Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 1/2}
4A_434/2009
Arrêt du 30 novembre 2009
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Parties
Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI),
recourant,
contre
Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) - Radio Suisse Romande (RSR),
intimée, représentée par Me Ivan Cherpillod.
Objet
enregistrement d'une marque;
recours contre l'arrêt de la Cour II du Tribunal administratif fédéral du 6 juillet 2009.
Faits:
A.
Le 20 septembre 2006, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) - Radio Suisse Romande (RSR) (ci-après: la déposante) a déposé auprès de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (ci-après: l'Institut) une demande d'enregistrement de la marque verbale RADIO SUISSE ROMANDE pour divers produits et services. L'Institut a refusé d'enregistrer le signe précité en raison d'irrégularités formelles et matérielles. Il a ensuite échangé avec la déposante divers courriers au sujet de la liste des produits et services pour lesquels la marque pouvait être enregistrée. Finalement, la déposante a requis, le 23 janvier 2008, la division de sa demande d'enregistrement en deux demandes (n° 69/2008 et n° 1889/2006). La première, non litigieuse, portait sur les produits et services suivants:
Classe 16: Sacs non compris dans d'autres classes; sachets non compris dans d'autres classes; affiches; photographies; cartes postales; décalcomanies; dessins; images; matériel d'enseignement sous forme de jeux (livres, cartes à jouer); produits de l'imprimerie; matériel d'instruction et d'enseignement; articles de bureau; stylos; instruments d'écriture.
Classe 28: Jeux; jouets; jeux automatiques et électroniques autres que ceux à prépaiement; cartes à jouer.
Classe 35: Recueil et systématisation de données, notamment de données textuelles, sonores et d'images, dans les banques de données.
Classe 41: Éducation; formation; édition de livres, de revues, de cassettes vidéo, de magazines.
La marque RADIO SUISSE ROMANDE a été enregistrée pour ces produits et services en date du 26 février 2008.
La seconde demande divisionnaire concernait les services suivants:
Classe 38: Télécommunications; agences de presse et d'information; services de télécommunications radiophoniques; émissions radiophoniques; radiodiffusion.
Classe 41: Divertissements radiophoniques; production d'émissions radiophoniques et d'émissions musicales; montage de programmes radiophoniques.
Par décision du 13 mai 2008, l'Institut a rejeté la demande d'enregistrement n° 1889/2006. Selon cette autorité, les termes RADIO SUISSE ROMANDE ne peuvent être monopolisés par un seul intervenant sur le marché de la radiodiffusion et il existe ainsi pour ce signe, en relation avec les services visés, un besoin de libre disposition absolu qui exclut de le considérer comme une marque imposée pour lesdits services.
B.
Par mémoire du 9 juin 2008, la déposante a recouru contre la décision de l'Institut auprès du Tribunal administratif fédéral. Elle concluait à l'enregistrement de la marque RADIO SUISSE ROMANDE pour les services précités des classes 38 et 41, subsidiairement au renvoi du dossier à l'Institut pour nouvelle décision.
Par arrêt du 6 juillet 2009, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours, annulé la décision du 13 mai 2008 et chargé l'Institut de procéder à l'enregistrement, avec la mention «marque imposée», de la marque verbale n° 1889/2006 RADIO SUISSE ROMANDE pour tous les services désignés des classes 38 «Télécommunications; agences de presse et d'information; services de télécommunications radiophoniques; émissions radiophoniques; radiodiffusion» et 41 «Divertissements radiophoniques; production d'émissions radiophoniques et d'émissions musicales; montage de programmes radiophoniques». Examinant le signe litigieux, composé d'une indication générique (RADIO) et d'une dénomination géographique (SUISSE ROMANDE) «en principe susceptible d'imposition», le Tribunal administratif fédéral, contrairement à l'Institut, est arrivé à la conclusion que cette combinaison n'était pas soumise à un besoin de libre disposition absolu en lien avec les services désignés des classes 38 et 41 et, par conséquent, qu'elle pouvait constituer une marque imposée. Se basant ensuite sur le caractère plus que cinquantenaire de la Radio Suisse Romande, sur sa part de marché totale (57,3 % en 2008) et sur le nombre d'auditeurs de ses quatre chaînes (environ 760'000 en 2005), le tribunal a conclu à un usage intense et prolongé du signe en cause, qui est perçu par le public concerné comme la référence à une entreprise déterminée, soit celle de la déposante, et non pas comme le renvoi à n'importe quelle radio active en Suisse romande. Il en a déduit que RADIO SUISSE ROMANDE était une marque imposée qui bénéficiait de la protection légale pour les services désignés des classes 38 et 41.
