Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
2C_628/2010
2C_645/2010
Arrêt du 28 juin 2011
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Zünd, Président,
Seiler, Aubry Girardin, Donzallaz et Stadelmann.
Greffier: M. Chatton.
Participants à la procédure
2C_628/2010
Administration cantonale des impôts
du canton de Vaud,
route de Berne 46, 1014 Lausanne,
recourante,
contre
X.________ SA,
représentée par Me Eric Stauffacher, avocat,
intimée,
et
2C_645/2010
X.________ SA,
représentée par Me Eric Stauffacher, avocat,
recourante,
contre
Administration cantonale des impôts
du canton de Vaud,
route de Berne 46, 1014 Lausanne,
intimée.
Objet
Impôts cantonal et communal sur le bénéfice et le
capital 2001 et 2002; amortissements de prêts accordés,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal
du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 16 juin 2010.
Faits:
A.
Inscrite au registre du commerce depuis le *** 1983, X.________ SA (ci-après : la Société), dont le siège est à A.________ (VD), a pour but l'importation, l'exportation et le commerce de tous produits finis, semi-finis et matières premières en relation avec toute activité commerciale. Elle a pour administrateur et actionnaire unique B.________.
En 1990 et 1991, la Société a accordé plusieurs prêts à C.________, ferblantier-couvreur, et à D.________, désormais à la retraite, qui a exercé la profession de créateur de parfums indépendant. Au 31 décembre 1995, le solde débiteur de C.________ s'élevait à 59'472 fr. 70 et le solde débiteur de D.________ à 63'680 fr.
Après avoir été enregistrés sous le compte privé actionnaire de B.________, ces prêts ont été extournés dans le compte débiteurs commerciaux de la Société, puis, dès le 1er janvier 1992, dans deux comptes intitulés respectivement débiteur C.________.7 et débiteur D.________.4. A partir de 1995, plus aucun intérêt n'a été comptabilisé, la Société considérant que ces deux débiteurs étaient "insolvables".
En 2001, la Société a amorti entièrement la dette de C.________ et, en 2002, celle de D.________.
B.
Par trois décisions de taxation du 25 mars 2003 portant respectivement sur les périodes fiscales 1999 à 2001, l'Office d'impôt des personnes morales du canton de Vaud (ci-après: l'Office d'impôt) a modifié les déclarations de la Société en ajoutant notamment un intérêt global sur les comptes courant débiteurs D.________ et C.________ au motif que ces prêts n'avaient pas été accordés en raison de relations commerciales. Pour le même motif, l'Office d'impôt a refusé l'amortissement sur le prêt accordé à C.________ d'un montant de 59'473 fr. en 2001.
Par décision de taxation du 28 novembre 2007 relative à la période fiscale 2002, l'Office d'impôt a modifié la déclaration de la Société en refusant en particulier l'amortissement sur le prêt accordé à D.________ d'un montant de 63'680 fr. au motif qu'il s'agissait d'un prêt à l'actionnaire.
La Société a formé réclamation à l'encontre des décisions de taxations des 25 mars 2003 et 28 novembre 2007. Par décision sur réclamation du 25 mars 2009 concernant l'impôt cantonal et communal (ICC) et l'impôt fédéral direct (IFD), l'Administration cantonale des impôts (ci-après: l'Administration cantonale) a partiellement admis les réclamations portant sur les périodes fiscales 1999, 2000 et 2001, dans la mesure où elle a annulé la reprise des intérêts sur les prêts durant ces périodes. Elle a en revanche confirmé le refus de tenir compte des amortissements sur les prêts accordés à C.________ et à D.________.
