Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_628/2009
Arrêt du 26 octobre 2009
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Schneider et Ferrari.
Greffière: Mme Angéloz.
Parties
A.X.________, B.X.________ et C.X.________, représentés par Me Philippe Rossy, avocat,
recourants,
contre
Y.________, représenté par Me Pierre-Dominique Schupp, avocat,
intimé,
Ministère public du canton de Vaud,
1014 Lausanne,
intimé.
Objet
Homicide par négligence; qualité pour recourir des victimes,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale,
du 8 avril 2009.
Faits:
A.
Le 27 mai 2005 vers 12 heures 15, Y.________ circulait sur la route principale Lausanne-Estavayer-le-Lac, du Mont-sur-Lausanne en direction de Bottens, lorsqu'il a décidé de rebrousser chemin. Il a alors bifurqué sur une voie de traverse en obliquant à gauche, à une vitesse de l'ordre de 9 à 14 km/h. Lors de cette manoeuvre, sa voiture a été percutée par le motocycle conduit par D.X.________, qui, suite au choc, est décédé sur les lieux de l'accident.
B.
Le 22 février 2006, le Juge d'instruction du Nord vaudois a prononcé un non-lieu en faveur de Y.________.
Sur recours de l'épouse et des enfants de D.X.________, soit A.X.________ ainsi que B.X.________ et C.X.________, le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce prononcé par ordonnance du 17 mai 2006.
A.X.________, B.X.________ et C.X.________ ont attaqué cette décision par un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral, qui l'a admis par arrêt 6S.325/2006 du 3 novembre 2006 et a renvoyé la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Suite à cet arrêt, il a été procédé à un complément d'instruction, au terme duquel Y.________ a été renvoyé en jugement le 15 juillet 2008.
C.
Par jugement du 5 février 2009, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a libéré Y.________ de l'accusation d'homicide par négligence, considérant que l'accident était exclusivement imputable à une faute du motocycliste. Il a donné acte à A.X.________, B.X.________ et C.X.________ de leurs réserves civiles contre Y.________ et a laissé les frais à la charge de l'Etat.
D.
Saisie d'un recours en nullité de A.X.________, B.X.________ et C.X.________, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a écarté, comme irrecevable, par arrêt du 8 avril 2009, au motif que les recourants, faute d'avoir pris des conclusions civiles, n'avaient pas qualité pour recourir.
E.
A.X.________, B.X.________ et C.X.________ forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour application arbitraire du droit cantonal de procédure. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
Des déterminations n'ont pas été requises.
Considérant en droit:
1.
Il convient d'examiner préalablement la question de la qualité des recourants pour former le présent recours.
1.1 Le 1er janvier 2009, est entrée en vigueur la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 23 mars 2007 (LAVI; RS 312.5), qui a remplacé celle, du même nom, du 4 octobre 1991 (aLAVI) (cf. art. 46 LAVI; FF 2005, 6683 ss). L'art. 37 al. 1 LAVI, qui correspond à l'art. 8 aLAVI, confère à la victime - soit à toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité physique, psychique ou sexuelle (cf. art. 1 al. 1 LAVI) - le droit d'intervenir comme partie dans la procédure pénale, en particulier celui d'utiliser les mêmes voies de droit que le prévenu contre le jugement, si elle était déjà partie à la procédure et que cette sentence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le jugement de ces dernières (cf. art. 37 al. 1 let. c LAVI). Cette disposition, entre autres, s'applique par analogie aux proches de la victime - dont font notamment partie le conjoint et les enfants de la victime (cf. art. 1 al. 2 LAVI) - dans la mesure où ils peuvent faire valoir des prétentions civiles contre l'auteur de l'infraction (cf. art. 39 LAVI).
En concrétisation de l'art. 37 al. 1 let. c LAVI, l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF confère à la victime le droit de former un recours en matière pénale, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. La règle de l'art. 270 let. b ch. 2 PPF, qui spécifiait que la victime pouvait aussi recourir pour se plaindre d'une violation des droits que lui accorde la LAVI, n'a pas été reprise à l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. La victime, de même que ses proches au sens de l'art. 1 al. 2 LAVI, sont toutefois habilités à se plaindre de la violation de tels droits sur la base de la clause générale de l'art. 81 al. 1 let. b LTF, dès lors qu'ils ont un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification d'une décision qui y porte atteinte (cf. Message concernant la révision totale de l'organisation judiciaire; FF 2001, 4000 ss, 4116).
