Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_599/2009
Arrêt du 3 mars 2010
IIe Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
Marazzi et Herrmann.
Greffier: M. Braconi.
Parties
X.________,
représenté par Me Antoinette Haldy, avocate,
recourant,
contre
dame X.________,
représentée par Me Marc-Aurèle Vollenweider, avocat,
intimée.
Objet
nullité d'un contrat de séparation de biens
(compétence),
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 27 mai 2009.
Faits:
A.
X.________, de nationalités allemande et suisse (depuis 2006), et dame X.________, de nationalité suisse, se sont mariés le 23 juin 2000 à Aigle (VD); le couple n'a pas d'enfant.
B.
B.a Par requête de conciliation du 3 mai 2007, l'épouse a saisi le Juge de paix des districts de Nyon et Rolle d'une action tendant à la nullité, subsidiairement à l'annulation, du contrat de séparation de biens conclu le 5 mai 2006 par les époux. Ce magistrat a délivré le 6 juillet 2007 un acte de non-conciliation à l'intéressée, qui a déposé le 27 juillet suivant sa demande - assortie des mêmes conclusions - devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois.
B.b Le mari, qui allègue être officiellement domicilié en Pologne depuis le 17 janvier 2006, a ouvert action en divorce le 3 juillet 2007 devant le Tribunal d'arrondissement de Varsovie (Pologne).
C.
Par requête incidente du 12 décembre 2007, le défendeur a conclu à l'incompétence de la Cour civile vaudoise et à l'éconduction d'instance de la demanderesse, subsidiairement à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur l'action en divorce pendante à Varsovie.
Statuant le 8 août 2008, le Juge instructeur de la Cour civile a accueilli la requête de déclinatoire et éconduit d'instance la demanderesse. Ce jugement a été réformé le 27 mai 2009 par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, qui a rejeté la requête de déclinatoire.
D.
Agissant par la voie du recours en matière civile au Tribunal fédéral, le défendeur conclut à la réforme de la décision attaquée en ce sens que sa requête de déclinatoire est admise et sa partie adverse éconduite d'instance.
L'autorité précédente se réfère aux considérants de son arrêt. L'intimée propose le rejet du recours.
E.
Par ordonnance du 30 septembre 2009, la Présidente de la IIe Cour de droit civil a attribué l'effet suspensif au recours.
Considérant en droit:
1.
Le présent recours a été déposé à temps (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision incidente admettant la compétence (art. 92 al. 1 LTF; CORBOZ, in: Commentaire de la LTF, 2009, n° 9 ss ad art. 92 et la jurisprudence citée; pour l'hypothèse inverse: art. 90 LTF; ATF 135 V 153 consid. 1.3 et les arrêts cités) prise par une autorité cantonale de dernière instance ayant statué sur recours (art. 75 LTF).
L'action au fond tend à la nullité, subsidiairement à l'annulation, d'une convention (notariée) de séparation de biens par laquelle le recourant s'est engagé à verser à l'intimée la somme de 100'000 fr. au titre de la liquidation du régime matrimonial. La valeur litigieuse atteint dès lors le seuil légal (art. 74 al. 1 let. b LTF).
2.
Le recourant dénonce une application arbitraire de l'art. 4 ch. 9 de la loi d'introduction dans le Canton de Vaud du Code civil suisse (LVCC) du 30 novembre 1910; en substance, il fait valoir que l'action de l'intimée n'était pas du ressort de la Cour civile (i.e. juge ordinaire), mais du juge des "mesures protectrices".
2.1 Sous réserve d'exceptions non réalisées ici (cf. art. 95 let. c à e), la violation du droit cantonal n'est pas un motif de recours; en revanche, le recourant peut se plaindre d'une application arbitraire (art. 9 Cst., en relation avec l'art. 95 let. a LTF) de ce droit (ATF 133 I 201 consid. 1; 133 II 249 consid. 1.2.1; 133 III 462 consid. 2.3).
