BGer 9C_468/2010 |
BGer 9C_468/2010 vom 31.01.2011 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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9C_468/2010
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Arrêt du 31 janvier 2011
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IIe Cour de droit social
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Composition
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MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
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Kernen et Pfiffner Rauber.
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Greffier: M. Piguet.
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Participants à la procédure
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Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, rue de Lyon 97, 1203 Genève,
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recourant,
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contre
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A.________,
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représenté par Me Blaise Marmy,
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intimé.
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Objet
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Assurance-invalidité (rente d'invalidité),
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recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève, Chambre 2, du 27 avril 2010.
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Faits:
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A.
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A.________ travaillait en qualité de serrurier pour le compte de l'entreprise X.________ SA. Le 31 octobre 2005, il a présenté un déficit vestibulaire brusque de l'oreille gauche. Depuis lors, il n'a pas été en mesure de reprendre son activité habituelle. Le 5 septembre 2006, il a déposé une demande de prestations de l'assurance-invalidité.
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Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) a recueilli les renseignements médicaux usuels auprès des docteurs R.________, médecin traitant (rapports des 25 octobre 2006 et 21 novembre 2007), L.________, spécialiste en oto-rhino-laryngologie (rapports des 31 mai et 14 novembre 2006), T.________, spécialiste en chirurgie (rapport du 28 mars 2007), et du physiothérapeute M.________ (rapport du 27 septembre 2007). A également été versée au dossier une expertise bidisciplinaire (rhumatologique et psychiatrique) réalisée par le Centre d'Expertise Médicale de Y.________, selon laquelle l'assuré souffrait de vertiges persistants sur dysfonction vestibulaire gauche et d'un épisode dépressif léger, troubles qui ne l'empêchaient toutefois pas d'exercer à plein temps une activité adaptée, pour autant que les tâches effectuées le soient au sol (rapport du 2 février 2007).
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Par décision du 8 janvier 2008, l'office AI a dénié à l'assuré le droit à une rente de l'assurance-invalidité, motif pris que le degré d'invalidité (32 %) était insuffisant pour donner droit à une telle prestation.
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B.
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A.________ a déféré cette décision auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève (aujourd'hui: la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève). Après avoir décidé l'apport des procès-verbaux des auditions des docteurs L.________ et R.________ établis dans le cadre d'une procédure opposant l'assuré à son assureur-maladie, la juridiction cantonale a ordonné la mise en oeuvre d'une mesure d'orientation professionnelle aux fins d'établir quels types d'activités lucratives, compatibles avec les limitations fonctionnelles constatées, étaient encore exigibles de l'assuré. Initialement prévue du 2 au 29 juin 2008, la mesure a été écourtée pour des raisons médicales. Selon le rapport établi par les Etablissements publics pour l'intégration, l'assuré s'était rendu inobservable, d'une part par son taux de présence nettement insuffisant ainsi que par son attitude excessivement démonstrative (rapport du 8 juillet 2008).
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Afin d'établir si l'état de santé de l'assuré s'était aggravé entre temps de manière à modifier son droit aux prestations, la juridiction cantonale a confié la réalisation d'une expertise bidisciplinaire (rhumatologique et psychiatrique) au Centre d'expertise médicale de Z.________. Dans leur rapport du 11 novembre 2009, les experts ont retenu les diagnostics de coxarthrose modérée à sévère supéro-externe droite, de lombalgies chroniques sur troubles dégénératifs modérés de la colonne lombaire (discopathie L5-S1 sur arthrose facettaire L4-L5 et L5-S1), d'épisode dépressif moyen avec syndrome somatique et de vertiges persistants sur dysfonction vestibulaire gauche. S'agissant du caractère raisonnablement exigible d'une activité lucrative adaptée, l'assuré conservait une capacité de travail de 80 % dans une activité adaptée, principalement en position assise avec possibilité d'alterner la position assise-debout. Sur le plan psychique, l'incapacité de travail était de 50 %, quelle que soit l'activité proposée, pour une période de six à douze mois, une nouvelle évaluation psychiatrique devant être effectuée au-delà.
