Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_815/2009
Arrêt du 18 février 2010
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges Favre, Président,
Wiprächtiger et Jacquemoud-Rossari.
Greffier: M. Vallat.
Parties
X.________, représenté par Me Gilles Robert-Nicoud, avocat,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
intimé.
Objet
Infraction à la LF sur le séjour et l'établissement des étrangers; révision,
recours contre l'arrêt de la Commission de révision pénale du Tribunal cantonal vaudois du 10 août 2009.
Faits:
A.
Le 13 janvier 2009, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a confirmé, sur appel, un prononcé préfectoral du 18 août 2008 condamnant X.________ à 500 fr. d'amende, substituables par cinq jours de privation de liberté, pour infraction à l'art. 23 al. 4 LSEE. Il avait, en qualité d'organe de fait de Y.________ S.A., occupé Z.________, en situation irrégulière, sur un chantier en octobre 2007. Le recours cantonal du condamné a été déclaré irrecevable, le 26 mars 2009.
B.
Le 10 août suivant, la Commission de révision pénale du Tribunal cantonal vaudois a écarté la demande de révision de X.________. Ce dernier invoquait une déclaration écrite de l'entreprise B.________ sàrl, selon laquelle son employé Z.________ avait été prêté à Y.________ S.A. au moment des faits.
C.
X.________ recourt en matière pénale. Il conclut à l'annulation de cet arrêt ainsi que du jugement du 13 janvier 2009 et au renvoi de la cause à la première autorité pour nouvelle décision.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
En substance, le recourant reproche à la commission cantonale d'avoir violé l'art. 385 CP en méconnaissant la notion de moyen de preuve sérieux. Elle aurait aussi, en tranchant à tort une question de droit relevant du rescisoire, excédé son rôle d'autorité du rescindant. L'art. 23 LSEE aurait été mal appliqué et la cour cantonale, en examinant insuffisamment les aspects subjectifs, aurait ignoré que le nouvel art. 117 LEtr, qui prévoit des sanctions plus lourdes, ne punit que les actes commis intentionnellement. Enfin, le droit constitutionnel du recourant à la révision aurait été violé.
2.
Conformément à l'art. 385 CP (ancien art. 397 CP), les cantons sont tenus de prévoir un recours en révision en faveur du condamné contre les jugements rendus en vertu de ce code ou d'une autre loi fédérale, quand des faits ou des moyens de preuve sérieux et dont le juge n'avait pas eu connaissance lors du premier procès viennent à être invoqués. L'art. 455 al. 1 CPP/VD n'autorise pas la révision à des conditions plus favorables.
2.1 Le caractère nouveau du moyen de preuve invoqué n'est pas contesté. Pour dire s'il est sérieux (notion de droit fédéral), il y a lieu de rechercher, au degré de la vraisemblance, s'il est propre à ébranler l'état de fait sur lequel est fondé le jugement. Ce point relève de l'appréciation des preuves. Si tel est le cas, il faut ensuite se demander (question de droit) si l'amendement des faits est de nature à entraîner une décision plus favorable au requérant (ATF 130 IV 72 consid. 1, p. 73). La notion d'état de fait sur lequel est fondé le jugement ne peut viser que des éléments qui ont été déterminants pour l'application du droit au stade du jugement. Cette jurisprudence ne le précise pas, parce que dans le cas usuel où le droit est demeuré inchangé, cette exigence est examinée en déterminant si la modification de l'état de fait est susceptible d'aboutir à une décision plus favorable, en application des mêmes règles de droit.
En revanche, lorsque le droit en vigueur au moment où statue l'autorité saisie de la demande de révision n'est pas celui appliqué par le juge de la condamnation, la question se pose en des termes différents. La lex mitior ne doit pas constituer un motif de révision indépendant. C'est pourquoi la jurisprudence a précisé que l'application d'un droit nouveau plus favorable (art. 2 al. 2 CP) au stade du rescisoire n'est pas exclue, à condition que, au stade du rescindant, l'état de fait fondant le jugement dont la révision est demandée apparaisse faux ou incomplet et que sa modification ait pu influencer le jugement si l'autorité en avait eu connaissance (ATF 69 IV 225 consid. 1 p. 226 s.; arrêt non publié du 18 mars 1994, 6S.588/1993, consid. 2a). Le demandeur en révision ne peut donc pas obtenir l'application d'un nouveau droit plus favorable en rendant vraisemblable la modification de n'importe quel point de fait non pertinent pour l'application de l'ancienne loi.
