BGer 4A_92/2010 |
BGer 4A_92/2010 vom 17.05.2010 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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4A_92/2010
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Arrêt du 17 mai 2010
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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Mme et MM. les juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
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Greffier: M. Thélin.
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Participants à la procédure
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A.________, représenté par
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Me Marc-Olivier Buffat,
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demandeur et recourant,
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contre
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X.________ SA, représentée par Me Yves Hofstetter,
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défenderesse et intimée.
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Objet
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prétentions fondées sur le contrat d'assurance
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recours contre le jugement rendu le 29 avril 2009 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Faits:
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A.
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Jusqu'au 11 décembre 2001, A.________ a exploité un atelier de carrosserie à .... Il s'était assuré des indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident auprès de la compagnie X.________ SA.
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A.________ a effectivement perçu des indemnités journalières par suite de deux accidents subis le 5 juin et le 8 octobre 1999.
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A.________ a incendié ses locaux d'exploitation le 11 décembre 2001 dans le but de mettre fin à ses difficultés professionnelles et de percevoir d'importantes prestations d'assurance.
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Au début de l'été de 2002, A.________ a annoncé une incapacité complète de travail consécutive à des troubles psychiques, et réclamé les indemnités journalières correspondantes. La compagnie d'assurances a refusé toute prestation.
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B.
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Le 27 janvier 2005, A.________ a ouvert action contre X.________ SA devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud. La défenderesse devait être condamnée à payer 120'000 fr. à titre d'indemnités pour sept cent trente jours d'incapacité de travail, avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er janvier 2002.
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La défenderesse a conclu au rejet de l'action.
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La Cour civile du Tribunal cantonal s'est prononcée le 29 avril 2009 et elle a communiqué l'expédition complète de son jugement le 5 janvier 2010. Elle a rejeté l'action. Sur la base des preuves disponibles, la Cour ne pouvait pas constater que le demandeur se fût trouvé en incapacité de travail déjà avant les premières constatations médicales qui sont intervenues le 19 février 2002; or, selon la Cour, à cette date et depuis l'incendie des locaux d'exploitation, le demandeur n'exerçait de toute manière plus d'activité lucrative; par conséquent, la maladie nouvellement survenue n'a entraîné aucune perte de gain.
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C.
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Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le Tribunal fédéral d'annuler le jugement de la Cour civile et de renvoyer la cause à cette autorité pour nouvelle décision. Des conclusions subsidiaires tendent à la réforme du jugement, en ce sens que la défenderesse soit condamnée à payer 120'000 fr. avec intérêts dès le 1er janvier 2002.
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Le demandeur exerce simultanément le recours constitutionnel et prend des conclusions identiques.
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La défenderesse conclut principalement à l'irrecevabilité des deux recours et subsidiairement à leur rejet.
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Considérant en droit:
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1.
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Les recours sont dirigés contre un jugement rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) et la valeur litigieuse excède le minimum légal de 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et 74 al. 1 let. b LTF). Devant le Tribunal fédéral, la cause est donc susceptible du recours ordinaire en matière civile et le recours constitutionnel, subsidiaire (art. 113 LTF), est d'emblée exclu.
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2.
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Le demandeur critique surtout l'appréciation des preuves et la constatation des faits, qu'il tient pour entachée de graves lacunes.
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Le Tribunal fédéral peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF); en règle générale, la partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
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Le recours en matière civile n'est toutefois recevable que contre les décisions cantonales de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF). En procédure civile vaudoise, le jugement de la Cour civile du Tribunal cantonal peut faire l'objet d'un recours en nullité à la Chambre des recours de ce tribunal, en particulier pour violation des règles essentielles de la procédure (art. 444 al. 1 ch. 3 CPC vaud.). A teneur de l'art. 444 al. 2 CPC vaud., ce recours est irrecevable pour les griefs qui peuvent faire l'objet d'un « recours en réforme » au Tribunal fédéral. Cette règle fait référence à l'organisation judiciaire fédérale de 1943 (aOJ). La jurisprudence cantonale retenait alors que le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves, qui ne pouvait pas être soulevé dans le recours en réforme selon l'art. 43 aOJ, pouvait l'être dans le recours en nullité cantonal (JdT 2001 III 128; voir aussi ATF 126 I 257 consid. 1b p. 259). L'art. 444 al. 2 CPC vaud. n'a pas été modifié avec la réforme de l'organisation judiciaire fédérale et il faut inférer de cette situation que seuls les griefs qui pouvaient donner lieu à l'ancien recours en réforme sont exclus du recours en nullité. Par conséquent, le grief d'arbitraire dans l'appréciation des preuves demeure recevable à l'appui d'un recours en nullité cantonal, et, faute d'épuisement des instances cantonales, le moyen prévu par l'art. 97 al. 1 LTF n'est pas recevable contre un jugement de la Cour civile (arrêts 4A_197/2009 du 6 août 2009, consid. 1; 4A_531/2007 du 5 mars 2008, consid. 2.2).
