Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C_464/2009
Arrêt du 5 janvier 2010
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger et Fonjallaz.
Greffier: M. Rittener.
Parties
X.________,
représentée par Me Niki Casonato, avocat,
recourante,
contre
Paroisse Y.________, représentée par Me Alain De Mitri, avocat,
intimée,
Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève, 1211 Genève 8,
Département du territoire du canton de Genève, 1211 Genève 3.
Objet
autorisation de construire,
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Genève du 25 août 2009.
Faits:
A.
La Paroisse Y.________ (ci-après: la paroisse) est propriétaire de la parcelle n° 12'229 du registre foncier de A.________, en zone à bâtir. Ce bien-fonds a été divisé en deux, la partie n° 12'229A étant située en zone de développement (4e zone B) et la partie n12'229B en zone de développement protégée (4e zone B protégée). X.________ est propriétaire de la parcelle voisine n° 12'501, sur laquelle est construite une maison d'habitation (n° 402).
Le 4 juillet 2007, la paroisse a requis l'autorisation de construire un bâtiment comprenant trois logements sur la parcelle n° 12'229, à cheval sur les deux zones précitées. Ce projet a fait l'objet de diverses modifications répondant aux exigences des services cantonaux consultés. Le 23 juillet 2008, le Conseil d'Etat du canton de Genève a rendu un arrêté « autorisant l'application des normes de la 4e zone B et de la 4e zone B protégée au bâtiment à construire ». Selon l'arrêt attaqué, X.________ aurait alors déposé des observations, en se plaignant notamment du fait que le projet litigieux n'était pas conforme aux exigences de la zone de développement protégée. Par décision du 4 août 2008, le Département des constructions et des technologies de l'information du canton de Genève (ci-après: le département des constructions) a délivré l'autorisation de construire requise. Le même jour, le Département du territoire du canton de Genève (ci-après: le département du territoire) a autorisé l'abattage d'un arbre situé sur la parcelle en cause.
B.
X.________ a contesté ces décisions devant la Commission cantonale de recours en matière de construction (ci-après: la commission de recours). Par décision du 23 décembre 2008, cette autorité a admis le recours et annulé les décisions du 4 août 2008, au motif que des dérogations nécessaires selon l'art. 106 de la loi cantonale sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI; RSG L 5 05) faisaient défaut.
Le département des constructions et la paroisse ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif). Par arrêt du 25 août 2009, celui-ci a admis les recours, annulé la décision de la commission de recours et rétabli les deux autorisations du 4 août 2008. Il a considéré en substance qu'une dérogation au sens de l'art. 106 LCI avait été octroyée pour les distances entre la future construction et les bâtiments n° 402 et 403. En suivant les préavis recueillis pour accorder cette dérogation, le département compétent n'avait pas abusé de son pouvoir d'appréciation. Par ailleurs, le grief selon lequel la construction litigieuse serait source d'inconvénients graves au sens de l'art. 14 LCI était rejeté.
C.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de confirmer la décision de la commission de recours du 23 décembre 2008, subsidiairement d'annuler les autorisations délivrées le 4 août 2008. Elle se plaint d'arbitraire (art. 9 Cst.) dans la constatation des faits et dans l'application de diverses dispositions de droit cantonal, ainsi que d'une violation de la garantie de la propriété (art. 26 Cst.). Elle requiert en outre l'octroi de l'effet suspensif. Le Tribunal administratif a renoncé à formuler des observations. Le département des constructions, le département du territoire et la paroisse se sont déterminés, concluant au rejet du recours.
D.
Par ordonnance du 24 novembre 2009, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif.
Considérant en droit:
1.
Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public des constructions, le recours est recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal administratif cantonal et est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué, qui confirme l'autorisation de construire un bâtiment sur une parcelle directement voisine de la sienne. Elle invoque en outre des dispositions de droit des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit, de sorte qu'elle a la qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale prise en dernière instance cantonale non susceptible de recours devant le Tribunal administratif fédéral, le recours est recevable au regard des art. 42, 86 al. 1 let . d, 90 et 100 al. 1 LTF.
2.
Invoquant l'art. 9 Cst., la recourante se plaint d'une application arbitraire des normes de droit cantonal réglant la hauteur du gabarit et les distances aux limites de propriété. Elle invoque à cet égard une constatation arbitraire des faits.
