Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_449/2010
Arrêt du 2 décembre 2010
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Godat Zimmermann.
Participants à la procédure
1. A.________ SA,
2. B.________ SA,
3. C.________ SA,
4. D.________ SA,
5. E.________ SA,
6. F.________ SA,
toutes représentées par Me Christian Luscher,
recourantes,
contre
Syndicat X.________, représenté par Me Christian Bruchez,
intimé.
Objet
licenciement collectif; participation des travailleurs; exception d'arbitrage,
recours contre la décision de la Chambre des relations collectives de travail du canton de Genève du 15 juin 2010.
Faits:
A.
Le 1er janvier 2007, le syndicat X.________ (ci-après: X.________ ou le syndicat) a conclu la convention collective de travail des industries horlogère et microtechnique suisses (ci-après: la CCT ou la convention) avec la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse, qui regroupe des associations patronales et des groupes d'entreprises, dont Z.________ (ci-après: Z.________).
Constituant le groupe G.________, A.________ SA, B.________ SA, C.________ SA, D.________ SA, E.________ SA et F.________ SA sont membres de Z.________.
En novembre et décembre 2008, une vingtaine d'employés du groupe G.________ ont été licenciés. Interpellée par le syndicat, Z.________ a indiqué que ces licenciements n'étaient pas économiques, mais qu'ils étaient intervenus pour des motifs liés aux performances des collaborateurs concernés. La douzième édition du World Presentation of Haute Horlogerie (WHH), organisé par le groupe G.________, a eu lieu du 18 au 24 janvier 2009. A la suite de ce salon, T.________, directeur général du groupe, a démenti les rumeurs de nouveaux licenciements et affirmé, au contraire, que le groupe embauchait du personnel.
Le 1er avril 2009, lors d'une réunion à laquelle participaient des représentants de X.________, de Z.________ et du groupe G.________, il a été annoncé une réduction du personnel touchant 80 collaborateurs chez A.________ SA et 12 employés chez D.________ SA. Par courrier du 6 avril 2009, les licenciements ont été annoncés au personnel des deux sociétés. La lettre adressée aux collaborateurs de A.________ SA contenait le passage suivant:
«En raison de la crise financière actuelle, nos ventes et nos commandes de montres ont fortement baissé ces derniers mois. Dans la mesure où rien ne nous permet d'espérer que ce recul des commandes ne durera pas pendant une période prolongée, nous sommes aujourd'hui contraints d'envisager une suppression importante d'emplois.
Par conséquent, nous avons la difficile tâche de vous annoncer le licenciement de 80 employés sur les 405 personnes actuellement occupées par A.________ SA, tous secteurs confondus. Ces mesures devraient intervenir dans les plus brefs délais, soit dans le courant du mois d'avril 2009.
Aussi, conformément à la procédure de licenciement collectif prévue par la loi, nous devons respecter un délai de consultation des travailleurs. Celui-ci s'élèvera à 11 jours ouvrables.
Ainsi, nous vous invitons à nous faire parvenir d'ici le 22 avril 2009, vos éventuelles propositions sur la manière d'éviter les licenciements envisagés ou d'en limiter le nombre (exemple: départ volontaire, retraite anticipée, temps partiel, ...) ainsi que d'en atténuer les effets.
Comme par le passé, toutes vos suggestions devront nous parvenir par écrit. Vos remarques seront rédigées sur le formulaire ci-joint et postées dans la boîte aux lettres RH située dans chaque bâtiment.»
Un courrier similaire a été adressé aux employés de D.________ SA. L'Office cantonal de l'emploi a reçu copie des courriers du 6 avril 2009.
Des discussions se sont engagées en vue de l'adoption d'un plan social. Finalement, X.________ a jugé les propositions de la direction insuffisantes et a refusé de signer le plan social.
Les 27 et 28 avril 2009, le groupe G.________ a transmis à l'Office cantonal de l'emploi deux listes comprenant les noms des personnes licenciées, ainsi qu'une synthèse de la procédure de consultation. Selon ce dernier document, 26 personnes, parmi les personnels de A.________ SA et de D.________ SA, ont posé des questions ou soumis des propositions pendant la procédure de consultation. Pour l'essentiel, il était proposé de réduire provisoirement le temps de travail ou d'instaurer le chômage partiel; sur ce dernier point, l'employeur a répondu qu'une telle solution n'était possible que pour de brèves durées.
Les lettres de congé ont été envoyées entre le 27 et le 28 avril 2009. Chaque courrier était accompagné de documents relatifs aux possibilités de reclassement faisant partie du plan social, ainsi que d'une synthèse des réponses reçues lors de la procédure de consultation. Par ailleurs, des rendez-vous ont été pris pour chaque collaborateur avec une entreprise spécialisée dans le reclassement.
Le 25 mai 2009, Z.________ a informé X.________ qu'une deuxième vague de licenciements, concernant 200 employés du groupe, était envisagée. Il a été décidé qu'une nouvelle procédure de consultation devait avoir lieu. Le courrier du 4 juin 2009 adressé à tous les collaborateurs du groupe contient les passages suivants:
«Comme vous avez pu le constater, le VPHH (salon du mois d'avril) n'a pas eu le succès que nous escomptions. Aujourd'hui, la dure réalité est que nos carnets de commandes restent vides. En effet, depuis le début d'année nos commandes ont très fortement chuté et rien ne permet d'espérer une possible évolution positive dans les mois à venir.
Les licenciements prononcés au mois d'avril n'ont pas permis de stabiliser la situation et le travail venant toujours à manquer auprès de chacune des marques du groupe, nous allons malheureusement devoir procéder à une nouvelle vague de licenciements.
Par conséquent, nous serons dans l'obligation de nous séparer de 200 employés sur les 428 personnes actuellement occupées par le groupe à Genève et Vaud.
Les licenciements concernent tous les secteurs d'activités des entreprises ci-dessous et vont se répartir comme suit:
- A.________ SA (y compris le département boîte): 113 employés sur 135.
