Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_897/2008
{T 0/2}
Arrêt du 1er octobre 2009
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Müller, Président,
Merkli, Zünd, Aubry Girardin et Donzallaz.
Greffière: Mme Rochat.
Parties
X.________ SàrL, recourante,
représentée par Ernst & Young SA,
contre
Administration fiscale cantonale genevoise,
rue du Stand 26, case postale 3937, 1211 Genève 3.
Objet
Impôt fédéral direct 2001 et 2002,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 4 novembre 2008.
Faits:
A.
X.________ Sàrl, dont le siège est à Genève, est une société à responsabilité limitée qui a notamment pour but le commerce et la fourniture de pétrole brut et de produits dérivés du pétrole.
N'ayant pas communiqué tous les renseignements nécessaires à l'Administration fiscale cantonale genevoise (ci-après l'Administration cantonale), X.________ Sàrl a fait l'objet d'une procédure de taxation d'office portant sur l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) pour les années 2001 et 2002.
Comme X.________ Sàrl tenait sa comptabilité en dollars américains, ses états financiers devaient être convertis en francs suisses à la fin de l'année. Selon le compte de pertes et profits 2001 produit par X.________ Sàrl, la rubrique désignée "translation of monetary balance sheet items" mentionnait un gain de 4'709'227 fr., alors qu'aucun montant n'était indiqué dans cette rubrique en dollars américains. Pour l'année 2002, la même rubrique faisait état d'une perte de 24'956'670 fr. Dans la traduction de ce compte demandée par l'Administration cantonale, la rubrique était intitulée "gain de change" en 2001 et "gain/perte de conversion" en 2002.
Par décisions sur réclamation du 10 février 2005, l'Administration cantonale a maintenu le principe de la taxation d'office, mais a tenu entièrement compte, pour l'IFD 2001, des chiffres communiqués par X.________ Sàrl et fixé l'impôt total dû à 8'571'481 fr. Pour l'IFD 2002, elle a fixé l'impôt dû à 3'592'627,50 fr. Ce montant incluait le poste "perte de conversion" de 24'956'670 fr. au résultat net de l'exercice. En d'autres termes, l'autorité a considéré que le gain de 4'709'227 fr. réalisé en 2001 augmentait le bénéfice de X.________ Sàrl, alors que les pertes comptabilisées en 2002 ne diminuaient pas celui-ci.
Statuant sur recours de X.________ Sàrl, la Commission cantonale de recours de l'impôt fédéral direct (ci-après: la Commission cantonale de recours) a, par décision du 26 septembre 2007, admis le recours s'agissant de la taxation 2002. Elle a considéré que les écarts de conversion
ne se distinguaient pas des pertes ou gains de change, de sorte qu'il fallait aussi les prendre en considération dans les comptes de profits et pertes 2002. Pour ce même motif, la taxation de 2001 était confirmée.
B.
L'Administration cantonale a déposé un recours contre ce prononcé auprès du Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant à la confirmation de ses décisions sur réclamation du 10 février 2005. De son côté, X.________ Sàrl a conclu à la confirmation de la décision de la Commission cantonale de recours.
Par arrêt du 4 novembre 2008, le Tribunal administratif a admis partiellement le recours, annulé la décision de la Commission cantonale de recours du 26 septembre 2007, ainsi que la décision sur réclamation pour l'année fiscale 2001, rétabli le bordereau 2002 annexé à la décision sur réclamation et renvoyé le dossier à l'Administration cantonale pour qu'elle notifie un nouveau bordereau d'impôts 2001 ne tenant pas compte du gain lié à la conversion. Les juges ont retenu en substance que la notion d'écart de conversion n'était pas équivalente à celle de gain ou de perte de change, de sorte qu'elle ne devait pas être traitée de manière identique à cette dernière. Dès lors que l'écart de conversion indiquait un risque qui n'était que potentiel, celui-ci, qu'il soit positif ou négatif, ne devait pas être pris en compte dans le résultat de l'exercice annuel.