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En l'espèce, le Tribunal fédéral n'entre donc pas en matière sur les critiques dirigées contre l'appréciation des preuves et la constatation des faits.
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3.
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Au surplus, le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254).
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4.
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La loi fédérale sur le contrat d'assurance (LCA; RS 221.229.1) ne comporte pas de dispositions particulières à l'assurance d'indemnités journalières en cas de maladie ou d'accident, de sorte que le droit aux prestations se détermine exclusivement d'après la convention des parties.
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Aux termes du ch. 6.2.4 des conditions générales applicables, « si le preneur d'assurance met définitivement fin à son activité, la résiliation prend effet à la fin du mois correspondant à la fin de l'activité », et « la compagnie doit être informée de la fermeture de l'entreprise dans les trente jours ». Ces clauses font suite à d'autres règles qui concernent les cas dans lesquels l'une ou l'autre des parties est en droit de résilier le contrat, et qui précisent le moment où l'éventuelle résiliation prend effet. En dépit de son libellé inadéquat, le ch. 6.2.4 peut et doit être compris en ce sens que le contrat prend fin de plein droit, c'est-à-dire sans résiliation, à la fin du mois dans lequel le preneur d'assurance a fermé son entreprise. Le demandeur allègue qu'il a exercé son métier encore après l'incendie mais il ne conteste pas sérieusement que selon le contrat, la cessation de l'activité lucrative entraîne l'expiration de la couverture.
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La Cour civile constate que le demandeur a durablement suspendu son activité de carrossier avec l'incendie du 11 décembre 2001 et que l'incapacité de travail consécutive aux troubles psychiques, attestée dès le 19 février 2002 seulement, a débuté après que le contrat d'assurance et la couverture du risque avaient pris fin selon le ch. 6.2.4 des conditions générales.
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5.
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Dans un arrêt du 12 janvier 2007, le Tribunal fédéral a statué sur les prétentions d'une assurée salariée qui, pour avoir allumé plusieurs incendies dans les locaux d'exploitation de son employeuse, avait été licenciée et, le même jour, incarcérée; en détention, elle avait bénéficié d'un traitement psychiatrique. Selon les constatations déterminantes, un trouble mental se trouvait à l'origine du comportement criminel de l'assurée, lequel se trouvait lui-même à l'origine du licenciement et de l'incarcération. Dans ces conditions, l'assureur d'indemnités journalières ne pouvait pas refuser ses prestations au motif que l'assurée se trouvait en détention et n'exerçait plus d'activité lucrative au moment où la maladie avait été constatée; au contraire, il s'imposait de retenir que l'incapacité de travail avait son origine dans le trouble mental et qu'elle avait débuté avec les actes dommageables de l'assurée, soit avant l'incarcération (ATF 133 III 185).
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Dans la présente affaire, la Cour civile retient qu'une incapacité de travail antérieure au 19 février 2002 n'est pas prouvée, et de plus, elle relève que selon le rapport d'expertise judiciaire, l'incendie du 11 décembre 2001, avec ses conséquences, est l'un des facteurs de stress ayant provoqué l'épisode dépressif sévère, accompagné de symptômes psychotiques, qui se trouve à l'origine de l'incapacité de travail constatée plus tard. Sur ces bases, le demandeur ne peut aucunement soutenir que son trouble psychique soit d'abord la cause de l'incendie, donc de la fermeture de l'entreprise, puis de sa propre inactivité; sa situation est fondamentalement différente de celle jugée le 12 janvier 2007. Au regard des éléments mis en évidence dans son jugement, la Cour peut retenir sans violer le droit fédéral que l'incapacité de travail pour cause de maladie est survenue après la cessation de l'activité et l'expiration de la couverture d'assurance.
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Le demandeur invoque l'art. 8 CC et fait valoir que dans le procès contre l'assureur, l'assuré bénéficie d'un allégement de fardeau de la preuve consistant en ce qu'il est dispensé d'apporter la preuve stricte du fait d'où il déduit sa prétention, et qu'il peut se borner à en établir la vraisemblance prépondérante (arrêt 5C.11/2002 du 11 avril 2002, consid. 2, traduit in JdT 2002 I 531). Du prononcé critiqué, il ne ressort pas que la Cour civile ait jugé un commencement de l'incapacité de travail antérieur à l'incendie, selon la thèse du demandeur, pour hautement vraisemblable mais pas établi avec certitude; ainsi, il n'apparaît pas non plus que cette autorité ait appliqué un degré de preuve non conforme à ce que prescrit l'art. 8 CC. Pour le surplus, cette disposition ne régit pas l'appréciation des preuves (ATF 131 III 222 consid. 4.3 p. 226; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24/25) et le demandeur ne peut donc pas s'en prévaloir pour critiquer les constatations cantonales.
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6.
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Le recours se révèle privé de fondement, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours en matière civile est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Le recours constitutionnel est irrecevable.
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3.
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Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 5'000 francs.
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4.
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Le demandeur versera une indemnité de 6'000 fr. à la défenderesse à titre de dépens.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 17 mai 2010
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente: Le greffier:
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Klett Thélin
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