Le 14 mai 2009, la Société a interjeté recours à l'encontre de la décision du 25 mars 2009 auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après: le Tribunal cantonal). Par arrêt du 16 juin 2010, le recours a été déclaré irrecevable en ce qu'il concernait l'impôt fédéral direct, dès lors qu'il avait été déposé tardivement, les féries judiciaires de droit cantonal n'étant pas applicables pour cette catégorie d'impôt. En matière d'impôts cantonal et communal, le recours a été admis s'agissant des périodes fiscales 2001 et 2002, les amortissements des prêts survenus ces deux années devant être mis en compte. Partant, pour la période fiscale 2001, le bénéfice imposable a été fixé à 23'900 fr. (soit 83'418 fr. moins 59'473 fr. correspondant à l'amortissement du prêt consenti à C.________) et le capital imposable à 94'000 fr. (soit 153'906 fr. moins 59'473 fr.). Pour la période fiscale 2002, le bénéfice imposable a été fixé à 69'700 (soit 133'469 fr. moins 63'680 fr. correspondant à l'amortissement du prêt consenti à D.________) et le capital imposable à 160'000 fr. (soit 283'775 fr. moins 59'473 fr. et 63'680 fr.).
C.
La Société interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal du 16 juin 2010 en concluant à sa réforme en ce qui concerne l'IFD (cause 2C_645/2010). Elle demande que, pour la période fiscale 2001, son bénéfice imposable soit fixé à 23'900 fr. et son capital imposable à 94'000 fr. et, pour la période fiscale 2001, à ce que son bénéfice imposable soit fixé à 69'700 fr. et son capital imposable à 160'000 fr. A titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
L'Administration cantonale propose le rejet du recours, à l'instar de l'Administration fédérale des contributions. Quant au Tribunal cantonal, il renonce à se déterminer, se référant à son arrêt.
D.
A l'encontre de l'arrêt du 16 juin 2010, l'Administration cantonale forme également un recours en matière de droit public (cause 2C_628/2010). Elle conclut à son annulation en ce qu'il concerne l'ICC, et à ce que la déduction dans le bénéfice imposable de la Société des amortissements de 59'473 fr. et de 63'680 fr. opérés en 2001 et 2002 soit refusée, ce qui entraîne la confirmation de sa décision sur opposition du 25 mars 2009 en matière d'ICC.
Dans sa réponse, la Société conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt du 16 juin 2010 s'agissant de l'ICC. L'Administration fédérale des contributions déclare s'en rapporter à justice. Le Tribunal cantonal propose le rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
L'arrêt du 16 juin 2010 a fait l'objet d'un recours tant de la part de la Société que de l'Administration cantonale. Bien que les griefs ne se recoupent pas (la Société s'en prend seulement au refus d'entrer en matière s'agissant de l'IFD, alors que l'Administration cantonale conteste l'ICC), ils se réfèrent au même complexe de faits et sont dirigés contre le même acte. Partant, il se justifie de joindre les causes 2C_628/2010 et 2C_645/2010 et de statuer sur les deux recours dans un seul arrêt (art. 71 LTF et 24 al. 2 let. b de la loi de procédure civile fédérale du 4 décembre 1947 [PCF; RS 273]).
2.
2.1 L'acte entrepris concerne à la fois l'impôt fédéral direct et l'impôt cantonal harmonisé, mais avec une motivation et un dispositif séparés, ce qui est admissible (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262). Pour ces deux catégories d'impôts, la voie du recours en matière de droit public est ouverte (art. 82 ss LTF; art. 73 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes [LHID; RS 642.14] et art. 146 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11]). Partant, dirigés contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue dans une cause de droit public par une autorité judiciaire cantonale supérieure de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), les recours formés par la Société, qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, et par l'Administration cantonale, qui est légitimée à agir sur la base de l'art. 89 al. 2 let. d LTF en relation avec l'art. 73 al. 2 LHID, sont en principe recevables, dès lors qu'ils ont été formés en temps utile ( art. 46 al. 1 let. b et 100 LTF ), et dans les formes requises (cf. art. 42 LTF).