2.1 En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il y a arbitraire (pour une définition de l'arbitraire, cf. ATF 134 I 263 consid. 3.1 p. 265 s.; 133 I 149 consid. 3.1 p. 153 et les références) lorsque l'autorité n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, si elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision ou lorsqu'elle tire des constatations insoutenables des éléments recueillis (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 127 I 38 consid. 2a p. 41). Appelé à revoir l'interprétation d'une norme sous l'angle restreint de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution - éventuellement plus judicieuse - paraît possible (ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133; 133 II 257 consid. 5.1 p. 260 s. et les arrêts cités).
2.2 Pour la « quatrième zone » de construction instituée par le droit cantonal genevois, les questions du gabarit de hauteur des constructions et de distances aux limites de propriété son réglées par les art. 31ss LCI. Aux termes de l'art. 31 al. 1 LCI, les constructions ne doivent en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur est définie à l'art. 32 LCI. L'alinéa premier de cette disposition règle la hauteur du gabarit par rapport aux voies publiques ou privée. La hauteur du gabarit par rapport aux limites de propriétés privées est régie par l'art. 32 al. 2 LCI, qui prévoit que la hauteur du gabarit est calculée conformément aux dispositions de l'art. 34 LCI. L'art. 32 al. 3 LCI précise que la hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 15 m en zone urbaine et 10 m en zone rurale, des dispositions non applicables en l'espèce étant réservées. Conformément à l'art. 34 al. 1 LCI, lorsqu'une construction n'est pas édifiée à la limite de propriétés privées, la distance entre cette construction et la limite doit être au moins égale à la hauteur du gabarit. Enfin, sous réserve de dispositions qui n'entrent pas en considération en l'occurrence, l'art. 34 al. 2 précise que la distance entre une construction et une limite de propriété ne peut en aucun cas être inférieure à 6 mètres.
L'art. 106 al. 1 LCI réserve le cas des villages protégés, pour lesquels « le département, sur préavis de la commune et de la commission des monuments, de la nature et des sites, fixe dans chaque cas particulier l'implantation, le gabarit, le volume et le style des constructions à édifier, de manière à sauvegarder le caractère architectural et l'échelle de ces agglomérations ainsi que le site environnant. Le département peut en conséquence, à titre exceptionnel, déroger aux dispositions régissant les distances entre bâtiments, les distances aux limites de propriété et les vues droites ».
2.3 L'autorisation de construire du 4 août 2008 se réfère au préavis émis le 5 mai 2008 par le Service cantonal des monuments et des sites, qui rappelle lui-même que la Commission cantonale des monuments, de la nature et des sites s'était déclarée favorable à l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 106 LCI uniquement pour les distances entre la future construction et les bâtiments n° 402 et 403. Le préavis émis le 18 décembre 2007 par cette commission mentionne en effet expressément que l'autorité en question « se déclare favorable à la dérogation 106 LCI uniquement pour les distances entre bâtiments n° 402 et 403 » et qu'elle « demande en revanche le respect des lois et règlements en vigueur pour la distance aux limites avec la parcelle n° 13940 et la hauteur de gabarit du futur bâtiment ».
2.3.1 Il ressort de ce qui précède qu'une dérogation au sens de l'art. 106 LCI a été octroyée pour la distance séparant la future construction du bien-fonds de la recourante - la parcelle n° 12'501, sur laquelle est construit le bâtiment n° 402 - mais qu'elle a été exclue par rapport à la parcelle n° 13'940. Contrairement à ce qu'avait considéré la commission de recours, on ne peut comprendre la réserve demandant le respect de la LCI pour la hauteur de gabarit qu'en relation avec la parcelle n° 13'940. En effet, si cette réserve s'étendait à la parcelle n° 12'501, la dérogation octroyée quant à la distance par rapport à cette parcelle serait totalement vidée de sa substance. La distance étant fixée par rapport à la hauteur et inversement (cf. art. 32 al. 2 et 34 al. 1 LCI) on ne saurait accorder une dérogation pour l'une sans qu'elle s'étende à l'autre.