- B.________ SA: 22 employés sur 26.
- C.________ SA: 10 employés sur 27.
- D.________ SA: 19 employés sur 41.
- E.________ SA: 4 employés sur 6.
- F.________ SA: 10 employés sur 15.
Le syndicat X.________ a exigé un délai de consultation de dix jours, malgré notre préférence à réduire ce délai d'attente, afin de pouvoir libérer les personnes concernées le plus rapidement possible.
Nous maintenons donc ce délai de dix jours et nous vous remercions de bien vouloir nous faire part, par écrit à l'aide du formulaire ci-joint, d'ici au 17 juin au plus tard, de vos éventuelles propositions sur la manière d'éviter les licenciements envisagés ou d'en limiter le nombre. (...)
Les mesures d'accompagnement, pour les personnes qui seront licenciées, seront les mêmes que celles que nous avons négociées au mois d'avril avec le syndicat, mais que ce dernier n'a pas voulu accepter.»
En définitive, les licenciements ont concerné 152 collaborateurs, et non 200 comme envisagé initialement. Les lettres de congé ont été reçues le 18 juin 2009. Les documents qui les accompagnaient étaient similaires à ceux joints aux lettres de licenciement de fin avril 2009. Selon le résultat de la procédure de consultation remis aux employés licenciés, cinq propositions ont été adressées aux entreprises du groupe; elles portaient soit sur l'instauration du chômage partiel, soit sur une réduction du temps de travail. Les entreprises concernées ont déclaré qu'elles ne pouvaient donner suite à ces propositions; s'agissant plus particulièrement du chômage partiel, elles ont fait valoir qu'il ne résoudrait rien à long terme, dès lors qu'elles se trouvaient confrontées à un surcoût de la production par rapport à la concurrence étrangère.
B.
Par acte du 6 juillet 2009, X.________ a assigné, devant la Chambre des relations collectives de travail du canton de Genève, A.________ SA, B.________ SA, C.________ SA, D.________ SA, E.________ SA et F.________ SA. L'action tendait à faire constater que les sociétés défenderesses n'avaient pas respecté la procédure de consultation prévue par l'art. 335f CO lors des licenciements collectifs signifiés en avril et juin 2009.
Les défenderesses ont contesté la compétence de la Chambre. Par lettre du 15 septembre 2009 rédigée à la suite d'une audience du même jour, le Président de la Chambre a informé les parties qu'en application de l'art. 50 al. 1 de la loi genevoise du 25 février 1999 sur la juridiction des prud'hommes (LPJ/GE; RSG E 3 10), la Chambre avait examiné la question de sa compétence, que celle-ci avait été admise et que la procédure suivait son cours. Faute de décision formelle sur la compétence notifiée séparément, le recours immédiat interjeté par les défenderesses a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral en date du 8 décembre 2009 (cause 4A_511/2009).
Par décision du 15 juin 2010, la Chambre s'est, préalablement, déclarée compétente pour connaître du litige; au fond, elle a admis partiellement la requête et constaté que les sociétés défenderesses n'avaient pas respecté toutes les exigences de l'art. 335f CO.
C.
A.________ SA, B.________, C.________ SA, D.________ SA, E.________ SA et F.________ SA (les recourantes) interjettent un recours en matière civile. Elles demandent principalement que l'action en constatation de droit déposée par X.________ soit déclarée irrecevable. A titre subsidiaire, elles concluent au rejet de l'action en constatation de droit. Plus subsidiairement, elles demandent que l'action soit rejetée en tant qu'elle est dirigée contre E.________ SA et F.________ SA et au renvoi de la cause à la Chambre pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral.
X.________ (l'intimé) propose le rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
Considérant en droit:
1.
1.1 La décision attaquée est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par la Chambre des relations collectives de travail qui statue en qualité d'instance judiciaire cantonale unique (art. 1 let. d et art. 9 al. 5 de la loi genevoise du 29 avril 1999 concernant la Chambre des relations collectives de travail [LCRCT; RSG J 1 15]). Si elle s'est prononcée en dernière instance cantonale (art. 75 al. 1 LTF), l'autorité précédente n'a pas statué sur recours comme l'art. 75 al. 2 LTF l'exige. Cette circonstance reste sans conséquence puisque la disposition précitée n'est pas encore en vigueur, les cantons disposant d'un délai d'adaptation (art. 130 al. 2 LTF).
1.2 Le litige, qui porte sur le respect des droits de participation des salariés en cas de licenciement collectif au sens des art. 335d ss CO, est une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF; cf. ATF 130 III 102 consid. 1.1 p. 105). Il s'agit au surplus d'une cause de nature pécuniaire, même si la demande ne tend pas directement au paiement d'une somme d'argent. En effet, le non-respect de la procédure de consultation des travailleurs ou de leur représentation (art. 335f CO) permet de qualifier d'abusifs les congés qui s'ensuivent (art. 336 al. 2 let. c CO) et de les sanctionner par une indemnité ( art. 336a al. 1 et 3 CO ); la contestation porte donc bien sur des droits qui peuvent être évalués en argent (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 13 et n° 14 ad art. 74 p. 568).
Le litige ne met pas aux prises un employeur et un travailleur ou son ayant droit en désaccord sur des prétentions découlant du contrat de travail; il ne rentre donc pas parmi les contestations en matière de droit du travail au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LTF, dans lesquelles le recours en matière civile est ouvert à partir d'une valeur litigieuse de 15'000 fr. (arrêt 4A_535/2009 du 25 mars 2010 consid. 1.2.1 et les références). Cela étant, par leur ampleur, les licenciements collectifs en cause permettent assurément d'admettre que la valeur litigieuse de 30'000 fr., valable pour les autres affaires (art. 75 al. 1 let. b LTF), est atteinte en l'espèce.