C.
X.________ Sàrl forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral et conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du 4 novembre 2008. A titre principal, elle demande que la décision sur réclamation pour l'année fiscale 2002 soit annulée et que les écarts de conversion négatifs soient pris en compte dans l'exercice commercial annuel et dans le bénéfice net imposable, de sorte que X.________ Sàrl soit imposée, pour l'IFD 2002, sur une base de 17'304'833 fr.; elle propose ainsi le renvoi du dossier à l'autorité de première instance pour qu'elle rende une décision dans le sens des considérants. A titre subsidiaire, pour le cas où la perte de conversion de 24'956'670 fr. ne serait pas prise en compte dans le cadre du bénéfice imposable pour 2002, elle conclut à l'annulation de la décision sur réclamation pour l'année fiscale 2001 et demande que l'écart de conversion positif 2001 de 4'709'227 fr. ne soit pas assimilé à un rendement imposable, de sorte qu'elle soit imposée pour l'IFD 2001 sur une base de 96'129'464 fr., le dossier étant renvoyé à l'autorité de première instance pour qu'elle rende une décision dans le sens des considérants.
Le Tribunal administratif n'a pas formulé d'observations et a déclaré persister dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration cantonale conclut au rejet du recours, à l'instar de l'Administration fédérale des contributions, qui se rallie aux observations de l'Administration cantonale.
Le 2 mai 2009, la recourante a remis au Tribunal fédéral un extrait d'une nouvelle édition du Manuel suisse d'audit, en cours d'impression.
Considérant en droit:
1.
L'arrêt attaqué doit être considéré comme une décision finale (art. 90 LTF), dans la mesure où le renvoi qu'il contient pour l'année fiscale 2001 ne concerne que le calcul de l'impôt et ne laisse plus aucune marge de manoeuvre à l'autorité fiscale (cf. arrêt 9C_684/2007 du 27 décembre 2007, in SVR 2008 IV n. 39 p. 131, consid. 1.1). Rendu dans une cause de droit public (art. 82 lettre a LTF), par une autorité cantonale supérieure de dernière instance (art. 86 al. 1 lettre d et al. 2 LTF), sans qu'aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF ne soit réalisée, l'arrêt entrepris peut en principe être attaqué par la voie du recours en matière de droit public.
Le recours a en outre été déposé en temps utile et dans les formes requises ( art. 42 et 100 al. 1 LTF ) par la société partie à la procédure cantonale qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer en matière.
2.
Le litige concerne les taxations 2001 et 2002 de la recourante en matière d'impôt fédéral direct. Il relève du droit fédéral, plus particulièrement de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11). La question à trancher revient à se demander si des écarts de conversion peuvent influencer le bénéfice imposable d'une personne morale. La recourante soutient en substance qu'en refusant la prise en considération des écarts de conversion lors du calcul du bénéfice net imposable dans le cadre de l'IFD, les juges n'auraient pas respecté le principe de la capacité contributive garanti par l'art. 127 al. 2 Cst., violé les art. 57 et 58 LIFD , ainsi que le principe de la prudence inscrit à l'art. 662 (recte : 662a) al. 2 ch. 3 CO.
3.
3.1 L'impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net (art. 57 LIFD) et se détermine en premier lieu sur la base du compte de profits et pertes (PETER BRÜLISAUER/FLURIN POLTERA, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, éd. par MARTIN ZWEIFEL/PETER ATHANAS, vol. I/2a (DBG), 2e éd., Bâle 2008, Vor 2. Titel, n. 8 p. 827). Selon l'art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats compte tenu du solde reporté de l'exercice précédent (let. a), tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir les dépenses justifiées par l'usage commercial (let. b) et les produits qui n'ont pas été comptabilisés dans le compte de résultat, y compris les bénéfices en capital, les bénéfices de réévaluation et de liquidation sous réserve de l'art. 64 (let. c). L'objet de l'impôt correspond à l'accroissement de la fortune de l'entreprise durant l'exercice fiscal. Il frappe la différence de fonds propres entre le début et la fin de la période déterminante (arrêt 2A.457/2001 du 4 mars 2002 in StE 2002 B 72.14.1 n. 19 consid. 3.4).
