Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
5A_746/2010
Arrêt du 12 janvier 2011
IIe Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Hohl, Présidente,
L. Meyer et Herrmann.
Greffier: M. Fellay.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Mauro Poggia, avocat,
recourant,
contre
1. Etat de Genève, représenté par l'Administration fiscale cantonale, rue du Stand 26, 1204 Genève,
2. Confédération Suisse, 3003 Berne,
représentée par Billag SA, Service d'encaissement juridique, avenue de Tivoli 3, 1700 Fribourg,
3. B.________ AG,
intimés,
Office des poursuites de Genève, rue du Stand 46, 1204 Genève,
Objet
saisie,
recours contre la décision de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites
du canton de Genève du 14 octobre 2010.
Faits:
A.
A.a A.________, né en 1944, a conclu avec C.________ Assurances, avec effet au 1er décembre 1985, une police d'assurance sur la vie (pilier 3b) prévoyant le paiement d'un capital de 100'000 fr. en cas de vie le 1er décembre 2009 ou en cas de décès avant cette date, ainsi que d'une rente annuelle d'invalidité de 30'000 fr. en cas d'incapacité de gain avant le 1er décembre 2009, rente payable au maximum jusqu'à cette date.
Dans le cadre de poursuites dirigées contre le prénommé, l'Office des poursuites de Genève a exécuté, dès novembre 2008, deux saisies (séries n°s aaa et bbb) portant notamment sur la rente d'incapacité de gain susmentionnée, à hauteur de 2'500 fr. par mois. Le versement de la rente ayant pris fin le 1er décembre 2009, les montants saisis ont été répartis entre les créanciers concernés.
Le 25 mai, puis le 9 juillet 2010, l'office a procédé, dans le cadre des séries n°s ccc et bbb, à l'exécution d'une saisie portant sur la prestation en capital de 100'000 fr., augmentée d'une participation aux excédents de 25'161 fr. 40, soit 125'161 fr. 40 au total.
A.b L'office a par ailleurs saisi, à concurrence de 310 fr. par mois et jusqu'à l'échéance du 1er décembre 2009, une rente servie par D.________. Selon les informations fournies à l'office par cette compagnie, un capital versé à son assuré, à une date non précisée, mais au plus tôt en décembre 2009, a servi à rembourser un prêt de l'ordre de 250'000 fr. Le solde en faveur du poursuivi, représentant 35'253 fr., n'a pas été saisi.
B.
Le poursuivi a formé en temps utile, auprès de la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève, une plainte contre les saisies de la prestation en capital des 25 mai et 9 juillet 2010. Il soutenait que cette prestation, qui correspondait à peine à 5'543 fr. par an (selon la table de capitalisation Stauffer/Schaetzle n° 42, fondée sur l'espérance moyenne de vie), ne dépassait pas son minimum vital et ne pouvait en conséquence être saisie, son seul revenu consistant par ailleurs en une rente AVS. Le montant de 125'161 fr. 40, précisait-il encore, était destiné à assurer sa prévoyance professionnelle postérieurement à l'âge de la retraite, d'où son insaisissabilité, et ne devait pas être considéré comme un capital mais plutôt comme une rente capitalisée.
Par décision du 14 octobre 2010, la commission cantonale de surveillance a rejeté la plainte. Elle a considéré en substance que la prestation en capital litigieuse n'était ni insaisissable selon l'art. 92 al. 1 ch. 9, 9a et 10 LP, ni relativement saisissable selon l'art. 93 LP, mais bien saisissable dans son intégralité, au même titre qu'une épargne; en outre, il n'y avait pas lieu, en application de l'art. 92 al. 1 ch. 5 LP, de libérer en faveur du poursuivi le montant dont il aurait besoin pour une durée de deux mois.
C.
Par acte du 25 octobre 2010, le poursuivi a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Invoquant la violation de l'art. 111 Cst. et des règles de saisissabilité posées à l'art. 93 LP, il conclut préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et, au fond, à l'annulation de la décision de la commission cantonale de surveillance.
Le dépôt de réponses n'a pas été requis.