En l'occurrence, la dérogation à l'art. 34 al. 1 LCI signifie que la distance peut être inférieure à la hauteur, ce qui implique nécessairement que la hauteur peut être supérieure à la distance, en dérogation à l'art. 32 al. 2 LCI. C'est ce qu'a considéré implicitement le Tribunal administratif en annulant la décision de la commission de recours et en retenant que les normes de la LCI sur la 4e zone étaient respectées. Par conséquent, même si les motifs de l'arrêt attaqué souffrent de certaines carences sur ce point, ils demeurent compréhensibles et peuvent être maintenus, la recourante n'invoquant pas une violation de son droit d'être entendue en raison d'une motivation lacunaire. Il s'ensuit que les art. 32 ss et 106 LCI n'ont pas été appliqués de façon arbitraire, de sorte que ce premier grief doit être rejeté. Dans ces conditions, il importe peu que le Tribunal administratif n'ait pas constaté la distance exacte séparant la future construction de la parcelle de la recourante, qui n'apparaît au demeurant pas inférieure au minimum absolu de 6 m prescrit par l'art. 34 al. 2 LCI. De même, c'est en vain que la recourante se plaint de constatations arbitraires des faits quant à une modification des plans concernant le gabarit ou à une admission de sa part sur ce point, ces questions étant sans influence sur l'application des règles de droit cantonal exposées ci-dessus.
2.3.2 La recourante se plaint également d'une constatation arbitraire des faits en ce qui concerne la hauteur de la construction litigieuse. Elle soutient que celle-ci serait de 10,30 m et non pas de 10 m comme le retient l'arrêt querellé. Il ressort cependant de la lecture des plans déposés que si le sommet du toit semble dépasser la hauteur de 10 m, il en va différemment de la panne faîtière, que le Tribunal administratif tient pour déterminante dans le calcul de la hauteur de gabarit. La recourante conteste ce point, sans toutefois démontrer une application arbitraire du droit cantonal. En effet, contrairement à ce qu'elle allègue, il ne ressort pas clairement de l'art. 36 LCI et de l'art. 21 du règlement d'application de la LCI (RALCI; RSG L 5 05.01) que le gabarit se mesure par rapport au sommet de la toiture et non au niveau de la panne faîtière. Elle échoue donc à démontrer que l'arrêt attaqué est entaché sur ce point d'arbitraire au sens de la jurisprudence susmentionnée.
2.4 La recourante se plaint enfin d'une application arbitraire de l'art. 14 al. 1 let. a LCI, qui prévoit que l'autorisation de construire peut être refusée lorsqu'une construction « peut être la cause d'inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public ». Elle invoque également dans ce cadre une violation de la garantie de la propriété, sans toutefois développer une argumentation propre à cet égard. Le Tribunal administratif a considéré que la perte d'ensoleillement dont se prévalait la recourante n'était pas quantifiée, qu'elle devait être relativisée compte tenu de la hauteur du bâtiment litigieux et qu'elle devait être mise en balance avec l'intérêt public lié à la construction de trois nouveaux logements « en plein village de A.________, dans une zone constructible par excellence ». La recourante conteste cette appréciation, en exposant qu'elle subirait une perte importante d'ensoleillement, que son habitation serait « enclavée » et qu'un immeuble de deux étages répondrait également à un intérêt public tout en respectant le principe de proportionnalité. Ce faisant, elle oppose sa propre appréciation à celle de l'autorité intimée, sans démontrer en quoi celle-ci serait manifestement insoutenable ou manifestement contraire au sens et au but de l'art. 14 LCI. Quant aux critiques relatives au caractère prétendument disproportionné du projet par rapport à la surface de la parcelle n°12'229, elles sont dénuées de portée propre, ces questions étant réglées par les normes sur les distances et les gabarits ainsi que par la dérogation y relative. En définitive, il y a lieu de constater que l'art. 14 LCI laisse aux autorités cantonales un certain pouvoir d'appréciation, dont le Tribunal administratif n'a pas abusé en l'occurrence. Cette disposition n'a donc pas été appliquée d'une manière qui puisse être qualifiée d'arbitraire au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus.
3.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. La recourante, qui succombe, doit supporter les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1 LTF). L'intimée, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge de la recourante (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à l'intimée à titre de dépens, à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, ainsi qu'au Département des constructions et des technologies de l'information, au Département du territoire et au Tribunal administratif du canton de Genève.
Lausanne, le 5 janvier 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Féraud Rittener