2.2 La disposition invoquée place dans la compétence du "président du tribunal" les "mesures protectrices de l'union conjugale prévues aux articles 172 à 179 CCS". Il ne ressort pas des faits constatés dans la décision entreprise que les conclusions en nullité, subsidiairement en annulation, du contrat de séparation de biens auraient été formulées à l'occasion d'une procédure de "mesures protectrices de l'union conjugale" (cf. art. 176 al. 1 ch. 3 CC); le jugement de première instance confirme que l'action de l'intimée a été "exercée indépendamment d'une action en divorce ou en séparation de corps". On ne se trouve pas non plus dans l'hypothèse, évoquée par le recourant, où le juge du divorce reste compétent pour connaître de la liquidation du régime matrimonial qui a été renvoyée ad separatum (cf. HAUSHEER/REUSSER/GEISER, Berner Kommentar, n° 15 ad art. 194 [a]CC et les références citées). Comme le recourant n'invoque aucune autre norme de la procédure cantonale que la juridiction précédente aurait faussement appliquée, il n'était pas arbitraire d'admettre que le litige relatif à l'invalidation de la convention matrimoniale, conclue conformément aux art. 181 et 182 al. 1 CC , pour vice du consentement (art. 23 ss CO; HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op. cit., n° 59 ad art. 182 CC et la doctrine citée) devait être soumis à la Cour civile, dont la compétence n'est pas discutée pour le surplus.
3.
Le recourant se plaint d'une violation de la Convention de La Haye, du 1er juin 1970, sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps (RS 0.211.212.3), en relation avec l'art. 65 al. 2 LDIP, ainsi que du principe de l'unité du jugement de divorce.
3.1 Dans l'affaire connexe opposant les mêmes parties (5A_601/2009 du 30 novembre 2009), la Cour de céans a jugé que cette convention était entrée en vigueur entre la Pologne et la Suisse le 29 mars 2008 (consid. 4.3.1); toutefois, les constatations de l'autorité cantonale, selon lesquelles le mari "vit en Pologne, où il est autorisé de séjour depuis le 17 janvier 2006", ne permettaient pas de déterminer si l'intéressé avait réellement sa "résidence habituelle" dans ce pays depuis une année à compter du dépôt de la demande en justice le 3 juillet 2007, comme le prescrit l'art. 2 ch. 2 let. a du traité (consid. 4.3.2); en conséquence, elle a renvoyé la cause à l'autorité précédente afin qu'elle complète ses constatations à ce sujet et statue à nouveau.
Le champ d'application de la convention est circonscrit au prononcé du divorce ou de la séparation de corps, à savoir au principe même de la dissolution ou du relâchement du lien conjugal (PIERRE BELLET, Rapport de la Commission spéciale, p. 58, et PIERRE BELLET/BERTHOLD GOLDMAN, Rapport explicatif, p. 211 n° 5 et p. 221 n° 53, in: Actes et documents de la 11e session, 1970, vol. II, Divorce); or, le présent litige porte sur l'invalidation d'un contrat de séparation de biens par lequel le mari s'est engagé à verser à son épouse une somme de 100'000 fr. au titre de la liquidation du régime matrimonial. Sous cet angle, l'intimée a raison de soutenir que le traité n'englobe pas la reconnaissance du jugement qui interviendrait en Pologne sur sa propre action; la juridiction précédente a toutefois examiné la question par rapport à l'action du mari, qui, elle, tombe clairement dans le domaine de la convention. A ce propos, c'est en vain que l'intimée affirme que le recourant a annoncé son départ de la commune de Y.________ le 8 juin 2007, lieu qui résulte, au surplus, de sa déclaration d'impôts 2006; il s'agit là d'allégations nouvelles, qui ne sauraient être prises en considération (art. 105 al. 1 LTF).
3.2 L'autorité cantonale a considéré que le Règlement du Conseil (CE) n° 2201/2003, du 27 novembre 2003 - dit Bruxelles II bis -, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (JO n° L 338 du 23 décembre 2003, p. 1-29), entré en vigueur le 1er août 2004, n'était pas applicable. Cette opinion, en soi exacte, mérite d'être précisée.
