Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
8C_776/2009
Arrêt du 19 juillet 2010
Ire Cour de droit social
Composition
MM. les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Maillard.
Greffière: Mme Berset.
Participants à la procédure
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
recourante,
contre
D.________,
représenté par Me Flore Primault, avocate,
intimé.
Objet
Assurance-accidents (rente d'invalidité, revenu d'invalide),
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 8 juillet 2009.
Faits:
A.
D.________, né en 1967, a oeuvré presque exclusivement en qualité de maçon. En dernier lieu, il a travaillé, au service de l'entreprise X.________ SA (depuis le 19 septembre 2000). A ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
Le 21 mars 2003, sur un chantier, D.________ a fait une chute d'une hauteur d'environ 3 mètres 50 en descendant d'une échelle. A cette occasion, il a subi une fracture intra-articulaire du radius et du cubitus des deux poignets, lesquelles ont été traitées par interventions chirurgicales les 21 mars et 25 août 2003. Le 19 avril 2004, le docteur H.________ a procédé à une arthroplastie radio-cubitale distale selon la technique de Sauvé-Kapandji.
Le 22 février 2005, D.________ a été examiné par le docteur R.________, médecin d'arrondissement de la CNA. Celui-ci a indiqué qu'au status, on notait une diminution de l'amplitude articulaire des deux poignets, plus marquée à gauche. La force de préhension à gauche était diminuée d'environ 40 % par rapport au côté droit. Les radiographies, pratiquées le jour de l'examen, montraient quelques altérations dégénératives débutantes de l'articulation radio-carpienne et, à droite, la présence d'un fragment libre en regard de la styloïde cubitale ainsi que de discrètes altérations résiduelles de l'articulation radio-carpienne. La situation était stabilisée. Ce médecin a précisé que le retour à une pleine capacité de travail dans une activité de maçon était difficilement envisageable et qu'un reclassement professionnel par les soins de l'assurance-invalidité était tout à fait justifié. En ce qui concerne l'exigibilité, une pleine capacité de travail pourrait vraisemblablement être mise en valeur par l'assuré dans toutes activités n'exigeant pas de sollicitations bi-manuelles soutenues, ni de manutentions répétées ou dépassant dix kilos.
Dans un rapport du même jour, le docteur R.________ a estimé à 15 % l'atteinte à l'intégrité pour troubles dégénératifs post-fracturaires.
Dans l'intervalle, D.________ a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi de mesures professionnelles (orientation, reclassement et placement). Dans ce cadre, il a accompli deux stages aux ateliers professionnels de la Clinique Y.________.
Dans un rapport du 31 mai 2005, les médecins de la Clinique Y.________, les docteurs L.________ et S.________, ont indiqué que compte tenu des séquelles après fracture des deux poignets, avec une évolution plus laborieuse à gauche, les douleurs persistantes ne permettaient pas à l'assuré la reprise de son activité antérieure de maçon. Les mouvements de force, en particulier en rotation des deux poignets, provoquaient des phénomènes douloureux avec lâchages, malgré une relative bonne mobilité des poignets. La capacité de travail dans la profession de maçon était nulle dès le 30 avril 2005, ce pour une durée indéterminée, alors qu'elle était totale dès le 30 avril 2005, dans un domaine adapté, sans contrainte de force au niveau des deux poignets.
Sur mandat de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (OAI), D.________ a accompli, du 2 mai au 27 août 2006, un stage d'observation au Centre Z.________. Selon une annexe au rapport de synthèse du 29 août 2006 (atelier V.________), les capacités physiques de l'assuré étaient compatibles avec une activité professionnelle ne nécessitant pas une gestuelle fine, répétitive et une force d'appui de la main gauche, ni port ou soulèvement de charge, ni manipulation de très petits composants. Les activités de montage en milieu industriel ou celles nécessitant l'utilisation d'outils lourds étaient à exclure. Un stage dans une activité de type tertiaire restait envisageable et devrait permettre de confirmer l'observation. Les rendements mesurés durant le stage se situaient entre 70 et 80 %. Au titre d'orientations professionnelles envisagées ont été retenues, celles de conducteur de chaînes robotisées (surveillance), opérateur en micro-mécanique sans cadence élevée, vente au guichet et accueil dans le domaine de la déchetterie.