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Après avoir entendu une nouvelle fois le docteur L.________ en audience, le Tribunal cantonal des assurances sociales a, par jugement du 27 avril 2010, admis le recours, annulé la décision du 8 janvier 2008 et alloué à l'assuré une rente entière d'invalidité à compter du 1er janvier 2007.
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C.
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L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
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A.________ conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales en propose l'admission.
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Considérant en droit:
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1.
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Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Par exception à ce principe, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
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2.
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2.1 La juridiction cantonale a procédé à une analyse détaillée des différentes affections de l'intimé. En premier lieu, elle a constaté que l'examen des troubles psychiques par le Centre d'expertise médicale de Z.________ manquait de précision quant à la date à laquelle remontait l'aggravation constatée de l'état de santé psychique. Cette question pouvait néanmoins demeurer indécise au regard de la problématique somatique présentée par l'intimé. Celui-ci présentait en effet une incapacité de travail de 20 % en lien avec les atteintes d'origine rhumatologique (coxarthrose et lombalgies) et une incapacité totale en lien avec la dysfonction vestibulaire gauche. Se fondant sur les témoignages des docteurs R.________ et L.________, lesquels étaient confirmés - quant à la permanence des symptômes et de l'atteinte vestibulaire - par les rapports établis par le Centre d'expertise médical de Y.________, le docteur T.________ et le psychothérapeute M.________, les premiers juges ont jugé que l'intimé ne disposait plus d'aucune capacité de travail à raison de ce trouble, quelle que soit l'activité exercée. Ils ont par ailleurs rejeté la requête de l'office AI tendant à la mise en oeuvre d'une instruction complémentaire, au motif qu'il apparaissait irréaliste de trouver un emploi correspondant aux limitations de l'assuré.
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2.2 L'office recourant reproche à la juridiction cantonale d'avoir procédé à une constatation manifestement inexacte des faits pertinents consécutive à une mauvaise appréciation des preuves. Les rapports des docteurs R.________ et L.________, sur lesquels les premiers juges se sont principalement fondés, ne feraient pas la distinction entre ce qui relèveraient de simples plaintes subjectives et les constatations médicales objectives. Il fait également grief aux premiers juges de s'être écartés des conclusions de l'expertise judiciaire et de n'avoir pas pris en compte le résultat de la mesure d'observation professionnelle qu'ils avaient ordonnée. De manière plus général, il juge la motivation du jugement entrepris insuffisante, dès lors qu'elle ne lui permettrait pas de connaître les motifs qui ont conduits les premiers juges à écarter certains éléments du dossier.
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3.
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Sur le plan formel, l'office recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu pour défaut de motivation du jugement entrepris, en tant que celui-ci n'indiquerait pas les raisons pour lesquelles la juridiction cantonale a écarté certains éléments de preuve au profit de certains autres.
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3.1 La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1, publié in RDAF 2009 II p. 434). En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (cf. ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248; 126 I 97 consid. 2b p. 102; 125 III 440 consid. 2a p. 441).
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3.2 Pour autant qu'il puisse être considéré comme suffisamment motivé au sens de l'art. 106 al. 2 LTF, le grief de violation du droit d'être entendu pour défaut de motivation de la décision attaquée n'est pas fondé en l'espèce. La motivation du jugement entrepris permet de comprendre parfaitement quels éléments ont été retenus par la juridiction cantonale et pourquoi ils l'ont été. En réalité, en tant que l'office recourant reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas motivé de manière suffisamment intelligible son refus de tenir compte de différents éléments qu'il jugeait pertinents pour la solution du litige, le grief se confond avec celui d'arbitraire dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves. Il convient de l'examiner avec le fond du litige.
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4.
