Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
8C_978/2009
Arrêt du 14 janvier 2011
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Niquille.
Greffière: Mme von Zwehl.
Participants à la procédure
G.________,
représentée par Me Pierre Seidler, avocat,
recourante,
contre
Allianz Suisse Société d'Assurances,
Hohlstrasse 552, 8048 Zürich,
intimée.
Objet
Assurance-accidents (causalité),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal genevois des assurances sociales du 1er octobre 2009.
Faits:
A.
G.________, née en 1955, travaillait comme assistante médicale. Elle était, à ce titre, assurée contre le risque d'accidents auprès de Allianz Suisse Société d'assurances (ci-après : Allianz). Son employeur a résilié le contrat de travail pour le 30 octobre 2001.
Le 27 octobre 2001, G.________ a été victime d'un accident de la circulation (voir le rapport de police du 14 novembre 2001). Elle se trouvait au volant de son véhicule dans une file de voitures arrêtées sur une route limitée à 50 km/h. Un conducteur, inattentif, n'a pas vu les véhicules à l'arrêt et, sans pouvoir freiner, a percuté l'arrière de sa voiture, qui a été projetée en avant et a heurté l'automobile la précédant. Celle-ci est entrée à son tour en collision avec un troisième véhicule. G.________ a été transportée à la Permanence X.________ où l'on a posé les diagnostics d'entorse cervicale et de plaie au cuir chevelu. A la suite de cet accident, la prénommée s'est plainte de cervicalgies, de céphalées, de vertiges, de douleurs à l'épaule droite ainsi que d'une baisse de l'audition à gauche. Elle n'a plus été en mesure de reprendre une activité professionnelle en raison de la persistance de ses plaintes. Allianz a pris en charge le cas.
L'assurée a été suivie par le docteur F.________, qui l'a adressée à plusieurs médecins (les docteurs R.________, J.________, M.________ et U.________, neurologues; les docteurs O.________ et L.________, oto-rhino-laryngologues). Elle a également subi de nombreux examens radiologiques de la région cervicale (voir notamment les rapports des docteurs E.________, T.________, S.________ et N.________). Allianz a confié une première expertise au docteur B.________, rhumatologue, qui a conclu à une probable lésion ligamentaire de la charnière sous-occipitale et suggéré un complément d'expertise (rapport des 9 et 30 août 2002). L'assureur-accidents a alors mandaté les docteurs V.________ et A.________ pour une expertise neurologique. Leur rapport, daté du 7 avril 2004, a été écarté du dossier pour des raisons formelles. Une nouvelle expertise a été organisée au Centre d'expertise médicale Y.________ (CEMed).
Les experts du CEMed ont procédé à un examen neurologique, psychiatrique et neuropsychologique de l'assurée. Ils ont également réalisé deux examens complémentaires : un écho-doppler carotidien, vertébral et sous-clavier ainsi qu'une myographie du membre supérieur droit. Des résultats de ces examens, ils ont retenu une limitation douloureuse et locale de la mobilité du rachis cervical (sans contractures musculaires) ainsi qu'une hypoacousie gauche ancienne mais aucun signe dans le sens d'une atteinte structurelle du système nerveux central ou périphérique, ni d'une atteinte vestibulo-cérébelleuse. Les clichés d'imagerie de la région cervicale ne révélaient pas non plus de lésion post-traumatique. En revanche, les tests neuropsychologiques montraient quelques perturbations discrètes des fonctions cognitives de l'attention, de l'activation et de la flexibilité, ainsi qu'une probable diminution de l'efficience mnésique. Toujours selon les experts, l'assurée avait sans doute subi une distorsion simple de degré I à II d'après la Québec Task Force, atteinte suivie de l'apparition de cervico-céphalalgies, de sensations vertigineuses et, plus tardivement, de troubles de la mémoire et de la concentration. Si la persistance d'un syndrome post distorsion cervicale entraînant une perte d'intégrité de 5 à 10% pouvait être admise, il existait une nette discordance entre l'ampleur des plaintes actuelles et le caractère objectivement mineur de l'accident. La situation présente n'était pas en relation de causalité probable avec les seules conséquences de cet événement. Il n'y avait pas d'incapacité de travail sur les plans somatique et psychique. Sous l'angle neuropsychologique, il fallait envisager un changement d'activité comme employée de bureau à 80%. L'état médical définitif avait été atteint au plus tard deux ans après la survenance de l'accident (rapport du 13 décembre 2006).
Sur la base de l'expertise du CEMed, Allianz a mis fin à ses prestations avec effet au 28 octobre 2003, tout en renonçant à réclamer le montant des indemnités journalières versées depuis lors (décision du 25 septembre 2007). L'assurée a fait opposition contre cette décision. Elle a produit un rapport du professeur D.________, du Centre hospitalier Z.________, faisant état de lésions cérébrales post-traumatiques à l'issue d'une IRM cérébrale, ainsi que le compte-rendu d'un écho-Doppler réalisé le 20 février 2007 par le docteur U.________. Après avoir soumis ces documents pour appréciation aux experts du CEMed, l'assureur-accidents a écarté l'opposition dans une nouvelle décision du 16 octobre 2008.
