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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_307/2010
Arrêt du 14 octobre 2010
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz et Kolly.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par
Me Baptiste Rusconi,
recourante,
contre
Y.________ Sàrl, représentée par Me Alexandre Bernel,
intimée.
Objet
contrat d'entreprise; défauts; réfection; dépenses excessives,
recours contre l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 mars 2010.
Faits:
A.
Le 7 juin 2001, X.________ SA, en tant que maître de l'ouvrage, et Y.________ Sàrl, en tant qu'entrepreneur, ont conclu un contrat d'entreprise portant sur des travaux de marbrerie à effectuer dans les salles d'eau d'une villa. Le prix des travaux était devisé à 13'544 fr.10. Le contrat était soumis notamment aux règles de la norme SIA 118 (édition 1977/1991).
L'exécution s'est révélée défectueuse. En août 2001, le maître a invité à plusieurs reprises l'entrepreneur à réparer les défauts. Le 16 octobre 2001, il l'a informé de son intention de faire appel à une entreprise spécialisée pour effectuer les travaux de réparation. Le 26 octobre 2001, il lui a écrit que, faute d'un avis contraire dans les cinq jours, il ferait procéder aux travaux par une entreprise tierce.
Le 30 août 2002, le maître a envoyé à l'entrepreneur une facture de 42'231 fr.75. Ce montant correspond au coût de la réfection par des tiers (55'775 fr.75), diminué du prix de l'ouvrage selon devis (13'544 fr.).
B.
Par demande du 23 décembre 2002, X.________ SA a ouvert action contre Y.________ Sàrl en paiement de 42'231 fr.75, plus intérêts.
La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Par ailleurs, elle a déposé une demande reconventionnelle, tendant à ce que X.________ SA soit condamnée à lui payer 13'544 fr.10, plus intérêts.
Par jugement du 6 mai 2009, le Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne a rejeté la demande du maître et admis la demande reconventionnelle de l'entrepreneur.
X.________ SA a interjeté un recours cantonal, concluant à ce que l'entrepreneur soit condamné à lui payer 42'231 fr.75 avec intérêts et à ce que les conclusions reconventionnelles de l'entrepreneur soient rejetées. Par arrêt du 10 mars 2010, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours et confirmé le jugement de première instance. Elle a jugé tout d'abord que l'ouvrage était défectueux et que l'entrepreneur n'avait pas procédé à temps à la réparation. Elle a estimé toutefois que le coût de la réfection par des tiers, représentant plus du triple du prix contractuel de l'ouvrage, était excessif. Le maître n'ayant ni demandé la réduction de prix ni résolu le contrat, ses conclusions en paiement ne pouvaient être que rejetées.
C.
X.________ SA (la recourante) interjette un recours en matière civile. Elle conclut principalement à ce que l'entrepreneur soit condamné à lui payer 42'231 fr.75, plus intérêts à 5% dès le 21 octobre 2002, et à ce que la demande reconventionnelle soit rejetée. A titre subsidiaire, elle demande uniquement le rejet des conclusions reconventionnelles.
L'effet suspensif a été accordé par ordonnance du 24 juin 2010.
Y.________ Sàrl (l'intimée) conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
1.1 Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur statuant en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 et 2 LTF), dans une affaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours, déposé par la partie qui a succombé en instance cantonale (art. 76 al. 1 LTF), est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
1.2 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les constatations de l'autorité précédente ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
1.3 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF).
2.
La recourante se plaint d'une violation de l'art. 368 CO, relatif à la responsabilité de l'entrepreneur en cas de défaut de l'ouvrage. Elle conteste plus particulièrement le caractère disproportionné des coûts de réfection. Elle reproche tout d'abord à l'autorité cantonale de s'être fondée sur une comparaison entre les coûts de réparation et le prix de l'ouvrage; à son avis, les coûts de réfection d'un ouvrage défectueux doivent être mis en rapport uniquement avec l'utilité que l'élimination des défauts présente pour le maître de l'ouvrage, la proportion arithmétique entre le prix de l'ouvrage et le coût des réparations étant sans pertinence, sous réserve de cas extrêmes. Par ailleurs, la recourante fait grief à l'autorité cantonale de ne pas avoir tenu compte, dans sa comparaison, du fait que, si les travaux de réfection avaient été entrepris immédiatement, des frais annexes de protection, de pose et dépose d'appareils, évalués à 30'000 fr., n'auraient pas été nécessaires; le prix de l'ouvrage de 13'544 fr. devrait ainsi être mis en relation avec des coûts de réfection de 12'231 fr. seulement (42'231 fr. - 30'000 fr.).