2.2 Il convient toutefois de formuler une réserve s'agissant du recours de la Société. Comme l'arrêt attaqué se limite à déclarer irrecevable son recours formé sur le plan cantonal en matière d'IFD, la Société ne peut, devant le Tribunal fédéral, que remettre en cause le refus d'entrer en matière, mais non pas contester le fond (arrêt 2C_239/2010 du 30 juin 2010 consid. 1.3). Dans la mesure où, parallèlement à la question de la recevabilité, elle présente aussi une argumentation et des conclusions portant sur son imposition en matière d'IFD, celles-ci ne sont pas recevables.
I. Impôt fédéral direct
3.
La Société reproche au Tribunal cantonal d'avoir déclaré son recours tardif en matière d'IFD au motif que la suspension des délais pendant les féries prévue sur le plan cantonal et applicable à l'ICC ne valait pas en matière d'impôt fédéral direct. Elle soutient en substance que les juges cantonaux se sont fondés sur des arrêts qui ne peuvent être transposés dans la présente cause. Au demeurant, il se justifierait de modifier la jurisprudence, car elle a pour résultat d'aller à l'encontre d'une harmonisation des règles de procédure en matière d'IFD et d'ICC. La LIFD comporterait ainsi, s'agissant de la suspension des délais, une lacune proprement dite qu'il conviendrait de combler.
3.1 Il ressort de l'art. 140 al. 1 LIFD que le contribuable dispose d'un délai de 30 jours pour s'opposer à la décision sur réclamation auprès de l'instance de recours prévue par le droit cantonal (cf. HUGO CASANOVA, Commentaire LIFD, Bâle 2008, N 4 ad art. 140). La façon de calculer les délais est fixée à l'art. 133 LIFD (cf. art. 140 al. 4 et 145 al. 2 LIFD); une suspension des délais durant les féries n'est cependant pas prévue par cette loi (cf., entre autres, RICHNER/ FREI/KAUFMANN/MEUTER, Handkommentar zum DGB, 2e éd. Zurich 2009, N 6 ad art. 133 LIFD).
3.2 Selon le droit cantonal, les délais pour recourir au Tribunal cantonal vaudois ne courent pas du septième jour avant Pâques au septième jour après Pâques inclusivement (cf. art. 96 al. 1 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative; LPA/VD; RS/VD 173.36). Cette disposition s'applique en matière d'ICC en vertu du renvoi prévu à l'art. 199 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI/VD; RS/VD 642.11), mais aucune disposition ne prévoit qu'elle vaut aussi pour l'IFD.
3.3 La jurisprudence a toujours indiqué que l'art. 133 LIFD était exhaustif et ne laissait aucune place à l'application des dispositions cantonales de procédure prévoyant des féries en matière d'impôts cantonal et communal (cf. arrêts 2C_331/2008 du 27 juin 2008 consid. 1; 2A.70/2006 du 15 février 2006 consid. 3; 2A.474/2003 du 18 décembre 2003, in: RF 59/2004 p. 140, consid. 2.2 et les arrêts cités). Il est vrai que, pour les périodes fiscales à partir du 1er janvier 2001, la LHID commande aux cantons de concrétiser l'harmonisation fiscale consacrée à l'art. 129 Cst., s'agissant notamment des impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes (harmonisation verticale), ce qui implique de mettre en place des dispositions assurant une certaine cohérence et coordination entre les règles cantonales de procédure en matière d'IFD et d'ICC (ATF 130 II 65 consid. 5.2 p. 72 ss). Or, l'existence de délais de recours différents en fonction de ces deux catégories d'impôts va à l'encontre de ces exigences d'harmonisation (cf. arrêt 2A.70/2006 précité consid. 3). Dans un arrêt récent rendu le 11 novembre 2010 (cf. cause 2C_503/2010), la Cour de céans a traité d'une affaire similaire au cas d'espèce, dans laquelle un contribuable ayant obtenu gain de cause en matière d'ICC se plaignait que son recours avait été déclaré irrecevable s'agissant de l'IFD en raison de sa tardiveté. Le Tribunal fédéral a indiqué que désormais la LHID commandait aux cantons de concrétiser l'harmonisation de la procédure exigée par l'art. 129 al. 1 Cst. Jusqu'à présent, la jurisprudence avait laissé ouverte la question de savoir comment les cantons devaient harmoniser les règles s'agissant des délais, car les litiges se rapportaient à des périodes antérieures à 2001 (cf. arrêt 2A.70/2006 du 15 février 2006 consid. 3). Tout en soulignant qu'il serait peu conforme avec l'exigence d'harmonisation que chaque canton adopte son propre système, la Cour de céans a toutefois indiqué qu'elle n'avait pas à trancher sur la méthode à adopter par les cantons. En effet, le recourant exigeait, en l'absence de disposition spécifique, l'application à l'IFD des règles de procédure cantonales concernant la suspension des délais pendant les féries valables en matière d'ICC. Une telle solution comportait précisément le risque d'accroître la disparité des règles de procédure que le principe d'harmonisation cherchait à éviter et ne correspondait pas au droit fédéral (cf. arrêt 2C_503/2010 du 11 novembre 2010 consid. 2.3 in fine).
