BGer 6B_852/2010 |
BGer 6B_852/2010 vom 04.04.2011 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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6B_852/2010
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Arrêt du 4 avril 2011
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Cour de droit pénal
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Composition
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MM. et Mme les Juges Favre, Président,
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Schneider, Wiprächtiger, Mathys et
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Jacquemoud-Rossari.
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Greffière: Mme Cherpillod.
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Participants à la procédure
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1. A.X.________, représentée par Me Nicolas Saviaux, avocat,
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2. B.X.________, agissant par A.X.________, représentée par Me Nicolas Saviaux, avocat,
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3. C.X.________,
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représentée par Me Nicolas Saviaux, avocat,
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recourants,
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contre
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1. Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1014 Lausanne,
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2. F.________, représenté par
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Me Fabien Mingard, avocat,
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3. G.________,
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4. H.________,
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tous les deux représentés par Me Yvan Gillard, avocat, rue Beau-Séjour 22, 1003 Lausanne,
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intimés.
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Objet
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Homicide par négligence; indemnités pour tort moral,
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recours contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale
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du canton de Vaud du 17 août 2010.
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Faits:
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A.
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En 2007, D.X.________ travaillait comme ouvrier depuis une vingtaine d'années au service de l'entreprise de marbrerie et de façade E.________ SA, dont H.________ et G.________ étaient respectivement directeur et administrateur. Il était alors, depuis cinq ans, affecté à la gestion du stock et de la manutention des plaques de pierre, domaine qu'il gérait seul depuis un an et demi. Il avait été formé durant trois mois à cette activité par son prédécesseur, avant de travailler pendant trois ans sous la supervision de F.________, contremaître responsable de l'atelier du stockage.
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Le 6 mars 2007, sur le site de Morges de l'entreprise, D.X.________, accompagné d'un collègue, s'est rendu sur l'aire de stockage des dalles de matière première, après la donnée d'ordre effectuée par F.________. Les deux ouvriers ont manipulé des plaques jusqu'à la pause de neuf heures, tandis que leur contremaître gardait un oeil sur leur activité. En donnant ses instructions, il leur avait rappelé les précautions de base, à savoir ne pas se tenir dans la zone de basculement d'une dalle et toujours travailler à deux pour la manutention des plaques. Après la pause, le collègue de D.X.________ s'est voué à une autre activité tandis que ce dernier est retourné sur l'aire de stockage. C'est alors qu'il a entrepris de déplacer seul une dalle de granit située à l'extrémité d'un empilage de plaques. Cette dalle mesurait 2,7 m de long par 1,7 m de large, pour une épaisseur de 3 cm et un poids d'environ 375 kg. Pour ce faire, il se plaça devant la plaque, distante d' 1,5 m de la dalle lui faisant face. Alors qu'il tentait d'insérer une cale de sagex en haut et au milieu de la plaque, celle-ci bascula en sa direction, le repoussant contre l'empilage de dalles suivant. Écrasée au niveau du thorax, la victime est décédée des suites de l'accident, qui n'a eu aucun témoin.
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Le défunt laisse comme survivants sa veuve A.X.________ et deux enfants, C.X.________ et B.X.________.
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Par jugement du 20 mai 2010, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a libéré F.________, H.________ et G.________ de l'accusation d'homicide par négligence. Il a donné acte à A.X.________ de ses réserves civiles à l'encontre des prénommés. Cette décision a été rendue ensuite de l'annulation d'office par la Cour de cassation pénale vaudoise, pour complément d'instruction, d'un jugement d'acquittement rendu le 2 septembre 2009 par le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Côte.
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En bref, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a considéré que le mode de stockage et de manipulation des dalles était conforme aux règles de l'art, qu'aucune violation du devoir de prudence ne pouvait être imputée aux accusés et que, par surabondance, le comportement de la victime avait rompu tout lien de causalité adéquate possible entre une omission éventuelle de l'un au moins des accusés et l'accident.
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B.
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Par arrêt du 17 août 2010, la Cour de cassation pénale vaudoise a rejeté le recours interjeté par A.X.________, C.X.________ et B.X.________.
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C.
