Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_156/2009
{T 1/2}
Arrêt du 2 septembre 2009
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Aubry Girardin et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz
Parties
1. Syndicat UNIA, section fribourgeoise,
1701 Fribourg,
2. Syndicat SYNA, syndicat interprofessionnel,
1752 Villars-sur-Glâne,
recourants, tous deux représentés par Me Bruno Kaufmann, avocat, rue de Lausanne 18, case postale 84, 1702 Fribourg,
contre
Service public de l'emploi du canton de Fribourg, boulevard de Pérolles 24, case postale 189,
1705 Fribourg,
Direction de l'économie et de l'emploi du canton de Fribourg, rue Joseph-Piller 13, case postale,
1701 Fribourg.
Objet
Ouverture dominicale des commerces dans le canton de Fribourg,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, du 28 janvier 2009.
Faits:
A.
Entre le 23 mai 2004 et le 11 avril 2006, les syndicats UNIA et SYNA ont interjeté plusieurs recours auprès de la Direction de l'économie et de l'emploi du canton de Fribourg (ci-après: la Direction de l'économie et de l'emploi) contre des décisions du Service public de l'emploi du canton de Fribourg (ci-après: le Service public de l'emploi) autorisant l'ouverture dominicale de divers commerces et entreprises du canton. Ils faisaient notamment valoir une violation de la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce (loi sur le travail; LTr; RS 822.11), l'art. 18 al. 1 1ère phrase LTr consacrant le principe de l'interdiction générale d'occuper des travailleurs le dimanche.
Par décision du 20 décembre 2006, la Direction de l'économie et de l'emploi a rejeté les recours dans la mesure où ils étaient recevables. Elle a considéré que les autorisations litigieuses étaient fondées au regard des al. 2 et 3 de l'art. 19 LTr et de leurs dispositions d'exécution, qui prévoyaient des exceptions au principe de l'interdiction du travail dominical lorsque des raisons techniques ou économiques le rendaient indispensable et dans des cas de besoin urgent dûment établi.
B.
Saisi le 5 février 2007 d'un recours des syndicats UNIA et SYNA dirigé contre la décision de la Direction de l'économie et de l'emploi du 20 décembre 2006, le Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, (ci-après: le Tribunal cantonal) l'a déclaré irrecevable, par arrêt du 28 janvier 2009. Il a retenu en substance que l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2008, du nouvel al. 6 de l'art. 19 LTr autorisant l'occupation du personnel quatre dimanches par an sans devoir en prouver la nécessité rendait caduc l'intérêt des syndicats recourants à faire examiner la légalité de la pratique cantonale antérieure, qui s'avérait désormais conforme au droit fédéral.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les syndicats UNIA et SYNA demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 28 janvier 2009, de dire que leur recours du 5 février 2007 est recevable et de renvoyer la cause au Tribunal cantonal pour qu'il statue sur le fond de ce recours et sur leurs dépens. Ils se plaignent d'un déni de justice ainsi que de la violation du droit d'être entendu et de l'art. 19 LTr.
Le Tribunal cantonal a renoncé à déposer des observations et propose le rejet du recours pour les motifs développés dans l'arrêt attaqué. La Direction de l'économie et de l'emploi conclut implicitement au rejet du recours. Le Département fédéral de l'économie (ci-après: le Département fédéral) relève que c'est à tort que le Tribunal cantonal a dénié aux syndicats UNIA et SYNA un intérêt juridique actuel à leur recours.
Sans y avoir été invités, les recourants ont encore déposé une écriture accompagnée d'annexes, le 30 juillet 2009.
Considérant en droit:
1.
Formé contre une décision finale (cf. art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur sur la base du droit public fédéral, le présent recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss LTF (cf., en particulier, les art. 82 let. a ainsi que 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
En tant qu'associations de défense des intérêts du personnel occupé dans le secteur de la vente, les recourants ont la qualité pour agir en vertu de l'art. 58 LTr (cf. art. 89 al. 2 let. d LTF).
Pour le surplus, le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites par la loi (art. 42 LTF); il convient donc d'entrer en matière.
En revanche, le courrier envoyé spontanément par les recourants après l'échéance du délai de recours ne peut pas être pris en considération.
2.
Les recourants soutiennent en premier lieu que le Tribunal cantonal a volontairement tardé à statuer sur leur recours dans l'attente de la modification législative de l'art. 19 LTr et que ledit recours aurait été recevable si cette autorité avait rendu son arrêt dans un délai raisonnable. La durée de la procédure devant le Tribunal cantonal - soit presque deux ans - constituerait un déni de justice manifeste.
2.1 L'art. 29 al. 1 Cst. dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. A l'instar de l'art. 6 par. 1 CEDH - qui n'offre pas, à cet égard, une protection plus étendue -, cette disposition consacre le principe de la célérité, autrement dit prohibe le retard injustifié à statuer. Viole la garantie ainsi accordée l'autorité qui ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 130 I 312 consid. 5.1 p. 331 s.; 124 I 139 consid. 2c p. 141 s.; 119 Ib 311 consid. 5 p. 323 ss et les références). Il faut se fonder à ce propos sur des éléments objectifs (ATF 103 V 190 consid. 3c p. 195). Doivent notamment être pris en compte le type de procédure, le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement des parties et celui de l'autorité. Quand bien même on ne saurait reprocher à l'autorité quelques "temps morts", qui sont inévitables dans une procédure, une organisation judiciaire déficiente ou une surcharge structurelle ne peuvent justifier la lenteur excessive d'une procédure, l'Etat ayant à organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme au droit constitutionnel (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332 et les références).