3.4 En l'occurrence, il n'y a pas lieu de s'écarter de l'arrêt précité. En effet, l'ordre juridique cantonal vaudois n'a pas adopté de disposition spécifique prévoyant une application harmonisée des règles sur les délais en matière d'ICC et d'IFD.
3.5 L'avocat de la Société soutient encore, sans du reste invoquer la violation d'une quelconque disposition légale, que même pour un mandataire professionnel, il est extrêmement difficile de distinguer entre deux types de règles procédurales différentes applicables en présence d'une même décision portant sur les deux impôts.
Une telle critique n'est pas pertinente. Le fait qu'une seule décision ait été rendue en matière d'ICC et d'IFD n'est pas exceptionnel (cf. ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 p. 262 s.). La décision sur réclamation indiquait qu'elle pouvait faire l'objet d'un recours dans les trente jours suivant la communication de la décision attaquée, sans faire référence à d'éventuelles féries, de sorte qu'elle n'était pas de nature à induire l'avocat en erreur. Quoi qu'il en soit, on peut attendre d'un mandataire professionnellement qualifié qu'il connaisse les règles de procédure applicables. Lorsque le droit fédéral contient, à l'art. 133 LIFD, une disposition détaillée et complète concernant le calcul des délais sans prévoir de suspension pendant les féries, un représentant avisé peut sérieusement en inférer qu'à défaut de disposition similaire à l'art. 199 LI/VD pour l'ICC, les délais continuent à courir pour l'IFD. A tout le moins, s'il a un doute, il doit consulter la jurisprudence et la doctrine à ce sujet, ce qui l'aurait renseigné correctement (cf. arrêt 2C_331/2008 précité consid. 2).
3.6 Il convient au surplus de relever que l'erreur concernant le calcul du délai est une erreur de droit qui ne constitue en principe pas un cas d'empêchement au sens de l'art. 133 al. 3 LIFD (cf. arrêt 2A.70/2006 précité consid. 4).
3.7 La société recourante devait donc déposer son recours, en tant qu'il concernait l'IFD, dans un délai de 30 jours dès la notification de la décision sur réclamation du 25 mars 2009. Cette dernière lui ayant été notifiée le 30 mars 2009, le recours déposé le 14 mai 2009 était tardif. Partant, en déclarant le recours de la Société irrecevable en matière d'IFD, le Tribunal cantonal n'a pas violé le droit fédéral.
II. Impôts cantonal et communal
4.
En relation avec l'ICC, l'Administration cantonale invoque une violation des règles comptables, du principe de la périodicité et se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits, grief qu'il convient d'examiner en premier lieu.
Il sied de préciser que si l'Administration cantonale avait initialement considéré que les prêts accordés aux débiteurs D.________ et C.________ devaient être qualifiés de prêts d'actionnaires, elle ne remet plus en cause, dans le cadre du présent recours, la nature commerciale desdits prêts. Cette problématique ne sera donc pas revue par le Tribunal fédéral.
5.