Un nouveau mandat d'orientation a été organisé du 28 août au 26 novembre 2006 (atelier P.________). Dans un rapport du 7 décembre 2006, le responsable de la réadaptation professionnelle du Centre Z.________ a indiqué ce qui suit:
« M. D.________ a effectué trois stages en entreprise. Le premier dans le secteur industriel a été interrompu. L'employeur a relevé un manque d'intérêt et de volonté de la part de M. D.________. Les deux suivants, dans des stations-service, ont donné de meilleurs résultats. Il faut cependant relever que certaines tâches ne peuvent être accomplies en autonomie. Les rendements exigibles sont de 70 % dans les activités de vente pouvant prendre en compte les limitations fonctionnelles. »
Du 27 novembre 2006 au 27 mai 2007, l'assuré a été mis au bénéfice d'une formation pratique de six mois à la station-service W.________ de B.________. Selon un rapport du 23 avril 2007 de l'OAI, l'assuré s'est montré très motivé, de bon comportement et il s'est investi dans son travail. Les rendements globaux se situaient à 70 % sur un plein temps.
Par décision du 13 septembre 2007, l'OAI a accordé un quart de rente à D.________ dès le 1er mars 2004, en fonction d'un degré d'invalidité de 43 %. Il a comparé le revenu sans invalidité (61'100 fr. dans l'ancienne activité de maçon) au revenu annuel de 34'580 fr. obtenu chez W.________ (soit 49'400 fr. - 30 % au titre de perte de rendement).
Le 6 décembre 2007, le docteur R.________ a examiné à nouveau D.________. Selon les conclusions de ce médecin, les limitations fonctionnelles ne démontraient pas de péjoration notable par rapport à l'examen de 2005. L'exigibilité fixée en 2005 restait d'actualité. Par ailleurs, l'activité à l'échoppe de la station-service telle que décrite par l'assuré ne respectait pas entièrement les limitations fonctionnelles fixées en 2005, dans la mesure où elle pouvait exiger des sollicitations soutenues des deux mains en fonction du débit de la clientèle. Quant au taux d'atteinte à l'intégrité, il demeurait inchangé.
Par décision du 14 février 2008, la CNA a alloué à D.________, dès le 1er novembre 2007, une rente d'invalidité fondée sur un taux d'invalidité de 20 % et une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15 % pour les suites de l'accident survenu le 21 mars 2003. Par décision du 28 février 2008, la CNA a rejeté l'opposition formée par l'assuré contre cette décision. Elle a estimé qu'il était en mesure de réaliser un revenu d'environ 51'250 fr. en se fondant sur cinq Descriptions de postes de travail (DPT) soit les nos 1551, 4230, 5107, 5128 et 7237. Elle a précisé que ce montant était de 14,6 % inférieur au revenu statistique. Elle a comparé ce revenu au revenu sans invalidité de 64'387 fr.
B.
D.________ a déféré la décision sur opposition de la CNA à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois. Il a conclu à l'octroi d'une rente d'invalidité et d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux supérieur à ceux fixés par l'assurance-accidents.
Une audience d'instruction s'est tenue le 13 mai 2009, au cours de laquelle l'assuré a précisé que, toujours au chômage, il avait retrouvé une activité provisoire de l'ordre de 40 % dans une station-service et qu'il serait prochainement appelé à participer à un stage au Centre d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité (COPAI).
Statuant le 8 juillet 2009, la juridiction cantonale a admis partiellement le recours. Elle a réformé la décision sur opposition en ce sens que l'assuré avait droit à une rente d'invalidité fondée sur un degré d'invalidité de 43 % dès le 1er novembre 2007, la cause étant renvoyée à la CNA afin qu'elle procède au calcul de ladite rente. Par ailleurs, elle a confirmé le taux de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15 %.
C.
La CNA interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation sous suite de frais.