Il ressort des art. 57 et 58 LIFD que le droit fiscal renvoie au droit comptable pour déterminer le bénéfice net imposable, tout en tempérant ce renvoi par l'existence de règles correctrices propres au droit fiscal (ROBERT DANON, Commentaire romand de la LIFD, éd. par DANIELLE YERSIN/YVES NOËL, Bâle 2008, n. 1 et 3 ad art. 57-58, p. 716; PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, 2ème partie, Bâle 2004, n. 2 ad art. 58 p. 242). En d'autres termes, les comptes établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières (ATF 119 Ib 111 consid. 2c p. 115; arrêts 2C_71/2009 du 10 juin 2009 consid. 7.1; 2A.549/2005 du 16 juin 2006, in StE 2007 B 72.11 n. 14, consid. 2.1).
3.2 Le droit suisse en matière de comptabilité commerciale impose à toute personne qui doit tenir une comptabilité de présenter un inventaire, un bilan et un compte de résultats à la fin de chaque exercice en respectant les principes généralement admis dans le commerce (cf. art. 958 s. CO). S'agissant des sociétés à responsabilité limitée, l'art. 801 CO renvoie, pour les comptes annuels, aux prescriptions applicables aux sociétés anonymes (FERNAND CHAPPUIS/MICHEL JACCARD, in Commentaire romand CO II, éd. par PIERRE TERCIER/MARC AMSTUTZ, Bâle 2008, n. 7 et 8 ad art. 801 CO p. 1598). Selon l'art. 663 al. 4 CO, le compte de profits et pertes fait ressortir le bénéfice ou le déficit de l'exercice. L'art. 662a al. 1 CO prévoit que les comptes annuels, dont fait partie le compte de profits et pertes (art. 662 al. 2 CO), sont dressés conformément aux principes régissant l'établissement régulier des comptes de manière à donner un aperçu aussi sûr que possible du patrimoine et des résultats de la société. L'art. 662a al. 2 CO énumère certains principes à respecter, dont notamment le principe de la prudence (ch. 3). Ces dispositions, qualifiées de "rudimentaires" par le Conseil fédéral (BO CN vol. III automne 2001 p. 537), sont en cours de révision. L'une des exigences de la modification du droit comptable suisse est de tenir compte des développements internationaux récents en ce domaine, en particulier aux Etats-Unis et dans l'Union européenne (cf. Message du Conseil fédéral concernant la modification du code des obligations du 23 juin 2004, FF 2004 vol. IV p. 3745 ss, spéc. pp. 3759 et 3778 ss). Le Conseil fédéral a pris en considération cet objectif et, dans son message du 21 décembre 2007 concernant la révision du droit de la société anonyme et du droit comptable (FF 2008 p. 1407 ss, spéc. p. 1443 et 1525), il souligne que le projet définit la structure minimale du bilan et du compte de résultat en s'appuyant sur la conception du référentiel figurant dans les "International Financial Reporting Standards/IFRS)" (anciennement: "International Accounting Standards/ IAS".
