BGer 1B_51/2010
 
BGer 1B_51/2010 vom 15.03.2010
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
1B_51/2010
Arrêt du 15 mars 2010
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Fonjallaz.
Greffière: Mme Mabillard.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Catherine Chirazi, avocate,
recourant,
contre
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, 1204 Genève.
Objet
prolongation de la détention préventive,
recours contre l'ordonnance de prolongation de détention de la Chambre d'accusation du canton de Genève du 5 février 2010.
Considérant en fait et en droit:
1.
A.________ a été arrêté à Genève le 6 mai 2009 et placé en détention préventive. Il a été inculpé de dommages à la propriété, violations de domicile et vols en bande et par métier, subsidiairement de recel par métier, pour avoir, à Genève, commis divers cambriolages et dérobé de nombreux bijoux et objets divers, subsidiairement pour en avoir pris possession en sachant qu'ils provenaient de cambriolage. Il a également été inculpé de faux dans les certificats étrangers, pour avoir acquis et utilisé à Genève un faux passeport israélien. Il a enfin été inculpé d'infraction à la législation sur les étrangers pour être revenu en Suisse en 2006 ou 2007 et y avoir séjourné depuis lors, alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée et de séjour jusqu'au 11 juin 2010. Le 5 novembre 2009, il a été inculpé à titre complémentaire, avec son épouse, d'infractions aux art. 260ter ch. 1 et 305bis ch. 1 et 2 let. a CP, pour avoir, à Genève, participé à une organisation criminelle.
Le 4 février 2010, le Procureur général du canton de Genève a requis la prolongation de la détention du prévenu. Par ordonnance du 5 février 2010, la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) a accordé la prolongation sollicitée jusqu'au 25 avril 2010.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance précitée et d'ordonner sa mise en liberté provisoire. Il fait valoir une violation de son droit d'être entendu, de la présomption d'innocence et de son droit à être jugé dans un délai raisonnable. Il demande en outre l'assistance judiciaire.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Procureur général conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué le 11 mars 2010; il persiste intégralement dans les conclusions de son recours.
2.
La décision attaquée, qui ordonne la prolongation de la détention préventive du recourant pour une durée de deux mois, peut faire l'objet d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF. Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 al. 1 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours est recevable.
3.
Le recourant reproche à la Chambre d'accusation d'avoir violé son droit d'être entendu et la présomption d'innocence en retenant qu'il était manifestement venu en Suisse dans le but d'y commettre des infractions, sans fournir la moindre motivation à l'appui de cette affirmation. Le grief relatif à la présomption d'innocence, ainsi que celui relatif à la durée de la détention, n'ont toutefois pas besoin d'être examinés en l'espèce, la décision attaquée devant de toute manière être annulée pour les motifs suivants.
3.1 L'ordonnance de prolongation de la détention du recourant ne répond en effet pas aux exigences de l'art. 112 al. 1 let. b LTF. Pour ce faire, les décisions susceptibles d'un recours au Tribunal fédéral doivent notamment indiquer clairement les faits qui sont établis et les déductions juridiques qui sont tirées de l'état de fait déterminant (ATF 135 II 145 consid. 8.2 p. 153 et les références citées). Or la décision attaquée est dépourvue de tout état de fait. Savoir quels sont les faits déterminants revêt une importance particulière dans la mesure où le Tribunal fédéral est en principe lié par ceux arrêtés par la dernière instance cantonale en vertu de l'art. 105 al. 1 LTF. Un état de fait insuffisant empêche l'application des règles de droit pertinentes à la cause. Un tel manquement constitue donc une violation du droit que le Tribunal fédéral peut constater d'office (cf. ATF 135 II 145 consid. 8.2 précité).
3.2 De plus, le recourant invoque l'art. 29 al. 2 Cst. en relation avec son grief relatif à la présomption d'innocence, faisant valoir son droit à obtenir une décision motivée. L'ordonnance de la Chambre d'accusation contient certes une brève motivation en relation avec les motifs de la détention. Elle indique notamment que le risque de fuite est évident, l'inculpé étant de nationalité étrangère et en situation irrégulière en Suisse. De même, le risque de récidive pouvait être retenu compte tenu de la situation personnelle de l'accusé, lequel était manifestement venu en Suisse dans le but d'y commettre des infractions. Cette motivation est toutefois insuffisante au regard des art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 let. b LTF. Le recourant fait en effet notamment valoir qu'il n'a absolument pas été établi dans le cadre de l'instruction préparatoire qu'il était venu en Suisse pour y commettre des infractions. Or, en l'absence d'un état de fait auquel il est possible de rattacher la détermination juridique et de renseignements qui permettraient de justifier les mesures litigieuses, le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de vérifier l'appréciation faite des risques de réitération et de fuite invoqués sans devoir se plonger dans le dossier cantonal. De ce point de vue également, les exigences posées à l'art. 112 al. 1 let. b LTF ne sont pas réunies.
4.
Lorsque le Tribunal fédéral constate que la procédure de prolongation de la détention n'a pas satisfait aux garanties constitutionnelles ou conventionnelles en cause, il n'en résulte pas obligatoirement que le prévenu doive être remis en liberté (ATF 116 Ia 60 consid. 3b p. 64; 115 Ia 293 consid. 5g p. 308; 114 Ia 88 consid. 5d p. 93). Tel est le cas en particulier lorsque, comme en l'espèce, la décision attaquée est annulée pour des raisons formelles liées à l'absence d'une motivation en fait et en droit suffisante et que l'existence de motifs fondés de prolonger la détention préventive ne peut pas d'emblée être exclue. La conclusion prise en ce sens par le recourant doit donc être rejetée. Pour rétablir une situation conforme au droit, il appartiendra à la Chambre d'accusation de statuer à nouveau sur la demande de prolongation de la détention, à bref délai et dans le respect des garanties découlant des art. 29 al. 2 Cst. et 112 al. 1 LTF.
5.
Le recours doit par conséquent être partiellement admis. Il n'y a pas lieu de percevoir de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). L'Etat de Genève versera en revanche une indemnité de dépens au recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 LTF). Vu l'issue du recours, la demande d'assistance judiciaire est sans objet.
Le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est partiellement admis. L'ordonnance attaquée est annulée et la cause renvoyée à la Chambre d'accusation du canton de Genève pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
La demande de mise en liberté immédiate est rejetée.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Une indemnité de 2'000 fr. à payer au recourant à titre de dépens est mise à la charge du canton de Genève.
5.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Procureur général et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.
Lausanne, le 15 mars 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Féraud Mabillard