BGer 8C_357/2010
 
BGer 8C_357/2010 vom 28.01.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
8C_357/2010
Arrêt du 28 janvier 2011
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mme les Juges Ursprung, Président,
Leuzinger et Frésard.
Greffière: Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
R.________,
représentée par Me Louis-Marc Perroud, avocat,
recourante,
contre
SUVA, Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
intimée.
Objet
Assurance-accidents,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, du 26 février 2010.
Faits:
A.
R.________ travaillait à mi-temps en qualité de secrétaire au service de X.________ SA. Elle était assurée contre les accidents par la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA). Son contrat de travail a été résilié le 23 mai 2005 avec effet au 30 juin 2005.
Le 16 juin 2005, elle a été victime d'un accident de la circulation routière; alors qu'elle était arrêtée sur une route, dans l'attente de pouvoir bifurquer à gauche, la voiture au volant de laquelle elle se trouvait a été heurtée à l'arrière par un autre véhicule circulant à une vitesse d'environ 70 km/h. Sous l'impact du choc, la tête de l'assurée, qui était légèrement tournée sur la gauche, a heurté la vitre. Blessée, l'assurée a été transportée par ambulance à l'Hôpital Y.________ où les médecins ont diagnostiqué une contusion cervicale ainsi que des dermabrasions au bras gauche. L'assurée s'est par ailleurs plainte de céphalées et de vertiges. Son incapacité de travail était totale depuis le jour de l'accident.
Dans un rapport du 9 août 2005, le docteur D.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a constaté que la situation n'était pas favorable car la mobilité à la charnière cervico-dorsale était limitée et que la patiente souffrait de douleurs et de paresthésies. Il a préconisé un séjour à la Clinique Z.________, dans laquelle l'assurée a séjournée du 22 août au 21 septembre 2005. Selon le rapport de sortie du 5 octobre 2005 établi par le docteur U.________, spécialiste FMH en neurologie, l'assurée présentait des cervicalgies post-traumatiques dans le cadre d'un accident par accélération, mais sans évidence de fracture ou d'instabilité, ni signe d'atteinte radiculaire ou médullaire. En annexe à ce rapport se trouvait le compte rendu d'un consilium psychiatrique du docteur A.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 29 août 2005, dont il ressort que l'assurée avait présenté un état anxio-dépressif marqué en 1999 suite à des événements de vie difficiles, lequel avait entraîné un suivi psychothérapeutique et un traitement psycho-pharmacologique avec une évolution tout à fait favorable. L'assurée a effectué un second séjour à la Clinique Z.________ du 24 janvier au 3 mars 2006. Le rapport de sortie du docteur U.________, du 22 mars 2006, excluait sur la base d'une IRM cervicale une anomalie de signal visible au niveau de la moelle épinière ainsi que toute hernie discale. Sur le plan otoneurologique, l'assurée présentait une paralysie vestibulaire droite sans aucune récupération. Il y avait également lieu d'exclure une radiculopathie cervicale ainsi qu'une plexopathie brachiale pouvant expliquer les douleurs perdurant après le whiplash de juin 2005. Une origine rhumatologique aux douleurs de l'assurée (cervico-brachialgies droites, pygialgies gauches, douleurs interscapulaires) a également été exclue alors que des facteurs non lésionnels semblaient jouer un rôle important dans l'évolution du cas, à savoir une comorbidité psychiatrique et des problèmes professionnels, l'assurée ayant été licenciée peu avant son accident.
Dans une expertise bidisciplinaire du CEMed, du 25 juillet 2006, mise en oeuvre par l'office de l'assurance-invalidité auprès duquel l'assurée s'était également annoncée, les docteurs B.________ et O.________, spécialistes FMH respectivement en rhumatologie et psychiatrie-psychothérapie, ont constaté une discordance entre les plaintes exprimées et les constatations cliniques objectives, compte tenu de l'absence d'atteinte du rachis cervical, dorsal et lombaire ainsi que de toute atteinte au niveau de l'épaule droite et des clavicules. La seule lésion constatée était donc celle d'une paralysie vestibulaire droite sans aucune récupération, laquelle pouvait expliquer les troubles de l'équilibre. Elle n'avait en revanche aucun effet limitant dans une activité de bureau. Sur le plan psychique, il n'existait aucun élément en faveur d'une quelconque psychopathologie. L'assurée avait passé par une période difficile mais la situation était désormais stabilisée.