L'assuré conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Dans son jugement, le Tribunal cantonal retient que l'assuré a droit à une rente d'invalidité de 43 % et renvoie la cause à l'assureur pour qu'il procède au calcul de ladite rente. D'un point de vue purement formel, il s'agit d'une décision de renvoi. En principe, les décisions de renvoi sont des décisions incidentes qui ne peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral qu'aux conditions de l'art. 93 LTF (ATF 133 V 477 consid. 4.2 et 4.3 p. 481 s.; 132 III 785 consid. 3.2 p. 790). Cependant, lorsque l'autorité précédente à laquelle la cause est renvoyée n'a pratiquement plus aucune marge de manoeuvre pour statuer et que le renvoi ne vise qu'à mettre à exécution la décision de l'autorité supérieure, cette décision doit être considérée comme une décision finale sujette à recours conformément à l'art. 90 LTF (UHLMANN, in: Niggli/Uebersax/Wiprächtiger (éd.), Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, n. 9 ad art. 90; ATF 134 II 124 consid. 1.3 p. 127 s.). C'est le cas en l'espèce.
2.
Est seul litigieux le droit de l'intimé à une rente d'invalidité LAA à la suite de l'accident du 21 mars 2003, en particulier le degré d'invalidité qu'il présente. Il s'agit d'une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, de sorte que le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).
3.
Le jugement entrepris expose les règles légales et la jurisprudence relatives aux conditions du droit à la rente de l'assurance-accidents. Il présente en particulier la notion d'invalidité et les règles concernant la manière d'évaluer le taux d'invalidité. Sur ces points, il convient d'y renvoyer.
4.
4.1 En l'espèce, les premiers juges retiennent que l'assurance-invalidité a fixé le taux d'invalidité de l'intimé à 43 % par décision entrée en force. Ils estiment que la CNA ne peut retenir un taux d'invalidité plus faible qu'à la condition que la décision de l'assurance-invalidité repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable, résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré, se fonde sur des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles ou encore est entachée d'inobjectivité. Ils considèrent qu'aucune de ces conditions n'est remplie dans le cas particulier.
4.2 Il y a tout d'abord lieu de donner raison à la recourante, lorsqu'elle reproche au tribunal cantonal de s'être cru lié au taux d'invalidité fixé par les organes de l'assurance-invalidité. En effet, l'ancien Tribunal fédéral des assurances a précisé sa jurisprudence relative au principe d'uniformité de la notion d'invalidité dans l'assurance sociale en ce sens que l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité n'a pas de force contraignante pour l'assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3. p. 368). Il s'ensuit que la CNA pouvait procéder à l'évaluation de l'invalidité de l'intimé indépendamment de la décision de l'office AI.
5.
5.1 La juridiction cantonale a également retenu que les appréciations des médecins rattachés à la recourante n'étaient pas convaincantes, dès lors qu'elles étaient contredites par celles des conseillers professionnels ayant encadré l'intimé dans ses démarches de reclassement mises en oeuvre par l'assurance-invalidité. Elle a retenu que dans son rapport du 6 décembre 2007, le docteur R.________ avait refusé sans motivation suffisante de prendre en compte des limitations réelles clairement mises en évidence lors des stages accomplis dans le cadre du Centre Z.________ et de la station-service W.________. L'appréciation de l'office AI reposait également sur des avis médicaux ainsi que sur les rapports des experts de la réintégration professionnelle. Le stage accompli par l'assuré auprès de la station-service W.________ a permis de rendre concrètement compte de sa motivation, de son adaptabilité dans le travail et de sa capacité de s'investir. Pour l'orientation, l'office AI a privilégié le secteur tertiaire, écartant par là même les activités de type industriel, lesquelles nécessitaient une gestuelle fine, répétitive et en force. Par ailleurs, après les avoir examinées en détail, la juridiction cantonale a écarté les Descriptions de poste de travail (DPT) retenues par la recourante, au motif qu'elles étaient inadaptées aux limitations de l'assuré. En définitive, elle a considéré que le revenu d'invalide devait être évalué en fonction de la situation concrète de l'intéressé. Or, tel avait bien été le cas au terme de l'instruction diligentée par l'office AI. Celui-ci avait correctement déterminé le revenu d'invalide de l'intimé en prenant en compte le salaire réel perçu par celui-ci dans une activité adaptée à la suite des mesures de réinsertion.