3.3 Les normes IFRS expriment des principes comptables reconnus internationalement qui s'imposent déjà en Suisse dans de nombreux cas (Pierre-Marie Glauser, IFRS et droit fiscal, Les normes true and fair et le principe de déterminance en droit fiscal suisse actuel, Archives 2006, p. 529 ss, spéc. p. 531 et 546; PETER BÖCKLI, Einführung in die IFRS/IAS, 2e éd. Bâle 2005, p. 1 ss). Ainsi, les normes IFRS sont fréquemment appliquées non seulement par les sociétés internationales, mais aussi par les grandes et moyennes entreprises suisses (PETER BÖCKLI, Schweizer Aktienrecht, 4ème éd. Zurich 2009, n. 49 p. 880 et n. 4 ss p. 1140). La législation interne contient quelques renvois à ces normes comme, par exemple, l'art. 14 al. 3 de l'ordonnance du 9 mars 2007 sur les services des télécommunications, (OST; RS 784.101.1) ou l'art. 74 al. 2 let. b de l'ordonnance du 24 septembre 2004 sur les jeux de hasard et les maisons de jeux (OLMJ; RS 935.521). Sur le plan européen, les normes comptables internationales sont devenues obligatoires pour les sociétés qui font appel public à l'épargne depuis 2005 (avec des dérogations jusqu'au 1er janvier 2007; cf. art. 4 et 7 du Règlement CE N° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002 sur l'application des normes comptables internationales, JO L 243/1 du 11 septembre 2002).
3.4 Dans ce contexte, force est de constater l'existence d'une tendance générale, tant au niveau suisse qu'européen, de se rapprocher des normes IFRS. Comme le droit comptable suisse actuel est sommaire, on ne peut reprocher aux autorités fiscales de s'inspirer des normes IFRS lors de l'établissement de l'impôt sur le bénéfice (en ce sens, PIERRE-MARIE Glauser, op. cit., in Archives 2006 p. 547 et 554 ss), puisque ces normes expriment les principes généralement admis dans le commerce. Encore faut-il que la solution concrète résultant de l'application d'une norme IFRS n'aille pas à l'encontre de l'ordre juridique suisse.
4.
4.1 Selon l'art. 960 al. 1 CO, les articles de l'inventaire, du compte d'exploitation et du bilan sont exprimés en monnaie suisse. Cette exigence ne vaut que pour les comptes au début et à la fin de l'exercice annuel. Partant, en cours d'exercice, les comptes peuvent être tenus dans une monnaie étrangère, mais devront en fin d'exercice être convertis en monnaie suisse (HENRI TORRIONE, Commentaire romand CO II, éd. par PIERRE TERCIER/MARC AMSTUTZ, Bâle 2008, n. 2 et 3 ad art. 960 CO p. 2193ss; MARKUS NEUHAUS/JÖRG BLÄTTLER, Basler Kommentar OR II, éd. par HEINRICH HONSELL/NEDIM PETER VOGT/ROLF WATTER, 3e éd. Bâle 2008, n. 2 et 4 ad art. 960 CO p. 2241). La monnaie suisse constitue ainsi la monnaie de présentation, soit celle dans laquelle les états financiers doivent être exprimés dans leur version finale. La monnaie dans laquelle les comptes sont habituellement tenus et qui caractérise l'environnement économique de l'entreprise est qualifiée de monnaie fonctionnelle; celle-ci ne correspond pas forcément à la monnaie nationale (PETER BÖCKLI, Einführung, op. cit., n. 322 p. 114) Une société qui, à l'instar de la recourante, tient ses comptes dans une monnaie fonctionnelle étrangère devra donc, à la fin de l'exercice, opérer une conversion de ses états financiers en monnaie suisse pour respecter l'art. 960 al. 1 CO.
4.2 Les écarts de conversion dits aussi écarts de change résultent du passage de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de présentation. Ils constituent ainsi des opérations comptables d'ajustement de valeurs qui sont destinées à enregistrer des probabilités. Les écarts de conversion doivent être distingués des opérations de change qui se rapportent, pour leur part, à des opérations commerciales qui sont effectuées dans une monnaie différente de la monnaie fonctionnelle de l'entreprise et qui donnent lieu à des pertes et à des gains effectifs (ERIC CAUSIN, Droit comptable des entreprises, Bruxelles 2002, n. 1180 et 1181 p. 778/779). Les écarts de conversion ou de change n'ont donc rien à voir avec l'activité de l'entreprise, mais sont seulement la conséquence de l'opération comptable consistant à convertir les comptes établis en monnaie fonctionnelle étrangère dans la monnaie suisse de présentation, comme l'exige l'art. 960 al. 1 CO. Ils dépendent du taux de la monnaie fonctionnelle de référence par rapport à la monnaie suisse. Ils n'apparaissent donc que dans les comptes présentés en francs suisses, comme l'atteste du reste la perte de conversion 2002 invoquée par la recourante, qui ne figurait dans aucune rubrique de ses comptes exprimés en dollars américains.