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Par écriture du 7 octobre 2010, B.X.________, agissant par sa mère A.X.________, cette dernière et C.X.________ forment un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ils concluent à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que, principalement, le jugement de première instance est annulé et la cause renvoyée à un autre tribunal et, subsidiairement, ce jugement est réformé en ce sens que F.________, H.________ ainsi que G.________ sont reconnus coupables d'homicide par négligence et débiteurs d'indemnités pour tort moral en faveur des recourants. A titre subsidiaire, les recourants concluent à l'annulation de l'arrêt entrepris. En outre, ils demandent le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
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Considérant en droit:
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1.
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A.X.________, C.X.________ et B.X.________ sont respectivement la veuve et les enfants de la victime. Ayant été parties à la procédure cantonale, dans laquelle ils ont pris des conclusions civiles en réparation du tort moral, ils ont qualité pour recourir contre l'acquittement (art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF et art. 1 al. 2 et 37 al. 1 let. c de la loi fédérale du 23 mars 2007 sur l'aide aux victimes d'infractions [LAVI; RS 312.5], dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010).
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2.
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Dans le recours en matière pénale, les faits constatés par les autorités cantonales lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF). Il n'en va différemment que si le fait a été établi en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit essentiellement de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (cf. ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 313; sur la notion d'arbitraire, v. ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 s). Le Tribunal fédéral n'examine de tels griefs qu'autant qu'ils répondent aux exigences de motivation accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF et qu'ils ne sont pas purement appellatoires (cf. ATF 136 II 489 consid. 2.8 p. 494).
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2.1 A l'appui de leurs griefs, les recourants se fondent à plusieurs reprises sur des faits s'écartant de ceux retenus par les autorités cantonales. Ainsi invoquent-ils que l'entreprise E.________ SA ne s'est absolument pas souciée de la sécurité (Recours, p. 6), que D.X.________ devait "juger lui-même la situation, dans le stress, alors qu'il n'a pas été formé de manière adéquate et suffisante (l'intimé F.________ n'est lui-même au bénéfice d'aucune formation digne de ce nom)" (Recours, p. 13) ou encore l'omission constante de toute mesure de sécurité ainsi que l'absence de formation et de contrôle au sein de l'entreprise (Recours, p. 6 et 14). Ils s'appuient également sur les déclarations de F.________ durant l'enquête (Recours, p. 11). Les recourants ne démontrent pas, conformément aux exigences posées par l'art. 106 al. 2 LTF, en quoi l'autorité intimée aurait arbitrairement omis de prendre en compte ces faits. Ceux-ci ne peuvent par conséquent être pris en considération au stade du recours en matière pénale.
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2.2 Les recourants contestent ensuite qu'il était inévitable de laisser parfois des espaces entre les piles de dalles (Jugement du 20 mai 2010, p. 8 et 12; Arrêt, p. 4), invoquant que l'existence d'un tel espace serait contraire à l'art. 28 al. 1 OPA et à "toutes les dispositions qui en découlent" (Recours, p. 8, ch. 8). L'art. 28 al. 1 OPA est inapplicable au cas d'espèce (cf. infra consid. 4.3.1). L'invocation de la violation de "toutes les dispositions qui en découlent" ne satisfait quant à elle pas à l'exigence de motivation posée par l'art. 42 al. 2 LTF. Pour le surplus, les recourants se bornent à opposer leur propre appréciation des preuves à celle de l'autorité intimée dans une démarche appellatoire et partant irrecevable. Eût-il été recevable, ce grief aurait été infondé: du fait des mouvements de stock, notamment par l'enlèvement de dalles le matin même de l'accident, il est clair qu'un espace entre les piles de dalles ne pouvait être évité en tout temps (cf. Procès-verbal de I.________, lignes 48-50; Jugement du 20 mai 2010, p. 12).
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3.
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L'homicide par négligence, sanctionné par l'art. 117 CP, suppose la réalisation de trois conditions: une négligence, le décès d'une personne et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments. Si l'un de ces trois éléments fait défaut, le délit n'est pas réalisé.