L'art. 169 al. 1 ch. 1 de la norme SIA 118 (édition 1977/1991), applicable en l'espèce, prévoit que, si l'entrepreneur n'élimine pas le défaut dans le délai que lui a fixé le maître, celui-ci peut persister à exiger la réfection de l'ouvrage pour autant qu'elle n'entraîne pas de dépenses excessives par rapport à l'intérêt que présente l'élimination du défaut; il a également le droit de faire exécuter cette réfection par un tiers ou d'y procéder lui-même, dans les deux cas aux frais de l'entrepreneur. Cette disposition se réfère expressément à l'art. 368 al. 2 CO, selon lequel le maître de l'ouvrage peut obliger l'entrepreneur à réparer l'ouvrage défectueux à ses frais si la réfection est possible sans dépenses excessives. Les dépenses sont excessives lorsque le coût de la réfection est disproportionné par rapport à l'utilité que l'élimination des défauts présente pour le maître. Ce sont ces deux éléments qu'il y a lieu de comparer, en tenant compte tant des intérêts économiques du maître que de ses intérêts non-économiques. La loi entend uniquement protéger l'entrepreneur contre des prétentions que les règles de la bonne foi ne permettent pas de lui imposer; la prétention en réparation sera donc rejetée si l'utilité qu'elle présente pour le maître ne constitue pas une justification raisonnable de la dépense imposée à l'entrepreneur (ATF 111 II 173 consid. 5).
Selon cette jurisprudence, le rapport entre les frais de réfection, d'une part, et le coût de l'ouvrage ou le prix convenu, d'autre part, n'est pas déterminant pour juger du caractère excessif ou non des coûts d'une réfection (ATF 111 II 173 consid. 5; cf. également arrêt 4C.258/2001 du 5 septembre 2002 consid. 4.1.3, non publié in ATF 128 III 416, reproduit et commenté in recht 2003 p. 153 s.). Cette opinion est partagée par une partie de la doctrine (Peter Gauch, Der Werkvertrag, 4e éd. 1996, nos 1749 ss p. 471 ss; Zindel/Pulver, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 4e éd. 2007, nos 47 ss ad art. 368 CO).
Alfred Koller a critiqué la jurisprudence précitée, estimant au contraire que la proportion arithmétique entre le prix de l'ouvrage et les coûts de la réparation pouvait conduire à qualifier ces derniers d'excessifs (Ausschluss der Nachbesserung im Falle «übermässiger Kosten» [Art. 368 Abs. 2 OR], DC 1986 p. 10). Par la suite, cet auteur a néanmoins précisé que si l'utilité de la réfection était considérable pour le maître, il ne saurait guère être question de coûts de réparation excessifs, même si ces coûts étaient plus élevés que le prix de l'ouvrage (Alfred Koller, Das Nachbesserungsrecht im Werkvertrag, 2e éd. 1995, n° 92 p. 30).
Se référant à un arrêt saint-gallois, Theodor Bühler a émis l'avis que l'entrepreneur ne saurait être obligé à renoncer à tout bénéfice, voire à mettre de l'argent de sa poche pour réparer les défauts; en particulier, l'entrepreneur n'a pas à procéder à une réfection dont le coût est deux fois supérieur au prix de l'ouvrage (Zürcher Kommentar, 3e éd. 1998, n° 146 ad art. 368 CO). Ce dernier exemple a été repris tel quel par François Chaix (in Commentaire romand, Code des obligations I, 2003, n° 42 ad art. 368 CO), puis par la cour de céans dans un arrêt non publié (4C.130/2006 du 8 mai 2007 consid. 5.1, in PJA 2002 p. 1317) et par Tercier/Favre (Les contrats spéciaux, 4e éd. 2009, n° 4573 p. 689). Pour sa part, Georg Gautschi est d'avis que des coûts de réfection d'un montant équivalant au prix convenu seraient excessifs (Berner Kommentar, 2e éd. 1967, n° 13b ad 368 CO).