1.3 Pour le surplus, le recours, déposé dans le délai (art. 46 al. 1 let. b et art. 100 al. 1 LTF ) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi, a été interjeté par les parties qui ont succombé dans leurs conclusions (art. 76 al. 1 LTF), si bien qu'il est en principe recevable.
1.4 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur la violation d'un droit de rang constitutionnel ou sur une question afférente au droit cantonal ou intercantonal si le grief n'a pas été invoqué et motivé de manière détaillée par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Pour le reste, il applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue dans la décision déférée; il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux qui ont été articulés, ou à l'inverse, rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104). Cependant, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 134 III 102 consid. 1.1 p. 105).
Par ailleurs, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si lesdites constatations ont été établies de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 135 III 127 consid. 1.5 p. 130, 397 consid. 1.5 p. 401; 135 II 145 consid. 8.1 p. 153) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 3LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
2.
2.1 Invoquant l'art. 9 Cst., les recourantes reprochent en premier lieu à la Chambre des relations collectives de travail d'avoir admis sa compétence sur la base d'une application arbitraire du droit cantonal, plus précisément de l'art. 9 al. 6 LCRCT qui réserve la compétence des tribunaux arbitraux privés institués par les conventions collectives de travail. Les recourantes exposent que le chapitre 6 de la CCT contient des dispositions en matière d'information et de consultation des travailleurs applicables notamment lors de licenciements économiques. Par son action, le syndicat se plaindrait en réalité du non-respect de la procédure en matière de licenciements économiques - notamment en ce qui concerne le moment où l'annonce des licenciements aurait dû être faite - et de la qualité des informations fournies, soit exclusivement d'aspects couverts par la CCT. Au demeurant, les dispositions conventionnelles seraient plus contraignantes et complètes que les art. 335f ss CO régissant la procédure en matière de licenciement collectif et dérogeraient ainsi valablement, en faveur des travailleurs, au régime légal, qui ne trouverait plus à s'appliquer. Comme l'art. 1.16 al. 1 de la CCT prévoit que le Tribunal arbitral institué par la CCT est compétent pour statuer en fait et en droit sur l'interprétation et l'application de la convention, les recourantes en concluent que la Chambre des relations collectives de travail aurait dû nier sa compétence et déclarer irrecevable l'action en constatation.
2.2 Il convient d'examiner si l'exception d'arbitrage aurait dû être admise par la cour cantonale. Aux termes de l'art. 4 al. 1 du concordat sur l'arbitrage (CA) approuvé par le Conseil fédéral le 27 août 1969, auquel le canton de Genève est partie, une convention d'arbitrage peut être conclue sous la forme soit d'un compromis, portant sur une contestation existante (al. 2), soit d'une clause compromissoire, visant les contestations futures qui peuvent naître d'un rapport de droit déterminé (al. 3). La convention d'arbitrage a pour effet de fonder la compétence du tribunal arbitral pour connaître de la contestation concernée, d'une part, et d'exclure la compétence de la juridiction étatique qui pourrait ou devrait connaître de ladite contestation en l'absence de la convention d'arbitrage (ATF 4A_71/2010 du 28 juin 2010 consid. 3). Selon l'art. 5 CA, l'arbitrage peut porter sur tout droit qui relève de la libre disposition des parties, à moins que la cause ne soit de la compétence exclusive d'une autorité étatique en vertu d'une disposition impérative de la loi.
L'action en constatation déposée par l'intimé se fonde sur l'art. 15 al. 2 de la loi fédérale sur l'information et la consultation des travailleurs dans les entreprises du 17 décembre 1993 (loi sur la participation; RS 822.14). Cette disposition accorde en particulier aux associations d'employeurs et de travailleurs la qualité pour agir en constatation d'une violation des droits et obligations découlant de la réglementation conventionnelle ou légale en matière de participation, en particulier de ceux prévus aux art. 9 à 14 de la loi sur la participation (ATF 123 III 176 consid. 1 p. 177; RÉMY WYLER, Droit du travail, 2e éd. 2008, p. 487). L'art. 10 let. c de la loi sur la participation rappelle à cet égard que la représentation des travailleurs dispose de droits de participation lors de licenciements collectifs au sens des art. 335d à 335g CO.
Selon l'art. 15 al. 1 de la loi sur la participation, les contestations découlant de l'application de ladite loi ou d'une réglementation contractuelle de participation sont soumises aux autorités compétentes pour connaître des litiges relevant des rapports de travail, sous réserve de la compétence accordée aux organes contractuels de conciliation et d'arbitrage. Cette réserve se retrouve à l'art. 9 al. 6 LCRCT invoqué par les recourantes. En l'occurrence, la CCT institue un Tribunal arbitral (art. 1.14 al. 1), qui peut notamment être saisi par le syndicat (art. 1.15 al. 1) et qui est compétent pour statuer en fait et en droit sur l'interprétation et l'application de la convention (art. 1.16 al. 1).
2.3 La question est de savoir si l'action de l'intimé, basée sur la violation des droits de participation des travailleurs, relève de la compétence du Tribunal arbitral ou de la juridiction étatique. Plus précisément, il s'agit d'examiner si les droits de participation invoqués sont fondés exclusivement sur les art. 10 let. c de la loi sur la participation et 335f ss CO, auquel cas la Chambre des relations collectives de travail est compétente, ou s'ils découlent en réalité de la CCT, auquel cas le Tribunal arbitral est compétent.