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3.1 Pour qu'il y ait négligence, définie à l'art. 12 al. 3 CP, deux conditions doivent être remplies. En premier lieu, il faut que l'auteur ait violé les règles de la prudence, c'est-à-dire le devoir général de diligence institué par la loi pénale, qui interdit de mettre en danger les biens d'autrui pénalement protégés contre les atteintes involontaires (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262). L'auteur viole les règles de la prudence s'il omet, alors qu'il occupe une position de garant (art. 11 al. 2 et 3 CP) et que le risque dont il doit empêcher la réalisation vient à dépasser la limite de l'admissible, d'accomplir une action dont il devrait se rendre compte, de par ses connaissances et aptitude personnelles, qu'elle est nécessaire pour éviter un dommage (cf. ATF 136 IV 76 consid. 2.3.1 p. 79; 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64). Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut donc se demander si une personne raisonnable dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur pouvait prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements - question qui s'examine suivant la théorie de la causalité adéquate si l'auteur n'est pas un expert dont on pouvait attendre de meilleures prévisions - et, le cas échéant, quelles mesures cette personne pouvait prendre, compte tenu des connaissances qu'elle pouvait avoir au moment des faits, pour éviter la survenance du résultat (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262 et les arrêts cités). Dans les domaines d'activités régis par des dispositions légales, administratives ou associatives reconnues, destinées à assurer la sécurité et à éviter des accidents, le devoir de prudence comprend en particulier le respect de ces dispositions. La violation du devoir de prudence peut toutefois aussi être déduite des principes généraux, si aucune règle spéciale de sécurité n'a été violée (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64).
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En second lieu, pour qu'il y ait négligence, il faut que la violation du devoir de prudence soit fautive, c'est-à-dire que l'on puisse reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, une inattention ou un manque d'effort blâmable (ATF 134 IV 255 consid. 4.2.3 p. 262).
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3.2 Aux termes de l'art. 328 al. 2 CO, l'employeur prend, pour protéger la vie, la santé et l'intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l'expérience, applicables en l'état de la technique, et adaptées aux conditions de l'exploitation, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l'exiger de lui. L'étendue du devoir d'information et de prévention qui pèse sur l'employeur s'apprécie en premier lieu au regard des dispositions spéciales applicables, au nombre desquelles figurent les prescriptions de l'ordonnance du 19 décembre 1983 sur la prévention des accidents et des maladies professionnelles (OPA; RS 832.30).
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3.2.1 En vertu de l'art. 3 OPA, l'employeur est tenu de prendre, pour assurer la sécurité au travail, toutes les dispositions et mesures de protection qui répondent aux prescriptions de la présente ordonnance, aux autres dispositions sur la sécurité au travail applicables à son entreprise et aux règles reconnues en matière de technique de sécurité et de médecine du travail (al. 1). Il veille à ce que l'efficacité des mesures et des installations de protection ne soit pas entravée (al. 2). Selon l'art. 6 OPA, tous les travailleurs occupés dans l'entreprise doivent être informés des risques auxquels ils sont exposés dans l'exercice de leur activité et instruits des mesures à prendre pour les prévenir. Cette information et cette instruction doivent être dispensées lors de l'entrée en service ainsi qu'à chaque modification importante des conditions de travail. Elles doivent être répétées si nécessaires (al. 1). L'employeur veille à ce que les travailleurs observent les mesures relatives à la sécurité au travail (al. 3). L'art. 8 al. 1 1ère phrase OPA prévoit que l'employeur ne peut confier des travaux comportant des dangers particuliers qu'à des travailleurs ayant été formés spécialement à cet effet. Les objets et matériaux doivent quant à eux être transportés et entreposés de façon qu'ils ne puissent pas se renverser, tomber ou glisser et par là constituer un danger (art. 41 al. 1 OPA). Aux termes de l'art. 11 al. 1 OPA, le travailleur est tenu de suivre les directives de l'employeur en matière de sécurité au travail et d'observer les règles de sécurité généralement reconnues.
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3.2.2 La SUVA a édicté les Règles relatives à la manutention et au stockage de marchandises (règles SuvaPro n° 1791f, édition janvier 2005). Il en ressort notamment que l'empilage et le désempilage ne doivent se faire que par des personnes expérimentées ou sous surveillance (ch. 3.1). Personne ne doit être mis en danger par la chute ou le basculement d'objets (ch. 3.2). Enfin, les feuillards entreposés verticalement doivent être assurés contre leur basculement ou glissement ou contre le renversement des piles (ch. 4.6.1).
