BGer 4A_91/2010 |
BGer 4A_91/2010 vom 29.06.2010 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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4A_91/2010
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Arrêt du 29 juin 2010
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Ire Cour de droit civil
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Composition
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Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
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Greffière: Mme Godat Zimmermann.
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Participants à la procédure
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X.________ SA, représentée par Me Trevor J. Purdie,
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recourante,
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contre
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A.________, représenté par Me Flurin von Planta,
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intimé.
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Objet
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contrat de travail; loi d'application immédiate d'un Etat tiers,
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recours contre l'arrêt de la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 16 novembre 2009.
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Faits:
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A.
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Ressortissant espagnol actuellement domicilié en Espagne, A.________ a travaillé comme soudeur dès le 20 septembre 1989 pour la société de droit suisse Y.________ SA, à ..., active dans la construction de pipelines sous-marins. Un contrat de travail a été signé par les parties en date du 1er janvier 1996. Dès le 1er mai 2000, les rapports de travail ont été repris tels quels par la société de droit suisse X.________ SA, à ..., dont le but est la mise à disposition de personnel pour les sociétés du groupe Y.________. A.________ travaillait sur le navire "MV Z.________" appartenant au groupe Y.________ et battant pavillon panaméen.
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Le 23 décembre 2004, X.________ SA a résilié le contrat de travail pour le 31 mars 2005.
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B.
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Le 26 avril 2006, A.________ a déposé une demande contre X.________ SA devant le Tribunal civil de la Veveyse. Il concluait au paiement d'un montant équivalent à six mois de salaire, soit 31'045,50 euros ou 50'240 fr., plus intérêts. Le demandeur invoquait la loi panaméenne n° 8 du 26 février 1998 sur le travail en mer et sur les voies navigables (ci-après: la loi panaméenne n° 8), décrétée d'ordre public, dont l'art. 56 al. 1 let. f accorde à l'employé qui a travaillé plus de 60 mois sur un bateau une indemnité de licenciement correspondant à 600 % de son salaire mensuel. Il faisait valoir que cette règle de droit panaméen pouvait être prise en considération en application de l'art. 19 LDIP, dès lors que la protection des travailleurs ayant oeuvré longtemps pour le même employeur faisait également partie de l'acquis du droit suisse.
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X.________ SA a conclu à l'irrecevabilité de la demande, subsidiairement à son rejet.
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Par jugement incident du 31 octobre 2007, le Tribunal civil de la Veveyse a déclaré la demande recevable. Par jugement du 3 septembre 2008 (recte: 7 novembre 2008), il a rejeté l'action, considérant que seul le droit suisse était applicable, à l'exclusion du droit panaméen.
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Statuant le 16 novembre 2009 sur appel de A.________, la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a admis le recours et condamné X.________ SA à verser au travailleur une indemnité de 50'240 fr., plus intérêts à 5 % l'an à partir du 31 mars 2005. L'autorité cantonale a relevé que la loi panaméenne n° 8 avait pour but la protection des travailleurs et que le droit suisse connaissait également des règles de protection, en particulier après de longs rapports de travail ainsi que par le biais de la LAVS et de la LPP. Après avoir constaté qu'aucun système de prévoyance sociale n'avait été appliqué au demandeur, la cour cantonale a jugé, en application de l'art. 19 LDIP, qu'un intérêt légitime et manifestement prépondérant imposait la prise en considération du droit panaméen.
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C.
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X.________ SA interjette un recours en matière civile. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et à la confirmation du jugement du 7 novembre 2008 du Tribunal civil de la Veveyse rejetant l'action introduite par A.________.
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L'intimé propose le rejet du recours.
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Considérant en droit:
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1.
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1.1 Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire de droit du travail dont la valeur litigieuse atteint manifestement le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours, déposé par la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF), est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
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1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
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Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
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2.