L'action de l'intimé tend à faire constater le non-respect, par les recourantes, de la procédure de consultation prévue à l'art. 335f CO. Il convient d'observer au passage que, selon les propres termes utilisés par les recourantes dans les courriers d'avril 2009 adressés aux employés, la procédure de consultation engagée alors se fondait sur la loi. Selon l'art. 335f CO, l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif doit consulter la représentation des travailleurs ou, à défaut, les travailleurs (al. 1), ce qui suppose de leur donner au moins la possibilité de formuler des propositions sur les moyens d'éviter les congés ou d'en limiter le nombre, ainsi que d'en atténuer les conséquences (al. 2); à cet effet, l'employeur doit fournir tous renseignements utiles et communiquer par écrit en tout cas certains éléments énumérés à l'alinéa 3 (motifs du licenciement collectif, nombre des travailleurs concernés, nombre des travailleurs habituellement employés, période pendant laquelle il est envisagé de donner les congés). L'art. 335f CO est relativement impératif; il ne peut y être dérogé, le cas échéant par une convention collective, qu'en faveur des travailleurs (cf. art. 2 de la loi sur la participation; Message du 24 février 1993 sur le programme consécutif au rejet de l'Accord EEE, FF 1993 I p. 815 ch. 243.2; RÉMY WYLER, op. cit., p. 477; ADRIAN STAEHELIN, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1996, n° 6 ad art. 335f CO; MAX FRITZ, La loi sur la participation, 1994, p. 21).
Le chapitre 6 de la CCT, relatif à la politique de l'emploi, ne régit pas spécifiquement les licenciements collectifs, mais prévoit une procédure en cas de licenciements pour raison économique. L'entreprise doit informer, dans la règle un mois à l'avance, le secrétariat de son association patronale, laquelle prendra immédiatement contact avec le syndicat (art. 6.1 al. 1 et 2); les licenciements devront être discutés avec le secrétaire patronal et le secrétaire syndical (art. 6.2); ces derniers et l'employeur établiront en commun un document contenant l'ensemble des mesures économiques et sociales concernant le personnel touché (art. 6.3); lorsque des licenciements pour raison économique sont inévitables, les parties contractantes conviennent de tenir équitablement compte de critères sociaux qu'elles établiront en commun (art. 6.4). On constate d'emblée que, selon ces dispositions, l'information doit être communiquée au syndicat et que les discussions ont lieu entre partenaires sociaux. Or, l'art. 335f CO réglemente la consultation de la représentation des travailleurs (cf. art. 5 ss de la loi sur la participation) ou, à défaut, des travailleurs eux-mêmes, mais non du syndicat. Certes, la CCT contient également un chapitre sur la commission du personnel, laquelle, en cas de «licenciement important de personnel», «sera informée des motifs et des conditions de licenciement pour raisons économiques au sens de l'accord 6» (art. 4.3.2 al. 2 § 4) et jouit, de manière générale, d'un droit de proposition pour toutes les questions touchant directement le personnel (art. 4.3.2 al. 7). Il n'en demeure pas moins que la CCT ne réglemente pas d'une manière aussi précise que l'art. 335f CO la procédure de consultation et les informations à donner à la représentation des travailleurs lorsque l'entreprise envisage de procéder à des licenciements collectifs. Il s'ensuit que, contrairement à ce que les recourantes prétendent, la CCT ne prévoit pas une procédure de consultation plus contraignante et complète que l'art. 335f CO, auquel toute portée serait enlevée. Il ne saurait être question en l'espèce de dispositions conventionnelles dérogeant à l'art. 335f CO en faveur des travailleurs, au sens de l'art. 2 de la loi sur la participation.
Il convient d'examiner par ailleurs si, sous le couvert de violations de l'art. 335f CO, le syndicat ne se plaint pas en réalité du non-respect de la CCT uniquement. A ce propos, la demande du 6 juillet 2009 fait clairement référence à l'art. 335f CO et à la jurisprudence y relative. Les griefs adressés aux recourantes relèvent bien du non-respect des exigences légales, qu'il s'agisse du moment de la consultation ou de la qualité des renseignements fournis. En outre, le syndicat ne se plaint pas seulement de n'avoir pas assez été informé lui-même, mais invoque à plusieurs reprises une information insuffisante des travailleurs, en particulier dans les courriers d'annonce de licenciement adressés aux employés des recourantes.
Sur le vu de ce qui précède, l'action en constatation introduite par le syndicat est fondée formellement et matériellement sur l'art. 335f CO, et non sur les dispositions de la CCT en matière de licenciements économiques. Un tel litige ne tombe pas sous le coup de la clause compromissoire de la CCT, indépendamment de la question de savoir si les entreprises membres de Z.________ sont liées par ladite clause. La cour cantonale a dès lors admis sa compétence à bon droit.
3.
3.1 Selon les recourantes, la cour cantonale a violé le principe de la légalité (art. 5 Cst.) et versé dans l'arbitraire (art. 9 Cst.) en jugeant que les licenciements signifiés par E.________ SA et F.________ SA étaient des licenciements collectifs. Elles contestent en particulier l'application de la législation genevoise pour définir la notion de licenciement collectif et font valoir que les deux sociétés susmentionnées ne remplissent pas l'une des conditions posées par l'art. 335d CO, ce que la Chambre des relations collectives de travail a du reste admis.