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3.2.3 La SUVA a également élaboré une liste de contrôle "entreposage et transport des dalles en pierres", référence 67129f. Selon cette liste, les râteliers doivent être conçus et installés de façon à permettre de choisir les dalles en pierre et de les élinguer en toute sécurité en vue de leur levage et de leur transport (entreposage des dalles avec une inclinaison de 10°; mise à disposition d'équipements servant à sécuriser les dalles et les pièces [cordes, sangles de fixation etc]; ch. 2 et 7, figures 1 et 2). Lors du prélèvement des plaques entreposées, il faut veiller à toujours éviter leur basculement ou leur chute et à ce que personne ne se trouve entre deux dalles (ch. 7). Enfin, le personnel doit être formé au port et levage corrects des charges et ce thème régulièrement abordé (ch. 14). Il doit également, au moins une fois par an, être sensibilisé aux dangers provenant des oublis, des habitudes et de la sous-estimation des risques (ch. 17).
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3.3 En l'espèce, G.________ et H.________ avaient, en leur qualité de dirigeants de l'entreprise, informé les travailleurs, la victime en particulier, de manière adéquate des risques encourus et de leur prévention. L'entreprise E.________ SA avait en outre formé durant trois mois D.X.________ à la manutention des plaques de pierre (Arrêt, p. 4). Au moment de l'accident, ce dernier travaillait depuis cinq ans à cette activité et était par conséquent expérimenté (Arrêt, p. 3 et 16). Il n'ignorait pas les risques inhérents à sa tâche (Arrêt, p. 4). De plus, il était unanimement décrit comme prudent, consciencieux et digne de confiance (Arrêt, p. 3).
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3.3.1 S'agissant du stockage des dalles, l'entreprise E.________ SA avait choisi de les entreposer sur des râteliers avec une inclinaison de 9°. Comme l'a indiqué l'expert en sécurité de la SUVA, l'inclinaison de 10°, prescrite par le chiffre 2 de la liste de contrôle, est une moyenne, si bien que l'inclinaison de 9° suffisait à garantir un stockage en sécurité (Arrêt, p. 16).
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3.3.2 La levée d'une dalle se trouvant à l'extrémité d'un râtelier, comme en l'espèce, impliquait quant à elle concrètement que cette dalle soit écartée de quelques centimètres afin de permettre l'insertion des chaînes en acier de suspension et, par conséquent, sa prise en charge par le portique de levage (Arrêt, p. 16 et pièce 10; art. 105 al. 2 LTF). La première partie de cette opération, soit l'écartement de la dalle, comportait le risque que l'inclinaison de la pierre soit réduite au point que celle-ci bascule en avant. Afin de l'éviter, une procédure de déplacement avait été mise en place au sein de l'entreprise: deux ouvriers se placent de chaque côté de la dalle. Ils écartent la base de celle-ci au moyen d'un levier et placent une cale dans l'interstice. Ils procèdent ensuite de la même manière pour la partie supérieure de la dalle. Enfin, ils glissent dans l'intervalle les chaînes ou les sangles permettant de soulever celle-ci (Jugement du 20 mai 2010, p. 8-9).
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3.3.3 Finalement, il était régulièrement répété aux employés manipulant les plaques, notamment à la victime (Arrêt, p. 9), de ne pas se tenir dans leur zone de basculement et de toujours travailler à deux lors de leur manutention. Ces injonctions avaient été répétées à la victime quelques heures avant l'accident par F.________, contremaître sous la supervision duquel D.X.________ travaillait depuis trois ans.
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3.3.4 Un expert en sécurité de la SUVA, spécialiste indépendant (Arrêt, p. 17), a établi un rapport après l'accident. Dans celui-ci, il a constaté que les plaques étaient stockées correctement de manière générale et n'a préconisé aucune mesure particulière pour éviter un nouvel accident (Arrêt, p. 3). Entendu comme témoin, cet expert a confirmé son avis (Arrêt, p. 17) et indiqué que le système choisi par l'entreprise ne nécessitait pas de dispositif technique de sécurité particulier pour empêcher le basculement, tel que l'apport de sangles, de cordes ou d'autres moyens (Arrêt, p. 4). Il a répété que "la seule mesure de sécurité consiste à éviter la zone dangereuse dans laquelle la plaque pourrait se renverser" (Arrêt, p. 4) et que les avertissements oraux du contremaître constituaient des "mesures idoines" (Arrêt, p. 3). En 2009, la SUVA a à nouveau inspecté l'entreprise, qui n'avait dans l'intervalle pas modifié sa manière de stocker les plaques de pierre. La SUVA n'a émis aucune critique à l'encontre du mode de stockage ou de la manière dont les dalles étaient manipulées (Arrêt, p. 3 et 17).