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2.1 La recourante reproche tout d'abord à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 19 LDIP (RS 291) en prenant en considération l'art. 56 al. 1 let. f de la loi panaméenne n° 8. A son sens, au moins deux des trois conditions cumulatives mises à l'application de la disposition de droit international privé suisse ne sont pas remplies. Premièrement, il ne serait pas établi que la situation en cause ait un lien étroit avec le droit panaméen, l'autorité cantonale relevant elle-même que le rattachement administratif du navire au Panama est le seul lien avec cet Etat. En second lieu, la recourante fait valoir qu'aucun intérêt légitime et manifestement prépondérant au regard de la conception suisse du droit ne justifie l'application du droit panaméen plutôt que du droit suisse, l'art. 339b CO instituant déjà une indemnité à raison de longs rapports de travail qui reste d'actualité pour les travailleurs non soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire.
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A titre subsidiaire, la recourante invoque l'arbitraire dans l'établissement des faits. A son avis, les juges fribourgeois ne pouvaient pas déduire de l'absence de déductions sociales sur la fiche de salaire de l'intimé que ce dernier n'était soumis à aucun système de prévoyance. En particulier, la cour cantonale aurait méconnu le principe selon lequel la sécurité sociale est une affaire de souveraineté nationale et qu'elle s'applique aux personnes domiciliées dans le pays concerné, voire aux citoyens de cet Etat travaillant à l'étranger; la recourante se réfère à cet égard au droit espagnol de la sécurité sociale, qui prévoit que les marins émigrants et leur famille de nationalité espagnole peuvent souscrire à une convention spéciale dans ce domaine. En outre, la recourante fait observer que le travailleur n'a jamais allégué qu'il ne bénéficiait d'aucune prévoyance professionnelle, de sorte que la cour cantonale aurait retenu ce fait en violation de l'art. 8 CC.
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2.2 Les parties ont soumis le contrat de travail au droit suisse, qui correspond au droit de l'Etat dans lequel l'employeur a son siège. Ce choix porte sur l'un des droits admis par l'art. 121 al. 3 LDIP (cf. art. 21 al. 4 LDIP). L'élection de droit est par conséquent valable.
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L'art. 19 LDIP relatif aux lois d'application immédiate d'un Etat tiers permet, à certaines conditions, d'écarter le droit choisi par les parties, en particulier dans le domaine du droit du travail (Streiff/von Kaenel, Arbeitsvertrag, 6e éd. 2006, n° 24 ad art. 319 CO p. 100 s.; Bernard Dutoit, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 4e éd. 2005, n° 8 ad art. 19 LDIP p. 81; Frank Vischer, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, n° 33 ad art. 19 LDIP; Keller/Kren Kostkiewicz, in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, n° 42 et n° 53 ad art. 121 LDIP; Stephanie Millauer, Sonderanknüpfung fremder zwingender Normen im Bereich von Schuldverträgen (Art. 19 IPRG und Art. 7 Abs. 1 EVÜ), 2001, p. 143; Vischer/Huber/Oser, Internationales Vertragsrecht, 2e éd. 2000, n° 906 p. 418). Selon l'alinéa 1 de cette disposition, le juge peut prendre en considération une norme impérative d'un droit autre que celui désigné par la LDIP lorsque des intérêts légitimes et manifestement prépondérants au regard de la conception suisse du droit l'exigent et que la situation visée présente un lien étroit avec ce droit étranger. L'art. 19 al. 2 LDIP précise qu'une prise en considération de la disposition étrangère suppose de tenir compte du but qu'elle vise et des conséquences qu'aurait son application pour arriver à une décision adéquate au regard de la conception suisse du droit. Selon la jurisprudence, le recours à l'art. 19 LDIP doit rester exceptionnel, comme dans tous les cas où une loi d'application immédiate est en jeu (ATF 130 III 620 consid. 3.5.1 p. 630 et consid. 3.5.2 p. 631; arrêt 5C.60/2004 du 8 avril 2005 consid. 3.1.2, non publié in ATF 131 III 418; cf. Dutoit, op. cit., n° 4 ad art. 19 LDIP p. 78).
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2.3 Il convient d'examiner si les conditions de l'art. 19 LDIP sont réalisées en l'espèce, comme la cour cantonale l'a admis.