La requête d'effet suspensif a été admise par ordonnance présidentielle du 12 novembre 2010, en ce sens que la somme saisie ne devait pas être distribuée aux créanciers du recourant.
Considérant en droit:
1.
1.1 Interjeté dans le délai (art. 100 al. 2 let. a LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi par une partie qui a succombé dans ses conclusions prises devant l'autorité précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de poursuite pour dettes et de faillite (art. 72 al. 2 let. a LTF) par une autorité cantonale de surveillance de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), le recours est en principe recevable, et ce indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. c LTF).
1.2 Le mémoire de recours doit contenir les conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci (art. 42 al. 1 LTF) sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF).
1.2.1 Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral peut en principe statuer lui-même sur le fond (art. 107 al. 2 LTF). Le recourant ne peut dès lors pas se borner à demander l'annulation de la décision attaquée, mais doit, en principe, sous peine d'irrecevabilité, prendre des conclusions sur le fond du litige. Les conclusions portant sur une somme d'argent doivent être chiffrées; des conclusions non chiffrées ne suffisent que si la somme déterminante est d'emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision entreprise. Il n'est fait exception à l'obligation de prendre des conclusions sur le fond que lorsque le Tribunal fédéral, en cas d'admission du recours, ne serait pas en situation de statuer lui-même à ce sujet et ne pourrait que renvoyer la cause à l'autorité cantonale (ATF 134 III 235 consid. 2, 379 consid. 1.3; 133 III 489 consid. 3.1).
En l'espèce, le recourant se contente de conclure à l'annulation de la décision attaquée. On comprend certes, à la lecture de son mémoire, qu'il voudrait que la prestation en capital litigieuse soit déclarée relativement saisissable au sens de l'art. 93 LP et qu'il soit donc tenu compte de son minimum vital. La quotité saisissable devant encore être établie dans cette hypothèse, la cause ne pourrait qu'être renvoyée à l'autorité précédente en cas d'admission du recours. La question n'a toutefois pas besoin d'être examinée plus avant car, ainsi qu'on le verra ci-après, le recours doit de toute façon être rejeté.
1.2.2 Les motifs doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Pour satisfaire à ces exigences, la partie recourante doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi elle estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254; 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287).
1.3 Le recours en matière civile peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), lequel comprend le droit constitutionnel (ATF 135 V 94 consid. 1). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être lié ni par les motifs de l'autorité précédente, ni par les moyens des parties; il peut donc admettre le recours en se fondant sur d'autres arguments que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 133 III 545 consid. 2.2 p. 550). Compte tenu des exigences de motivation posées, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), à l'art. 42 al. 2 LTF, le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs soulevés; il n'est pas tenu de traiter, à l'instar d'une juridiction de première instance, toutes les questions juridiques pouvant se poser lorsqu'elles ne sont plus discutées devant lui (ATF 133 IV 150 consid. 1.2 p. 152).
2.
L'art. 111 Cst. donne divers mandats à la Confédération dans le but d'assurer une prévoyance vieillesse, survivants et invalidité suffisante, reposant sur trois piliers. Cette disposition ne constituant pas un droit fondamental que le citoyen peut invoquer en justice, les griefs que le recourant en tire sont irrecevables (cf. arrêt 2C_162/2010 du 21 juillet 2010 consid. 2.1 et 6).
3.
Le grief de violation des règles posées à l'art. 93 LP est irrecevable dans la mesure où le recourant se borne pour l'essentiel à exposer son propre point de vue sur la saisissabilité de la prestation en capital litigieuse, sans s'attacher à démontrer en quoi celui de la commission cantonale de surveillance consacrerait une violation du droit fédéral. Le grief est du reste manifestement mal fondé pour les motifs exposés ci-après.