B.
L'assurée a recouru contre cette dernière décision devant le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales, qui a rejeté le recours par jugement du 1er octobre 2009.
C.
G.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement cantonal. Elle conclut, sous suite de frais et dépens, à ce que l'assureur-accidents soit condamné à lui verser les prestations découlant de la LAA, le dossier lui étant renvoyé à cette fin.
Allianz conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le maintien éventuel du droit de la recourante à des prestations de l'assurance-accidents au-delà du 28 octobre 2003 pour les troubles persistant après cette date.
Lorsque le jugement entrepris porte sur des prestations en espèces et en nature de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral constate avec un plein pouvoir d'examen les faits communs aux deux objets litigieux et se fonde sur ces constatations pour statuer, en droit, sur ces deux objets. En revanche, les faits qui ne seraient pertinents que pour statuer sur le droit aux prestations en nature ne sont revus que dans les limites définies par les art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (arrêt 8C_584/ 2009 du 2 juillet 2010 consid. 4).
2.
Les premiers juges exposent correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs à la nécessité d'une atteinte à la santé et d'un rapport de causalité naturelle et adéquate entre celle-ci et un événement accidentel pour que l'assureur-accidents soit tenu à fournir des prestations (cf. ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406; 119 V 335 consid. 1 p. 337; 118 V 286 consid. 1b et les références p. 289). Ils citent également la jurisprudence applicable en matière de lésions du rachis cervical par accident de type «coup du lapin», de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit fonctionnel organique (cf. ATF 134 V 109). On peut par conséquent renvoyer à leurs considérants.
3.
Dans sa décision sur opposition, Allianz a considéré que les conclusions du docteur D.________ sur l'existence de lésions cérébrales ne pouvaient pas être retenues. Celles-ci résultaient d'une IRM fonctionnelle avec l'apport de la technique dite de tenseurs de diffusion en 3D, méthode diagnostique qui n'était pas reconnue scientifiquement pour établir un rapport de causalité entre des symptômes et un traumatisme cervical. Il fallait s'en tenir aux constatations effectuées par les médecins du CEMed. Sur le plan somatique, le statu quo sine avait été atteint deux ans après l'accident, soit à la fin du mois d'octobre 2003. Sur le plan psychiatrique, il n'y avait aucune atteinte à la santé. Quant aux troubles cognitifs mis en évidence, Allianz a estimé qu'ils n'engageaient pas sa responsabilité. A supposer que le lien de causalité naturelle entre ces troubles et l'accident fût donné, le rapport de causalité adéquate devait être nié au regard des critères applicables en cas de traumatisme cervical causé par un accident de gravité moyenne (à la limite des accidents de peu de gravité). Elle était dès lors fondée à supprimer les prestations de l'assurance-accidents depuis le 28 octobre 2003.
La juridiction cantonale a confirmé les termes de cette décision pour les mêmes motifs.
4.
La recourante reproche aux premiers juges d'avoir nié l'existence de troubles somatiques en relation de causalité naturelle avec l'accident. Elle rappelle qu'elle a subi une distorsion cervicale ainsi qu'un traumatisme crânien, atteintes à la suite desquelles elle a développé des troubles cognitifs importants. Or, le rapport du docteur D.________ établissait clairement qu'elle présentait des lésions cérébrales post-traumatiques pouvant expliquer ces troubles. Ce médecin confirmait en définitive les constatations cliniques des experts du CEMed sur le plan neuropsychologique. La méthode du professeur D.________ combinait par ailleurs les techniques de l'IRM fonctionnelle et de l'IRM anatomique conventionnelle, de sorte que c'était à tort que les juges cantonaux n'avaient pas tenu compte de son rapport. Un récent examen par IRM conventionnelle venait corroborer, si besoin était, la présence d'anomalies de la substance blanche en rapport avec le traumatisme crânien (cf. résultats et compte rendu IRM du docteur C.________ du 2 novembre 2009).
5.
5.1 En l'occurrence, les documents (datés du 2 novembre 2009) produits en annexe du recours en matière de droit public ne peuvent être pris en considération. En effet, selon une jurisprudence récente (ATF 135 V 194), l'art. 99 al. 1 LTF, aux termes duquel aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut plus être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente, est également applicable dans une procédure où le pouvoir d'examen n'est pas limité.