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3.4 Au vu des mesures prises, on ne peut reprocher aux intimés de violation des différentes dispositions légales et réglementaires applicables. Les intimés ont en effet formé de manière suffisante la victime à la manutention des dalles. Ils l'ont en particulier rendue attentive au risque de basculement existant, dont elle était consciente. Ils lui ont en outre correctement rappelé, et ce à chaque fois que cela était nécessaire, les mesures simples permettant d'éviter la réalisation de ce risque. Cela a, en particulier, été fait par le contremaître de la victime quelques heures avant l'accident. Le fait que le contremaître rappelle à la victime ces consignes lorsqu'il constatait des manquements (Arrêt, p. 4) démontre que cette dernière était surveillée. Enfin, en enjoignant aux employés de travailler à deux, l'entreprise s'assurait d'une vigilance réciproque des ouvriers.
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Compte tenu des avis émis par la SUVA et ses experts, on ne saurait non plus faire aux intimés de reproche dans la manière dont étaient organisés le stockage et la manipulation des pierres. La procédure adoptée par l'entreprise garantissait en effet, si elle était respectée par les employés, que les dalles soient, tant en position de stockage que lors de leur manipulation, inclinées vers le râtelier tout proche. De la sorte, elles ne pouvaient, sauf à être tirées en avant, tomber ou basculer et causer un dommage.
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3.5 Pour le surplus, une violation du devoir de prudence ne peut être retenue à l'encontre d'une personne que si celle-ci pouvait prévoir le déroulement des évènements (cf. supra consid. 3.1).
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En l'espèce, il aurait fallu que les intimés anticipent que la victime, ouvrier formé à la manutention des dalles, expérimenté et conscient des dangers, décide, quelques heures après qu'on lui eut rappelé personnellement de ne travailler qu'à deux et de ne pas se placer dans la zone de basculement des plaques, premièrement de manipuler seul une dalle, deuxièmement de ne pas respecter la procédure imposant de se positionner, non pas dans cette zone, mais sur les côtés de la dalle et troisièmement de tirer celle-ci vers lui d'une main pendant que de l'autre il essayait d'insérer une cale de sagex. Il a certes été retenu que D.X.________ a été surpris à plusieurs occasions à vouloir travailler seul (Arrêt, p. 17). Du fait toutefois que ce dernier était une personne prudente, consciencieuse et digne de confiance (Arrêt, p. 3) et que les mesures permettant d'éviter un accident en cas de basculement des dalles lui avaient été rappelées le matin même, il ne peut être fait grief aux intimés de n'avoir pas anticipé qu'il violerait quelques heures après l'ensemble des mesures mises en place pour éviter la réalisation du risque. Dès lors, les intimés ne peuvent se voir reprocher de n'avoir pas pris de mesures complémentaires pour éviter sa survenance.
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4.
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Les recourants soutiennent toutefois que plusieurs mesures imposées par le droit fédéral auraient dû être prises et que l'omission de ces mesures se trouverait dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec le décès de D.X.________.
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4.1 En cas d'omission, la question de la causalité ne se présente pas de la même manière qu'en cas de commission. L'omission d'un acte est en relation de causalité naturelle avec le résultat de l'infraction présumée si l'accomplissement de l'acte eût empêché la survenance de ce résultat avec une vraisemblance confinant à la certitude ou, du moins, avec une haute vraisemblance (ATF 116 IV 306 consid. 2a p. 310). L'omission est en relation de causalité adéquate avec le résultat si l'accomplissement de l'acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, évité la survenance de ce résultat (ATF 117 IV 130 consid. 2a p. 133; également arrêt 6B_908/2009 du 3 novembre 2010 consid. 7.1.2, non publié in ATF 136 IV 188).
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4.2 Les recourants semblent tout d'abord reprocher aux intimés une violation de l'art. 6 al. 3 OPA du fait de l'absence d'un concept général de sécurité, de la méconnaissance par les intimés de la liste de contrôle de la SUVA ou encore de l'absence de consigne écrite. Ils estiment également que l'entreprise aurait dû faire appel à des spécialistes de la sécurité au travail au sens de l'art. 11a OPA.
