Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
8C_435/2010
Arrêt du 25 janvier 2011
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Niquille.
Greffière: Mme Berset.
Participants à la procédure
D.________, représenté par Me Xavier Pétremand, avocat,
recourant,
contre
Service de l'emploi du canton de Vaud, Instance Juridique Chômage, rue Marterey 5, 1014 Lausanne,
intimé.
Objet
Assurance-chômage (aptitude au placement),
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 11 mars 2010.
Faits:
A.
D.________, ressortissant britannique, s'est inscrit au chômage le 1er décembre 2005 et a perçu des indemnités journalières à partir de cette date. Il a été mis au bénéfice d'un délai-cadre d'indemnisation jusqu'au 30 novembre 2007.
Le Service de l'emploi du canton de Vaud (Service de l'emploi) a été amené à examiner dans quelle mesure le prénommé était apte au placement. En effet, celui-ci avait créé, le 21 novembre 2000, sa propre entreprise sous la raison sociale X.________ Sàrl, laquelle était sise à son propre domicile. D.________ était inscrit au Registre du commerce en qualité d'associé gérant avec signature individuelle. En parallèle, l'assuré exerçait des activités en qualité d'indépendant. Le prénommé n'avait jamais mentionné l'existence d'une société au conseiller en charge de son dossier auprès de l'Office régional de placement (ORP).
Le 5 avril 2006, après avoir racheté l'unique part de 1'000 fr. détenue par son épouse, D.________ est devenu le seul actionnaire de la société X.________ Sàrl (au capital libéré de 20'000 fr.). Pour les mois de janvier, février, mars, avril et juin 2006, l'assuré avait travaillé pour le compte de sa société en percevant des montants de 12'000 fr., 12'500 fr., 500 fr., 2'000 fr. et 1'000 fr. Les attestations de gain intermédiaires correspondantes remises à la Caisse de chômage ne comportaient pas le timbre humide de la société ou une mention permettant d'établir clairement si, au moment des faits, il était occupé pour le compte de sa propre société. Pour les mois d'octobre/novembre 2006 et janvier 2007, l'assuré avait remis à la Caisse de chômage des attestations de gain intermédiaire pour des montants respectifs de 2'416fr. et 3'600 fr.
Invité par deux fois à s'expliquer, l'assuré a indiqué qu'il avait déclaré toutes ses activités à la Caisse de chômage et également à son conseiller entre le début et la fin de son chômage. Il a en outre exposé que ses gains n'étaient pas importants, mais qu'il voulait essayer de se sortir de sa situation aussi vite que possible.
Considérant qu'il n'était pas possible d'estimer les jours et horaires précis durant lesquels l'assuré était disponible pour un emploi salarié à 100 %, l'ORP a déclaré D.________ inapte au placement dès la date de son inscription au chômage (décision du 7 juin 2007). Saisi d'une opposition du prénommé, le Service de l'emploi l'a rejetée (décision sur opposition du 14 mars 2007: recte: 2008).
B.
D.________ a interjeté recours contre cette dernière décision devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois, en concluant à ce que son aptitude au placement soit reconnue du 1er décembre 2005 au 31 mars 2007.
Par jugement du 11 mars 2010, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours.
C.
D.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande, à titre principal, la réforme en ce sens qu'il est apte au placement du 1er décembre 2005 au 31 mars 2007. A titre subsidiaire, il conclut à l'annulation du jugement entrepris et au renvoi de la cause à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.
Le Service de l'emploi ainsi que le Secrétariat d'Etat à l'économie ont renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur l'aptitude au placement du recourant pour la période du 1er décembre 2005 au 31 mars 2007.
2.
2.1 Aux termes de l'art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration, et qui est en mesure et en droit de le faire. L'aptitude au placement comprend deux éléments : la capacité de travail, d'une part, et la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI, d'autre part. Ce deuxième aspect de l'aptitude au placement implique la volonté de prendre un tel travail s'il se présente (ATF 125 V 51 consid. 6a p. 58; 123 V 214 consid. 3 p. 216).
2.2 Un assuré qui exerce une activité indépendante n'est pas d'entrée de cause, inapte au placement. Il faut bien plutôt examiner si l'exercice effectif d'une activité lucrative indépendante est d'une ampleur telle qu'elle exclut d'emblée toute activité salariée parallèle (arrêt C 160/94 du 13 février 1995 consid. 3, in DTA 1996 no 36 p. 199).