C.
L'Institut interjette un recours en matière civile. Il conclut à l'annulation de l'arrêt du 6 juillet 2009 et au rejet de la demande d'enregistrement de marque n° 1889/2006 pour l'ensemble des services.
Par ordonnance du 30 septembre 2009, la Présidente de la cour de céans a accordé au recours l'effet suspensif requis par l'Institut.
La déposante propose le rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 135 III 1 consid. 1.1 p. 3, 329 consid. 1 p. 331).
1.1 Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions se rapportant à la tenue du registre des marques (art. 72 al. 2 let. b ch. 2 LTF). L'exception prévue à l'art. 73 LTF n'est pas réalisée en l'espèce, puisqu'il ne s'agit pas d'un tiers qui s'oppose à l'enregistrement d'une marque.
La qualité pour recourir contre une décision visée par l'art. 72 al. 2 let. b LTF appartient, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités de l'Administration fédérale si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions (art. 76 al. 2 LTF). L'art. 29 al. 3 de l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Département fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1) prévoit que l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle peut recourir au Tribunal fédéral. Il n'est par ailleurs pas douteux que l'Institut est chargé de veiller au respect de la loi dans la tenue du registre des marques (cf. art. 2 al. 1 let. b de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur le statut et les tâches de l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle [LIPI; RS 172.010.31]). L'Institut a donc qualité pour recourir.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 75 al. 1 LTF), dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint manifestement le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF; ATF 133 III 490 consid. 3), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. b et art. 100 al. 1 LTF ) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid.1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
2.
2.1 La recourante reproche tout d'abord au Tribunal administratif fédéral d'avoir, de façon générale, dénié aux indications de provenance un caractère indispensable au commerce et, partant, un besoin absolu de disponibilité, ce qui serait contraire à la jurisprudence récente du Tribunal fédéral. Les principes formulés dans l'arrêt attaqué ne seraient pas conformes à une interprétation systématique de la loi et leur application conduirait à des résultats indésirables. Par exemple, les indications de provenance directes, sans éléments additionnels distinctifs, pourraient être monopolisées au profit d'entreprises particulières, à supposer que celles-ci parviennent à rendre vraisemblable que l'indication en cause s'est imposée en tant que marque pour les produits ou services concernés; l'enregistrement d'une indication de provenance à titre de marque empêcherait ainsi les concurrents d'utiliser le nom géographique en cause pour décrire la provenance de leurs produits ou services (cf. art. 47 ss LPM [RS 232.11]).
Selon la recourante, le Tribunal administratif fédéral s'est fondé sur la prémisse - erronée - que les indications de provenance ne sont jamais assujetties à un besoin absolu de disponibilité pour conclure que le signe RADIO SUISSE ROMANDE dans son ensemble n'est pas soumis à un tel besoin et qu'il peut dès lors s'imposer à titre de marque. Par ailleurs, le tribunal aurait, contrairement à la jurisprudence du Tribunal fédéral, limité l'exigence d'un besoin de libre disposition absolu aux termes intrinsèquement indispensables pour désigner la nature des produits ou des services. Or, selon la recourante, la notion de besoin de libre disposition absolu ne concerne pas seulement les désignations génériques, mais s'étend aux autres désignations descriptives, en particulier à celles qui décrivent la destination ou la provenance géographique des produits ou des services.
A suivre la recourante, le Tribunal administratif fédéral aurait dû prendre en considération le besoin des concurrents actuels ou potentiels de l'intimée de faire usage du signe litigieux. Or, les dizaines de stations radiophoniques existant en Suisse romande devraient pouvoir utiliser librement le signe RADIO SUISSE ROMANDE pour indiquer la provenance de leurs services, respectivement leur attachement régional, si bien que ledit signe, soumis à un besoin de libre disposition absolu, ne saurait être enregistré à titre de marque imposée.
2.2 Avant d'aborder le fond de l'affaire, il convient de rectifier la lecture de l'arrêt attaqué telle que rapportée par la recourante.