5.2 Par ailleurs, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de juger qu'une IRM fonctionnelle (par la technique dite de tenseur de diffusion 3D) ne constitue pas une méthode diagnostique éprouvée par la science médicale et qu'elle n'a donc pas de valeur probante pour statuer sur le rapport de causalité entre des symptômes présentés par un assuré et un traumatisme par accélération cervicale ou un traumatisme équivalent (voir les arrêts 8C_321/2010 du 29 juin 2010 consid. 4.1.2, 8C_510/2009 du 3 mai 2010 consid. 3.2.3 et 8C_238/2009 du 3 novembre 2009 consid. 3.2.2).
5.3 Cela étant, il n'est pas possible d'exclure, à ce stade, la présence de lésions cérébrales chez l'assurée. La réponse des experts du CEMed sur les résultats obtenus par le professeur D.________ apparaît à cet égard insuffisante (voir leur lettre du 17 juin 2008 dans laquelle ils déclarent qu'en l'absence de lésion visible à l'IRM standard, les clichés IRM avec l'apport de tenseurs de diffusion en 3D ne sont pas significatives.). D'une part, cette objection est formulée de manière toute générale et ne répond pas à l'argument de la recourante selon laquelle le professeur D.________ aurait utilisé des séquences de l'IRM conventionnelle à l'appui de ses conclusions. D'autre part, il ressort du dossier médical de la procédure cantonale que G.________ n'a subi aucun examen cérébral par IRM avant celui réalisé à la Clinique Z.________. On peine dès lors à comprendre ce qui a permis aux médecins du CEMed d'écarter l'hypothèse d'un déficit organique aux troubles cognitifs qu'ils ont constatés. A cela s'ajoute qu'ils n'ont pas du tout abordé l'éventualité d'un traumatisme crânien, alors que ce diagnostic a été retenu par plusieurs confrères - notamment les docteurs F.________, J.________, M.________ et U.________ - en considération du fait qu'il y a eu un impact à la tête lors de la collision. En vérité, on peut se demander si les experts du CEMed ont eu pleinement connaissance des faits à l'origine des troubles de la recourante. Dans la mission d'expertise, les circonstances de l'événement accidentel sont relatées comme suit : «Mme G.________ a été victime d'un accident de la circulation. En effet, l'assurée était à l'arrêt au volant de son véhicule et a été percutée par un autre véhicule.» (page 4 de l'expertise). A plusieurs reprises, lesdits experts ont souligné le caractère «objectivement mineur» de cet accident et se sont prononcés à l'aune de ce constat (page 36 de l'expertise). Apparemment, ils ne disposaient pas du rapport d'accident établi par la police (voir leur rappel des pièces du dossier). Or, d'après ce document, le conducteur fautif roulait à une vitesse d'environ 50 km/h et n'a pas eu le temps de freiner avant de percuter l'arrière de la voiture de la recourante. L'accident a consisté en une collision en chaîne entre quatre voitures. G.________ a subi un choc par l'arrière et par l'avant suffisamment fort pour que sa tête heurte le toit de sa voiture, lui occasionnant une plaie au cuir chevelu qui a exigé une suture. Ces éléments démontrent que l'impact a dû être d'une certaine violence, ce qui exclut déjà de qualifier l'accident de peu de gravité, à l'instar de ce qu'ont fait les médecins du CEMed.
5.4 Dans ces conditions, on ne peut pas retenir que leurs conclusions reposent sur une évaluation exacte et complète de la situation médicale de l'assurée. En particulier, des doutes subsistent sur la question de savoir si les troubles cognitifs observés ont une origine somatique découlant de l'accident. Il convient par conséquent de renvoyer la cause à l'intimée pour instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise pluridisciplinaire qui sera pratiquée, de préférence, en milieu universitaire. Celle-ci comprendra l'avis d'un spécialiste en imagerie médicale en collaboration avec un neuropsychologue. Les experts devront avoir connaissance du dossier médical complet de l'assurée (y compris les nouvelles pièces produites en procédure fédérale et le rapport de police du 14 novembre 2001). Après quoi l'assureur-accidents rendra une nouvelle décision sur le droit aux prestations de la recourante.
Dans cette mesure, le recours se révèle bien fondé.
6.
La recourante obtient gain de cause, de sorte qu'elle peut prétendre une indemnité de dépens à la charge de l'intimée (art. 68 al. 1 LTF). Cette dernière supportera également les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). Compte tenu de l'issue du litige, la juridiction cantonale statuera à nouveau sur les dépens de la procédure cantonale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours en matière de droit public est admis en ce sens que le jugement du 1er octobre 2009 du Tribunal cantonal genevois des assurances sociales ainsi que la décision sur opposition du 16 octobre 2008 de Allianz sont annulés, la cause étant renvoyée à l'assureur-accidents pour instruction complémentaire au sens des motifs et nouvelle décision.
2.
Les frais de justice, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
L'intimée versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
4.
Le Tribunal cantonal genevois des assurances sociales statuera à nouveau sur les dépens de la procédure cantonale.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal genevois des assurances sociales et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 14 janvier 2011
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung von Zwehl