5.1 Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente, sauf si ceux-ci ont été retenus de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire: ATF 134 V 53 consid. 4.3 p. 63 - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (cf. art. 105 al. 1 et 2 LTF ) et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Lorsque le recourant entend s'en prendre aux faits ressortant de l'arrêt attaqué, il doit établir de manière précise la réalisation de ces conditions. A défaut, il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait divergent de celui qui est contenu dans l'acte attaqué. En particulier, le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 136 II 101 consid. 3 p. 104 s. et les arrêts cités).
5.2 Selon l'arrêt attaqué, la Société avait des raisons d'amortir les prêts en 2001 et 2002. Les juges cantonaux ont sur ce point tenu pour convaincantes les deux explications fournies par la recourante. Il en résulte que d'une part, la Société avait conservé jusqu'en 2001 et 2002 l'espoir de récupérer le montant en capital de ses prêts, même si elle n'avait plus calculé d'intérêt depuis 1995, puisque C.________ et D.________ étaient désormais "insolvables". D'autre part, elle avait convenu avec l'Administration cantonale d'attendre la fin de la procédure de recours concernant la taxation pour les périodes 1993 et 1994 pour décider de la manière dont elle devait traiter lesdits prêts sur les plans comptable et fiscal. Dans son recours, l'Administration cantonale conteste ces deux éléments.
5.2.1 S'agissant en premier lieu du fait que la Société avait gardé jusqu'en 2001 et 2002 l'espoir de récupérer le montant en capital de ces prêts, l'Administration cantonale forme des critiques avant tout appellatoires, opposant sa propre appréciation à celle du Tribunal cantonal, mais sans soutenir ni expliquer en quoi l'arrêt attaqué serait manifestement inexact ou arbitraire, ce qui n'est pas admissible.
Dans le cadre de son pouvoir d'examen, le Tribunal fédéral peut toutefois corriger lui-même d'office une constatation de fait qui serait manifestement inexacte (cf. art. 105 al. 2 LTF). Il faut sur ce point concéder à l'Administration recourante que l'arrêt attaqué n'est pas très clair quant à la situation des deux débiteurs de la Société et qu'il contient des constatations qui peuvent paraître contradictoires. Ainsi, il est indiqué que, depuis 1995, la Société a cessé de comptabiliser des intérêts sur les deux prêts, en raison de l'insolvabilité des deux débiteurs. Les juges cantonaux ont néanmoins considéré comme convaincante l'explication de la Société selon laquelle elle avait gardé espoir jusqu'en 2001-2002 de récupérer le capital prêté. La contradiction vient du fait que, au sens juridique, l'insolvabilité suppose que le débiteur se trouve dans une incapacité durable de faire face à ses engagements (cf. ATF 122 III 133 consid. 4b p. 136; arrêt 2C_709/2008 du 2 avril 2009 consid. 4.2; NICOLAS JEANDIN, Défaillance, réalisation, insolvabilité: enseignements pour le droit suisse, in: Réforme des sûretés mobilières [Bénédict Foëx/Luc Thévenoz/Spiros V. Bazinas (éds)], Zurich/Bâle/Genève 2007, p. 125 ss, 135). Dans un tel cas, le créancier ne saurait garder espoir de récupérer les montants dus. Cette distinction a des incidences comptables et fiscales, dès lors qu'une insolvabilité avérée ou des difficultés financières passagères ne sont pas traitées de la même façon (cf. infra consid. 6.4.1). Il convient donc d'examiner si la version retenue par les juges cantonaux, selon laquelle la Société espérait jusqu'en 2001-2002 récupérer les montants, est soutenable.