Premièrement, il ne ressort pas des considérants du Tribunal administratif fédéral que, de manière générale, un besoin absolu de disponibilité ne puisse jamais être opposé à une indication de provenance. Le tribunal a seulement retenu que les indications de provenance «ne sont pas d'emblée soumises à un besoin de libre disposition absolu qui exclurait toute démonstration de l'imposition» (consid. 6.5.5 in fine). Plus loin, il a considéré la dénomination SUISSE ROMANDE comme «en principe susceptible d'imposition» (consid. 6.5.6 in fine). En usant des expressions «d'emblée» et «en principe», le tribunal n'exclut pas que, dans un cas concret, une indication de provenance soit assujettie à un besoin absolu de libre disposition et ne puisse ainsi s'imposer comme marque.
Deuxièmement, le Tribunal administratif fédéral ne pose nulle part le principe selon lequel seul «un terme intrinsèquement indispensable pour désigner la nature des services» n'est pas protégeable en droit des marques en raison d'un besoin de libre disposition absolu. Au considérant 6.6 in initio, il se borne à constater que, contrairement aux signes soumis à un tel besoin qu'il vient d'énumérer, le signe RADIO SUISSE ROMANDE est formé non seulement d'un terme générique soumis à un besoin de libre disposition absolu, mais en plus d'une indication de provenance. Le tribunal déduit simplement de cette différence que le signe dont l'enregistrement est requis doit être apprécié en tenant compte de chacune de ses composantes.
3.
3.1 Aux termes de l'art. 30 al. 2 let. c LPM, la demande d'enregistrement doit être rejetée s'il existe des motifs absolus d'exclusion, énumérés à l'art. 2 LPM.
Sont exclus de la protection notamment les signes appartenant au domaine public, sauf s'ils se sont imposés comme marques pour les produits ou les services concernés (art. 2 let. a LPM). L'absence de force distinctive ou le besoin de libre disposition caractérisent les signes du domaine public. Un signe en soi dépourvu de force distinctive peut néanmoins s'imposer dans le commerce à titre de marque (Verkehrsdurchsetzung) lorsqu'une part importante des destinataires du produit ou des services concernés le perçoivent comme une référence à une entreprise déterminée, sans qu'il soit nécessaire que celle-ci soit connue nommément. Encore faut-il que le signe ne soit pas soumis, dans le cas particulier, à un besoin de libre disposition absolu, lequel empêchera alors l'enregistrement comme marque imposée. L'assujettissement d'un signe à un besoin de libre disposition absolu suppose que l'emploi dudit signe est nécessaire au commerce et doit, de ce fait, rester à la libre disposition de tous les concurrents; cette condition ne doit pas être examinée de façon générale pour le type de signe en cause, mais bien en rapport avec le produit ou les services concernés. Sont des signes appartenant au domaine public: les signes banals ou communs, soit les chiffres ou lettres isolés, les couleurs ou formes géométriques simples; les signes descriptifs et les désignations génériques, soit les références à la nature, aux propriétés, à la composition ou à l'emploi d'un produit; les signes libres, qui ont perdu leur caractère distinctif en raison d'un usage généralisé; les indications géographiques (ATF 134 III 314 consid. 2.3.2 p. 319/320, consid. 2.3.4 p. 321 et consid. 2.3.5 p. 321/322; 131 III 121 consid. 4.1 p. 126/127 et consid. 4.4 p. 130/131; cf. également arrêt 4A_370/2008 du 1er décembre 2008 consid. 5, consid. 5.1, consid. 6.1 et consid. 6.2, in sic! 3/2009 p. 167).
Selon la jurisprudence, le caractère intrinsèquement banal d'un signe ne suffit pas pour assujettir ledit signe à un besoin de libre disposition absolu; ce sont les circonstances du cas qui seront déterminantes (ATF 134 III 314 consid. 2.3.3 p. 320/321; 131 III 121 consid. 4.3 p. 129). En ce qui concerne les signes descriptifs et les désignations génériques, le besoin de libre disposition a été reconnu pour des expressions attribuant certaines qualités à la marchandise, telles que «beau», «bel», «belle», «super», «bon», «fin», pour autant que ces désignations soient descriptives en relation avec le produit concerné, ainsi que pour des mots tels que «pain», «chaussure», «vêtement», «laine», «coton», ou encore «touring» dans le domaine des fournitures ou des services concernant l'automobile ou les voyages en automobile. Quant aux signes libres, la question du besoin de libre disposition ne se pose pas à leur sujet (ATF 131 III 121 consid. 4.2 p. 127/128 et les arrêts cités).