3.2 L'action introduite par l'intimé, fondée sur l'art. 15 al. 2 de la loi sur la participation, tend à faire constater la violation de l'art. 335f CO par les recourantes. Les droits de participation invoqués par l'intimé sont ceux précisés à l'art. 10 let. c de la loi sur la participation, soit les droits accordés lors de licenciements collectifs au sens des art. 335d à 335g CO. L'art. 335d CO définit le licenciement collectif comme les congés donnés dans une entreprise par l'employeur dans un délai de 30 jours pour des motifs non inhérents à la personne du travailleur et dont le nombre doit atteindre un minimum ou un pourcentage minimal; selon le ch. 1 de cette disposition, le nombre de licenciements doit être au moins égal à 10 dans les établissements employant habituellement plus de 20 et moins de 100 travailleurs. Selon la doctrine majoritaire, les art. 335d ss CO ne s'appliquent qu'aux entreprises occupant plus de 20 collaborateurs (DUC/SUBILIA, Droit du travail - Eléments de droit suisse, 2010, n° 3 ad art. 335d CO, p. 532; RÉMY WYLER, op. cit., p. 469; STREIFF/VON KAENEL, Arbeitsvertrag, 6e éd. 2006, p. 635; ROLAND A. MÜLLER, Die Arbeitnehmervertretung, 1999, p. 287; contra: BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, Commentaire du contrat de travail, 3e éd. 2004, p. 241). Ces derniers auteurs font remarquer que la loi ne dit rien des entreprises occupant moins de 21 travailleurs. Rien n'autorise toutefois à penser qu'il ne s'agit pas là d'un silence qualifié. Il faut rappeler à cet égard que la réglementation relative aux licenciements collectifs a été introduite afin de rapprocher le droit suisse de l'acquis communautaire, dont la Directive 75/129/CEE du 17 février 1975. Cette directive prévoyait, comme critère objectif permettant de définir le licenciement collectif, qu'un nombre minimum de congés fussent donnés pendant une période déterminée. Les États membres avaient le choix entre deux options. La première correspond à l'art. 335d CO adopté par le législateur suisse; elle contient un critère relatif. Selon la seconde possibilité, il y a licenciement collectif lorsque, indépendamment du nombre de travailleurs habituellement employés dans l'établissement concerné, au moins 20 congés sont signifiés dans une période de 90 jours; le critère retenu est donc absolu (cf. Message I sur l'adaptation du droit fédéral au droit de l'EEE du 27 mai 1992, FF 1992 V p. 398 ch. 4.1). La seconde option suppose nécessairement que les licenciements interviennent dans une entreprise occupant au moins 20 personnes. Le Conseil fédéral avait proposé cette variante-là (FF 1992 V p. 402 ch. 4.3.2), mais c'est finalement la première option qui a été adoptée. Il n'apparaît pas que cette divergence soit liée à une volonté de réduire la taille minimale de l'entreprise affectée par le licenciement collectif. Du reste, il n'est pas non plus établi qu'en offrant une alternative, la directive européenne entendait faire une distinction à propos de la dimension de l'entreprise soumise à la procédure applicable en matière de licenciement collectif. Il s'ensuit que la volonté du législateur était bien de ne pas soumettre aux art. 335d ss CO les entreprises de moins de 21 personnes.
Quant à l'entité susceptible d'être concernée par un licenciement collectif, il s'agit, selon les termes de l'art. 335d ch. 1 à 3 CO, de l'établissement (Betrieb). Selon la doctrine, il faut entendre par là une structure organisée, dotée en personnel, en moyens matériels et immatériels qui permettent d'accomplir les objectifs de travail (RÉMY WYLER, op. cit., p. 471; STREIFF/VON KAENEL, op. cit., n° 8 ad art. 335d CO p. 635; ADRIAN STAEHELIN, op. cit., n° 3 ad art. 335d CO). Lorsqu'un employeur possède plusieurs établissements qui font partie de la même entreprise, l'existence d'un éventuel licenciement collectif se détermine dans chaque établissement, et non pas au niveau de l'entreprise (RÉMY WYLER, op. cit., p. 471; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, op. cit., p. 241; ADRIAN STAEHELIN, op. cit., n° 3 ad art. 335d CO; FF 1992 V p. 403 ch. 4.3.2). Certains auteurs voudraient déroger à cette règle lorsque les établissements sont proches au point de constituer un seul lieu d'exploitation (GABRIEL AUBERT, in Commentaire romand, 2003, n° 9 ad art. 335d CO; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, op. cit., p. 241).
3.3 En l'espèce, les recourantes E.________ SA et F.________ SA comptaient 6, respectivement 15 employés au moment des licenciements. La cour cantonale a constaté que ni l'une ni l'autre de ces sociétés ne remplissaient l'une des conditions de l'art. 335d CO, soit un effectif d'au moins 21 travailleurs. Elle a jugé néanmoins qu'il y avait bien licenciement collectif également dans ces deux sociétés, d'une part, parce que la seconde vague de licenciements avait touché, dans les six sociétés recourantes, 152 employés sur 428 et, d'autre part, parce que, même si on considérait les sociétés séparément, les congés donnés correspondaient à un différend collectif au sens de l'art. 2 du règlement d'application de la LCRCT.
Les recourantes forment le groupe G.________, mais chacune d'elles est organisée sous forme de société anonyme et est l'employeur de ses propres collaborateurs. Même si l'on voulait prendre en compte la proximité géographique entre ces sociétés, elles ne sont pas pour autant les établissements d'une même entreprise, mais constituent chacune une entreprise. Dans ces conditions, il n'est pas possible de prendre le groupe comme base sur laquelle sera compté le nombre ou la proportion de licenciements. Chaque entité juridique doit être considérée pour elle-même. Le raisonnement de la cour cantonale sur ce point n'est pas conforme au droit fédéral.
Il reste à examiner si la Chambre des relations collectives de travail pouvait admettre qu'il y avait eu tout de même licenciement collectif chez les recourantes E.________ SA et F.________ SA en se fondant sur une notion de droit cantonal.
Les art. 335d ss CO, entrés en vigueur le 1er mai 1994 en même temps que la loi sur la participation, ne laissent pas de compétences aux cantons pour définir le licenciement collectif déterminant pour l'application de l'art. 335f CO (cf. GABRIEL AUBERT, Licenciements collectifs et transferts d'entreprises, in Journée 1994 de droit du travail et de la sécurité sociale, 1995, p. 91 s.). En vertu de la primauté du droit fédéral (art. 49 al. 1 Cst.), les juges cantonaux ne pouvaient donc pas se référer à l'art. 2 du règlement d'application de la LCRCT pour juger que les congés signifiés chez E.________ SA et F.________ SA étaient des licenciements collectifs, comme l'intimé le reconnaît du reste.
Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale a violé le droit fédéral en admettant que les recourantes E.________ SA et F.________ SA n'avaient pas respecté toutes les exigences de l'art. 335f CO, disposition à laquelle ces deux sociétés n'étaient pas soumises.
4.