1.2 Sur le vu de ce qui précède, les recourants, qui sont des proches de la victime au sens de l'art. 1 al. 2 LAVI, ont qualité pour former le présent recours en se plaignant d'une violation des droits que leur confère la LAVI, notamment du droit de recours prévu à l'art. 37 al. 1 let. c LAVI, respectivement du droit de procédure cantonal concrétisant cette disposition.
2.
Les recourants soutiennent que la qualité pour recourir en instance cantonale leur a été déniée en violation arbitraire du droit cantonal de procédure.
2.1 Ils reprochent en substance à la cour cantonale d'avoir, en réalité, fait application de l'art. 414 CPP/VD, qui régit le droit de recourir en nullité de la partie civile, au lieu de l'art. 414a CPP/VD, qui règle le droit de recourir en nullité de la victime. Or, la première de ces dispositions, en exigeant une influence de l'irrégularité dénoncée sur les conclusions civiles, serait plus restrictive que la seconde, qui suppose uniquement que l'irrégularité soit susceptible d'avoir des effets sur le jugement des prétentions civiles et n'impliquerait donc pas que des conclusions civiles aient été prises.
2.2 L'art. 414 CPP/VD prévoit que la partie civile peut recourir en nullité dans les cas visés à l'art. 411 lettres a et d à j, mais dans la mesure seulement où l'irrégularité influe sur le jugement des conclusions civiles ou sur la décision du tribunal la chargeant de tout ou partie des frais ou la condamnant à des dépens. L'art. 414a CPP/VD dispose, quant à lui, que la victime peut recourir en nullité dans les cas visés à l'art. 411, mais dans la mesure seulement où le jugement touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets sur le sort de ces dernières.
2.3 La qualité pour recourir des recourants ne leur a pas été déniée au motif qu'ils ne pourraient la fonder sur l'art. 414a CPP/VD, mais parce que la cour cantonale a considéré que cette disposition impliquait que des conclusions civiles aient été prises, ce qu'ils avaient toutefois omis de faire. C'est donc à tort que les recourants lui reprochent de n'avoir pas fait application de l'art. 414a CPP/VD. La question litigieuse est de savoir si le raisonnement de la cour cantonale et la conclusion qu'elle en a tirée procèdent d'une interprétation arbitraire de cette disposition.
2.4 L'art. 414a CPP/VD - de même que l'art. 418a CPP/VD relatif au droit de recourir en réforme de la victime - a été adopté par le législateur vaudois en vue d'adapter le droit cantonal de procédure aux exigences de l'art. 37 al. 1 let. c LAVI, respectivement de l'art. 8 al. 1 let. c aLAVI, qu'il reprend d'ailleurs textuellement. La jurisprudence relative à ces dernières dispositions est donc applicable.
Selon cette jurisprudence, la victime n'est habilitée à recourir contre un jugement prononçant l'acquittement du prévenu que si elle a, autant que cela pouvait raisonnablement être exigé d'elle, pris des conclusions civiles sur le fond dans la procédure pénale. Cette exigence découle de la conception de la LAVI, qui a en particulier pour but de permettre à la victime de faire valoir ses prétentions dans la procédure pénale elle-même (ATF 131 IV 195 consid. 1.2.2 p. 198/199; 127 IV 185 consid. 1a p. 187 et les arrêts cités). Si elle a omis de le faire, elle doit justifier son abstention, qui doit pouvoir s'expliquer pour des motifs compréhensibles (ATF 127 IV 185 consid. 1b p. 188; 120 IV 44 consid. 8 p. 57/58; cf. aussi arrêts 6S.395/2001 consid. 1e, 6S.630/2000 consid. 1b et 1c et 6S.912/1999 consid. 1). A ce défaut, elle n'a pas qualité pour recourir. Il en va de même, si elle a renoncé sans réserve à prendre des conclusions civiles, alors qu'elle pouvait le faire (ATF 131 IV 195 consid. 1.2.2 p. 198/199; 120 IV 44 consid. 4b p. 54).
La victime doit, autant que possible, avoir pris des conclusions civiles chiffrées en réparation de tout ou partie de son dommage matériel ou de son tort moral (cf. arrêt 6B_354/2009 consid. 1.2). Si elle n'est pas à même de le faire, notamment parce que son dommage n'est pas encore ou pas entièrement établi, elle doit indiquer quelles sortes de prétentions civiles elle entend faire valoir. Elle ne saurait se limiter à demander la réserve de ses prétentions civiles ou, en d'autres termes, à signaler simplement qu'elle pourrait les faire valoir ultérieurement, dans une autre procédure. Ce faisant, elle ne prend pas de conclusions civiles sur le fond (ATF 127 IV 185 consid. 1b p. 188; cf. aussi arrêts 6B_354/2009 consid. 1.2, 6B_789/2008 consid. 1.2 et 6P.144/2000 consid. 1c).