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2.3.1 La première condition a trait à la volonté du législateur étranger d'appliquer la disposition considérée de manière impérative, soit expressément, soit implicitement, en raison du but particulier de la norme (Mächler-Erne/Wolf-Mettier, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 2e éd. 2007, n° 14 ad art. 19 LDIP; Dutoit, op. cit. n° 4 ad art. 19 LDIP p. 78; Vischer, op. cit., n° 19 ad art. 19 LDIP).
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En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté de manière à lier la cour de céans (cf. ATF 130 III 620 consid. 3.2 p. 625) que, selon son art. 1, la loi panaméenne n° 8 est d'ordre public et règle dans leur totalité les relations entre employeurs et employés à bord des navires battant pavillon panaméen. Il faut en déduire le caractère impératif de l'art. 56 de la loi panaméenne n° 8, qui accorde une indemnité spéciale, variant en principe selon la durée des rapports de travail, au membre d'équipage engagé pour une durée indéterminée et licencié sans juste motif.
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2.3.2 Une autre condition d'application de l'art. 19 LDIP porte sur le lien étroit devant exister entre la situation visée et le droit impératif de l'Etat tiers. L'exigence d'un tel lien suppose plus que n'importe quel rattachement invoqué par la norme étrangère (Jean-Luc Chenaux, L'application par le juge des dispositions impératives étrangères non désignées par la règle de conflit du for, in RDS 1988 69). Le juge examinera, du point de vue de l'Etat du for, si les liens de la cause avec le droit de l'Etat tiers sont suffisamment importants pour justifier la prise en considération de la norme impérative étrangère. Un point de rattachement spécial peut consister, notamment, dans le lieu d'exécution, le lieu d'exploitation, le lieu de situation d'une chose ou le lieu de résidence d'une partie au contrat. Il s'agira alors de déterminer si ce rattachement fonde un lien étroit en tenant compte du but et de la fonction de la norme d'intervention de l'Etat tiers (ATF 130 III 620 consid. 3.3.1 p. 625 et les références). Ainsi, par exemple, le lieu de situation de l'objet loué est le critère de rattachement déterminant pour les mesures de protection des locataires (Vischer, op. cit., n° 21 ad art. 19 LDIP).
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En l'espèce, l'art. 56 de la loi panaméenne n° 8 entend s'appliquer au personnel travaillant sur les navires battant pavillon panaméen. Pour le rattachement objectif, il est admis de manière générale que les rapports de travail des marins sont soumis au droit du pavillon (Dutoit, op. cit., n° 4 ad art. 121 LDIP p. 422; Keller/Kren Kostkiewicz, op. cit., n° 31 ad art. 121 LDIP; Kurt Siehr, Das Internationale Privatrecht der Schweiz, 2002, p. 295; le même, Billige Flaggen in teuren Häfen, in Festschrift für Frank Vischer, 1983, p. 314; Roger Hischier, Das Statut des Arbeitsverhältnisses entsandter Arbeitnehmer schweizerischer Unternehmen, 1995, p. 51; Schönenberger/Jäggi, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1973, n° 284 ad allgemeine Einleitung). Cette règle se retrouve d'ailleurs dans la loi fédérale sur la navigation maritime sous pavillon suisse du 23 septembre 1953 (LNM; RS 747.30), dont l'art. 68 soumet au droit suisse le contrat d'engagement de tous les marins, quelle que soit leur nationalité, qui servent à bord des navires enregistrés dans le registre des navires suisses et arborant ainsi le pavillon suisse. D'aucuns se sont toutefois interrogés sur le caractère judicieux de ce rattachement pour les travailleurs occupés sur des bâtiments navigant sous un pavillon de complaisance (Reithmann/Martiny, Internationales Vertragsrecht, 7e éd. 2010, n° 4870 p. 1447; Siehr, Billige Flaggen, op. cit., p. 314).
