BGer 6B_996/2010
 
BGer 6B_996/2010 vom 02.12.2010
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
6B_996/2010
Arrêt du 2 décembre 2010
Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges Favre, Président,
Schneider et Wiprächtiger.
Greffière: Mme Gehring.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Michel A. Halpérin, avocat,
recourant,
contre
Département de la sécurité, des affaires sociales et de l'intégration du canton du Valais, Mme Esther Waeber-Kalbermatten, Conseillère d'Etat, case postale 478, 1951 Sion,
intimé.
Objet
Injonction, sous la commination de l'application de l'art. 292 CP, de procéder à l'alimentation forcée,
recours contre la décision du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public, du 5 novembre 2010.
Faits:
A.
Par décision du 3 novembre 2010 (procédure cantonale numérotée A1 10 222), la cheffe du Département de la sécurité, des affaires sociales et de l'intégration du canton du Valais a rejeté la demande d'interruption de l'exécution de peine formée le 28 octobre 2010 par Bernard Rappaz.
B.
Le 4 novembre 2010, ce dernier a recouru contre cette décision concluant à la suspension, pour une durée indéterminée, de l'exécution de sa peine ainsi qu'à la prise de mesures provisionnelles destinées à garantir sa vie et son intégrité corporelle.
B.a Par décision incidente du 5 novembre 2010, le Juge unique de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le juge unique) a ordonné au Dr X.________, sous menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, d'alimenter le patient détenu, Bernard Rappaz, le cas échéant de force.
B.b Par arrêt du 10 novembre 2010, le juge unique a rejeté le recours de Bernard Rappaz et, derechef, fait obligation au Dr X.________, sous menace de la peine d'amende prévue à l'art. 292 CP, d'alimenter le patient détenu, le cas échéant de force.
C.
Par mémoire posté le 23 novembre 2010, le Dr X.________ recourt au Tribunal fédéral contre la décision incidente du 5 novembre 2010.
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
Considérant en droit:
1.
A teneur de l'art. 93 al. 1 LTF, les décisions préjudicielles ou incidentes autres que celles traitant de la compétence ou des demandes de récusation, et notifiées séparément, peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse.
1.1 Dans son prononcé du 5 novembre 2010, le juge unique a statué d'urgence, raison pour laquelle il a estimé nécessaire de prendre la décision et de la communiquer sans l'audition préalable ni de son destinataire, ni du patient, en application du droit de procédure cantonal déterminant (cf. art. 56 al. 1 et art. 22 al. 1 de la loi sur la procédure et juridiction administratives du 6 octobre 1976 [LPJA/VS; RS/VS 172.6]).
1.2
1.2.1 Or, selon la jurisprudence, la possibilité de requérir une décision qui se substitue à une ordonnance d'extrême urgence constitue un moyen de droit cantonal avant l'épuisement duquel le recours au Tribunal fédéral est irrecevable, puisque celui-ci n'est alors pas encore dirigé contre une décision rendue en dernière instance cantonale (ATF 120 Ia 61 consid. 1a p. 62 et les arrêts cités). En effet, le Tribunal fédéral considère de manière large la notion de moyen de droit cantonal qui englobe non pas seulement les voies de recours ordinaires et extraordinaires, mais toutes les voies de droit qui sont ouvertes au recourant lui-même afin de faire disparaître le préjudice allégué et qui sont de nature à obliger l'autorité saisie à statuer (ATF 126 III 485 consid. 1a p. 486/487). Cette solution peut être étendue au procès administratif où le tiers intéressé est assimilé à une partie à l'égard de l'autorité administrative, lorsqu'il est respectivement visé dans les dispositifs de la décision incidente et de la décision finale cantonales (Pierre Moor, Droit administratif, Vol. II, Berne 1991, p. 254 n. 2.2.5.6; Benoit Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 353).
1.2.2 L'adoption de la LTF ne modifie pas la portée de cette jurisprudence, dans la mesure où l'art. 93 al. 1 LTF constitue une exception, de sorte que l'ouverture du recours ordinaire au Tribunal fédéral doit être interprétée de manière restrictive pour des motifs d'économie de procédure. Cette approche se justifie pour des recours ne portant pas sur des décisions finales, d'autant plus que les parties ne subissent aucun préjudice lorsqu'elles n'attaquent pas immédiatement de telles décisions, qu'elles peuvent contester en même temps que la décision finale (cf. art. 93 al. 3 LTF; cf. également YVES DONZALLAZ, Loi sur le Tribunal fédéral, Berne 2008, p. 1238 n. 3328). L'idée est que, en tant que Cour suprême, le Tribunal fédéral doit en principe ne s'occuper qu'une seule fois d'un procès et cela seulement lorsqu'il est certain que le recourant subit effectivement un dommage définitif (DONZALLAZ, op. cit., p. 1240, n. 3333; BERNARD CORBOZ, in Commentaire LTF, n. 6 ad art. 93 LTF).
1.3
1.3.1 En l'espèce, il était possible au recourant d'intervenir auprès du juge unique pour demander à être auditionné et faire valoir son droit d'être entendu dans la procédure cantonale répertoriée A1 10 222 introduite par Bernard Rappaz et où le médecin était sommé de procéder à l'alimentation forcée du patient détenu. L'art. 22 al. 2 LPJA/VS garantit en effet l'audition des parties si celle-ci est demandée en procédure de recours. Compte tenu des circonstances, soit de l'urgence des soins à apporter à Bernard Rappaz, il appartenait ainsi au recourant de faire valoir son opinion avant le prononcé de la décision cantonale finale que le juge unique a prise le 10 novembre 2010.
1.3.2 A cette dernière occasion, tout en rejetant le recours du détenu, le juge unique a fait à nouveau obligation au Dr X.________ d'alimenter le patient détenu, le cas échéant de force, de telle manière que cette dernière décision rend caduc l'ordre donné le 5 novembre 2010 et le remplace, dans les mêmes termes, et à l'égard du même destinataire, à savoir le médecin prénommé.
1.3.3 La décision du 10 novembre 2010 s'étant ainsi substituée à celle du 5 novembre 2010, cette dernière ne déploie plus d'effet juridique, de sorte que le recourant ne dispose pas d'un intérêt juridique actuel à l'annulation de celle-ci, mais conserve tous ses droits à l'égard de celle-là, indépendamment de la réclamation de droit administratif qu'il a déposée le 19 novembre 2010 auprès du Directeur des Etablissements pénitentiaires du canton du Valais. Il a d'ailleurs déposé un recours le 29 novembre 2010, reçu le 1er décembre 2010, contre l'arrêt cantonal du 10 novembre 2010.
1.4 En conséquence, le recours du 23 novembre 2010 du Dr X.________ est irrecevable.
2.
Le recourant, qui succombe, supportera les frais (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est irrecevable.
2.
Les frais judiciaires, par 2000 francs, sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à Bernard Rappaz et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour de droit public.
Lausanne, le 2 décembre 2010
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Favre Gehring