2005, X.________ a de nouveau affirmé qu'il était né le 28 juillet 1987. Le 3 août 2005, il a, par l'intermédiaire de son avocat, requis le Juge d'instruction de constater l'incompétence des autorités de poursuite pénale pour adultes, puisqu'il n'avait pas atteint l'âge de 18 ans au moment des faits. A l'appui de cette affirmation, il a notamment fait valoir que la date mentionnée dans les registres de l'Office fédéral des migrations, savoir le 1er janvier 1984, avait été indiquée de manière erronée par son grand frère au centre d'enregistrement, lors de son entrée en Suisse. Il a produit un courrier du 27 janvier 1997 du département de pédiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) adressé au service de la santé de la jeunesse, dans lequel il était relevé que la date de naissance de X.________ (1er janvier 1984), ne semblait pas correspondre à son âge physiologique et que son âge osseux - entre 7 et 8 ans -, tel que déterminé par le service de radiologie des HUG, avait confirmé cette impression. X.________ a également produit la copie de quelques pages d'un passeport somalien à son nom, indiquant le 28 juillet 1987 comme date de naissance, ainsi qu'un document en langue somalienne avec traduction en anglais, intitulée "Birth Certificate", mentionnant également cette date de naissance.
Le 8 août 2005, le Juge d'instruction a notifié à X.________ une décision constatant la compétence de la juridiction pour les personnes majeures. Il a considéré que ses arguments n'étaient pas de nature à mettre en doute sérieusement l'expertise médicale du 27 février 2004, situant son âge entre 18 et 22 ans. Il a rappelé que l'intéressé avait été condamné par la juridiction pour les majeurs le 7 septembre 2004 et que cette condamnation était entrée en force.
X.________ a recouru contre cette décision auprès de la Chambre d'accusation de la Cour de justice genevoise. Devant cette autorité, il a produit de nouvelles pièces, en particulier le compte-rendu d'une visite sanitaire effectuée le 19 septembre 1996 au département de pédiatrie des HUG, qui mentionne sa date de naissance, savoir le 1er janvier 1984 ainsi que son poids et sa taille, mais qui, sous la rubrique "status, âge", indique "9 ans 1 mois?", ce qui est l'âge correspondant à sa taille et à son poids. Ce recours a été rejeté et X.________ a formé contre la décision de la Chambre d'accusation un recours de droit public, qui a également été rejeté par le Tribunal fédéral.
Par arrêt du 17 septembre 2008, la Cour d'assises genevoise a reconnu X.________ coupable de lésions corporelles graves ainsi que de participation à une rixe et l'a condamné à une peine privative de liberté de 4 ans. Se référant à l'arrêt du Tribunal fédéral, la Cour d'assises n'a plus discuté la question de l'âge du condamné et la défense n'a émis ni contestation ni réserve.
C.
Le 29 décembre 2008, X.________ a déposé au greffe de la Cour de cassation genevoise une demande de révision de l'arrêt de la Cour d'assises. A l'appui de sa requête, il se prévalait de moyens de preuve et de faits nouveaux qui, selon lui, étaient propres à établir qu'il était mineur au moment des faits. Les éléments invoqués à l'appui de la requête de révision sont les suivants:
- la production de l'original de son passeport somalien, qui lui avait été restitué le 23 septembre 2008 par la police judiciaire,
- une attestation, délivrée le 27 novembre 2008, par laquelle la Mission somalienne auprès des Nations Unies certifie l'authenticité de ce passeport,
- la délivrance par les autorités helvétiques à deux de ses frères et à une de ses soeurs de passeports suisses mentionnant comme dates de naissance le 20 novembre 1993 et non le 1er janvier 1993, comme cela avait été mentionné lors de l'arrivée des enfants en Suisse, respectivement le 10 décembre 1990 au lieu du 1er janvier 1990 et encore le 18 août 1989 plutôt que le 1er janvier 1989,
- un jugement rendu par le Tribunal de la jeunesse à l'encontre d'un de ses frères et mentionnant que celui-ci était né le 15 juin 1986, alors que la date indiquée lors de son arrivée en Suisse était le 1er janvier 1983.
D.
