Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_303/2010
Arrêt du 5 octobre 2010
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président,
Fonjallaz et Eusebio.
Greffière: Mme Mabillard.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Susannah L. Maas Antamoro de Céspedes, avocate,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1204 Genève.
Objet
Prolongation de la détention et requête en diminution de la caution,
recours contre l'ordonnance de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation, du 17 août 2010.
Faits:
A.
A.________ a été inclupé le 16 février 2010 d'abus de confiance, d'escroquerie et de faux dans les titres pour avoir, dès la fin de l'année 2004, amené plusieurs personnes à lui remettre des sommes d'argent en leur faisant croire qu'il allait les investir dans des opérations d'achat et de revente de vins millésimés, ce qui devait rapporter un important bénéfice. Les plaintes portent sur un montant total de l'ordre de 1'000'000 francs. Le même jour, le Juge d'instruction du canton du Genève (ci-après: le Juge d'instruction) a décerné un mandat d'arrêt en son encontre en raison des risques de fuite et de collusion.
Par arrêt du 13 juillet 2010, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de l'intéressé contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) du 18 mai 2010, qui autorisait une nouvelle fois la prolongation de sa détention jusqu'au 18 août 2010 (arrêt 1B_195/2010).
B.
Le 24 juin 2010, le prévenu a sollicité sa mise en liberté provisoire, qui lui a été refusée le même jour. Par ordonnance du 2 juillet 2010, la Chambre d'accusation a prononcé sa mise en liberté, moyennement le versement d'une caution de 250'000 fr. en espèces et à charge pour l'intéressé de se présenter à tous les actes de la procédure, aussitôt qu'il en sera requis. Tardif, le recours de l'intéressé contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable le 13 août 2010 (1B_267/2010).
Par requête du 12 août 2010, A.________ a demandé la suppression de la caution fixée à 250'000 fr. et, alternativement, sa réduction à 10'000 fr. Dans son ordonnance du 17 août 2010, la Chambre d'accusation a autorisé la prolongation de la détention avant jugement de A.________ jusqu'au 17 novembre 2010 et rejeté la requête en suppression, subsidiairement en diminution, de la caution.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 17 août 2010 et de réduire la caution fixée à 250'000 fr. à une somme maximale de 50'000 fr. Subsidiairement, il conclut au renvoi de l'affaire à la Chambre d'accusation pour qu'elle statue dans le sens de ses conclusions. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. Il se plaint d'une violation du droit fédéral et d'une application arbitraire du droit cantonal.
La Chambre d'accusation se réfère aux considérants de sa décision. Le Ministère public cantonal conclut au rejet du recours. Le recourant n'a pas répliqué.
Considérant en droit:
1.
Les décisions relatives au maintien en détention préventive sont des décisions en matière pénale au sens de l'art. 78 al. 1 LTF (cf. ATF 133 I 270 consid. 1.1 p. 273) et incidentes causant un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêt 1B_114/2009 du 15 juin 2009 consid. 1). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.
2.
S'agissant d'une restriction grave à la liberté personnelle garantie par les art. 10 al. 2 et 31 al. 1 Cst., la détention préventive est admissible pour autant qu'elle repose sur une base légale claire, qu'elle réponde à un intérêt public et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 124 I 203 consid. 2b p. 204 s.; 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un danger pour la sécurité ou l'ordre public, par un risque de fuite ou par les besoins de l'instruction. Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 5 § 1 let. c CEDH).
3.