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4.2.1 L'art. 6 al. 3 OPA n'est pas, comme le soutiennent les recourants, violé du seul fait qu'un accident s'est produit. En l'espèce, cette disposition a été respectée par les intimés (cf. supra consid. 3.4).
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4.2.2 Pour le surplus, les recourants n'explicitent pas en quoi la prise de l'une ou l'autre des mesures qu'ils invoquent aurait permis d'éviter, ce au moins avec une haute vraisemblance, la survenance de l'accident. Le matin même de l'accident, le supérieur de la victime, sous la supervision duquel elle travaillait depuis plusieurs années, lui avait rappelé les consignes précises dont le respect permettait d'éviter la survenance d'un risque bien délimité. On ne voit pas que l'appel à un spécialiste de la sécurité au sens de l'art. 11a OPA, la mise sur pied d'un concept général de sécurité ou la mise par écrit de consignes, aurait changé quoi que ce soit au déroulement des évènements. En particulier, il n'apparait pas avec une haute vraisemblance que la prise de l'une ou l'autre de ces mesures eut conduit à un changement de comportement de la victime ce matin-là. L'omission de l'une ou l'autre de ces mesures, pour peu qu'elles aient pu être exigées des intimés, ne se trouve par conséquent pas dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec la lésion. Elle ne saurait dès lors fonder la responsabilité des intimés.
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4.3 Les recourants invoquent ensuite la violation des art. 28 et 41 al. 1 OPA ainsi que des ch. 3.2 des règles SuvaPro 1791f et 7 de la liste de contrôle, au motif que les intimés n'auraient pas empêché l'accès à la zone dangereuse, voire supprimé celle-ci.
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4.3.1 L'art. 28 al. 1 OPA impose de munir les équipements de travail comportant des éléments en mouvement de dispositifs de protection appropriés empêchant l'accès dans la zone dangereuse où se trouvent ces éléments. Cette disposition vise les outils en mouvement, notamment les mèches, lames de scie, couteaux circulaires, disques à meuler et bandes abrasives (Directive de la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail, no 6512, Équipements de travail, édition octobre 2001, ch. 8.2, p. 17). Elle n'est pas applicable au cas d'espèce, soit au déplacement manuel d'une dalle.
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4.3.2 L'art. 41 al. 1 OPA impose de transporter et d'entreposer les objets et matériaux de façon qu'ils ne puissent pas se renverser, tomber ou glisser et par là constituer un danger. La chute de la dalle sur la victime n'est pas due à une violation par les intimés de cette obligation, mais au fait que les mesures mises en place par eux, suffisantes pour éviter la chute d'une dalle sur l'ouvrier la manipulant (cf. supra consid. 3.4), n'ont pas été respectées par la victime.
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4.3.3 Les recourants estiment qu'un système de stockage avec des barres verticales fixées au sol dans des encoches aurait suffi à éviter le basculement. La pratique, confirmée par l'expert en sécurité SUVA, admet deux systèmes: le stockage entre des barres métalliques (liste de contrôle, figure 1) ou celui sur des plans inclinés (liste de contrôle, figure 2). L'entreprise E.________ SA a choisi le deuxième, qui a été qualifié de conforme par l'expert (Arrêt, p. 4). Les intimés ne sauraient dès lors se voir reprocher de n'avoir pas, en plus de la pose des dalles sur des plans inclinés, également fixé ces dalles par des barres ou des sangles (Arrêt, p. 4 et 16).
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4.3.4 Pour le surplus, aucune disposition légale ou règlementaire n'interdit de laisser un espace, même conséquent, entre les piles de dalles stockées sur des plans inclinés (Arrêt, p. 3 concernant la liste de contrôle), ni n'impose de limiter l'accès à cette zone par des dispositifs de sécurité. Au contraire, la figure 31, p. 23 des règles SuvaPro n° 1791f, illustrant un entreposage de marchandises, montre un espace libre, dont l'accès ne semble pas limité, devant un râtelier au plan incliné, chargé de matériel. La figure 4 de la liste de contrôle indique quant à elle "l'homme est en dehors de la zone dangereuse", preuve encore que si la liste imposait que personne ne se trouve dans la zone dangereuse, elle n'interdisait pas l'existence d'une telle zone, dont l'étendue variait selon le nombre de dalles entreposées. La zone présentée sur la photo n'est en outre délimitée par aucun dispositif.