X.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt de la Cour de cassation genevoise. Invoquant une violation des art. 9 Cst., ainsi que 8 et 9 CC et 385 CP, il conclut, avec suite de dépens, principalement à l'annulation de l'arrêt de la Cour d'assises et au renvoi de la cause à cette autorité pour qu'elle statue à nouveau. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la Cour de cassation cantonale pour qu'elle statue à nouveau. Il sollicite en outre l'assistance judiciaire.
Considérant en droit:
1.
Le recourant reproche en premier lieu à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 385 CP.
Aux termes de cette disposition, les cantons sont tenus de prévoir un recours en révision en faveur du condamné contre les jugements rendus en vertu du code pénal ou d'une autre loi fédérale, quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués. Elle reprend textuellement l'art. 397 aCP, de sorte que la jurisprudence relative à cette disposition conserve sa valeur.
Il en résulte qu'un fait ou un moyen de preuve est nouveau, au sens de l'art. 385 CP, lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'il ne lui a pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73; 122 IV 66 consid. 2a p. 67 et les arrêts cités), sans qu'il importe qu'il ait été connu ou non du requérant (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 p. 74), sous réserve de l'abus de droit, qui ne doit être admis qu'avec retenue en cas de révision fondée sur l'art. 385 CP. Le fait ou le moyen de preuve est sérieux lorsqu'il est propre à ébranler l'état de fait sur lequel se fonde la condamnation et que, ainsi modifié, celui-ci rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73; 122 IV 66 consid. 2a p. 67 et les arrêts cités).
Savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception des notions de faits nouveaux, de moyens de preuve nouveaux ou sérieux au sens de l'art. 385 CP est une question de droit. En revanche, savoir si un fait ou un moyen de preuve était effectivement inconnu du juge est une question de fait, que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire. Il en va de même de celle de savoir si un fait nouveau ou un moyen de preuve nouveau est propre à modifier l'état de fait retenu, puisqu'elle relève de l'appréciation des preuves, étant rappelé qu'une vraisemblance suffit au stade du rescindant (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73 et les arrêts cités).
1.1 L'argumentation du recourant s'articule essentiellement autour de deux axes.
D'une part, selon lui, le passeport somalien, dont il a produit l'original à l'appui de sa demande de révision constitue un moyen de preuve nouveau et sérieux. S'agissant de ce second aspect, il allègue avoir démontré qu'un passeport somalien valable pouvait présenter les caractéristiques jugées suspectes par les précédentes autorités et avoir fourni l'original de ce document, palliant ainsi les carences qui avaient amené ces dernières à considérer que les éléments de preuve dont elles disposaient ne permettaient pas d'admettre que sa date de naissance était celle qui figurait dans le document qu'il avait présenté devant elles. Il soutient par ailleurs que la manière dont la Cour de cassation a apprécié la portée du passeport qui lui était soumis viole les art. 9 al. 1 et 8 CC .
D'autre part, le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir procédé à une appréciation individuelle des différents éléments de preuve qu'il avait produits.
Pour déterminer si les faits ou moyens de preuve nouveaux sont sérieux, et donc susceptibles de modifier l'état de fait qui fonde la condamnation, l'autorité doit procéder à une appréciation globale des motifs de révision qui lui sont soumis (ATF 116 IV 353 consid. 3b p. 358 et 5b p. 363). C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier le caractère sérieux des différents éléments de preuve présentés par le recourant.
Il faut relever tout d'abord, s'agissant du grief tiré d'une violation de l'art. 9 al. 1 CC, que cette disposition ne s'applique pas à un document tel qu'un passeport (STEINAUER, in: Traité de droit privé suisse, vol. II/1, 2009, p. 273 n. 723). C'est donc en vain que le recourant se prévaut de cette norme, ainsi que de l'art. 8 CC, qui régit le fardeau de la preuve en droit civil et n'est donc pas pertinent en l'espèce. Il y a par conséquent lieu de considérer que le passeport somalien produit par le recourant ne jouit pas d'une force probante accrue et doit être apprécié au même titre que les autres éléments de preuve qui figurent au dossier. On peut par ailleurs noter que l'on ne sait rien de la manière dont est établi un tel document ni des sources des renseignements qui y figurent. Ainsi, il n'est même pas possible d'exclure que certains soient purement et simplement le reflet des indications fournies par les intéressés.