En l'espèce, la question de la pertinence d'une comparaison purement arithmétique entre frais de réfection et coût de l'ouvrage peut rester indécise pour les motifs suivants.
2.1 La cour cantonale, qui reprend l'état de fait du jugement de première instance, n'a pas constaté les défauts de l'ouvrage dans le détail. Certes, elle reproduit par le menu les déclarations et écrits des parties ainsi que des experts privé et judiciaire, mais elle ne précise pas ce qu'elle en retient. On peut néanmoins déduire de cet exposé que les défauts étaient pour l'essentiel d'ordre esthétique; en particulier, il n'y est nullement question de problèmes d'étanchéité ou de limitations dans les possibilités d'utilisation des salles d'eau. La recourante ne soutient non plus rien de tel dans son mémoire adressé à la cour de céans.
Les coûts de réfection dont le paiement est demandé à l'intimée s'élèvent en réalité à 55'775 fr. Même si, comme la recourante le propose, l'on déduit de ce montant les frais annexes par 30'000 fr. - chiffre articulé par l'expert judiciaire mais non formellement retenu par l'autorité cantonale -, le coût de la réparation atteindrait encore 25'775 fr., soit pratiquement le double du prix de l'ouvrage fixé à 13'544 fr. Or, si le maître de l'ouvrage a un intérêt légitime à la suppression de défauts d'ordre esthétique, cet intérêt ne saurait justifier de telles dépenses. Le fait que la villa dans laquelle l'intimée devait effectuer les travaux soit de haut standing n'est pas déterminant à cet égard; l'admissibilité des coûts de réfection doit être examinée par rapport au standing de l'ouvrage commandé, en l'occurrence des seuls travaux de marbrerie. Ce standing se reflète en principe dans le prix de l'ouvrage, la stipulation de qualités plus élevées que celles correspondant au prix convenu n'ayant pas été retenue en l'espèce.
Les coûts de la réfection effectuée sont ainsi disproportionnés. Comme la cour cantonale l'a admis à juste titre, la recourante n'était pas en droit de faire procéder à cette réfection aux frais de l'intimée. Le moyen tiré d'une violation de l'art. 368 CO doit être rejeté.
3.
3.1 A titre subsidiaire, la recourante fait valoir une prétention minutoire, dans le sens que le prix de l'ouvrage par 13'544 fr. n'est pas dû ou que ce prix est réduit du montant de 3'981 fr. admis par l'expert comme correspondant aux frais de réparation.
3.2 Devant les instances cantonales, la recourante a conclu au remboursement des frais de réfection par 55'775 fr., sous déduction du prix de l'ouvrage par 13'544 fr. selon devis. Elle n'a pas pris de conclusions subsidiaires en réduction du prix pour le cas où le droit à la réfection serait nié (à ce sujet, cf. Gauch, op. cit., n° 1767 p. 476 et n° 1845 p. 493). Elle admettait ainsi vouloir payer l'entier du prix de l'ouvrage. La cour cantonale a d'ailleurs constaté en fait que la recourante n'avait pas exercé d'action en réduction du prix. La conclusion subsidiaire en diminution du prix en cas de négation du droit à la réfection, présentée pour la première fois dans le recours au Tribunal fédéral, est ainsi nouvelle. Or, comme relevé au consid. 1.3 ci-dessus, toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF). Il s'ensuit l'irrecevabilité du recours sur ce point.
4.
La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Une indemnité de 2'500 fr., à payer à titre de dépens à l'intimée, est mise à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 14 octobre 2010
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:
Klett Godat Zimmermann