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Dès lors que le pavillon est un rattachement objectif généralement admis en matière de contrat de travail et que le droit suisse applique ce principe aux marins oeuvrant sur les navires arborant le pavillon suisse, il paraît a priori difficile de nier en l'espèce le lien étroit au sens de l'art. 19 LDIP entre les relations de travail des marins et le droit du Panama. D'un autre côté, le pavillon de cet Etat est considéré comme un pavillon de complaisance et la cour cantonale relève elle-même que la seule relation avec le Panama est le rattachement administratif du navire à cet Etat. Or, il s'agit d'une situation dans laquelle il n'existe précisément pas de véritable lien avec l'Etat du pavillon (cf. Keller/Kren Kostkiewicz, op. cit., n° 32 ad art. 121 LDIP). La question peut toutefois rester ouverte puisque, comme on va le voir, la troisième condition de l'art. 19 LDIP n'est de toute manière pas remplie dans le cas particulier.
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2.3.3 Il y a lieu d'examiner à présent si des intérêts légitimes et manifestement prépondérants au regard de la conception suisse du droit exigent la prise en considération de la norme impérative de l'Etat tiers.
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2.3.3.1 Contrairement à la version française de l'art. 19 LDIP, les versions allemande et italienne précisent que les intérêts en question sont ceux d'une partie. La jurisprudence n'a pas tranché entre les différentes versions (cf. ATF 130 III 620 consid. 3.4.1 p. 628). Il n'est pas nécessaire non plus d'approfondir cette question en l'occurrence. En effet, le texte français, qui a une portée plus large (même arrêt, ibid.), n'exclut pas de prendre en considération les intérêts d'une partie. Or, les intérêts en jeu dans le cas particulier sont manifestement ceux d'une partie, soit le travailleur.
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La mise en oeuvre de l'art. 19 LDIP suppose un jugement de valeur: l'intérêt à l'application de la norme impérative étrangère doit être digne de protection selon la conception suisse du droit et l'emporter manifestement sur l'intérêt à l'application de la lex causae. Conformément à l'art. 19 al. 2 LDIP, l'éventuelle prise en considération du droit impératif d'un Etat tiers dépendra du but poursuivi par la disposition en cause et des conséquences de ce rattachement spécial. L'appréciation se fera selon les valeurs fondamentales de l'ordre juridique suisse. A cet égard, il n'est pas nécessaire que le droit suisse connaisse des normes impératives semblables; il suffit que le but poursuivi par la disposition étrangère soit conforme à la conception suisse (Ivo Schwander, Einführung in das internationale Privatrecht, Allgemeiner Teil, 3e éd. 2000, p. 253). L'éventuelle prise en considération de normes d'un Etat tiers doit permettre, dans un cas particulier, d'aboutir à un résultat qui tienne compte de l'effet desdites dispositions sur le rapport juridique en cause et sur la situation de la partie concernée d'une manière conforme à la conception suisse du droit (ATF 130 III 620 consid. 3.5.1 p. 630).
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Dans le domaine du contrat de travail, des dispositions protectrices impératives d'un Etat tiers, en particulier du pays du lieu de travail, pourront trouver à s'appliquer par le biais de l'art. 19 LDIP (Vischer/Huber/Oser, op. cit., n° 800 p. 368; Andreas Bucher, Droit international privé suisse, tome I/2, 1995, n° 552 p. 217; Message concernant une loi fédérale sur le droit international privé du 10 novembre 1982, FF 1983 I 403 ch. 282.26). Il s'agira par exemple de normes impératives - de droit public ou de droit privé - relatives au travail le dimanche et les jours fériés, à la durée maximale du travail, à l'interdiction du travail des enfants, à la prévention des risques et des accidents ou encore au salaire minimal (Keller/Kren Kostkiewicz, op. cit., n° 55-57 ad art. 121 LDIP).
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2.3.3.2 L'art. 56 al. 1 de la loi panaméenne n° 8 accorde au marin licencié sans juste motif une indemnité fixée selon l'échelle suivante:
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let. a: 20% du salaire mensuel pour une durée de service de 1 à 5 mois;
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let. b: 30% du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 5 mois jusqu'à 11 mois;
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let. c: 100% du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 11 mois jusqu'à 23 mois;
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let. d: 300% du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 23 mois jusqu'à 35 mois;
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let. e: 400% du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 35 mois jusqu'à 60 mois;
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let. f: 600% du salaire mensuel pour une durée de service de plus de 60 mois.