2.2 Le recourant a agi au mois d'octobre 2007. Il a été condamné pour l'infraction de l'art. 23 al. 4 LSEE. Cette disposition a été abrogée au 1er janvier 2008 date de l'entrée en vigueur de la loi sur les étrangers (LEtr; RS 142.20). L'art. 117 LEtr prévoit des sanctions plus sévères que l'art. 23 al. 4 LSEE, mais ne punit plus que les actes intentionnels. En cas de négligence, l'application de cette norme en corrélation avec l'art. 2 al. 2 CP conduit à l'acquittement (arrêt non publié 6B_184/2009 du 20 mai 2009, consid. 1.2.1 et 1.2.2). Cela justifie de déterminer préalablement si le moyen de preuve invoqué, qui tend à démontrer que l'ouvrier en situation irrégulière aurait été "prêté", aurait conduit le tribunal de police, s'il en avait eu connaissance, à rendre une décision plus favorable au recourant en application de l'art. 23 al. 4 LSEE. Cette démarche n'empiète d'aucune manière sur les attributions du juge du rescisoire.
2.3 La notion d'employeur au sens de la LSEE est autonome. Elle est plus large que celle du droit des obligations et englobe l'employeur de fait (ATF 128 IV 170 consid. 4.1 p. 174). Celui qui bénéficie effectivement des services d'un travailleur est un employeur nonobstant l'intervention d'un intermédiaire. Peu importe qu'une rémunération soit versée et par qui. Est déjà un employeur en ce sens celui qui occupe en fait un étranger dans son entreprise, sous sa surveillance et sous sa propre responsabilité et, par conséquent, en accepte les services (ATF 99 IV 110 consid. 1 p. 112 s.). Ce dernier arrêt conserve toute sa valeur (arrêt non publié 2C_357/2009 du 16 novembre 2009 consid. 4.2). Le point de savoir si le travailleur était lié à l'employeur par un contrat de travail ou s'il avait, comme le soutient le recourant, été "prêté" par une tierce personne n'est donc pas déterminant au regard de l'art. 23 al. 4 LSEE.
Du reste, même si le tribunal de police a fait état d'un "engagement oral" en relevant que, s'agissant d'un travailleur au noir, aucun contrat écrit n'avait vraisemblablement été passé, cette constatation ne constitue pas l'élément décisif fondant la condamnation du recourant. Après avoir écarté la version des faits de ce dernier, le tribunal de police a, en effet, tenu pour constant que Z.________ avait été utilisé par Y.________ S.A., que le recourant était seul propriétaire économique de cette société et s'occupait seul de l'activité opérationnelle sur les chantiers. Il apparaissait ainsi comme organe de fait (jugement du 13 janvier 2009, consid. 2c, p. 9). La mention d'un "engagement oral", ne sert guère qu'à expliciter que le recourant, en tant qu'organe de fait et chef de chantier, avait accepté les services de l'ouvrier. On comprend ainsi que celui-ci a travaillé sous la responsabilité et la surveillance de celui-là. Ces constatations suffisaient à justifier la condamnation du recourant en application de l'art. 23 al. 4 LSEE. L'allégation d'un prêt de main d'oeuvre n'y change rien.
2.4 Cela étant, la cour cantonale n'a pas violé les principes de droit fédéral rappelés ci-dessus (consid. 2.1) en concluant que le moyen de preuve produit n'était pas de nature à ébranler l'état de fait sur lequel reposait la condamnation du recourant (arrêt, consid. 4, p. 6).
Ce dernier ne soulève, par ailleurs, expressément (art. 106 al. 2 LTF) aucun grief d'arbitraire sur l'appréciation du moyen de preuve produit, dont le résultat lie la cour de céans (art. 105 al. 1 LTF). Il n'est, dès lors, pas nécessaire d'examiner si la modification de l'état de fait est susceptible de conduire à une décision plus favorable au recourant en application des art. 117 LEtr et 2 al. 2 CP.
3.
Pour le surplus, à supposer que B.________ sàrl ait réellement "prêté l'ouvrier", le recourant ne pouvait ignorer la nature des relations tissées avec sa propre société et le travailleur. Il aurait eu tout loisir, dans la procédure qui a conduit à sa condamnation, de requérir l'administration de preuves sur ce point. Cela exclut le droit à la révision déduit par la jurisprudence de l'art. 29 al. 1 Cst., qui suppose que le fait ou le moyen de preuve n'ait pas été connu du requérant dans la procédure précédente (ATF 130 IV 72 consid. 2.2, p. 74).
4.
Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Commission de révision pénale du Tribunal cantonal vaudois.
Lausanne, le 18 février 2010
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Favre Vallat