Sur demande de la CNA, l'assurée a une nouvelle fois été examinée sur le plan otoneurologique. Dans son rapport du 7 mars 2007, le docteur M.________, médecin adjoint MER au Service d'oto-rhino-laryngologie du Centre hospitalier W.________, a conclu à un examen otoneurologique normal, sans évidence d'une atteinte vestibulaire organique périphérique ou centrale à l'origine des symptômes. Le tableau clinique parlait en faveur d'un trouble fonctionnel de l'équilibre avec troubles de la perception corporelle, du mouvement et de l'espace. La symptomatologie résultait principalement d'un conflit visuo-vestibulaire, mécanisme également à l'origine du vertige des hauteurs. Selon ce praticien, le trouble de l'équilibre était apparu suite à un accident avec entorse cervicale, dans le contexte de multiples autres plaintes post-traumatiques d'origine non organique. Il a conclu à une capacité de travail complète dans une activité assise d'employée de commerce sur le plan otoneurologique.
Par décision du 21 mai 2007, confirmée sur opposition le 27 août 2007, la CNA a supprimé le droit de l'assurée aux prestations avec effet dès le 1er juin 2007, au motif qu'il n'y avait plus de lien de causalité adéquate entre l'accident et les atteintes à la santé dont souffrait encore l'assurée à cette date.
B.
L'assurée a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg (désormais, le Tribunal cantonal). Elle a également sollicité une suspension de la procédure dans l'attente des résultats d'une expertise privée, laquelle a été rejetée. Par jugement du 26 février 2010, la juridiction cantonale a rejeté le recours.
C.
R.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut à l'octroi de prestations à partir du 1er juin 2007, subsidiairement au renvoi de la cause à la CNA pour statuer après avoir mis en oeuvre une expertise médicale pluridisciplinaire. Elle demande par ailleurs que la procédure soit suspendue le temps nécessaire à l'établissement d'une expertise privée.
La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
D.
Par ordonnance du 14 juin 2010, le juge instructeur a rejeté la demande de suspension de la procédure.
Considérant en droit:
1.
Le litige porte sur le point de savoir si l'intimée était fondée, par sa décision sur opposition du 27 août 2007, à supprimer le droit de la recourante aux prestations de l'assurance-accidents à partir du 1er juin 2007.
Dans la procédure de recours concernant l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 97 al. 2 LTF).
Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. Cela vaut également lorsque le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits constatés dans le jugement attaqué (ATF 135 V 194). L'exception de l'art. 99 al. 1 LTF n'étant pas réalisée en l'espèce, le rapport médical du 16 février 2010 produit par la recourante en procédure fédérale ne peut donc pas être pris en considération. Quoi qu'il en soit, celui-ci n'apporte aucun élément nouveau de nature à remettre en cause les pièce médicales se trouvant dossier.
2.
Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Le droit à des prestations découlant d'un accident assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406, 119 V 335 consid. 1 p. 337, 118 V 286 consid. 1b p. 289 et les références). Le droit à des prestations de l'assurance-accidents suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate entre l'accident et l'atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2. p. 181, 402 consid. 2.2 p. 405, 125 V 456 consid. 5a p. 461 et les références).
3.
3.1 La recourante soutient qu'il existe une relation de causalité naturelle entre ses douleurs aux cervicales, aux bras, au dos ainsi que ses troubles de mémoire et d'équilibre et l'accident du 16 juin 2005. Elle allègue que ces troubles sont apparus au cours des mois ayant suivi l'accident.
3.2 Sur le vu des renseignements médicaux versés au dossier, la seule atteinte d'origine somatique objectivable se trouvant encore, au 1er juin 2007, en relation de causalité naturelle avec l'accident était le trouble fonctionnel de l'équilibre résultant d'un conflit visuo-vestibulaire. Cette atteinte n'avait cependant aucune influence sur la capacité de travail de la recourante dans une activité assise d'employée de commerce. La question de savoir si les autres symptômes allégués par la recourante dans le contexte du traumatisme cervical de type «coup du lapin» (notamment des cervico-omo-brachialgies droites) mais non objectivables, étaient en relation de causalité naturelle avec l'accident peut demeurer ouverte car il convient de nier, dès le 1er juin 2007 au plus tard, l'existence d'un rapport de causalité adéquate entre ces atteintes et l'événement assuré (consid. 4.2 ci-après). Compte tenu de ce qui précède, la mise en oeuvre de nouvelles mesures d'instruction destinées à établir un lien de causalité naturelle s'avère par conséquent surperflu (cf. arrêt U 28/07 du 3 janvier 2008 et les références).
4.
