Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4D_111/2009
Arrêt du 11 novembre 2009
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et M. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Piaget.
Parties
X.________ Sàrl, représenté par Me Shahram Dini,
recourante,
contre
Y.________ Sàrl, représenté par Me Jérôme Picot,
intimée.
Objet
mandat,
recours constitutionnel contre l'arrêt de la Chambre
civile de la Cour de justice du canton de Genève du 19 juin 2009.
Faits:
A.
A.________ Sàrl (ci-après: A.________), société avec siège à Genève et dont B.________ était associée et C.________ associé gérant, a organisé le concours annuel de Miss Suisse Romande de 2002 à 2006.
Dans ce cadre, A.________ a attribué à Y.________ Sàrl (ci-après: Y.________), société de production de films à ..., dont D.________ est l'associé gérant, divers mandats entre 2005 et 2006, notamment l'élaboration d'un spot et de clips TV.
Ces divers travaux exécutés, Y.________ a adressé à A.________ trois factures qui se montent, respectivement, à 8'608 fr., 2'439 fr. 29 et 11'975 fr. 88. Ces factures n'ont pas été honorées par A.________ et Y.________ a fait notifier à cette dernière société des commandements de payer pour les deux premières factures.
Confrontés à un manque de fonds propres et à la suite de soupçons d'irrégularités ayant entaché l'élection de Miss Suisse Romande 2005, les associés de A.________ ont recherché un partenaire. En mars 2006, ils sont convenus avec E.________ de la création d'une nouvelle société, X.________ Sàrl (ci-après: X.________), dont le nouveau partenaire devenait associé gérant, avec signature individuelle, pour une part de 10'000 fr., B.________ et C.________ étant associés pour des parts de 5'000 fr. chacun. La nouvelle société, avec siège social à Genève, a été créée le 6 juin 2006.
A la fin de l'année 2006, Y.________ a fait notifier à X.________ des commandements de payer pour les trois factures qu'elle avait adressées à A.________ entre 2005 et 2006. X.________ y a fait opposition. Au nom de cette société, E.________ a relevé, dans deux courriers successifs, n'avoir aucun rapport avec A.________ qui avait organisé seule les élections de Miss Suisse Romande 2005 et 2006.
Concernant la poursuite portant sur un montant de 11'975 fr. 88, Y.________, par un courrier de son avocat du 12 janvier 2007, a offert de retirer celle-ci si X.________ payait une prétention réduite à 9'000 fr. d'ici le 25 janvier 2007. X.________ n'a pas versé ce montant dans le délai imparti, mais a fait transférer, le 10 mai 2007, la somme de 9'000 fr. sur le compte postal de Y.________ avec la communication « X.________ 2005-2006 ». D.________ a accusé réception des fonds, le 31 mai 2007, en relevant que seul un montant de 9'000 fr. a été versé sur un total estimé à 20'000 fr.
La faillite de A.________ a été prononcée le 12 juin 2007 et clôturée le 2 avril 2008. Y.________ n'a pas produit dans la faillite.
B.
B.a Le 3 avril 2007, Y.________ a introduit une action en paiement, devant le Tribunal de première instance du canton de Genève, contre A.________ et X.________, pris solidairement entre elles, concluant que les défenderesses soient condamnées à lui payer le montant des trois factures et requérant la mainlevée des oppositions aux deux commandements de payer notifiés à A.________ et à deux des commandements de payer notifiés à X.________.
X.________ s'est opposée à la demande. Elle a expliqué que, dans le courant du mois d'avril 2007, B.________ avait proposé à Y.________ de collaborer avec la nouvelle société X.________. Dans le cadre de pourparlers auxquels ont assistés plusieurs témoins, B.________ et D.________ étaient parvenus, selon la première, à un accord amiable: D.________ acceptait le règlement des factures litigieuses moyennant le versement d'un montant total de 9'000 fr. pour solde de tout compte et s'engageait à retirer les poursuites dirigées contre X.________; B.________ s'engageait en contrepartie à faire tout ce qui était en son pouvoir pour que X.________ confie régulièrement des travaux à Y.________ pour la couverture audiovisuelle des événements qu'elle organisait.
Entendus le 10 octobre 2008, les avocats des parties ont renoncé à toute mesure probatoire.
Par jugement du 6 novembre 2008, le Tribunal de première instance a débouté Y.________ de ses conclusions et l'a condamnée aux dépens. Il a retenu que le mandant des travaux effectués entre 2005 et 2006 était A.________ et que Y.________ ne pouvait donc réclamer le paiement des factures à X.________. Il a considéré qu'il n'y avait pas à prononcer la levée du voile corporatif, puisque X.________, contrairement à A.________, était financée et dominée par E.________ et que C.________ avait perdu tout contrôle et toute influence dans la société X.________. Enfin, l'autorité de première instance a retenu qu'il n'était pas établi que X.________ s'était engagée vis-à-vis de Y.________ à reprendre les obligations de A.________.
B.b Le 15 décembre 2008, Y.________ a appelé de ce jugement. Elle a réduit ses conclusions de première instance, en réclamant les mêmes sommes, mais sous déduction du montant de 9'000 fr. versé le 10 mai 2007 "à titre d'acompte". Elle a pris une conclusion nouvelle en mainlevée de l'opposition relative au troisième commandement de payer notifié à X.________.