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En l'occurrence, il n'y a pas lieu de s'écarter de l'appréciation qu'a faite la juridiction cantonale des moyens de preuve dont elle disposait. A la lecture du jugement entrepris, les premiers juges ont laissé indécise la question de l'influence des troubles psychiques sur la capacité de travail de l'intimé, estimant que les séquelles du trouble vestibulaire justifiaient à elles seules la reconnaissance d'une incapacité totale de travailler. Au regard des éléments versés au dossier, cette appréciation n'apparaît nullement arbitraire. Les renseignements fournis par les docteurs R.________ et L.________ tout au long de la procédure démontrent l'importance et la singularité des troubles affectant l'intimé, de même que leur caractère irrémédiable (voir notamment le rapport du 14 novembre 2006 du docteur L.________); on en veut pour preuve que les séances de physiothérapie vestibulaire suivies durant près de deux ans par l'intimé n'ont pas apporté d'améliorations sensibles (rapport de la doctoresse R.________ du 17 février 2009). Les éléments avancés par l'office recourant à l'appui de son recours ne permettent pas de se convaincre que les troubles allégués par l'intimé ne seraient que l'expression de plaintes de nature exclusivement subjective. L'intimé présente des manifestations objectives sous la forme de vertiges, de pertes de l'équilibre et de nausées qui le gênent sérieusement dans sa vie quotidienne (voir également les éléments d'observation contenus dans le rapport d'observation professionnelle du 8 juillet 2008). Certes, le docteur L.________ a reconnu que l'intimé disposait objectivement d'une capacité résiduelle de travail dans une activité adaptée; dans le même temps, ce médecin s'est cependant interrogé sur l'existence concrète sur le marché du travail d'une activité qui ne requiert aucun mouvement particulier (auditions des 4 mars 2008 et 16 février 2010; voir également l'audition du 22 janvier 2008 de la doctoresse R.________). On ne voit pas que les premiers juges auraient violé le droit fédéral, en estimant, sur la base du témoignage d'un spécialiste en oto-rhino-laryngologie, qu'une activité adaptée aux limitations de l'intimé n'existait pratiquement pas sur le marché général du travail. Au regard de la prépondérance du problème vestibulaire, on ne saurait non plus reprocher aux premiers juges de n'avoir pas suivi les conclusions de l'expertise bidisciplinaire réalisée par le Centre d'expertise médicale de Z.________, ce d'autant que la valeur probante de ce document était sujette à caution, puisqu'il ne comportait pas de volet oto-rhino-layringologique et que les conclusions résultaient d'une appréciation sectorielle et non pas globale de la situation. Le caractère lacunaire de cette expertise, quand bien même elle a été ordonnée par la juridiction cantonale, ne justifie pas de lui renvoyer la cause pour instruction complémentaire, les éléments versés au dossier étant suffisants pour se forger une opinion claire et précise de la situation.
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5.
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5.1 L'office recourant reproche également à la juridiction cantonale d'avoir fixé au 16 janvier 2006 le début du délai de carence pour fixer le moment de la naissance du droit à la rente, sans avoir indiqué les éléments sur lesquels elle s'était basée pour retenir cette date.
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5.2 A la limite de la témérité, ce moyen doit être rejeté. Le 16 janvier 2006 correspond en effet à la date retenue par l'office AI pour fixer le début du délai de carence d'un an au sens de l'art. 29 al. 1 let. b LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007; aujourd'hui: art. 28 al. 1 let. b LAI), laquelle est déterminante pour procéder à la comparaison des revenus au sens de l'art. 16 LPGA (voir la décision de l'office AI du 8 janvier 2008 ainsi que le rapport du service de la réadaptation professionnelle du 6 novembre 2007).
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6.
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En tous points mal fondé, le recours doit être rejeté. L'office recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires afférents à la présente procédure (art. 66 al. 1, 1ère phrase, LTF). L'intimé a droit à une indemnité de dépens à charge de l'office recourant (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3.
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Le recourant versera à l'intimé la somme de 1'500 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 31 janvier 2011
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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Meyer Piguet
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