En ce qui concerne l'état de fait retenu dans la décision attaquée, les recourantes se plaignent d'une appréciation arbitraire des preuves sur deux points en relation avec la situation économique des sociétés à fin 2008, d'une part, et avec la volonté réelle des employeurs avant les procédures de consultation, d'autre part.
4.1 Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution serait envisageable ou même préférable. Le Tribunal fédéral n'annule la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annulée au titre de l'arbitraire, il ne suffit pas qu'elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s.; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148, 263 consid. 3.1 p. 265 s.).
S'agissant plus précisément de l'appréciation des preuves et de l'établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 62; 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
4.2 La cour cantonale a retenu que la situation économique des sociétés s'était déjà fortement dégradée en 2008. Les recourantes s'en prennent à cette constatation qu'elles taxent d'arbitraire. Elles font valoir que les 18 licenciements intervenus fin 2008 ne sont pas un indice de la mauvaise santé du groupe dans la mesure où ce dernier comptait alors 446 employés. Elles ajoutent que la cour cantonale ne disposait d'aucun autre élément pour parvenir à la conclusion critiquée. Elles invoquent enfin le témoignage du directeur financier des sociétés du groupe, non repris dans la décision attaquée, selon lequel des machines avaient été transférées en décembre 2008 au Luxembourg dans l'idée de s'installer dans l'Union européenne.
Dans l'état de fait de sa décision, la cour cantonale mentionne une vingtaine de licenciements notifiés en novembre et décembre 2008. Elle relève, sans être contredite par les recourantes, que le personnel congédié n'a pas été remplacé. Elle fait également état des documents qui lui ont été transmis et commentés lors de l'audience du 16 février 2010; parmi ces pièces, figurent des tableaux démontrant une baisse des ventes significative dès octobre 2008; à cette occasion, le directeur financier des sociétés recourantes a également mentionné un premier ralentissement en automne 2008. Sur la base de ces éléments, la cour cantonale pouvait conclure sans arbitraire que la situation économique du groupe avait commencé à se dégrader en 2008. Les arguments avancés par les recourantes ne sont pas de nature à faire apparaître cette constatation comme insoutenable.
4.3 Selon les constatations cantonales à propos de la première vague de licenciements, les sociétés du groupe avaient décidé, dès le début de la procédure de consultation, de licencier 92 personnes et ladite procédure n'avait dès lors aucune chance d'aboutir. La cour cantonale retient la même constatation au sujet de la seconde vague de licenciements. Elle relève que la seconde consultation n'était pas souhaitée par la direction, qui ne l'a mise en oeuvre que pour respecter les formes. Elle exclut par ailleurs tout lien entre la consultation et la réduction de 200 à 152 du nombre de personnes à licencier en juin 2009.
Les recourantes invoquent à nouveau le témoignage du directeur financier, qui a expliqué que son rôle dans la procédure de licenciement a été de fournir des éléments chiffrés à ses collègues. Cette déclaration serait incompatible avec la constatation selon laquelle les décisions de procéder aux licenciements ont été prises avant que les procédures de consultation soient initiées. Les recourantes soutiennent en outre que le fait d'avoir revu à la baisse le nombre de licenciements est parfaitement contradictoire avec la volonté prêtée aux recourantes d'avoir déjà tout décidé avant de lancer la procédure de consultation de juin 2009.
Selon la jurisprudence, la consultation doit avoir lieu avant que l'employeur ne prenne la décision définitive de procéder au licenciement collectif (ATF 123 III 176 consid. 4a p. 180), ce qui suppose d'établir - en fait - la volonté subjective de l'employeur à un moment donné (ATF 130 III 102 consid. 4.2 p. 110).
En l'espèce, la seule déclaration du directeur financier, chargé de fournir des éléments chiffrés à ses collègues, n'est manifestement pas apte à faire apparaître comme arbitraires les constatations cantonales sur la volonté des recourantes au moment d'engager chacune des deux procédures de consultation successives. Et les recourantes n'apportent aucun autre élément censé démontrer que la cour cantonale aurait établi de manière arbitraire la volonté des employeurs lors du lancement de la première consultation.
En ce qui concerne plus spécifiquement la seconde consultation, les constatations cantonales sur la volonté des recourantes sont moins précises que sur la première consultation. Il apparaît néanmoins qu'en lançant cette procédure-là, les recourantes étaient déjà décidées à procéder à un licenciement collectif; d'emblée, elles n'avaient pas la volonté de prendre en considération le résultat de la consultation et elles ne se sont effectivement pas donné les moyens d'en tenir compte puisque le courrier adressé aux personnes licenciées a été relu par le directeur financier le jour même ou la veille de la date à laquelle la consultation a pris fin par la levée des boîtes aux lettres disséminées dans les entreprises. Dans son courrier au personnel du 4 juin 2009, le groupe a envisagé le licenciement de 200 personnes; or, ce sont finalement 152 collaborateurs qui ont perdu leur emploi. Les raisons pour lesquelles le groupe a revu à la baisse le nombre de congés ne figurent pas dans la décision attaquée. La cour cantonale a simplement constaté que cette réduction n'était pas liée à la consultation des travailleurs, ce qui n'est manifestement pas arbitraire vu la chronologie rappelée ci-dessus. Cela étant, la diminution, dans ces conditions, du nombre de personnes à licencier n'est nullement incompatible avec la volonté subjective retenue par les juges genevois, à savoir celle de procéder à une consultation purement formelle impropre à influer sur les mesures finales prises par les employeurs.
En conclusion, les griefs tirés d'une violation de l'art. 9 Cst. ne peuvent être que rejetés.
5.
5.1 Selon les recourantes, la Chambre des relations collectives de travail a violé l'art. 335f CO en posant des exigences allant au-delà de celles qui ressortent de cette disposition.