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4.3.5 De surcroît, dans la mesure où il est inévitable qu'un espace existe entre des piles de dalles (Arrêt, p. 4), il ne saurait être reproché aux intimés d'avoir laissé un tel espace. Le principe de prudence n'impose en outre de prendre des mesures que si le risque admissible est dépassé et sa survenance prévisible. Tel n'est pas le cas d'un risque de chute, dans un espace se trouvant clairement devant une pile de dalles lourdes stockées de manière stable, et pour lesquelles les personnes autorisées à être à proximité ont été avisées de ce danger lors de la manipulation et donc du fait qu'il ne fallait pas, durant cette manoeuvre, se trouver dans la zone de basculement des plaques. Cette appréciation est appuyée par l'expert en sécurité SUVA, qui, s'il a certes indiqué qu'il "aurait fallu éviter un espace tel que celui où s'est produit l'accident", n'a préconisé, ni en 2007, ni lors d'un autre contrôle en 2009, la suppression de cet espace ou la pose d'un système permettant d'en limiter l'accès (Arrêt, p. 3).
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4.4 Finalement, les recourants estiment que le fait que les interdictions étaient répétées prouve leur inefficacité. La répétition régulière des mesures visant à assurer le levage correct de charges est prescrite par l'art. 6 al. 1 OPA et les ch. 14 et 17 de la liste de contrôle. On ne saurait dès lors y voir l'inefficacité de ces mesures.
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4.5 Enfin, les recourants invoquent plusieurs arrêts. L'ATF 112 II 138 rappelle que l'employeur doit compter dans la prévention des accidents, avec ceux que l'on peut prévoir selon le cours ordinaire des choses, eu égard à l'inattention, voire à l'imprudence de l'employé. En l'espèce, les intimés ont pris des mesures propres à éviter un dommage en cas de basculement. C'est la victime, consciente de ce risque et de ces mesures, qui en faisant exactement l'inverse de ce que son employeur venait de lui interdire de faire, a causé le dommage de manière imprévisible. Dans ces circonstances les recourants ne peuvent rien déduire en leur faveur de l'ATF 112 II 138. L'ATF 72 II 255, traitant d'un cas où l'employé n'avait pas du tout été surveillé, n'est non plus d'aucun secours aux recourants, au vu notamment de la supervision de la victime assurée par F.________ et de la formation dont celle-ci avait profité (cf. supra consid. 3.3). Il en est de même de l'ATF 112 IV 4, rappelant l'obligation de surveillance de l'employeur, obligation ici respectée.
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Ce dernier devoir ne saurait en revanche imposer aux intimés de vérifier, quelques heures après avoir rappelé plusieurs interdictions, que D.X.________, personne prudente et expérimentée, les respectait. Au contraire et conformément au principe de la confiance (cf. ATF 127 IV 34 consid. 3a p. 42; 125 IV 83 consid. 2b p. 87 s), les intimés pouvaient partir de l'idée que D.X.________ effectuerait sa tâche en respectant les mesures de sécurité imposées dans l'entreprise. On ne peut dès lors leur reprocher de n'avoir pas vérifié en tout temps que D.X.________ respectait les instructions qui lui avaient été données.
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5.
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L'autorité intimée a ainsi à juste titre considéré qu'aucune violation du devoir de prudence n'était imputable aux intimés qui ne pouvaient, pour ce motif déjà, être considérés comme coupables d'homicide par négligence. Dans ces circonstances, point n'est besoin d'examiner les autres conditions posées par l'art. 117 CP, notamment la qualité de garant des intimés ou l'existence d'un rapport de causalité naturelle et adéquat.
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6.
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Les recourants succombent. Leurs conclusions étaient d'emblée dénuées de chances de succès. L'assistance judiciaire doit leur être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Les recourants supportent les frais de la cause qui seront fixés en tenant compte de leur situation financière qui n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens aux intimés, qui n'ont pas été amenés à se déterminer sur le recours.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours de A.X.________, C.X.________ et B.X.________ est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2.
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L'assistance judiciaire est refusée.
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3.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 1'600 francs, sont mis à la charge des recourants, solidairement.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de cassation pénale du canton de Vaud.
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Lausanne, le 4 avril 2011
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: La Greffière:
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Favre Cherpillod
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