5.2 Le point de vue de la juridiction cantonale ne saurait être suivi. On rappellera que pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) se fonderont sur les avis des médecins (ATF 125 V 256 consid. 4 p. 261 s.; 115 V 133 consid. 2; 114 V 310 consid. 3c p. 314 s.; 105 V 156 consid. 1 p.158 s.). Les données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l'emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l'occasion d'un stage d'observation professionnelle (arrêt I 762/02 du 6 mai 2003 consid. 2.2 in fine). En d'autres termes, l'évaluation de l'invalidité de l'assuré ne peut reposer valablement sur les seules conclusions contenues dans le rapport d'experts en matière professionnelle (arrêts 8C_862/2008 du 19 août 2009 consid. 5.2, U 38/03 du 8 mars 2004 consid. 4.1 et U 240/99 du 7 août 2001 consid. 3c/aa, in RAMA 2001 no U 439 p. 347 et in SVR 2002 UV no 15 p. 49 s.).
5.3 En l'espèce, les médecins appelés à se prononcer sur les activités encore exigibles de l'intimé retiennent que celui-ci est pleinement en mesure d'exercer une activité adaptée. En particulier, dans leur rapport de sortie du 31 mai 2005, les docteurs L.________ et S.________ de la Clinique Y.________ arrivent à la conclusion que l'assuré bénéficie d'une capacité de travail de 100 % à partir du 30 avril 2005 dans un domaine adapté, sans contrainte de force au niveau des deux poignets. Cette exigibilité rejoint celle définie par le médecin d'arrondissement de la recourante dans son rapport d'examen final du 22 février 2005, selon lequel l'intéressé présente une pleine capacité de travail dans toute activité n'exigeant pas de sollicitation bi-manuelle soutenue, ni de manutention répétée ou dépassant 10 kilos. Appelé à se prononcer à nouveau compte tenu des limitations observées dans le cadre des mesures professionnelles mises en oeuvre par l'assurance-invalidité, ce médecin a du reste confirmé, après s'être fait exposer en détail les plaintes de l'assuré, que l'exigibilité fixée en 2005 restait tout à fait d'actualité, précisant que le travail déployé dans la station-service était inadapté à sa situation médicale.
6.
Vu ce qui précède, le jugement entrepris ne peut être confirmé, dans la mesure où les premiers juges ont estimé, à tort, être liés par l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité. Ils n'ont pas tenu compte des constatations médicales précitées et donc de la possibilité pour l'assuré d'exercer à plein temps des activités de substitution autres que l'emploi pour le compte d'une station-service, dont on relèvera au demeurant qu'elle a actuellement un caractère provisoire et partiel (cf. procès-verbal de l'audience du 13 mai 2009). Les premiers juges ont par ailleurs constaté que plusieurs DPT versées au dossier par la CNA n'étaient pas compatibles avec les limitations retenues par le docteur R.________ dès lors qu'elles impliquent de trop grandes sollicitations bi-manuelles ou le port de charges trop lourdes, voire des manutentions répétées. Cela n'est pas contesté par la CNA. Dans ces conditions, le revenu d'invalide doit être évalué - comme le propose d'ailleurs la recourante - sur la base des statistiques salariales, compte tenu d'un éventuel abattement (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa p. 79). Il convient dès lors d'inviter les premiers juges à procéder à une comparaison des revenus de l'intimé aux fins d'établir son degré d'invalidité conformément aux considérants du présent arrêt.
7.
Compte tenu de l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 LTF), qui n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 8 juillet 2009 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois est annulé dans la mesure où il concerne le droit à la rente, la cause étant renvoyée à ce tribunal pour qu'il statue à nouveau conformément aux considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 19 juillet 2010
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung Berset