L'intervention des règles de compétence directe du règlement n'est pas restreinte aux situations intracommunautaires, ce texte étant "toujours applicable dès lors que la demande [en divorce] entre dans son champ d'application matériel" (Estelle Gallant, in: Répertoire communautaire Dalloz, 2007, n° 18 et les références); comme l'observe le recourant, le règlement régit ainsi la compétence du juge polonais pour connaître de son action en divorce. Les normes relatives à l'effet des jugements ont, en revanche, un champ d'application moins étendu, car elles ne visent que les décisions prises dans un Etat membre dont la reconnaissance est demandée dans un autre Etat membre (Gallant, ibidem, n° 24); la reconnaissance en Suisse du jugement de divorce polonais est donc bien justiciable de la Convention de La Haye de 1970, pour autant que celle-ci soit par ailleurs applicable ici (cf. supra, consid. 3.1).
3.3 Dans la cause connexe (5A_601/2009 consid. 4), la question de la reconnaissance du jugement de divorce étranger se posait en relation avec l'art. 9 LDIP: il s'agissait de déterminer si le tribunal suisse devait suspendre la procédure de divorce initiée par l'épouse le 19 novembre 2008, ce qui impliquait de se prononcer sur l'existence d'une "décision pouvant être reconnue en Suisse" (art. 9 al. 1 in fine LDIP). Il n'existe, par contre, aucune situation litispendentielle dans le cas d'espèce. En effet, il est constant que l'action de l'intimée en nullité, subsidiairement en annulation, du contrat de séparation de biens, ouverte par citation en conciliation (art. 9 al. 2 LDIP), est antérieure à l'action en divorce du recourant (sur cette exigence: DUTOIT, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4e éd., n° 3 ad art. 9 LDIP). De surcroît, ces deux actions n'ont pas le même objet, à savoir qu'elles ne sont pas fondées sur "les mêmes faits et la même cause juridique" (Dutoit, ibidem, n° 2, Bucher/Bonomi, Droit international privé, 2e éd., n° 161; arrêts 5C. 289/2006 du 7 juin 2007 consid. 3.2 et 5A_452/2009 du 18 septembre 2009 consid. 2.2.1).
Il ressort du jugement incident de première instance, auquel se réfère en substance l'autorité précédente après avoir complété les faits sur la base du dossier (art. 456a CPC/VD), que l'intimée invoque, à l'appui de son action, un "vice de la volonté" (p. 7 in fine). Il y a lieu d'examiner si les tribunaux suisses sont (internationalement) compétents pour juger une telle action.
Selon l'art. 51 let. c LDIP, la compétence pour connaître d'une action relative au régime matrimonial qui ne concerne pas un décès (let. a), ni un divorce ou une séparation de corps (let. b), appartient aux autorités judiciaires ou administratives suisses compétentes pour statuer sur les effets du mariage (art. 46/47 LDIP; sur la ratio legis: FF 1983 I 339). Ce renvoi englobe aussi les litiges qui ne sont pas soumis, en droit suisse, au juge des mesures protectrices de l'union conjugale (cf. art. 176 al. 1 ch. 3 et 185 CC ), mais donnent naissance à un procès civil ordinaire (Monique Jametti Greiner/Thomas Geiser, Die güterrechtlichen Regeln des IPR-Gesetzes, in: RSJB 127/1991 p. 1 ss, spéc. p. 3). C'est dès lors à juste raison que le premier juge a fondé la compétence des juridictions suisses sur la disposition précitée.
3.4 Conformément au principe de l'unité du jugement de divorce - qui vaut aussi sous l'empire du nouveau droit du divorce (ATF 134 III 426 consid. 1.2 et l'arrêt cité) -, le juge qui prononce le divorce doit statuer en même temps sur les effets accessoires; la jurisprudence n'y apporte une exception que pour la liquidation du régime matrimonial, qui peut, à certaines conditions, être disjointe et faire l'objet d'un procès séparé; tel est le cas lorsque son résultat est dénué d'incidence sur les autres effets accessoires du divorce, en particulier la prétention au versement d'une contribution d'entretien (parmi plusieurs: ATF 113 II 97 consid. 2 et les citations). Sous réserve des conventions internationales (art. 1er al. 2 LDIP), ce principe s'applique en droit international privé (ATF 126 III 298 consid. 2a/bb; arrêt 5C.67/1997 du 30 juillet 1998 consid. 2c; cf. toutefois, l'exception pour l'action en complément d'un jugement de divorce étranger [art. 64 al. 1 LDIP]: ATF 128 III 343 consid. 2b et les références citées); sous l'angle de la reconnaissance du jugement de divorce étranger, cette règle ne ressortit cependant pas à l'ordre public matériel (ATF 109 Ib 232 consid. 2a; arrêt 5A_697/2007 du 3 juillet 2008 consid. 2.1; cf. aussi, avec d'autres exemples: A. Bucher, Le couple en droit international privé, 2004, nos 425 ss).