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Il ne s'agit pas d'une indemnité pour résiliation immédiate injustifiée au sens où l'entend l'art. 337c CO. En effet, l'indemnité panaméenne est versée dans tous les cas où le contrat de travail de durée indéterminée est résilié, pour autant qu'aucun juste motif ne soit réalisé. L'indemnité en jeu est une indemnité de départ, dont l'ampleur dépend uniquement de la durée des rapports de travail; son montant croît jusqu'à une durée de service de cinq ans, pour ensuite se stabiliser à six mois de salaire mensuel. Elle n'est pas une prime de fidélité à proprement parler puisqu'elle est due déjà après un mois de service, mais la fidélité, jusqu'à cinq ans, est prise en compte dans le calcul du montant dû. L'octroi de l'indemnité panaméenne ne suppose pas que le travailleur licencié ait atteint un certain âge, ni qu'il ait été longtemps au service de l'employeur. Elle se distingue en cela de l'indemnité à raison de longs rapports de travail instituée par l'art. 339b CO. Accordée au travailleur de plus de 50 ans qui a travaillé 20 ans au moins pour l'employeur, l'indemnité suisse avait, à l'origine, pour but d'inciter l'employeur à créer un système de prévoyance; elle a servi de transition jusqu'à ce que soit instituée la prévoyance obligatoire dans les entreprises (ATF 131 II 593 consid. 3.1 p. 601). Ne reposant pas sur la même conception, l'indemnité panaméenne n'apparaît pas comme un substitut à une prestation de prévoyance. Contrairement à ce que la cour cantonale laisse entendre, l'indemnité de départ panaméenne ne poursuit pas un objectif social et se présente bien plutôt comme une récompense de caractère purement patrimonial (cf. Jürg Emil Egli, L'indemnité de départ dans le contrat de travail, 1979, p. 45).
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Le but de la disposition panaméenne en cause ne rentre ainsi pas dans les valeurs fondamentales de protection du travailleur. Au regard de la conception suisse du droit, l'intérêt du travailleur à obtenir l'indemnité de départ panaméenne ne peut être considéré comme légitime et prépondérant au point d'amener le juge suisse à prendre en considération, à titre exceptionnel, une norme impérative d'un Etat tiers sur la base de l'art. 19 LDIP. Le grief tiré d'une violation de cette disposition est dès lors fondé.
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Il s'ensuit que la cour cantonale n'avait pas à prendre en considération la loi panaméenne n° 8 et à accorder à l'intimé l'indemnité qu'il réclamait sur cette base.
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3.
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Vu l'admission du premier moyen soulevé dans le recours, il n'y a pas lieu d'examiner le second grief, relatif au système de sécurité sociale auquel l'intimé serait ou non soumis.
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En conclusion, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué sera annulé et l'action introduite par l'intimé sera rejetée.
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4.
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L'intimé, qui succombe, prendra en charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Les frais judiciaires seront légèrement réduits en raison des circonstances particulières de cette procédure, introduite en parallèle avec deux recours similaires (art. 65 al. 2 LTF). Par ailleurs, le même avocat représente la recourante dans les trois affaires parallèles de sorte que, là également, il convient d'en tenir compte dans la fixation des dépens qui lui sont dus (art. 4 et 8 al. 2 du règlement sur les dépens alloués à la partie adverse et sur l'indemnité pour la représentation d'office dans les causes portées devant le Tribunal fédéral; RS 173.110.210.3).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et l'action introduite par A.________ contre X.________ SA est rejetée.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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3.
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Une indemnité de 2'000 fr., à payer à titre de dépens à la recourante, est mise à la charge de l'intimé.
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4.
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La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Ie Cour d'appel civil du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.
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Lausanne, le 29 juin 2010
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: La Greffière:
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Klett Godat Zimmermann
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