4.3 Le droit comptable suisse ne contient aucune disposition concernant la conversion dans la monnaie nationale de présentation (MARKUS NEUHAUS/JÖRG BLÄTTLER, op. cit., n. 5 ad art. 960 CO). La norme comptable internationale 21 (IFRS 21) traite en revanche de la problématique de l'utilisation d'une monnaie de présentation autre que la monnaie fonctionnelle et, notamment, de la conversion dans cette monnaie de présentation. Cette norme prévoit que :
"Le résultat et la situation financière d'une entité dont la monnaie fonctionnelle n'est pas la monnaie d'une économie hyperinflationniste doivent être convertis en une autre monnaie de présentation en utilisant les procédures suivantes :
a) les actifs et les passifs de chaque bilan présenté (y compris à titre comparatif) doivent être convertis au cours de clôture à la date de chacun de ces bilans;
b) les produits et les charges de chaque compte de résultat (y compris à titre comparatif) doivent être convertis au cours de change en vigueur aux dates des transactions;
c) tous les écarts de change en résultant doivent être comptabilisés en tant que composante distincte des capitaux propres."
Ces écarts ne sont pas comptabilisés dans le résultat, parce que les variations des cours de change n'ont que peu ou pas d'effet direct sur les flux de trésorerie actuels ou futurs liés à l'activité (Normes internationales d'informations financières, (IFRS) y compris les Normes comptables internationales (IAS) et les Interprétations au 1er janvier 2006, n. 41, p. 1090). Il en découle que les normes IFRS commandent de ne pas faire figurer les écarts de conversion ou de change dans le compte de profits et pertes, mais seulement au bilan (PETER BÖCKLI, Einführung, op. cit., n. 320 p. 114 et n. 326 p.116).
4.4 La recourante invoque le Manuel suisse d'audit 1998, qui contiendrait une solution différente de celle de la norme IFRS 21. Cet ouvrage constitue un guide de référence pour les professionnels de l'audit et est considéré, dans la jurisprudence, comme un ouvrage de doctrine (cf. par exemple arrêts 2A.128/2007 du 14 mars 2008 in RF 63/2008 p. 630 consid. 5.1; 2A.667/2006 du 16 février 2007 in StR 62/2007 p. 914 consid. 2). Il n'a en revanche pas en lui-même de valeur normative, de sorte qu'en l'absence d'indication figurant dans la législation suisse, il ne saurait faire obstacle à ce que les autorités fiscales privilégient une interprétation conforme aux standards de l'IFRS. D'ailleurs, ce manuel est censé présenter des méthodes conformes aux normes et aux tendances internationales (cf. Chambre Fiduciaire, Manuel suisse d'audit 1998, tome 1, Zurich 1998, p. 3).
4.5 En résumé, le droit suisse impose la présentation des états financiers en monnaie suisse. Il ne contient toutefois aucune disposition concernant la façon de comptabiliser les écarts de conversion qui peuvent survenir lorsqu'une personne morale tient ses comptes dans une monnaie fonctionnelle étrangère, alors que, selon les standards IFRS, ces écarts ne doivent pas apparaître au compte de profits et pertes. Compte tenu de l'importance croissante du référentiel IFRS, l'arrêt attaqué pouvait s'inspirer de la solution figurant dans les normes internationales.