X.________ a conclu à la confirmation du jugement attaqué, soulignant que le paiement de 9'000 fr. du mois de mai 2007 ne constitue qu'une reprise de dette interne, convenue entre X.________ et A.________, "qui a notamment donné lieu à une cession de l'usage des clips".
Par arrêt du 19 juin 2009, la Cour de justice du canton de Genève a annulé le jugement entrepris, condamné X.________ à payer à Y.________ les montants de 8'608 fr., 2'439 fr. 30 et 11'975 fr. 90, sous imputation de 9'000 fr. versés le 10 mai 2007, avec intérêts à 5% l'an dès le 11 mai 2007 et prononcé, à due concurrence, la mainlevée des oppositions aux commandements de payer portant sur les sommes de 2'439 fr. 30 et 11'975 fr. 90. La cour cantonale a confirmé que X.________ n'invoquait pas abusivement son indépendance juridique, mais elle a retenu que, par l'accord du mois d'avril 2007, les parties sont convenues (art. 1 CO) que X.________ reprenne la totalité de la dette de A.________ envers Y.________ (art. 176 CO).
C.
X.________ exerce un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 19 juin 2009. Invoquant l'arbitraire (art. 9 Cst.) dans l'application du droit fédéral (art. 8 CC), la recourante conclut, principalement, à l'annulation de l'arrêt attaqué et à sa réforme en ce sens qu'il soit dit que X.________ n'est pas débitrice des factures de 2'439 fr. 30, 8'608 fr, 11'975 fr. 88 et que les poursuites correspondantes n'iront pas leur voie et, subsidiairement, à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale.
L'intimée conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt cantonal.
Considérant en droit:
1.
1.1 Devant l'autorité précédente, le litige ne portait que sur un solde de 14'023 fr. 20 (total des trois factures, moins la somme de 9'000 fr.), entièrement contesté. La valeur litigieuse minimale requise par l'art. 74 al. 1 let. b LTF n'étant pas atteinte, le recours en matière civile n'était pas ouvert, étant précisé que l'on ne se trouve dans aucun des cas prévus par l'art. 74 al. 2 LTF. C'est donc à juste titre que la recourante a interjeté un recours constitutionnel subsidiaire, puisque le recours ordinaire ne lui était pas ouvert (art. 113 LTF).
1.2 Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions libératoires et qui a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision (art. 115 LTF), le recours déposé dans le délai (art. 117, 100 al. 1 et 46 al. 1 let. b LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, est en principe recevable, puisqu'il est dirigé contre une décision finale ( art. 117 et 90 LTF ) rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 113 LTF).
1.3 Le recours subsidiaire ne peut être interjeté que pour violation des droits constitutionnels (art. 116 LTF). Le Tribunal fédéral ne peut examiner la violation d'un droit de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et suffisamment motivé dans l'acte de recours ( art. 117 et 106 al. 2 LTF ; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 133 III 439 consid. 3.2 p. 444).
1.4 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 118 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que s'ils ont été établis en violation d'un droit constitutionnel ( art. 118 al. 2 et 116 LTF ), ce que la partie recourante doit invoquer avec précision ( art. 117 et 106 al. 2 LTF ). Aucun fait nouveau ou preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision attaquée ( art. 117 et 99 al. 1 LTF ).
1.5 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties ( art. 117 et 107 al. 1 LTF ). Toute conclusion nouvelle est irrecevable ( art. 117 et 99 al. 2 LTF ).
2.
2.1 La cour cantonale a considéré que, par l'accord du mois d'avril 2007, les parties sont convenues (art. 1 CO) que la recourante reprenne la dette de A.________ (soit un montant équivalent au total des trois factures) envers l'intimée (art. 176 CO). Elle précise qu'il appartenait à la recourante, qui avait la charge de la preuve (art. 8 CC) d'établir que son versement de 9'000 fr. était intervenu pour solde de compte; la recourante n'ayant pas apporté cette preuve (notamment en renonçant à entendre les témoins des pourparlers d'avril 2007), la cour cantonale a conclu que ce versement constituait un acompte, plutôt qu'un paiement partiel pour solde de compte. L'autorité précédente a ainsi fait sienne l'argumentation de l'intimée selon laquelle la recourante, en procédant au paiement du montant de 9'000 fr., s'est engagée à reprendre toutes les obligations de A.________ (actes concluants).
2.2 La recourante se plaint d'arbitraire dans l'application du droit fédéral, en particulier de l'art. 8 CC. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir gravement violé les principes applicables en matière de répartition du fardeau de la preuve en retenant pour avérés des faits non prouvés et en renversant le fardeau de la preuve.
Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne peut intervenir que si la décision attaquée est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 s.).