4.1 Dans l'ATF 134 V 109, le Tribunal fédéral a précisé sur plusieurs points sa jurisprudence au sujet de la relation de causalité entre des plaintes et un traumatisme de type "coup du lapin" ou un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou encore un traumatisme cranio-cérébral, sans preuve d'un déficit organique objectivable. Selon cet arrêt, il y a lieu de s'en tenir à une méthode spécifique pour examiner le lien de causalité adéquate en présence de tels troubles (consid. 7 à 9 de l'arrêt cité). Par ailleurs, le Tribunal fédéral n'a pas modifié les principes qui ont fait leur preuve, à savoir la nécessité, d'une part, d'opérer une classification des accidents en fonction de leur degré de gravité et, d'autre part, d'inclure, selon la gravité de l'accident, d'autres critères lors de l'examen du caractère adéquat du lien de causalité (consid. 10.1). Cependant, il a renforcé les exigences concernant la preuve d'une lésion en relation de causalité naturelle avec l'accident, justifiant l'application de la méthode spécifique en matière de traumatisme de type "coup du lapin" (consid. 9) et modifié en partie les critères à prendre en considération lors de l'examen du caractère adéquat du lien de causalité (consid. 10). Ces critères sont désormais formulés de la manière suivante:
- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident (inchangé);
- la gravité ou la nature particulière des lésions (inchangé);
- l'administration prolongée d'un traitement médical spécifique et pénible (formulation modifiée);
- l'intensité des douleurs (formulation modifiée);
- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident (inchangé);
- les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes (inchangé);
- l'importance de l'incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l'assuré (formulation modifiée).
4.2 La recourante conteste le point de vue des premiers juges, selon lequel l'accident du 16 juin 2005 doit être classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité.
En l'occurrence, la question de savoir si cette qualification peut être retenue ou s'il y a lieu, comme le soutient la recourante, de ranger cet événement parmi les accidents de gravité moyenne «stricto sensu» peut demeurer indécise. L'accident n'a pas été particulièrement impressionnant ni dramatique si l'on tient compte du fait que la collision a eu lieu entre un véhicule à l'arrêt et un autre ayant eu une vitesse réduite en raison d'un freinage d'urgence. L'accident n'a pas non plus entraîné des lésions physiques particulières si ce n'est une contusion cervicale et des dermabrasions au bras gauche, mais sans évidence de fracture ni d'instabilité, ni signe d'atteinte radiculaire ou médullaire. Une IRM cervicale pratiquée le 31 janvier 2006 a confirmé l'absence d'anomalie de signal visible au niveau de la moelle épinière ainsi que de toute hernie discale. Il n'y avait pas non plus de tassement visible au niveau des corps vertébraux. Selon l'ENMG effectué le 2 février 2006, il n'y avait pas d'élément en faveur d'une radiculopathie cervicale ou d'une plexopathie brachiale pouvant expliquer les douleurs persistantes. Le traitement médical, en dépit de deux hospitalisations à la Clinique Z.________, n'a pas été particulièrement pénible et a consisté pour l'essentiel en mesures diagnostiques, en physiothérapie et en médication antalgique. Par ailleurs, il n'y a pas eu d'erreur dans le traitement médical. Enfin, il n'y a pas eu de complication importante. Si le critère de l'intensité des douleurs est donné, on ne voit cependant pas qu'il se manifeste dans une mesure qualifiée (plusieurs médecins ont relevé des discordances entre les plaintes de la recourante et leurs observations). En ce qui concerne le critère de l'importance de l'incapacité de travail, il n'est pas réalisé. D'une part, le docteur U.________ a envisagé, le 5 octobre 2005 déjà, la reprise du travail à 50 % dans le mois qui suivait. D'autre part, les experts du CEMed ont attesté une capacité de travail entière comme employée de commerce. C'est dire que les limitations rencontrées par la recourante au cours de son stage aux ateliers professionnels de la Clinique Z.________ sont dues essentiellement aux plaintes subjectives exprimées par cette dernière. La recourante n'a par ailleurs pas démontré qu'elle avait fait des efforts en vue de retrouver un poste correspondant à ses aptitudes professionnelles.
En l'espèce, seul le critère de l'intensité des douleurs pouvant être admis, il n'est pas suffisant pour établir une relation de causalité adéquate entre l'accident assuré et les troubles en cause (cf. arrêt 8C_897/2009 du 29 janvier 2010, publié in SVR 2010 UV n° 25 p. 100 consid. 4.5). Le jugement attaqué n'est dès lors pas critiquable et le recours se révèle mal fondé.
5.
Les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
Lucerne, le 28 janvier 2011
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Ursprung Fretz Perrin