Le recourant ne discute pas l'existence de charges suffisantes à son encontre. Dans la mesure où il semble contester le risque de fuite (cf. p. 8 s. de son mémoire de recours), seul motif retenu pour justifier sa détention, son recours est infondé. Il ne fait en effet pas valoir que la situation se serait modifiée depuis l'arrêt 1B_195/2010 du 13 juillet 2010. Or, le Tribunal fédéral avait constaté qu'un tel risque pouvait être retenu au vu de sa nationalité norvégienne, du fait qu'il avait effectué de fréquents voyages à l'étranger et de l'existence d'une maison de vacances familiale en Norvège. A cela s'ajoutait que les charges qui pesaient contre lui étaient d'une certaine gravité et qu'il n'avait pas de travail en Suisse. Le seul fait que sa fille et ses parents résidaient dans la région genevoise ne suffisait pas à garantir qu'il ne chercherait pas à se soustraire à la justice en quittant le pays. Qu'il possède ou non un chalet à Megève ne change pas le résultat de cette appréciation. Il apparaît dès lors que les motifs de la détention provisoire du recourant persistent et que celle-ci est encore proportionnée. A cet égard, c'est en vain que le prévenu allègue qu'il existe un risque réel que la détention atteigne ou dépasse la durée de la peine effectivement encourue. En effet, pour l'heure, il est incarcéré depuis un peu plus de sept mois, ce qui est encore proportionné au vu de la gravité des infractions qui lui sont reprochées et de la peine privative de liberté à laquelle il s'expose. Il n'y a au demeurant pas de motifs de considérer que les autorités judiciaires ne mettent pas tout en oeuvre pour clore l'instruction à bref délai. Des audiences d'instruction ont du reste déjà été fixées à intervalles réguliers.
4.
Le recourant se plaint pour l'essentiel de ce que la caution fixée par la Chambre d'accusation serait prohibitive au sens du droit fédéral, voire arbitraire au regard du droit de procédure cantonal.
4.1 Aux termes de l'art. 155 du code de procédure pénale genevois (CPP/GE), la Chambre d'accusation peut ordonner la mise en liberté moyennant des sûretés et obligations, afin de garantir la présence de l'inculpé aux actes de la procédure et sa soumission au jugement (art. 156 al. 1 CPP/GE). Cette disposition correspond à l'art. 5 § 3 dernière phrase CEDH, selon lequel la mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'inculpé à l'audience, ainsi qu'à la liberté personnelle qui, en vertu du principe de la proportionnalité, exige de substituer à la détention tout autre moyen moins contraignant propre à atteindre le même but. L'importance de la garantie doit être appréciée au regard des ressources du prévenu, de ses liens avec des personnes pouvant lui servir de caution et de la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perdre le montant agira comme un frein suffisamment puissant pour écarter toute velléité de fuite (ATF 105 Ia 186 consid. 4a p. 187). Le montant des sûretés doit être évalué de manière prudente, en particulier dans les cas où l'intéressé s'abstient de fournir des renseignements sur sa situation patrimoniale ou ne fournit que des indications partielles à ce sujet. Lorsque l'instruction pénale porte sur des détournements de fonds importants, dont une grande partie n'a pas pu être récupérée, l'autorité ne peut pas faire abstraction des sommes détournées et fixer le montant des sûretés en tenant compte uniquement de la situation actuelle du prévenu, indépendamment des agissements délictueux qu'il aurait commis (arrêt 1B_92/2007 du 19 juin 2007 consid. 8.1 et les arrêts cités). Par ailleurs, pour apprécier la force dissuasive d'un dépôt de sûretés sur les velléités de fuite de la personne concernée, le juge de la détention jouit d'un certain pouvoir d'appréciation, eu égard à sa maîtrise complète du dossier.
4.2 En l'espèce, le recourant fait valoir qu'il ne dispose d'aucun moyen financier, puisqu'il n'a ni revenu, ni fortune personnelle. L'argent que les plaignants lui ont remis aurait été dépensé en son temps ou a servi au remboursement partiel d'autres créanciers. Sa famille n'a pas non plus les moyens de verser 250'000 fr.; ses parents ont tenté d'augmenter, mais en vain, leur prêt hypothécaire actuel. Le recourant n'aurait par ailleurs aucun proche ou ami susceptible de payer de telles sûretés, les seules personnes qui auraient éventuellement été en mesure de l'aider étant celles qui le poursuivent aujourd'hui. Dans ces conditions, un montant de 250'000 fr. en espèces serait prohibitif et aurait été fixé dans un but punitif.