Contrairement à ce que soutient la recourante, le fait que les normes IFRS constituent un ensemble systématique ne s'oppose pas à ce que l'on applique une norme en particulier, lorsque celle-ci résout une question qui ne trouve pas de réponse en droit suisse, même si, sur certains points, notre législation peut s'écarter des standards internationaux. Il est vrai que ces normes n'ont été rendues obligatoires dans l'Union européenne qu'à partir de 2005 et que, pour la Suisse, elles ne sont pas encore obligatoires. Cela ne change toutefois rien au fait que les juges pouvaient s'en inspirer pour calculer le bénéfice imposable de la recourante pour la période 2001-2002.
5.
Encore faut-il se demander si la solution adoptée et préconisée par les standards internationaux ne viole pas la LIFD ni ne se révèle contraire aux principes constitutionnels invoqués par la recourante.
5.1 Les règles du droit comptable commandent de ne pas porter au compte de profits et perte les écarts de conversion (cf. supra consid. 4). Partant, les juges étaient en droit, pour déterminer le bénéfice net imposable de la recourante, de s'écarter des comptes présentés par la société et de ne pas tenir compte du poste perte de conversion y figurant. Ce faisant, on ne peut leur opposer une violation du principe de déterminance, du principe de l'autorité du bilan commercial (sur cette notion, voir arrêt 2C_220/2009 du 10 août 2009 consid. 8.2) ou des art. 57 ou 58 LIFD , dès lors que ces prescriptions n'empêchent pas les autorités de s'écarter des comptes présentés, lorsque ceux-ci ne sont pas établis conformément aux règles comptables.
5.2 La recourante fonde pour l'essentiel son argumentation sur l'analogie entre les écarts de conversion et les opérations de change. Elle soutient que, comme ces dernières, les écarts de conversion devraient influencer le bénéfice imposable.
Il ne faut pas perdre de vue que le bénéfice net imposable doit correspondre à un enrichissement effectif de la société (cf. supra consid. 3.1). Le propre du droit fiscal est en effet de permettre de faire ressortir au mieux le résultat effectif et la réelle capacité contributive de l'entreprise (PIERRE-MARIE GLAUSER, op. cit., Archives 2006 p. 537; PETER LOCHER, op. cit., n. 85 ad art. 57). Comme déjà indiqué, les écarts de conversion ne proviennent que de la transposition des comptes établis dans une monnaie fonctionnelle étrangère en monnaie suisse. Ils ne traduisent donc ni un appauvrissement ni un enrichissement de la société qui se rapporterait à une transaction effective et qui influencerait sa capacité contributive, mais sont seulement le résultat d'une opération comptable (cf. supra consid. 4.2). Du reste, les écarts de conversion ne peuvent, par définition, figurer dans les comptes de la société établis en monnaie fonctionnelle, car ils n'apparaissent que lors du transfert dans la monnaie nationale de présentation.
En revanche, les opérations de change, qui induisent des gains et pertes de change, se rapportent à des opérations concrètes, lorsque des transactions commerciales sont effectuées dans d'autres monnaies que la monnaie fonctionnelle (cf. supra consid. 4.2). Ils figurent donc dans les états financiers de la société exprimés en monnaie fonctionnelle et il est partant logique qu'ils se retrouvent dans le compte de profits et pertes exprimé en monnaie nationale. L'analogie que préconise la recourante n'est donc pas fondée.
D'ailleurs, les exemples présentés par celle-ci, pour démontrer qu'il n'y a pas de différences entre les gains et pertes de change et les écarts de conversion partent de la prémisse erronée que sa comptabilité fonctionnelle est tenue en francs suisses. La recourante occulte le fait que, lorsqu'une société dont la monnaie fonctionnelle est le dollar américain effectue une transaction dans cette monnaie, elle ne pourra enregistrer aucun gain ou perte de change. Peu importe que ses comptes, établis en dollars, doivent par la suite être convertis dans une monnaie de présentation différente, en l'occurrence le franc suisse.
5.3 La recourante invoque également une violation du principe de la prudence inscrit à l'art. 662a al. 2 ch. 3 CO par opposition au principe "true and fair view" privilégié par les standards internationaux tels les IFRS.