2.2 En l'espèce, on peut admettre que la procédure a duré longtemps alors que la cause ne présentait pas de complexité particulière. Il ne ressort toutefois pas du dossier cantonal que les recourants se soient plaints de l'inactivité du Tribunal cantonal ou qu'ils soient intervenus pour que cette autorité fasse diligence; mais, comme l'a relevé le Tribunal fédéral, le comportement du justiciable s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative que dans un procès civil (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332). En réalité, la durée de la procédure devant le Tribunal cantonal a certes été longue mais pas déraisonnable, de sorte que le grief tiré du déni de justice ne saurait être retenu.
3.
Les recourants se plaignent également de la violation de leur droit d'être entendus dans la mesure où le Tribunal cantonal n'a pas discuté les motifs qu'ils avaient développés en plaidoirie au sujet de l'intérêt juridique de leur recours. Ils ne prétendent donc pas avoir été privés de la garantie formelle de l'art. 29 al. 2 Cst., en ce sens qu'ils n'auraient pas pu faire valoir utilement leur point de vue. Leur critique porte en fait sur l'application de l'art. 19 LTr et leur moyen, dépourvu de portée propre, se confond avec celui de violation de la loi sur le travail.
4.
S'agissant du grief tiré de la violation de l'art. 19 LTr, les recourants font valoir que le nouvel al. 6 de l'art. 19 LTr n'enlève rien à la portée de l'al. 3 de cette disposition, que les cantons ne sont pas tenus d'introduire dans leur législation la possibilité du travail dominical sans autorisation particulière à raison de quatre dimanches par an, que le canton de Fribourg a refusé de faire application de l'assouplissement prévu par l'art. 19 al. 6 LTr, que les conditions restrictives de l'art. 19 al. 3 LTr subsistent et que c'est en conséquence à tort que le Tribunal cantonal a dénié leur intérêt à contester les ouvertures dominicales autorisées entre 2004 et 2006.
4.1 Le nouvel al. 6 de l'art. 19 LTr est entré en vigueur le 1er juillet 2008. Il n'a pas d'effet direct mais laisse aux cantons la faculté d'autoriser l'ouverture des magasins et commerces ainsi que le travail dominical pour quatre dimanches par an au maximum, sans que les requérants doivent faire la preuve de la nécessité de telles ouvertures. Il incombe donc aux cantons de décider s'ils entendent faire usage de cette possibilité et, dans l'affirmative, de déterminer le nombre de ventes dominicales qu'ils souhaitent autoriser sur leur territoire. Comme le relève le Département fédéral dans sa détermination du 25 juin 2009, la compétence de fixer les dates des quatre dimanches durant lesquels il est permis d'ouvrir librement les magasins est guidée par la volonté d'amener les cantons à se prononcer en la matière (Rapport du 24 avril 2007 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national concernant l'ouverture sans restriction des magasins un nombre limité de dimanches, Initiative parlementaire; FF 2007 4055 ch. 3).
Or, dans sa séance du 10 février 2009, le Grand Conseil fribourgeois a refusé toute ouverture dominicale, que ce soit à raison de quatre dimanches ou de deux dimanches par an. Il s'ensuit que, dans le canton de Fribourg, de telles ouvertures sont encore subordonnées, comme c'était le cas avant le 1er juillet 2008, à la réalisation des conditions restrictives des al. 2 et 3 de l'art. 19 LTr (travail dominical rendu indispensable pour des raisons techniques ou économiques; besoin urgent).
4.2 En principe, la qualité pour recourir suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée (cf. ATF 135 I 79 consid. 1.1 p. 81; 128 II 34 consid. 1b p. 36). Le Tribunal fédéral fait toutefois abstraction de cette exigence lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde sont actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 135 I 79 consid. 1.1 p. 81; 131 II 670 consid. 1.2 p. 674).
Dans la mesure où, contrairement à l'affirmation du Tribunal cantonal, la pratique cantonale d'octroi des autorisations d'ouvertures dominicales des magasins n'a pas été influencée, dans le canton de Fribourg, par l'introduction de l'al. 6 de l'art. 19 LTr, les recourants conservent un intérêt à faire contrôler judiciairement la légalité de cette pratique, au regard des exigences des al. 2 et 3 de l'art. 19 LTr.
C'est donc à tort que le Tribunal cantonal n'est pas entré en matière sur le recours du 5 février 2007. Il convient en conséquence de lui renvoyer la cause pour qu'il se prononce sur le mérite de ce recours.
5.
Vu ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il entre en matière (art. 107 al. 2 LTF).
Bien qu'il succombe, le canton de Fribourg n'a pas à supporter de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). En revanche, il devra verser des dépens pour la procédure fédérale aux recourants, créanciers solidaires, ( art. 68 al. 2 et 4 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, du 28 janvier 2009 est annulé.
2.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, IIIe Cour administrative, pour qu'il entre en matière.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le canton de Fribourg versera aux recourants, créanciers solidaires, une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens pour la procédure fédérale.
5.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Service public de l'emploi, à la Direction de l'économie et de l'emploi et au Tribunal cantonal, IIIe Cour administrative, du canton de Fribourg, ainsi qu'au Département fédéral de l'économie.
Lausanne, le 2 septembre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Müller Dupraz