Pour ce qui est des désignations géographiques, la jurisprudence part du constat que la mention d'un nom géographique est habituellement comprise comme une indication de provenance (ATF 135 III 416 consid. 2.2 p. 419). Selon l'art. 47 al. 1 LPM, l'indication de provenance se définit comme toute référence directe ou indirecte à la provenance géographique des produits ou des services, y compris la référence à des propriétés ou à la qualité, en rapport avec la provenance. Les indications de provenance directes - c'est-à-dire les noms de ville, de lieu, de territoire, de région ou de pays - sont soumises en principe à un besoin de libre disposition, dès lors que chaque producteur ou fournisseur doit pouvoir indiquer la provenance de ses biens ou services et qu'il ne doit pas être empêché de le faire en raison de marques de concurrents (cf. ATF 128 III 441 consid. 1.1 p. 443 «Appenzeller», 454 consid. 2.1 p. 458 «Yukon»; Eugen Marbach, Markenrecht, SIWR vol. III/1, 2e éd. 2009, n° 389 p. 121).
Aux termes de l'art. 47 al. 2 LPM, ne sont pas des indications de provenance les noms ou signes géographiques qui ne sont pas considérés par les milieux intéressés comme une référence à la provenance des produits ou services. Fondé sur cette disposition, le Tribunal fédéral a énuméré six cas dans lesquels il est permis d'utiliser un nom géographique comme marque ou de le faire entrer dans la composition d'une marque; il a ainsi rangé dans cette catégorie les indications géographiques qui se sont imposées dans l'esprit du public comme le signe distinctif d'une entreprise déterminée (ATF 128 III 454 consid. 2.1 in fine p. 458/459 et consid. 2.1.5 p. 460; cf. également 135 III 416 consid. 2.6 p. 421 et consid. 2.6.4 p. 422). A cet égard, la jurisprudence avait notamment admis, déjà sous l'ancien droit, que la désignation «Sihl» pour du papier était susceptible d'être protégée comme marque (ATF 92 II 270 consid. 2 p. 274/275) ou que la dénomination «Valser» destinée à l'eau minérale commercialisée par Valser Mineralquellen AG pouvait constituer une marque pour autant qu'elle se soit suffisamment imposée dans le commerce comme signe appartenant à l'entreprise susmentionnée (ATF 117 II 321 consid. 3c p. 325). Plus récemment, le Tribunal fédéral a reconnu que la marque «Appenzeller» s'était imposée dans le commerce en rapport avec les fromages de l'organisation Appenzeller Käse GmbH (ATF 128 III 441 consid. 1.4 p. 445).
L'arrêt de principe «Yukon» (ATF 128 III 454) reconnaît qu'une indication de provenance directe est assujettie en règle générale à un besoin de libre disposition. En soi, cette jurisprudence n'exclut donc pas d'examiner d'abord, selon la méthode appliquée aux signes du domaine public en général dans les arrêts les plus récents (ATF 134 III 314 et arrêt précité du 1er décembre 2008), si la désignation géographique en cause constitue une indication de provenance directe soumise, dans le cas particulier, à un besoin de libre disposition absolu (cf. Emmanuel Piaget, Les signes dotés d'un caractère «presque distinctif» ou l'effet non désiré de l'arrêt «Felsenkeller», in sic! 4/2007 p. 262), avant d'aborder, le cas échéant, la question de l'imposition dans le commerce.
Un signe indispensable au commerce est celui qui, dans l'intérêt de la concurrence, ne saurait être monopolisé par un seul exploitant à ses propres fins commerciales, alors que des concurrents actuels ou futurs peuvent avoir un intérêt significatif à utiliser ce signe (Marbach, op. cit., n° 258 p. 78; Christoph Willi, MSchG, Kommentar zum Schweizerischen Markenrecht, 2002, n° 42 ad art. 2 LPM). En ce qui concerne les indications de provenance par exemple, il ne suffit pas, pour nier un besoin de libre disposition, que le signe ne soit employé par aucune autre entreprise susceptible de se référer à la même provenance; en effet, il peut exister un tel besoin dès que des concurrents pourraient être actifs à l'avenir dans le domaine en question et avoir ainsi un intérêt à faire usage de la même indication de provenance (Marbach, ibid.).