Pour juger du degré d'engagement dans l'activité indépendante, les investissements consentis, les dispositions prises et les obligations personnelles et juridiques des indépendants qui revendiquent des prestations sont déterminants et doivent ainsi être examinés soigneusement. L'aptitude au placement doit donc être niée lorsque les dispositions que doit prendre l'assuré pour mettre sur pied son activité indépendante entraînent des obligations personnelles et juridiques telles qu'elles excluent d'emblée toute activité salariée parallèle (cf. arrêt C 276/03 du 23 mars 2005 consid. 5; voir aussi ATF 112 V 326 consid. 3d p. 329 s; BORIS RUBIN, Assurance-chômage, 2e éd., 2006 p. 221). Autrement dit, seules des activités indépendantes dont l'exercice n'exige ni investissement particulier, ni structure administrative lourde, ni dépenses importantes peuvent être prises en considération à titre de gain intermédiaire. On examinera en particulier les frais de matériel, de location de locaux, de création d'une entreprise, l'inscription au registre du commerce, la durée des contrats conclus, l'engagement de personnel impliquant des frais fixes, la publicité faite etc. (RUBIN, op. cit. , p. 221 et note 609). Par ailleurs, la question de savoir si un assuré est disposé à abandonner son activité indépendante au profit d'un emploi salarié est une question de fait (cf. BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, Berne 2009, n. 30 ad. art. 105 LTF).
3.
3.1 Le recourant invoque tout d'abord une violation du droit à la preuve ainsi qu'une constatation arbitraire des faits par la juridiction cantonale dans la mesure où celle-ci n'aurait pas tenu compte du témoignage de O.________, alors conseiller en charge de son dossier à l'ORP de Y.________. Plus précisément, le recourant se plaint du fait que les premiers juges ont évoqué ce témoignage (cf. jugement cantonal p. 5 let. D), sans faire référence aux déclarations qui, selon lui, contredisaient le point de vue de l'administration. Ainsi, le témoin Ropraz avait déclaré sans ambiguïté que l'assuré était ouvert à toute proposition d'emploi pour sortir du chômage, qu'il acceptait une baisse de salaire et qu'il faisait preuve d'une mobilité totale en ce sens qu'il était d'accord de partir travailler à l'étranger (procès-verbal d'audition du 15 février 2010). En bref, le recourant estime que le résultat auquel la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois est parvenue est objectivement insoutenable dans le mesure où elle diverge totalement des faits exposés par le témoin Ropraz.
3.2 Ce témoignage n'a toutefois pas la valeur probante que lui attribue le recourant. Pour l'essentiel, il relate le contenu des procès-verbaux d'entretien de conseil des 16 mai, 11 juillet et 2 octobre 2006. Or, lorsqu'il a été entendu par la juridiction cantonale, le 15 février 2010, le conseiller a déclaré qu'il ne savait pas, en 2006, que l'intéressé avait une participation dans une Sàrl. S'il l'avait su, a-t-il précisé, il aurait demandé à l'instance juridique de chômage de vérifier l'aptitude au placement de l'assuré. Le témoignage invoqué n'est donc pas propre à établir la volonté du recourant de prendre à cette époque un emploi salarié.
4.
Le recourant se plaint également d'une violation de l'art. 15 al. 1 LACI par la juridiction cantonale. Il reproche aux premiers juges d'avoir nié son aptitude au placement motif pris qu'il avait réalisé des gains intermédiaires par le biais d'une activité économiquement indépendante qui aurait été exercée d'une manière durable et en investissant du temps et des moyens à cet effet. Il fait tout d'abord valoir que le siège de la Sàrl se trouvait à son domicile si bien qu'aucun investissement particulier ou structure administrative lourde ne l'auraient empêché d'accepter un emploi salarié à bref délai. Il expose en outre qu'après avoir constitué la Sàrl en 2000, il avait repris une activité salariée à plein temps auprès de l'Entreprise Z.________ SA jusqu'à l'automne 2005 et affirme que la gestion de la Sàrl lui laissait ainsi amplement le temps de travailler. Il allègue également qu'en retenant les montants cités dans l'arrêt entrepris, les gains intermédiaires réalisés en seize mois, du 1er décembre 2005 au 31 mars 2007, s'élèvent à 34'016 fr. et ne peuvent ainsi être réputés convenables au sens de l' art. 16 al. 2 let. a et i LACI .