Si l'on considère les différents moyens de preuve invoqués par le recourant, on constate qu'hormis le passeport et l'attestation d'authenticité de celui-ci tous les documents produits à l'appui de sa requête concernent ses frères et soeurs et ne sont donc pas propres à établir sa date de naissance. Ainsi, le fait qu'un jugement rendu à l'encontre de son frère retienne comme date de naissance de ce dernier une date ultérieure à celle qui aurait été indiquée lors de son arrivée en Suisse ne fournit aucune indication susceptible de remettre en cause les constatations relatives à l'âge du recourant lui-même. En effet, d'une part ce document ne contient rien concernant ce dernier et d'autre part on ne sait pas sur quelle base l'autorité en question a retenu la date de naissance de son frère ni même si elle s'est simplement posé la question de l'exactitude de celle-ci.
Le recourant se prévaut en outre de la délivrance par les autorités helvétiques à une de ses soeurs et deux de ses frères de passeports mentionnant des dates de naissance qui ne correspondent pas non plus à ce qui avait été indiqué lors de leur entrée en Suisse. Comme le jugement dont il est question au paragraphe précédent et pour les mêmes raisons, ces documents, qui ne concernent pas le recourant personnellement, n'apparaissent d'emblée pas propres à modifier la conviction des autorités quant à sa date de naissance. De surcroît, on constate que si les dates de naissance ont été modifiées par rapport aux indications fournies pour tous les enfants par le frère du recourant lors de leur entrée en Suisse, selon lesquelles ils seraient tous nés un 1er janvier, l'année de naissance qui figure sur les documents d'identité invoqués correspond pour chacun à ce qui a été annoncé lors de l'immigration. Ainsi, si on voulait suivre le recourant et procéder à la même adaptation dans son cas, on devrait considérer qu'il est né le 28 juillet 1984, ce qui serait parfaitement compatible avec l'expertise de l'IUML et ne modifierait pas la compétence des autorités chargées de la poursuite pénale des adultes.
Il appert dès lors que, parmi les éléments nouveaux invoqués par le recourant, seul le passeport a une certaine pertinence, sans toutefois avoir la valeur probante accrue que celui-ci cherche à lui attribuer. Comme cela a déjà été relevé, sa portée doit être examinée en relation avec les autres moyens de preuve déjà invoqués avant sa condamnation et auxquels le recourant se réfère, à savoir le fait que les tableaux de croissance et son aspect juvénile donnaient à penser qu'il était plus jeune que ce qui avait été indiqué lors de son arrivée en Suisse, ce qui est confirmé par un courrier des HUG daté de 1997, qui se fonde sur l'âge osseux, déterminé par le service de radiologie de cet établissement. Néanmoins, même compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'était pas arbitraire de considérer que les faits et moyens de preuve nouveaux invoqués par le recourant n'étaient pas propres à remettre en question la conviction des autorités qui l'ont condamné, fondée essentiellement sur l'expertise effectuée en 2004 par l'IUML. Celle-ci repose sur un examen des os de la main ainsi que de la denture du recourant, qui est le plus complet auquel ce dernier a été soumis. Il n'apparaît nullement arbitraire de considérer que, même compte tenu de la production de l'original du passeport de l'intéressé, dont la valeur probante a déjà été examinée ci-dessus, cette expertise était plus fiable que les appréciations divergentes dont se prévaut le recourant, qui reposaient essentiellement sur des tabelles, voire le simple aspect physique de l'intéressé. On peut en outre noter que le recourant lui-même a reconnu la fiabilité de cette expertise en admettant sans recourir les deux condamnations prononcées en 2004 par les autorités compétentes pour poursuivre les adultes, puisque c'est sur la base de cet examen qu'elles avaient été saisies de la cause. La cour cantonale a donc considéré, sans violer le droit fédéral, que les éléments invoqués par le recourant n'étaient pas sérieux au sens de l'art. 385 CP.
Etant ainsi admis que les conditions d'application de cette disposition n'étaient de toute manière pas réalisées, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si, comme le prétend le recourant, l'autorité cantonale a nié à tort la nouveauté de certains des moyens de preuve invoqués.
2.
Mal fondé, le recours doit être rejeté. Comme il apparaissait d'emblée dénué de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant devra donc supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière.
Enfin, il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité à l'intimé qui n'est pas intervenu dans la procédure devant le Tribunal fédéral.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation du canton de Genève.
Lausanne, le 27 juillet 2009
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Favre Paquier-Boinay