3.2 L'intimée demande l'enregistrement d'une marque verbale formée de plusieurs mots. Le signe en cause est composé d'une désignation générique (RADIO) et d'une indication de provenance directe (SUISSE ROMANDE). A la fois dépourvu de caractère distinctif et soumis à un besoin de libre disposition absolu, le terme RADIO ne peut être protégé comme signe seul. Qu'en est-il lorsqu'il est assorti du nom géographique SUISSE ROMANDE? A cet égard, il convient de préciser que l'impression d'ensemble est déterminante pour juger si un signe relève du domaine public et n'est ainsi pas susceptible d'être protégé (cf. ATF 133 III 342 consid. 4 p. 346; Lucas David, in Basler Kommentar, Markenschutzgesetz - Muster- und Modellgesetz, 2e éd. 1999, n° 8 ad art. 2 LPM). En particulier, un signe n'appartiendra pas au domaine public du simple fait que l'un ou plusieurs des éléments le composant sont assujettis à un besoin de libre disposition; il convient bien plutôt d'examiner si le signe dans sa globalité, en tant que combinaison d'éléments spécifiques, doit rester libre ou non pour le commerce (Marbach, op. cit., n° 272 p. 83).
En l'espèce, la question est de savoir si le signe RADIO SUISSE ROMANDE est nécessaire au commerce, pour les services concernés des classes 38 et 41. A ce propos, il n'apparaît pas que les besoins de la concurrence entre les différents organismes diffusant de la radio en Suisse romande imposent que ces derniers puissent se présenter comme une «radio suisse romande». Certes, les radios locales et régionales doivent pouvoir indiquer qu'elles sont actives en Suisse romande, mais cela ne signifie pas encore que l'appellation complète «radio suisse romande» doive rester libre pour les concurrents de l'intimée. A vrai dire, on ne voit pas quel intérêt ces derniers pourraient faire valoir pour revendiquer librement l'usage du signe litigieux. Il sied par ailleurs d'ajouter que les entreprises fournissant des services ont un besoin moindre de renseigner le public sur la provenance desdits services; la pratique se montre ainsi plus souple pour les services que pour les produits (Marbach, op. cit., n° 405 p. 127). Le parallèle tiré par la recourante avec les exemples portant sur les produits «montre suisse» et «chocolat suisse» n'apparaît dès lors pas pertinent.
Il s'ensuit que le Tribunal administratif fédéral n'a pas méconnu les principes tirés de l'art. 2 let. a LPM en concluant que le signe RADIO SUISSE ROMANDE n'était pas soumis à un besoin de libre disposition absolu.
3.3 Pour le reste, le Tribunal administratif fédéral a considéré que l'intimée avait rendu suffisamment vraisemblable (cf. ATF 130 III 328 consid. 3.2 p. 332/333) que le signe RADIO SUISSE ROMANDE s'était imposé comme marque pour les services en cause des classes 38 et 41. L'«imposition dans le commerce» est une notion de droit; en revanche, la question de savoir si les conditions d'une telle imposition sont réalisées dans le cas particulier relève des faits, que le Tribunal fédéral ne peut revoir que sous l'angle restreint de l'art. 105 al. 2 LTF.
En l'espèce, la recourante ne formule aucune critique en rapport avec le caractère de marque imposée de RADIO SUISSE ROMANDE reconnu par les juges précédents. Elle ne prétend nulle part que ceux-ci se seraient fondés sur des éléments non pertinents, ni que les facteurs pris en compte reposeraient sur une appréciation arbitraire des preuves.
A ce propos, rien ne permet d'admettre que le Tribunal administratif fédéral est parti d'une notion erronée de l'«imposition dans le commerce». Il convient au surplus de renvoyer au considérant 7 de l'arrêt attaqué (cf. art. 109 al. 3 LTF), qui explique de manière convaincante en quoi le signe RADIO SUISSE ROMANDE s'est imposé comme marque pour les services en cause.
4.
Sur le vu de ce qui précède, le Tribunal administratif fédéral n'a pas violé le droit fédéral en ordonnant l'enregistrement, à titre de marque imposée, du signe RADIO SUISSE ROMANDE pour les services désignés des classes 38 et 41. Par conséquent, le recours doit être rejeté.
5.
Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il ne sera pas mis de frais judiciaires à la charge du recourant, même s'il succombe. Par ailleurs, le recourant versera des dépens à l'intimée ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3.
Une indemnité de 3'500 fr., à payer à titre de dépens à l'intimée, est mise à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour II du Tribunal administratif fédéral.
Lausanne, le 30 novembre 2009
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Klett Godat Zimmermann