Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B_862/2009
Arrêt du 22 février 2010
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges Favre, Président,
Mathys et Jacquemoud-Rossari.
Greffière: Mme Kistler Vianin.
Parties
X.________, représenté par Me Claire-Lise Oswald, avocate,
recourant,
contre
Y.________, représentée par Me Nicolas Stucki, avocat,
intimée,
Ministère public du canton de Neuchâtel, 2001 Neuchâtel 1,
intimé.
Objet
Voies de fait et infraction à la LStup; arbitraire, présomption d'innocence,
recours contre l'arrêt du 2 septembre 2009 de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Faits:
A.
Par jugement du 14 août 2007, le Tribunal de police du district de Neuchâtel a reconnu X.________ coupable de voies de fait sur la personne de Y.________ et d'infractions aux art. 19 ch. 1 et 19a LStup . Il a condamné l'intéressé à une peine pécuniaire, avec sursis pendant deux ans, de quinze jours-amende d'un montant de 200 fr. et à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif étant de cinq jours. En outre, il a reconnu X.________ débiteur de Y.________ d'un montant de 500 fr. à titre de réparation morale et d'un montant de 250 fr. à titre de dépens. En revanche, il a libéré X.________ des préventions d'abus de la détresse, subsidiairement de contrainte sexuelle, plus subsidiairement de menaces et d'injures. Il a également abandonné les préventions de gestion déloyale, subsidiairement d'abus de confiance.
Statuant le 29 août 2008 sur le recours formé par Y.________, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a considéré que X.________ devait être condamné pour infraction à l'art. 193 CP (abus de la détresse) par dol éventuel. Elle a cassé en conséquence le jugement du Tribunal de police du district de Neuchâtel et lui a renvoyé la cause pour qu'il fixe la peine à infliger à X.________ pour cette infraction nouvelle et les autres déjà retenues. Le 11 octobre 2008, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par X.________ contre ce dernier arrêt cantonal (6B_817/2008).
Par jugement après cassation du 22 janvier 2009, le Tribunal de police du district de Neuchâtel a condamné X.________ pour abus de la détresse, voies de fait et infractions à la LStup à une peine pécuniaire, avec sursis pendant deux ans, de 150 jours-amende d'un montant de 150 fr. et à une amende de 500 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à cinq jours. Il a en outre reconnu X.________ débiteur de Y.________ d'un montant de 10'000 fr. à titre de réparation morale et d'un montant de 3'000 fr. à titre de dépens. Il a relevé que les infractions découlant des art. 126 ch. 1 CP et 19a LStup étaient prescrites lorsque le premier jugement a été rendu; lié par l'arrêt cantonal du 29 août 2009, il ne pouvait toutefois pas corriger cette omission.
B.
Par arrêt du 2 septembre 2009, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le pourvoi formé par X.________ contre le jugement rendu après cassation.
C.
Contre ce dernier arrêt cantonal, X.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause au Tribunal de première instance pour nouveau jugement.
L'intimée, Y.________, conclut au rejet du recours. Le Ministère public neuchâtelois et la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal de Neuchâtel ont renoncé à formuler des observations.
Considérant en droit:
1.
Le recourant fait valoir que les contraventions découlant de l'art. 126 CP (voies de fait) et de l'art. 19 LStup. étaient prescrites lors du jugement du 14 août 2007 rendu par le Tribunal de police du district de Neuchâtel.
Seule la victime a recouru contre le jugement précité pour fausse application de l'art. 193 CP. Devant la cour cantonale, l'objet du litige portait donc uniquement sur la réalisation de cette infraction. Dans son second arrêt, la cour cantonale a ainsi refusé d'entrer en matière sur le grief tiré de la prescription, au motif qu'elle était liée par son arrêt du 29 août 2008 qui retenait les dites contraventions et que le recourant n'avait au demeurant pas déposé de pourvoi contre le premier jugement pour invoquer la prescription des contraventions. En invoquant la prescription des contraventions retenues à son encontre, le recourant élargit en conséquence l'objet du litige, ce qu'il n'est pas autorisé à faire (art. 99 LTF). Le grief tiré de la prescription des contraventions est donc irrecevable.
2.
Le recourant conteste la réalisation des éléments constitutifs de l'infraction d'abus de la détresse. En particulier, il reproche à la cour cantonale d'avoir substitué sa propre appréciation des faits à celle de la juridiction inférieure, en violation du code de procédure cantonal neuchâtelois. La cour cantonale aurait notamment complété l'état de fait de première instance sur la question du dol éventuel, en retenant que le recourant devait compter que l'intimée avait accepté d'entretenir des relations sexuelles avec lui, parce qu'elle se trouvait dans une situation de dépendance à son égard.