3.1 Selon la jurisprudence, les droits aux prestations de prévoyance et de libre passage à l'égard d'une institution de prévoyance professionnelle sont absolument insaisissables tant qu'ils ne sont pas encore exigibles (art. 92 al. 1 ch. 10 LP), cette insaisissabilité valant non seulement pour la prévoyance professionnelle obligatoire, mais aussi pour la prévoyance se situant en deçà ou au-delà du régime obligatoire; en revanche, une fois l'âge de la retraite atteint, le décès ou l'invalidité survenus, les prestations versées sont relativement saisissables conformément à l'art. 93 LP (ATF 121 III 285 consid. 1b et les références citées). Les autres formes reconnues de prévoyance au sens de l'art. 82 LPP sont le contrat de prévoyance liée conclu avec les établissements d'assurances et la convention de prévoyance liée conclue avec les fondations bancaires (art. 1er al. 1 OPP 3; RS 831.461.3). Ces deux formes constituent, dans le système des trois piliers de la prévoyance, le 3e pilier A. Par contrats ou conventions de prévoyance liée, on entend les contrats spéciaux d'assurance de capital et de rentes, respectivement d'épargne, affectés exclusivement et irrévocablement à la prévoyance ( art. 1er al. 2 et 3 OPP 3 ). Un tel contrat doit être distingué du compte d'épargne traditionnel, qui ne peut bénéficier du statut particulier du 3e pilier A, ainsi que de la police de prévoyance "libre" (ou 3e pilier B), dont le preneur a la faculté de disposer à sa guise, sous forme de cession, de mise en gage, d'avances sur police ou de rachat (ATF 121 III 285 consid. 1c et les références citées).
3.2 La somme saisie en l'espèce représente, non pas une "rente capitalisée" comme le prétend sans aucun fondement le recourant, mais le capital en cas de vie de l'assurance mixte qui a été conclue, prestation fixée contractuellement d'avance, augmentée d'une participation aux excédents et constituant la composante d'épargne de l'assurance en question (cf. VINCENT BRULHART, Droit des assurances privées, Berne 2008, p.342 ss, n°s 752 ss). Il est constant que cette prestation en capital se fonde sur une police d'assurance relevant de la prévoyance "libre" (3e pilier B) régie par la LCA et qu'elle ne découle donc pas d'une forme de prévoyance reconnue assimilée à la prévoyance professionnelle régie par la LPP. Comme telle, elle pouvait par conséquent être saisie au premier chef (art. 95 al. 1 LP) et intégralement, à l'instar de n'importe quelle autre créance certaine, tel un avoir en banque ou au compte de chèques postaux (cf. P.-R. GILLIÉRON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 4e éd. 2005, n. 921; BÉNÉDICT FOËX, in Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n. 14 s. ad art. 95 LP; Michel Ochsner, in Commentaire romand de la LP, n. 168 ad art. 92 LP).
La décision attaquée, qui consacre cette solution, ne peut par conséquent qu'être confirmée.
3.3 La commission cantonale s'est par ailleurs référée à une jurisprudence bâloise admettant que les prétentions découlant de contrats d'assurance sur la vie puissent être séquestrées intégralement dans la mesure où ces avoirs ne servent pas exclusivement à couvrir le minimum vital du débiteur et préconisant, dans cette hypothèse, l'application par analogie de l'art. 92 al. 1 ch. 5 LP (BlSchK 2008, 226). Cette disposition déclare insaisissables l'argent liquide ou les créances indispensables pour acquérir les denrées alimentaires et le combustible nécessaires au débiteur et à sa famille pour les deux mois consécutifs à la saisie. La commission l'a jugée inapplicable au cas particulier, compte tenu du fait que le recourant, dont le minimum vital avait été fixé à 3'842 fr. en avril 2009, était au bénéfice d'une rente AVS depuis le mois d'octobre 2009 et avait perçu de D.________, en décembre 2009, un solde de prestation en capital de 35'253 fr., lequel n'avait pas été saisi.
Faute de griefs soulevés par le recourant sur ce point, le Tribunal fédéral peut arrêter là son examen (cf. consid. 1.2.2 et 1.3 ci-dessus).
4.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité, aux frais de son auteur (art. 66 al. 1 LTF).
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux participants à la procédure et à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites du canton de Genève.
Lausanne, le 12 janvier 2011
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Hohl Fellay