Dans son Message concernant la révision du droit des sociétés anonymes du 23 février 1983, le Conseil fédéral relevait déjà que le principe de l'aperçu le plus sûr possible contenu à l'art. 662a al. 1 CO exigeait, tout comme celui du "true and fair view" qui n'avait pas été adopté, que celui qui dresse le bilan mette tout en oeuvre pour rendre ses comptes annuels aussi explicites que possible, de sorte que la différence entre les deux n'avait guère de portée pratique (FF 1983 II p. 911). En ce qui concerne plus spécialement le principe de la prudence, il tend à ce que l'entreprise ne présente pas un état trop optimiste de sa situation économique (FF 1983 II p. 912). Le droit suisse reconnaît une portée large à ce principe (HENRI TORRIONE, op. cit. n. 98 ad art. 662a CO p. 623). En matière d'évaluation d'actifs, le principe de la prudence commande que, dans le doute, les comptes soient présentés sous la forme la moins favorable à l'entreprise (ATF 115 Ib 55 consid. 5b p. 59/60). Il est vrai que le principe de la prudence peut favoriser la constitution de réserves latentes qui ne sont pas forcément admissibles avec une approche centrée sur les investisseurs qui est privilégiée par les normes IFRS (MARKUS NEUHAUS/JÖRG BLÄTTLER, op. cit., n. 28 ss ad art. 662a CO p. 545; PIERRE-MARIE GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice, Le principe de la déterminance dans le contexte des apports et autres contributions de tiers, thèse Genève 2005, p. 52 ss; du même auteur, op. cit., Archives 2006 p. 545; PETER BÖCKLI, Aktienrecht, op. cit., n. 59 p. 1153/1154). Toutefois, ni le principe de la prudence ni les normes IFRS ne permettent la création de réserves arbitraires (HENRI TORRIONE, op. cit., n. 98 ad art. 662a CO p. 623; MARKUS NEUHAUS/JÖRG BLÄTTLER, op. cit., n. 10 ss ad art. 662a CO p. 542). Ainsi, pour qu'une réserve puisse être prise en compte sur le plan fiscal, il faut que celle-ci soit fondée sur le plan commercial, ce qui suppose qu'elle corresponde à un risque de perte pour la société (ATF 103 Ib 366 consid. 4 p. 370; arrêt 2A.99/2004 du 27 octobre 2004, in StE 2005 B 23.44.2 n. 5, consid. 3.2). Or, on a vu que les écarts de conversion ne se rapportent pas à une transaction commerciale de la personne morale, mais ne sont que la conséquence d'une opération fictive de conversion de la monnaie fonctionnelle en monnaie de présentation. Ils ne trouvent donc pas de justification commerciale et ne permettent pas de cerner la capacité contributive réelle de la société. La comptabilisation des pertes de conversion ne peut donc trouver de fondement dans le principe de la prudence, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se demander si l'application de ce principe entrerait en l'espèce en contradiction avec les exigences des normes internationales découlant du principe du "true and fair view". Du reste, comme l'a relevé pertinemment le Tribunal administratif, le principe de la prudence reviendrait à permettre à une société de déduire les pertes de conversion, sans jamais tenir compte des gains de conversion, et cela sans aucune justification liée à la protection des créanciers.
5.4 Le principe de la prudence étant inapplicable, il n'y a pas lieu d'entrer plus avant sur les violations du principe d'imparité, également invoqué par la recourante. Ce principe, qui veut que les produits soient comptabilisés au moment de leur réalisation et les charges dès qu'elles deviennent actuelles (ATF 116 II 533 consid. 2a/dd p. 539), n'est en effet qu'une concrétisation du principe de la prudence (cf. arrêt précité 2A.99/2004, consid. 4.1 et arrêt 2A.157/2001 du 11 mars 2002, in StE 2002 B 72.13.1 n. 3, consid. 2c; PIERRE-MARIE GLAUSER, Apports, op. cit., p. 59/60).