Il ressort du dossier que le montant des plaintes dirigées contre le recourant avoisine les 1'000'000 fr. Il semblerait que le prévenu ait dépensé les sommes confiées pour financer un train de vie très confortable, réinvestir et rembourser au fur et à mesure les créances plus anciennes (cf. expertise du 27 août 2010 p. 13; procès-verbal de l'audition de son épouse du 11 mai 2010 p. 9; procès-verbal de l'audition du recourant du 10 juin 2010 p. 4). Au demeurant, comme il a adopté un système de cavalerie, consistant à délester certaines personnes aux fins d'en rembourser d'autres avec parfois un bénéfice non négligeable, il n'est plus possible de distinguer les valeurs patrimoniales du recourant qui proviennent directement d'une infraction, qu'il s'agisse des valeurs originales ou de remplacement, ce d'autant que la plupart des encaissements et des versements ont été effectués en espèces (courrier de la Juge d'instruction en charge du dossier du 31 juillet 2010). Le recourant a en outre régulièrement réussi à soutirer aux lésés des sommes de 10'000 fr. à 50'000 fr., voire de 125'000 fr. à 150'000 fr., parfois en une fois et en espèces (cf. les diverses déclarations, conventions et reconnaissances de dettes figurant au dossier; cf. également les procès-verbaux des audiences d'instruction des 16 février, 8 avril et 11 mai 2010).
Dans ces conditions, la Chambre d'accusation n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation en estimant que la somme de 10'000 fr. offerte par le recourant à titre de caution était sans rapport raisonnable avec les montants très importants dont il avait pu disposer entre 2008 et 2009. Pour ce même motif, le montant de 250'000 fr. fixé par la Chambre d'accusation apparaît encore admissible, même s'il représente une somme particulièrement élevée pour le recourant. Il sied en effet de rappeler que, dans un cas comme celui-ci, l'autorité ne peut pas faire abstraction des sommes détournées et fixer le montant des sûretés en tenant compte uniquement de la situation actuelle du prévenu.
4.3 Le recourant demande au Tribunal fédéral de réduire le montant des sûretés à une somme maximale de 50'000 francs. Il formule cette demande pour la première fois devant la cour de céans qui ne saurait, compte tenu de la liberté d'appréciation dont bénéficie le juge de la détention se substituer à celui-ci. Si le recourant formule à nouveau cette offre devant l'autorité cantonale, celle-ci examinera si ladite offre est propre à écarter toute velléité de fuite dans le cas particulier, soit en tenant compte de tous les éléments du dossier.
5.
Le recourant invoque enfin le principe de l'égalité de traitement. Selon un article publié dans la Tribune de Genève du 21 juillet 2010, la Chambre d'accusation aurait accordé à un prévenu, inculpé de vol pour un montant de 2'000'000 fr., une réduction des sûretés de 80 %, la faisant passer de 500'000 fr. à 100'000 fr.; celles du recourant pourrait ainsi également être abaissée de 80 % à une somme de 50'000 francs. Comme il a été vu au consid. 4.3 ci-dessus, la conclusion tendant à fixer à 50'000 fr. les sûretés ne saurait être examinée en première instance par le Tribunal fédéral. Quoi qu'il en soit, le juge de la détention jouit d'un certain pouvoir d'appréciation pour fixer ce montant, eu égard à sa maîtrise complète du dossier. Or, en l'espèce, on ignore les critères ayant conduit les juges cantonaux à accorder une réduction des sûretés dans le cas cité par le recourant; on ne sait en particulier rien de la situation financière du prévenu et de l'importance du risque de fuite concret. Cette affaire, qui concerne un autre prévenu, des circonstances et un état de fait différents, ne permet donc pas de conclure à une inégalité de traitement.
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, sa requête d'assistance judiciaire doit être admise (art. 64 al. 1 LTF). Par conséquent, il y a lieu de le dispenser des frais et d'allouer une indemnité à son mandataire, désigné comme avocat d'office (art. 64 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La requête d'assistance judiciaire est admise. Me Susannah L. Maas Antamoro de Céspedes est désignée comme avocat d'office et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre d'accusation.
Lausanne, le 5 octobre 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Féraud Mabillard