2.5 En instance cantonale, les recourants se sont plaints d'une appréciation arbitraire des preuves par les premiers juges. La cour cantonale, au considérant 2b de son arrêt, a observé qu'un tel grief revenait à contester l'acquittement de l'intimé et, partant, à remettre en cause le jugement sur le fond, de sorte qu'il ne pouvait être considéré comme une irrégularité influant sur le sort des conclusions civiles, au sens de l'art. 414 CPP/VD. Elle a ajouté que, "les termes de la loi étant identiques", cela valait également dans le cas de l'art. 414a CPP.
2.6 Ainsi motivé, l'arrêt attaqué donne à penser que, selon la cour cantonale, la victime (ou la personne qui y est assimilée) ne serait pas plus habilitée que la partie civile à contester l'acquittement du prévenu, le droit de le faire n'appartenant qu'au Ministère public. Un tel raisonnement, le cas échéant, ne serait pas soutenable.
Comme le relève les recourants et contrairement à ce qu'écrit la cour cantonale, le texte de l'art. 414a CPP/VD n'est pas identique à celui de l'art. 414 CPP/VD. Alors que cette dernière disposition exige que l'irrégularité invoquée influe sur le jugement des conclusions civiles, la première implique seulement qu'elle touche les prétentions civiles ou puissent avoir une incidence sur le sort de ces dernières. L'art. 414a CPP/VD ne saurait donc être interprété en ce sens que la victime, respectivement la personne qui y est assimilée, ne serait pas plus recevable à se plaindre de l'acquittement du prévenu que la partie civile. En vertu du droit fédéral, notamment de l'art. 37 al. 1 let. c LAVI, qui s'impose aux cantons, la victime ou la personne qui y est assimilée doit pouvoir remettre en cause l'acquittement du prévenu, autant que cet acquittement est propre à influencer négativement le jugement de ses prétentions civiles.
2.7 En réalité, comme cela ressort du considérant 3 de son arrêt, la cour cantonale n'a pas dénié aux recourants la qualité pour recourir au seul motif qu'ils ne seraient pas habilités à contester l'acquittement de l'intimé, mais faute par eux d'avoir pris des conclusions civiles. Autrement dit, elle a considéré qu'ils ne pouvaient le faire qu'à la condition d'avoir pris des conclusions civiles et que c'est pour s'en être abstenus qu'ils n'étaient pas légitimés à recourir.
Quoi qu'il en soit, fondé sur les faits qu'il retient, l'arrêt attaqué, sur le vu de la jurisprudence précitée (cf. supra, consid. 2.4), n'est en tout cas pas arbitraire dans son résultat. Il constate en effet, sans être contredit, que les recourants n'ont pas pris de conclusions civiles devant l'autorité de jugement, mais se sont limités à demander qu'il leur soit donné acte de leurs réserves civiles. Or, rien n'indique que ceux-ci, qui ne le soutiennent d'ailleurs pas, aient justifié d'une quelconque manière cette abstention. Ils ne sauraient arguer de manière toute générale, comme ils le font, semble-t-il pour la première fois dans le présent recours, de la difficulté qu'il y a à chiffrer des conclusions civiles en cas d'accident mortel et de la quasi certitude, selon eux, que le juge pénal renoncera en pareil cas à statuer sur celles-ci. S'ils estimaient n'être pas encore en mesure, quelque 4 ans après les faits, de quantifier leur dommage, ils devaient à tout le moins le faire valoir, indiquer quelles sortes de conclusions civiles ils entendaient prendre, voire demander qu'elles leur soient allouées dans leur principe.
On ne peut ainsi que constater que les recourants, bien qu'ils sont assistés d'un avocat et ne pouvaient donc ignorer la jurisprudence, établie de longue date et maintes fois rappelée, quant à l'exigence d'avoir pris des conclusions civiles devant le juge pénal, n'ont, sans justification, jamais formulé de prétentions sur le plan civil, mais se sont limités à demander qu'il leur soit donné acte de leurs réserves civiles. Il pouvait dès lors être admis sans arbitraire qu'ils n'avaient, à ce défaut, pas qualité pour recourir.
3.
Le grief et, partant, le recours, doit ainsi être rejeté.
Les recourants, qui succombent, devront supporter les frais (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé, qui n'a pas été amené à se déterminer sur le recours.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge des recourants.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
Lausanne, le 26 octobre 2009
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Favre Angéloz