La cour cantonale serait partie de l'idée que la consultation des travailleurs devait avoir lieu dès que l'entreprise enregistrait une baisse inquiétante de son chiffre d'affaires, ce qui ne correspondrait manifestement pas au sens de la loi. L'art. 335f CO ne conférerait pas non plus aux employés, comme la cour cantonale le sous-entendrait, un droit de voir leurs propositions retenues. Quant au bref laps de temps entre la fin de la consultation et la signification des congés, il ne serait pas déterminant pour juger si la procédure a été conduite sérieusement. En ce qui concerne la seconde vague de licenciements touchant un nombre sensiblement plus important de travailleurs que la première, la cour cantonale aurait considéré à tort qu'elle n'aurait été justifiée qu'en cas de très forte dégradation de la situation des entreprises après le premier licenciement collectif. A suivre les recourantes, l'art. 335f CO ne tend pas à punir l'employeur qui se montre trop optimiste sur le nombre d'employés à licencier.
S'agissant des informations à fournir par l'employeur, les recourantes font observer qu'elles ont pleinement respecté les données minimales énumérées à l'art. 335f al. 3 let. a à d CO. Certes, l'art. 335f al. 3 in initio CO impose à l'employeur de fournir en sus les informations objectivement nécessaires pour formuler des propositions. Mais, en l'espèce, la cour cantonale n'aurait pas expliqué en quoi les renseignements supplémentaires exigés des recourantes, notamment sur l'ampleur de la baisse des commandes, auraient été objectivement utiles aux employés pour formuler des propositions, singulièrement des propositions autres que celles qui ont été soumises aux employeurs.
5.2 La teneur de l'art. 335f al. 1 à 3 CO a été rappelée au consid. 2.3 ci-dessus. Le devoir d'information de l'employeur comprend une obligation de renseignement (Auskunftspflicht) et une obligation de communication (Mitteilungspflicht). La première porte sur tous les renseignements utiles à la représentation des travailleurs pour formuler des propositions sur les moyens d'éviter les congés ou d'en limiter le nombre, ainsi que d'en atténuer les conséquences, comme par exemple les possibilités de reclassement dans l'entreprise ou les moyens à disposition pour un plan social; selon certains auteurs, elle suppose une demande de la part des travailleurs (WOLFGANG PORTMANN, in Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 4e éd. 2007, n° 4 ad art. 335f CO; STREIFF/VON KAENEL, op. cit., n° 5 ad art. 335f CO p. 650). La seconde obligation impose à l'employeur de communiquer spontanément par écrit les informations énumérées à l'art. 335f al. 3 let. a à d CO.
La loi ne règle pas précisément le moment auquel l'employeur doit mettre en oeuvre la procédure de consultation. Selon la jurisprudence, l'employeur ne peut pas attendre jusqu'à ce que le licenciement collectif soit concrètement décidé, car le sens de la consultation est d'accorder aux travailleurs la possibilité d'influer sur le processus décisionnel de l'employeur. La consultation doit ainsi avoir lieu avant que l'employeur ne prenne la décision définitive de procéder au licenciement collectif (ATF 130 III 102 consid. 4.2 p. 109 s.; 123 III 176 consid. 4a p. 180).
Pour le surplus, le droit de consultation est la faculté de pouvoir au moins formuler des propositions, sans que l'employeur ait l'obligation d'en tenir compte (DUC/SUBILIA, op. cit., n° 2 ad art. 335f CO p. 538; RÉMY WYLER, op. cit., p. 779; WOLFGANG PORTMANN, op. cit., n° 10 ad art. 335f CO). De manière générale, il faut relever toutefois que la collaboration entre employeur et représentation des travailleurs repose sur le principe de la bonne foi (art. 11 al. 1 de la loi sur la participation). C'est dire que la procédure de consultation doit être menée avec sérieux. Il appartient à l'employeur d'examiner les propositions des travailleurs; il ne peut se contenter de mettre en oeuvre la procédure, tout en sachant d'emblée qu'il n'entrera en matière sur aucune des propositions qui pourraient lui être faites (WOLFGANG PORTMANN, op. cit., n° 10 ad art. 335f CO; STREIFF/VON KAENEL, op. cit., n° 3 ad art. 335f CO p. 647; BRUNNER/BÜHLER/WAEBER/BRUCHEZ, op. cit., p. 245; LIENHARD MEYER, Die Massenentlassung, 1999, p. 152; dans ce sens également même si pas totalement catégorique, DUC/SUBILIA, op. cit., n° 2 ad art. 335f CO p. 539).
5.3 La Chambre des relations collectives de travail a jugé que les procédures de consultation ne respectaient pas l'art. 335f CO sous trois angles. Tout d'abord, les recourantes ont dissimulé pendant longtemps les graves difficultés auxquelles elles étaient confrontées et qui allaient provoquer inéluctablement des réductions d'effectifs, ce qui les a conduites à engager tardivement la procédure de consultation. Ensuite, elles n'ont pas fourni des informations assez précises au personnel pour que celui-ci prenne la mesure de la gravité de la situation et puisse formuler des propositions plus en adéquation avec l'état réel des sociétés. Enfin, si elles ont respecté les formes, les consultations n'avaient aucune chance d'aboutir, les décisions de licencier ayant déjà été prises avant d'initier les procédures et les employeurs n'ayant d'emblée aucune volonté de tenir compte des résultats de la consultation.
5.4 En ce qui concerne la qualité de l'information fournie à la représentation des travailleurs, il n'est pas contesté que les recourantes ont remis par écrit les éléments exigés à l'art. 335f al. 3 let. a à d CO. En particulier, dans les lettres des 6 avril et 4 juin 2009, elles ont indiqué les motifs qui les conduisaient à envisager des licenciements collectifs, à savoir une forte baisse des ventes et des commandes durant les mois précédents, l'échec du salon horloger d'avril 2009, des carnets de commande vides, un manque de travail dans chacune des marques du groupe et le fait que rien ne permettait d'espérer une évolution positive dans les mois à venir. Selon la cour cantonale, ces informations n'étaient pas suffisamment précises et complètes pour permettre à la représentation du personnel de se faire une idée de la situation. La question peut rester ouverte en l'occurrence. En effet, comme déjà relevé, le but de la consultation tel que dégagé par la jurisprudence est de permettre aux travailleurs d'influer sur le processus décisionnel de l'employeur, ce qui suppose, de la part de ce dernier, une attitude conforme à la bonne foi. Or, comme on le verra par la suite, les recourantes n'ont pas respecté les règles de la bonne foi dans leurs relations avec les travailleurs, de sorte que, de toute manière, les procédures de consultation n'étaient pas conformes aux exigences de l'art. 335f CO.
