BGer 4A_154/2010
 
BGer 4A_154/2010 vom 28.05.2010
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_154/2010
Arrêt du 28 mai 2010
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kiss.
Greffier: M. Ramelet.
Participants à la procédure
X.________,
recourant,
contre
Cour de justice du canton de Genève, assistance juridique.
Objet
assistance judiciaire,
recours contre la décision rendue le 10 février 2010 par le vice-président de la Cour de justice du canton de Genève.
Faits:
A.
Dame A.________, qui souhaitait obtenir une autorisation de séjour et de travail en Suisse, a décidé de créer une société à responsabilité limitée qui devait l'engager. Afin de ne pas apparaître dans la constitution de cette société, elle a passé, le 20 septembre 2003, une convention avec X.________ et B.________, lesquels ont accepté, agissant gratuitement et à titre fiduciaire, d'apparaître comme les titulaires des parts sociales, le premier à concurrence de 19'000 fr. et le second de 1'000 fr. Il a été retenu qu'en réalité dame A.________ était l'unique propriétaire des parts sociales précitées.
La société à responsabilité limitée, qui devait à l'origine s'appeler V.________, a finalement été dénommée W.________.
Le 26 février 2004, un contrat de travail a été conclu entre la société W.________ Sàrl et dame A.________.
Le 19 mars 2004, un permis L a été délivré à dame A.________.
Le 23 juillet 2004, X.________, sur papier à l'en-tête de la société W.________ Sàrl, a adressé une note d'honoraires à l'avocat de dame A.________ pour le travail qu'il avait effectué en faveur de cette dernière.
N'ayant pas obtenu satisfaction, il a dénoncé, par lettre du 21 mars 2005, la convention du 20 septembre 2003 en indiquant qu'il renonçait à son rôle d'associé-gérant avec signature individuelle.
B.
Le 21 novembre 2006, X.________ a introduit devant le Tribunal de première instance de Genève une action en paiement dirigée contre dame A.________ (ci-après: la défenderesse), lui réclamant une somme totale de 31'100 fr. Cette prétention se décompose de la manière suivante: 6'100 fr. à titre de contre-prestations pour les services rendus, 17'000 fr. à titre de contreparties financières pour le retard apporté dans la suppression de son nom et de sa qualité d'associé-gérant au registre du commerce et 8'000 fr. à titre de dommages-intérêts pour tort moral au sens de l'art. 28 CC.
Par jugement du 11 octobre 2007, le Tribunal de première instance a rejeté la demande, en considérant les faits comme non prouvés. Cette décision a été annulée par un arrêt de la Cour de justice du 18 avril 2008, qui a constaté que la procédure n'avait pas été régulière et que la motivation du jugement attaqué était lacunaire.
Statuant à nouveau le 3 septembre 2009, le Tribunal de première instance a rejeté la demande en invoquant plusieurs motifs partiellement alternatifs. Il a estimé que si l'activité déployée par X.________ l'avait été en faveur de la société W.________ Sàrl, il devait s'adresser à cette dernière; par ailleurs, le demandeur ne pouvait rien réclamer à la défenderesse, parce que les services rendus à celle-ci étaient gratuits; enfin, il a été observé que le demandeur n'avait pas apporté la preuve d'un dommage.
Désirant appeler de ce jugement, X.________ a sollicité l'assistance judiciaire, le 14 octobre 2009, demandant à être dispensé des frais d'introduction.
Par décision du 26 octobre 2009, le vice-président du Tribunal de première instance a rejeté la requête en considérant que l'appel était voué à l'échec.
Statuant sur recours le 10 février 2010, le vice-président de la Cour de justice a confirmé cette décision.
C.
X.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre la décision du 10 février 2010. Il conclut à l'annulation de cette décision en reprenant ses conclusions sur le fond, qu'il chiffre désormais au total à 34'200 fr.
Il sollicite également l'assistance judiciaire devant le Tribunal fédéral.
Considérant en droit:
1.
1.1 La décision attaquée est celle par laquelle le vice-président de la Cour de justice, statuant le 10 février 2010, a refusé au recourant le bénéfice de l'assistance judiciaire pour former un appel.
Il n'est donc pas question - comme semble le penser le recourant - de statuer à nouveau sur le fond de la demande. Le recourant ne peut d'ailleurs pas prendre des conclusions nouvelles devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 2 LTF). La question est donc seulement de savoir si l'assistance judiciaire doit ou non lui être accordée.
1.2 La décision qui refuse l'assistance judiciaire est une décision incidente (ATF 125 I 161 consid. 1 p. 162), puisqu'elle ne met pas nécessairement fin à la procédure, le recourant conservant la possibilité de faire appel en effectuant l'avance des frais requise. Il s'agit cependant d'une décision incidente susceptible de causer un préjudice irréparable au requérant (arrêt 5A_108/2007 du 11 mai 2007 consid. 1), car, si ce dernier n'a pas les moyens financiers de faire l'avance des frais, il sera privé de la possibilité de faire appel. Il s'agit donc d'une décision incidente pouvant faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
1.3 Bien que l'octroi ou le refus de l'assistance judiciaire relève du droit public, il faut considérer qu'il s'agit d'une procédure accessoire à celle pour laquelle l'assistance judiciaire est demandée. La cause sur le fond étant de nature civile, le recours ouvert en l'espèce est bien le recours en matière civile (arrêt 5A_108/2007 du 11 mai 2007 ibidem).