2.1 Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, la violation du droit cantonal ne constitue pas un motif de recours. Le recourant peut uniquement se plaindre que l'application du droit cantonal par l'autorité précédente consacre une violation du droit fédéral au sens de l'art. 95 let. a LTF, en particulier qu'elle est arbitraire (art. 9 Cst.; ATF 133 III 462 consid. 2.3; 133 II 249 consid. 1.2.1). Le Tribunal fédéral n'examine le moyen fondé sur la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 462 consid. 2.3; 133 IV 286 consid. 1.4).
Pour qu'il y ait arbitraire, il ne suffit pas que la décision attaquée apparaisse discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148, 133 I 149 consid. 3.1 p. 153). En matière d'application du droit cantonal, l'arbitraire et la violation de la loi ne sauraient être confondus; une violation de la loi doit être manifeste et reconnue d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal fédéral n'a pas à déterminer quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement examiner si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17 s. ; 131 I 217 consid. 2.1 p. 219).
2.2 En procédure pénale neuchâteloise, "la cour de cassation pénale est liée par les constatations de fait du premier juge (...)" (art. 251 al. 2 CPP/NE). Selon la jurisprudence cantonale, elle ne peut substituer sa propre appréciation des faits à celle de la juridiction inférieure; elle doit être d'autant plus prudente qu'elle n'a pas entendu les parties et les témoins à son audience et ne connaît que très imparfaitement les déclarations devant le tribunal de première instance (RJN 5 (1966) p. 111). Elle peut toutefois rectifier les constatations de fait du premier juge qui sont manifestement erronées (art. 251 al. 2 CPP/NE), c'est-à-dire contraires à une pièce probante du dossier ou à la notoriété publique. En outre, il y a violation de l'art. 9 Cst. lorsque des constatations de fait sont évidemment fausses ou arbitraires ou reposent sur une erreur manifeste (RJN 5 (1966) p. 111).
2.3 La cour cantonale constate que le jugement de première instance du 14 août 2007 est muet sur la question du dol éventuel. Toutefois, se référant à une audition du recourant par la police, elle retient que ce dernier a agi par dol éventuel (arrêt du 29 août 2009 p. 8). Ce que l'auteur savait, voulait ou ce dont il acceptait l'avènement fait partie du contenu de la pensée et relève de l'établissement des faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156). En retenant le dol éventuel alors que le jugement de première instance ne dit rien sur ce point, la cour cantonale a complété l'état de fait et est clairement sortie du rôle qui lui est assigné par le Code de procédure pénale neuchâtelois. Elle a donc appliqué le droit de procédure cantonal de manière arbitraire.
La cour cantonale a également indûment complété l'état de fait de première instance, en retenant que le recourant avait exploité le lien de dépendance dans lequel se trouvait l'intimée. Le tribunal de première instance avait émis des doutes que l'intimée n'était pas consentante. Avec raison, la cour cantonale a considéré que le consentement n'excluait pas la réalisation de l'abus de la détresse. Mais encore faut-il, pour retenir l'infraction de l'art. 193 CP, que ce consentement ait été vicié par la situation de dépendance (ATF 131 IV 114 consid. 1 p. 118; 124 IV 13 consid. 2c/cc p. 18/19; 99 IV 161 consid. 2 p. 163). Or, cette constatation de fait ne ressort pas du jugement de première instance. En admettant l'exploitation de la situation de dépendance, la cour cantonale a donc implicitement complété l'état de fait du tribunal de police et appliqué le droit de procédure cantonal de manière arbitraire.
2.4 En conséquence, le recours doit être admis sur la question de l'abus de la détresse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner au surplus si la cour cantonale a violé la présomption d'innocence, comme le soutient encore le recourant.
3.
Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué est annulé en ce qui concerne l'abus de la détresse sur la personne de Y.________. Dans la mesure où il porte sur les contraventions de voies de fait et de la LStup, le recours est irrecevable.
Comme le recourant obtient partiellement gain de cause, les frais judiciaires sont répartis également entre le recourant et l'intimée (art. 66 al. 1 LTF) et les dépens sont compensés (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est partiellement admis, l'arrêt attaqué est annulé en ce qui concerne l'abus de la détresse et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement sur ce point ainsi que sur les points qui y sont liés. Dans la mesure où il porte sur les contraventions de voies de fait et de la loi fédérale sur les stupéfiants, le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge du recourant, par 2000 fr. et à la charge de l'intimée, par 2000 fr.
3.
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
Lausanne, le 22 février 2010
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Favre Kistler Vianin