Le même raisonnement vaut pour le moment auquel les recourantes devaient engager la procédure de consultation, jugé tardif par la cour cantonale. Il importe peu de savoir si l'employeur a dissimulé la situation réelle de l'entreprise pendant trop longtemps lorsque, comme en l'espèce, il est constaté que, de toute façon, les employeurs avaient déjà pris la décision de procéder aux licenciements collectifs lors du lancement de la consultation.
A ce propos, s'agissant de la première consultation, la cour cantonale a établi, de manière dénuée d'arbitraire (cf. consid. 4.3 supra), que les recourantes A.________ SA et D.________ SA avaient pris la décision définitive de se séparer de 80, respectivement 12 collaborateurs alors qu'elles lançaient parallèlement la procédure prévue à l'art. 335f CO. Il s'ensuit que la cour cantonale était fondée à admettre que les employeurs concernés avaient agi tardivement en consultant les travailleurs à un moment où le licenciement collectif et son ampleur étaient déjà décidés définitivement.
En ce qui concerne la seconde consultation, le nombre de personnes licenciées n'était pas fixé irrévocablement lorsque la consultation a été lancée puisqu'il était envisagé de donner leur congé à 200 collaborateurs dans le courrier du 4 juin 2009 et que 152 employés ont été finalement licenciés le 18 juin 2009. Il n'en demeure pas moins que la cour cantonale a constaté, là aussi sans arbitraire (cf. consid. 4.3 supra), que la procédure de consultation n'a eu lieu que pour respecter les formes, les recourantes n'ayant d'emblée aucune volonté de prendre en compte les propositions que les travailleurs pourraient émettre. Une telle attitude est clairement contraire aux règles de la bonne foi, la possibilité pour la représentation des travailleurs d'influer sur le processus décisionnel, comme le veut l'art. 335f CO, étant niée d'entrée de cause.
Sur le vu de ce qui précède, la Chambre des relations collectives de travail n'a pas violé l'art. 335f CO en jugeant que les recourantes, hormis E.________ SA et F.________ SA, n'avaient pas respecté toutes les exigences posées par cette disposition.
6. En conclusion, le recours sera admis en tant qu'il est formé par E.________ SA et F.________ SA, la décision attaquée sera annulée dans cette mesure et l'action en constatation déposée par l'intimé contre ces deux sociétés sera rejetée.
Pour le surplus, le recours sera rejeté.
7.
Depuis l'entrée en vigueur de la LTF, il n'y a en principe plus de procédure gratuite devant le Tribunal fédéral (Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4103 ch. 4.1.2.10). En effet, dans plusieurs cas où le droit fédéral prévoit la gratuité de la procédure, la LTF a instauré un émolument judiciaire réduit (cf. par exemple, art. 343 al. 2 CO et art. 65 al. 4 let. c LTF). Il ne suffit donc pas qu'une norme fédérale, à l'instar de l'art. 15 al. 3 de la loi sur la participation, prévoie, de manière générale, la gratuité pour que cette règle s'applique à la procédure devant le Tribunal fédéral; la gratuité devant le Tribunal fédéral suppose une disposition spéciale la prévoyant expressément (BERNARD CORBOZ, op. cit., n° 7 ad art. 62 LTF p. 432). Il s'ensuit qu'en l'espèce, la procédure de recours est soumise à émolument.
Deux sociétés sur six ont obtenu gain de cause et il s'agit nettement des deux sociétés comportant le moins de collaborateurs. En conséquence, un dixième des frais judiciaires sera mis à la charge de l'intimé et neuf dixièmes à la charge des recourantes qui succombent, soit A.________ SA, B.________ SA, C.________ SA et D.________ SA (art. 66 al. 1 LTF). Par ailleurs, l'intimé versera des dépens aux deux sociétés dont le recours a été admis, à savoir E.________ SA et F.________ SA, et recevra des dépens de la part des autres recourantes ( art. 68 al. 1 et 2 LTF ).
Dans la décision attaquée, la cour cantonale n'a pas accordé de dépens. Il n'y a dès lors pas lieu de renvoyer la cause à cette autorité pour nouvelle décision sur ce point.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis en tant qu'il est formé par E.________ SA et F.________ SA et la décision attaquée est annulée en tant qu'elle constate que les deux sociétés précitées n'ont pas respecté toutes les exigences de l'art. 335f CO.
L'action en constatation déposée par le syndicat X.________ contre E.________ SA et F.________ SA est rejetée.
2.
Le recours est rejeté en tant qu'il est formé par A.________ SA, B.________ SA, C.________ SA et D.________ SA.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 15'000 fr., sont mis à raison de 13'500 fr. à la charge des recourantes A.________ SA, B.________ SA, C.________ SA et D.________ SA, débitrices solidaires, et à raison de 1'500 fr. à la charge de l'intimé.
4.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à titre de dépens aux recourantes E.________ SA et F.________ SA, créancières solidaires, est mise à la charge de l'intimé.
Une indemnité de 15'500 fr., à payer à titre de dépens à l'intimé, est mise à la charge des recourantes A.________ SA, B.________ SA, C.________ SA et D.________ SA, débitrices solidaires.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des relations collectives de travail du canton de Genève.
Lausanne, le 2 décembre 2010
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
La Greffière: Godat Zimmermann