1.4 Interjeté par la partie qui a succombé dans sa requête d'assistance judiciaire (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision rendue par une autorité de dernière instance cantonale (art. 75 LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, étant observé que la valeur litigieuse - calculée sur la base de la procédure au fond (arrêt 5A_108/2007 du 11 mai 2007 consid. 1.2) - est suffisante (art. 74 al. 1 let. b LTF).
1.5 En principe, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut examiner une question relevant du droit constitutionnel ou du droit cantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF).
2.
2.1 Le recourant se plaint du refus de l'assistance judiciaire en considérant que la cour cantonale a retenu à tort que son appel serait dépourvu de chances de succès.
Il n'invoque avec précision aucune disposition de droit cantonal qui lui accorderait le droit à l'assistance judiciaire plus généreusement que l'art. 29 al. 3 Cst., dont on comprend implicitement qu'il invoque la violation. Selon cette disposition, toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Il résulte clairement de ce texte que l'assistance judiciaire ne peut être accordée qu'à la condition que la démarche à entreprendre ne soit pas vouée à l'échec.
Selon la jurisprudence constante, qui a gardé toute sa valeur sous le nouveau droit de procédure fédéral, un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter; il ne l'est pas en revanche lorsque les chances de succès et les risques d'échec s'équilibrent à peu près, ou que les premières ne sont que légèrement inférieures aux seconds. La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 129 I 129 consid. 2.3.1; 128 I 225 consid. 2.5.3 p. 236).
2.2 Invoquant de manière un peu confuse l'interdiction de l'arbitraire et le principe de la bonne foi due par l'autorité (art. 9 Cst.), les garanties générales de procédure, l'égalité de traitement entre les parties et l'art. 8 CC, le recourant voudrait se plaindre en appel de la manière dont la procédure s'est déroulée devant le Tribunal de première instance. Plus précisément, il reproche à cette autorité de ne pas avoir pu produire douze pièces durant les audiences d'instruction.
Il faut tout d'abord observer que le recourant n'invoque avec précision aucune disposition de procédure cantonale qui aurait été violée arbitrairement (cf. art. 106 al. 2 LTF). Il ne ressort d'ailleurs pas d'un rapide examen de la procédure genevoise que celle-ci permettrait de produire des pièces à tout moment durant l'administration des preuves. Il ressort au contraire de l'art. 129 de la loi de procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987 (LPC/GE) que les pièces doivent être produites avec les écritures; s'il n'y a pas d'échange d'écritures, l'art. 134 LPC/GE prévoit que les pièces doivent être communiquées cinq jours au moins avant la date fixée pour la plaidoirie. On ne voit pas, à lire le recourant, qu'il ait été empêché de procéder conformément à la loi cantonale. Et il n'apparaît pas que le juge ait donné au recourant l'assurance qu'il pouvait procéder autrement, pas plus que l'on ne discerne quelle disposition de droit cantonal aurait été transgressée arbitrairement.
Pour ce qui est de l'art. 8 CC - dont le Tribunal fédéral examine librement le respect (art. 95 let. a LTF) -, il faut rappeler qu'il ne donne un droit à la preuve que pour établir des faits pertinents et à la condition que les preuves aient été correctement présentées selon les règles de la procédure applicable (ATF 133 III 189 consid. 5.2.2 p. 195, 295 consid. 7.1 p. 299). Or, non seulement le recourant ne paraît pas avoir produit ces pièces au bon moment, mais surtout il n'appert pas qu'elles puissent modifier l'issue du litige. Le recourant explique lui-même que ces pièces devraient montrer qu'il n'avait pas de rapport avec la société à responsabilité limitée et qu'il n'a pas exercé d'activité pour elle. Il perd de vue qu'il ne doit pas se borner à répondre à une objection du tribunal, mais qu'il doit en premier lieu apporter la preuve des faits sur lesquels il fonde ses prétentions (art. 8 CC). A supposer que l'on admette que le recourant n'ait apporté aucune prestation pour la société à responsabilité limitée, cela ne saurait suffire pour en déduire qu'il peut demander à la défenderesse les sommes qu'il lui réclame. Les documents qui ne sont pas susceptibles de modifier le sort du procès peuvent être refusés sans violer l'art. 8 CC.
Les objections procédurales du recourant sont impropres pour amener la Cour de justice, en cas d'appel, à statuer différemment ou à annuler la décision du juge de première instance.
2.3 Dans la procédure sur le fond, le recourant est le demandeur, si bien que c'est lui qui a choisi de fixer l'objet du litige. Il lui incombe conséquemment d'apporter la preuve de tous les faits permettant de constater le bien-fondé de sa prétention (art. 8 CC).