En l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt entrepris que l'action de l'intimée ne s'inscrit pas dans le contexte d'une procédure de divorce ou de mesures protectrices de l'union conjugale (supra, consid. 2.2); il n'est pas non plus établi que la convention matrimoniale litigieuse aurait été souscrite dans la perspective d'un divorce et aurait dû être ratifiée par le juge du divorce (cf. pour l'art. 140 al. 1 CC; arrêt 5C.163/2006 du 3 novembre 2006 consid. 4.1 et 6.1). Contrairement à l'opinion de la juridiction précédente, ladite action ne tend pas à une "modification du régime matrimonial"; si ses conclusions devaient être accueillies, cela aurait pour conséquence que la liquidation s'effectuerait alors selon la loi (cf. pour l'art. 140 al. 1 CC: arrêt 5A_599-626/2007 du 2 octobre 2008 consid. 6.4), et non que le "régime légal renaîtrait".
Si l'on peut admettre, avec la cour cantonale, que l'intimée peut vouloir tirer profit de la mise à néant de la convention matrimoniale "sans pour autant divorcer", cette opinion n'est plus pertinente dans l'hypothèse de la reconnaissance du jugement de divorce étranger, question encore en suspens (cf. supra, consid. 3.1). Comme le droit suisse n'accepte pas que le divorce ne produise ses effets qu'à l'égard d'un seul des époux, la reconnaissance du jugement de divorce polonais sortirait ses effets pour les deux parties (ATF 99 II 1 consid. 2; KELLER/SCHULZE/SCHÜTZ, Die Rechtsprechung des Bundesgerichts im Internationalen Privatrecht und in verwandten Rechtsgebieten, vol. I, 1976, p. 173).
Pour l'heure, il suffit de constater que l'intimée s'est adressée au juge suisse compétent afin d'obtenir la nullité, subsidiairement l'annulation, de la convention de séparation de biens passée avec le recourant; son action a été introduite avant l'action en divorce de ce dernier (cf. supra, consid. 3.2). Si elle devait l'emporter, l'invalidation de cette convention obligerait le juge polonais à régler la liquidation du régime matrimonial; le principe de l'unité du jugement de divorce - dont le recourant affirme qu'il s'applique également en droit polonais - serait ainsi respecté. Par ailleurs, le recourant n'établit pas qu'une suspension de la procédure étrangère jusqu'à droit jugé sur l'action de l'intimée en Suisse ne serait pas possible. Quoi qu'il en soit - abstraction faite de la question de la compétence indirecte (cf. supra, consid. 3.1 et 3.3) -, la reconnaissance du jugement de divorce polonais qui serait, par hypothèse, lacunaire au sujet de la liquidation du régime matrimonial ne contreviendrait pas à l'ordre public matériel suisse; cette décision pourrait, de surcroît, être complétée aux conditions posées par l'art. 64 LDIP (arrêt 5C.194/1994 du 29 juin 1995 consid. 2; cf. aussi: ATF 128 III 343 consid. 2b; 134 III 661 consid. 3.1), ce qui constitue une brèche dans le principe de l'unité du jugement de divorce, dont se prévaut le recourant. Cela étant, rien ne s'oppose à la poursuite du procès en Suisse.
4.
En conclusion, le recours doit être rejeté, avec suite de frais et dépens à la charge du recourant (art. 66 al. 1, art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à l'intimée à titre de dépens, est mise à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 3 mars 2010
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Hohl Braconi