5.5 Lorsque la recourante se plaint d'une inégalité dans l'imposition (art. 8 Cst.) et d'une violation de l'imposition selon la capacité contributive (art. 127 al. 2 Cst.), elle perd de vue que les écarts de conversion ne se rapportent pas à une transaction réalisée par la personne morale. Partant, ces écarts de nature purement comptable n'influencent pas l'augmentation du capital propre entre le début et la fin de la période fiscale, ce qui est la caractéristique du bénéfice net imposable. En ne tenant pas compte de ces écarts, le Tribunal cantonal n'a donc pas porté atteinte au principe de l'égalité de l'imposition ou imposé la recourante au-delà de sa capacité contributive.
5.6 La recourante se prévaut encore d'une notice de l'administration fédérale des contributions du 18 avril 1972 relative aux conséquences fiscales du changement de parité des monnaies, émise en relation avec l'impôt pour la défense nationale.
Cette notice fait suite à la modification par plusieurs Etats, en 1971, de la parité de leur monnaie ou de leur fluctuation et de la réévaluation du franc suisse le 9 mai 1971. Comme l'a déjà relevé le Tribunal administratif, elle traite avant tout de la problématique des pertes et gains de change et non des écarts de conversion. La clause dont cherche à se prévaloir la recourante, qui figure au chapitre des "Cas spéciaux", prévoit que :
"Une entreprise qui tient sa comptabilité en monnaie étrangère doit néanmoins remettre aux autorités fiscales ses comptes annuels en francs suisses. Lors de la conversion de postes du bilan qui résultent d'opérations en francs suisses (...), le changement de parité des monnaies ne doit pas influencer le rendement imposable."
Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne peut déduire a contrario de ce texte que la conversion de postes au bilan en monnaie étrangère doit être prise en compte lors du calcul du rendement imposable. Cette clause concerne les opérations en francs suisses, soit des transactions commerciales effectuées par des entreprises dont la monnaie fonctionnelle est étrangère. En principe, lorsqu'une transaction commerciale est réalisée par une entreprise dans une autre monnaie que sa monnaie fonctionnelle, elle peut comptabiliser une éventuelle perte de change (cf. supra consid. 4.2). La notice de 1971 exclut de comptabiliser une telle perte lorsque la transaction est intervenue en monnaie suisse, puisqu'il s'agit de la monnaie dans laquelle les comptes devront finalement être convertis. On ne voit pas que l'on puisse en déduire une quelconque règle concernant la comptabilisation des écarts de conversion découlant du seul passage de la monnaie fonctionnelle à la monnaie de présentation, en-dehors de toute opération commerciale.
Au demeurant, cette notice de 1971 ne saurait l'emporter sur les principes comptables reconnus actuellement.
6.
Dans ces circonstances, la conclusion principale de la recourante, tendant à ce que les écarts de conversion (positifs ou négatifs) soient pris en considération, ce qui aurait pour conséquence de lui permettre de tenir compte d'une perte de conversion de 24'956'670 fr. lors de l'établissement de son bénéfice net imposable pour l'année 2002, doit être rejetée.
A titre subsidiaire, la recourante demande que l'écart de conversion positif de 4'709'227 fr. ne soit pas assimilé à un rendement imposable pour la période fiscale 2001. Or, l'arrêt attaqué arrive précisément à cette solution, puisqu'il considère que les écarts de conversion, positifs ou négatifs, ne doivent pas être pris en compte et qu'il renvoie précisément le dossier à l'Administration cantonale pour qu'elle fixe le bénéfice imposable sans tenir compte du gain de conversion réalisé durant l'exercice 2001. Dans la mesure où la recourante demande ce qui a déjà été accordé sur le plan cantonal, ses conclusions subsidiaires sont irrecevables.
7.
Le recours doit en conséquence être rejeté dans la mesure de sa recevabilité et les frais mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué à la représentante de la recourante, à l'Administration fiscale cantonale et au Tribunal administratif du canton de Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de l'impôt fédéral direct.
Lausanne, le 1er octobre 2009
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Müller Rochat