2.3.1 Le recourant réclame tout d'abord des honoraires pour les services rendus à la défenderesse.
A l'appui de cette prétention, il a produit une convention qui montre qu'il a accepté, à titre gratuit, d'apparaître comme l'un des souscripteurs des parts sociales. Dès lors qu'il ressort clairement de cette convention qu'il a décidé de rendre ce service gratuitement, il ne peut évidemment pas se fonder sur ce texte pour demander une quelconque rémunération.
Il allègue qu'il a rendu d'autres services, non visés par la convention, qui ont permis à la défenderesse d'obtenir un permis de séjour et de travail.
Des explications données, il résulte que seul le contrat de mandat entre en considération (art. 394 al. 1 CO). Cependant, le mandat à titre privé est en principe gratuit en vertu de l'art. 394 al. 3 CO. Il incombait au recourant de renverser cette présomption. Il ne prétend pas détenir un document de la main de la défenderesse dans laquelle celle-ci s'engagerait à lui verser des honoraires; il ne prétend pas non plus avoir fait entendre un témoin qui se serait exprimé dans ce sens. Dès lors on ne voit pas comment le recourant pourrait prouver que la défenderesse avait accepté de le rémunérer pour ses services. Aucun usage n'ayant été établi, le seul fait de remplir des formules administratives pour autrui semble plutôt se situer aux confins entre le mandat gratuit et l'acte de complaisance (sans aucune obligation de part et d'autre) (cf. ATF 124 III 363 consid. 5a p. 368; 116 II 695 consid. 2 p. 696 s.).
Cette première prétention ne présente donc pas de chances raisonnables de succès.
2.3.2 Le recourant réclame également une indemnité pour avoir été inscrit, au moins trop longuement, en qualité d'associé-gérant de la société à responsabilité limitée. La décision attaquée lui rétorque qu'il ne dépendait que de lui de demander sa radiation en vertu de l'art. 938b al. 2 CO. Le Tribunal de première instance avait également relevé que la preuve d'un dommage n'avait pas été apportée.
Avec cette deuxième prétention, il est manifeste que le recourant réclame des dommages-intérêts pour acte illicite sur la base de l'art. 41 CO.
Une telle action suppose la réunion cumulative de quatre conditions: un acte illicite, une faute, un dommage et un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre l'acte fautif et le dommage (ATF 132 III 122 consid. 4.1 p. 130). Il appartient au demandeur d'apporter la preuve des faits permettant de constater que chacune de ces conditions est remplie (art. 8 CC). Il suffit que l'une d'elles ne le soit pas pour que la demande doive être rejetée.
Le dommage au sens juridique est une notion patrimoniale. Il se définit comme la diminution involontaire de la fortune nette. Il correspond à la différence entre le montant actuel du patrimoine du lésé et le montant que ce même patrimoine aurait si l'événement dommageable ne s'était pas produit; il peut se présenter sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 133 III 462 consid. 4.4.2 p. 471 et les références citées).
En l'espèce, il ne ressort pas des explications contenues dans le recours que l'inscription au registre du commerce aurait fait perdre de l'argent au recourant. Il ne s'en prend d'ailleurs même pas dans son recours à cette argumentation alternative contenue dans le jugement de première instance qu'il voudrait attaquer en appel. En l'absence de dommage au sens juridique, cette prétention ne peut pas aboutir.
Sur ce point également, l'appel apparaît dépourvu de chances de succès.
2.3.3 Invoquant, au sujet de ces mêmes faits, une atteinte au droit de la personnalité au sens de l'art. 28 CC, le recourant voudrait obtenir une indemnité pour tort moral.
Une telle prétention ne peut être fondée que sur l'art. 49 al. 1 CO. Selon cette disposition, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. Il résulte clairement de cette disposition que l'indemnité ne peut être allouée que pour autant que le lésé ait subi une atteinte sévère. Le recourant doit ainsi avoir subi un tort moral (c'est-à-dire une souffrance) et ce préjudice doit apparaître d'une importance suffisante pour justifier une indemnisation (cf. ATF 131 III 26 consid. 12.1 p. 29).
En l'espèce, le recourant n'explique pas en quoi résiderait son préjudice moral. Les circonstances qu'il évoque ne sont pas de celles qui justifient, selon la jurisprudence, l'octroi d'une indemnité pour tort moral.
Cette troisième prétention apparaît derechef dépourvue de chances réelles de succès.
2.4 En refusant l'assistance judiciaire pour l'appel, le vice-président de la Cour de justice n'a ainsi enfreint aucun des principes invoqués, pas plus qu'aucune règle de droit fédéral matériel. Le recours doit être rejeté.
2.5 Pour les raisons exposées ci-dessus, le recours était dépourvu de chances de succès et l'assistance judiciaire doit aussi être refusée pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 64 al. 1 LTF).
3.
Le recourant, qui succombe, doit être condamné aux frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'autorité qui a obtenu gain de cause et qui n'est pas intervenue dans la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 3 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
L'assistance judiciaire est refusée pour la procédure fédérale.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué au recourant et à la Cour de justice du canton de Genève, assistance juridique.
Lausanne, le 28 mai 2010
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Klett Ramelet