4.1 Le Tribunal fédéral, qui est un juge du droit, fonde son raisonnement juridique sur les faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 2 LTF). Si le recourant entend s'écarter des constatations de fait de l'autorité précédente, il doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées. A défaut, un état de fait divergent de celui de la décision attaquée ne peut être pris en compte (ATF 134 I 65 consid. 1.5 p. 68).
Dans la mesure où le recourant complète les constatations cantonales, sans indiquer en quoi les faits ressortant du jugement attaqué seraient manifestement inexacts ou arbitraires, il ne sera pas tenu compte des éléments ainsi allégués. C'est donc uniquement à la lumière des faits retenus par la juridiction cantonale que le Tribunal fédéral se fondera pour déterminer si le jugement entrepris est conforme au droit fédéral.
4.2 La juridiction cantonale a fait notamment les constatations suivantes:
L'assuré n'avait jamais mentionné l'existence de la société X.________ Sàrl à son conseiller de l'ORP, quand bien même la question d'un soutien aux assurés qui entreprennent une activité indépendante (cf. art. 71a ss LACI) avait été évoquée au cours de deux entretiens au moins. Il n'avait à aucun moment informé O.________ du fait que les mandats effectués en tant que consultant l'étaient pour le compte de sa société. Il n'avait pas non plus déclaré certains gains intermédiaires réalisés par le biais de cette société (notamment celui du mois d'octobre 2006).
Nonobstant les dénégations de l'intéressé, la société X.________ Sàrl était toujours active. Les activités menées par l'assuré, par le biais soit de sa société soit de mandats indépendants, étaient liées entre elles sur les plans économique et organisationnel (mêmes locaux commerciaux, même type d'opération, mêmes buts sociaux, clientèle semblable etc.). De surcroît, le but de la société (consistant à fournir des services de marketing, de distribution, d'import-export, des services techniques et financiers) était extrêmement large et permettait de mener toutes sortes d'activités. Par ailleurs, l'assuré avait surtout fait état de recherches d'emploi relatives à des activités indépendantes (quête d'investisseurs, vente de produits financiers à la commission, consultant financier en stratégie de recherche ainsi que missions temporaires et en « free-lance »).
L'argument selon lequel, le recourant n'entendait pas commencer une carrière comme indépendant ne pouvait être retenu. En effet, il avait été indépendant du 1er novembre 1999 au 31 décembre 2002. En 2000, il avait également perçu un montant de 140'000 fr. de son institution de prévoyance professionnelle, alors qu'il avait acquis un statut d'indépendant avec la fondation de la Sàrl. De plus, il avait mené une activité pour le compte de la société X.________ Sàrl, dans laquelle il était devenu entre-temps associé unique. Durant les mois de janvier, février, mars, avril, juin, octobre et novembre 2006 ainsi que janvier 2007, il avait à nouveau exercé une activité en tant qu'indépendant. Finalement, dès le 1er avril 2007, l'assuré était définitivement sorti du chômage en reprenant une activité indépendante.
La lecture des comptes de X.________ Sàrl (au 31 décembre 2006) faisait apparaître que cette société ne s'apparentait pas à une coquille vide comme l'avait déclaré l'assuré. Le salaire versé à ce dernier s'élevait à 28'000 fr. Les honoraires provenant des ventes de produits se montaient à 61'104 fr. Quant aux frais de représentation et de réception ils figuraient dans les comptes de résultat pour un montant de 23'680 fr.
4.3 Au vu des faits qu'ils ont constatés, les premiers juges pouvaient retenir que le recourant n'avait en réalité jamais cessé son activité indépendante depuis son inscription au chômage, qu'il ne présentait au demeurant pas une disponibilité suffisante quant au temps qu'il pouvait consacrer à un emploi et quant au nombre d'employeurs potentiels, tout ce qui avait été entrepris par le recourant ayant toujours été en relation étroite avec l'activité de sa société. Ils n'ont donc pas violé le droit fédéral en niant son aptitude au placement.
Sur le vu de ce qui précède, le jugement attaqué n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
5.
Le recourant qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Pour le même motif, il n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lucerne, le 25 janvier 2011
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung Berset