2.3 Selon l'art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit. Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve - auquel correspond en principe le fardeau de l'allégation - et, partant, les conséquences de l'absence de preuve ou d'allégation (arrêt 4C.371/2005 du 2 mars 2006 publié in SJ 2007 I p. 7 consid. 2.1; ATF 129 III 18 consid. 2.6 p. 24; 127 III 519 consid. 2a p. 522). Il incombe donc au créancier de prouver l'existence d'un contrat de reprise de dette conclu entre lui et le tiers (prétendu reprenant). Ce n'est que si le créancier apporte cette preuve qu'il appartiendra au reprenant, dans une deuxième phase, de prouver les faits permettant de constater qu'il s'est valablement libéré (en payant la créance ou en bénéficiant, par exemple, d'une remise de dette (art. 115 CO)).
2.4 Dans une première phase, il appartient donc au créancier de prouver que les parties sont convenues d'une reprise (privative) de dette externe (art. 176 CO) ou au moins d'une reprise cumulative de dette (sur ces notions, cf. THOMAS PROBST, in Commentaire romand CO I, 2003, no 1 ss Intro. art. 175-183 CO ).
La conclusion d'un contrat de reprise de dette présuppose, comme cela est le cas pour les autres contrats, une offre et une acceptation (arrêt 4C.260/1995 du 22 octobre 1996 consid. 4a). Le créancier doit alléguer et prouver que le tiers (prétendu reprenant) lui a fait une offre. Celle-ci peut être explicite. Selon la présomption (réfragable) de l'art. 176 al. 2 CO, elle peut aussi résulter de la communication faite au créancier par le reprenant - ou, avec l'autorisation de celui-ci, par l'ancien débiteur - de la convention (reprise de dette interne; art. 175 al. 1 CO) intervenue entre le reprenant et le débiteur (art. 176 al. 2 CO; arrêt 4C.260/1995 déjà cité consid. 4b). Enfin, selon les règles ordinaires relatives à la conclusion des contrats, l'offre peut résulter d'autres actes concluants (arrêt 4C.183/2004 du 7 mars 2005 consid. 2.2; Eugen Spirig, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1994, no 58 ss ad art. 176 CO et les références; Hugo Oser/Wilhelm Schönenberger, Zürcher Kommentar, 2e éd. 1929, no 8 ad art. 176 CO).
Le paiement partiel de la dette (prétendument reprise) par un tiers ne peut être considéré, sans autre, comme une offre de reprise de dette (par actes concluants). Ce seul acte ne permet pas de déterminer si le tiers a agi pour manifester sa volonté de reprendre la place du débiteur (reprise privative) ou de se constituer débiteur solidaire aux côtés du premier débiteur (reprise cumulative) ou, au contraire, s'il a procédé au versement comme simple représentant de ce dernier (arrêt 4C.183/2004 du 7 mars 2005 consid. 3.2.1; EUGEN SPIRIG, op. cit., no 59 ad art. 176 CO; cf. également: GEORG HASLER, Die Schuldübernahme in der Theorie und im schweizerischen Recht, thèse Zurich 1911, p. 81 s.). Ainsi, le paiement partiel ne peut être considéré comme une offre de reprise que s'il ressort des circonstances que le tiers avait ainsi la volonté de s'engager contractuellement par une reprise de dette (cf. arrêt 4C.183/2004 déjà cité consid. 3.2.1; EUGEN SPIRIG, op. cit., no 59 ad art. 176 CO et les références; HERMANN BECKER, Berner Kommentar, 1941, no 5 ad art. 176 CO). La règle générale de l'art. 8 CC s'applique: il appartient au créancier de prouver ces circonstances (cf. arrêt 4C.183/2004 déjà cité consid. 3.2.1; HUGO OSER/WILHELM SCHÖNENBERGER, op. cit., no 8 ad art. 176 CO). La volonté du reprenant de s'engager envers le créancier doit clairement ressortir de ces circonstances (cf. arrêt 4C.260/2005 du 22 octobre 2006 consid. 4b; ATF 46 II 63 consid. 2 p. 66; BRUNO VON BÜREN, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, Zurich 1964, p. 342).
2.5 Le raisonnement de la cour cantonale (consid. 2.1) ne satisfait pas aux exigences susmentionnées. Alors même que l'intimée (créancière) n'avait pas apporté la preuve de la reprise de dette, l'autorité précédente a retenu qu'il appartenait à la recourante de prouver que son paiement de 9'000 fr. était intervenu pour solde de tout compte. En exigeant d'emblée de la recourante qu'elle prouve s'être valablement libérée, la juridiction cantonale a, de façon insoutenable, renversé le fardeau de la preuve. Le grief d'application arbitraire de l'art. 8 CC est fondé.
3.
En conclusion, il y a lieu d'admettre le recours, d'annuler l'arrêt attaqué et de renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale qui devra établir si la recourante et l'intimée sont convenues explicitement d'un contrat de reprise de dette ou au moins si un tel accord résulte des circonstances. Pour ce faire, il lui appartiendra d'examiner si une instruction complémentaire (notamment l'audition des témoins présents lors des pourparlers tenus dans le courant du mois d'avril 2007) peut être ordonnée en vertu du droit cantonal de procédure.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens sont mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est admis. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
Une indemnité de 1'500 fr., à payer à la recourante à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
Lausanne, le 11 novembre 2009
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Klett Piaget