Il ressort du dossier que, lorsque la Société a utilisé le terme "insolvables" pour qualifier ces deux débiteurs, elle n'envisageait pas la notion juridique telle que définie ci-avant, mais voulait exprimer l'idée que ceux-ci rencontraient des difficultés de liquidités passagères. Ainsi, tout en relevant que ses deux débiteurs étaient "criblés de dettes", elle a plusieurs fois répété qu'elle gardait espoir de récupérer tout ou partie de ses créances, évoquant notamment sa volonté de venir en aide à ses débiteurs afin de leur permettre de maintenir leurs relations d'affaires et, pour C.________, d'honorer les travaux en cours. Ces éléments permettent d'en conclure que l'arrêt attaqué a utilisé de façon maladroite les termes "insolvable" ou "insolvabilité", alors que, en réalité, il fallait comprendre que les deux débiteurs étaient depuis 1995 en proie à des difficultés de trésorerie. Dans ce contexte, la constatation selon laquelle la Société avait, avant 2001-2002, gardé l'espoir de récupérer les montants que lui devaient les deux débiteurs, n'est pas manifestement inexacte ou arbitraire.
5.2.2 L'Administration cantonale reproche au Tribunal cantonal d'avoir retenu de manière insoutenable qu'elle avait convenu avec la Société d'attendre la fin de la procédure de recours concernant la taxation relative aux périodes 1993 et 1994 pour décider de la manière dont elle devait traiter les prêts accordés à D.________ et C.________ sur les plans comptable et fiscal.
Premièrement, l'arrêt attaqué n'a pas expressément constaté qu'un accord entre la société et l'Administration cantonale avait été conclu, mais a considéré les explications de la Société pour justifier les amortissements enregistrés en 2001 et 2002 comme convaincantes. Deuxièmement, l'Administration perd de vue que cet accord a non seulement été mentionné par le représentant de la Société entendu par les juges cantonaux lors de l'audience du 25 mars 2010, mais qu'un courrier du 11 janvier 2000 de la Fiduciaire de la Société en fait également état (cf. arrêt attaqué, p. 14). Or, l'Administration cantonale ne démontre nullement qu'il était insoutenable, sur cette base, de se fonder sur l'existence d'un tel accord. Ainsi, le fait qu'elle ait écrit à la Société en 1996 pour lui dire qu'elle refuserait toute perte sur ces prêts n'est pas incompatible avec la conclusion d'un accord à ce sujet quelques mois plus tard. Certes, les parties ne se sont pas référées à cet accord ultérieurement, mais on ne perçoit pas vraiment quelle en aurait été la nécessité avant les amortissements comptabilisés en 2001 et 2002. Enfin, selon les constatations cantonales, la procédure de recours dont les parties avaient décidé d'attendre l'issue s'était prolongée par une requête à la Cour européenne des droits de l'Homme en 2000. Sur la base de ces éléments, on ne voit pas que l'arrêt attaqué serait manifestement inexact lorsqu'il donne crédit à l'explication de la société recourante selon laquelle elle avait attendu 2001 et 2002 pour procéder aux amortissements en raison de l'accord précité.
5.3 Les critiques concernant les faits étant infondées, la Cour de céans se prononcera sur les griefs relevant du droit en se fondant sur les constatations figurant dans l'arrêt attaqué, telles que complétées précédemment (consid. 5.2.1).
6.
L'Administration cantonale soutient que, dès 1992, la Société aurait dû constater un risque de perte sur ses créances envers C.________ et D.________ et enregistrer des corrections de valeur, en particulier créer des provisions; en tous les cas, elle aurait dû le faire en 1995, année où elle a reconnu que ses débiteurs étaient "insolvables". En omettant de procéder à des corrections de valeur, la Société avait violé le droit comptable, de sorte que ses comptes n'étaient plus opposables aux autorités fiscales. Partant, le fisc n'avait pas à tenir compte des deux amortissements intervenus des années plus tard. L'Administration cantonale invoque au surplus une violation du principe de la périodicité, dès lors que la Société a grevé les exercices 2001 et 2002 de charges concernant les exercices antérieurs.
6.1 Selon l'art. 92 al. 1 LI/VD, les personnes morales sont soumises à un impôt sur le bénéfice et sur le capital. L'art. 94 al. 1 LI/VD prévoit que le bénéfice net imposable comprend le solde du compte de résultat (let. a) et tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial, avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l'usage commercial, tels que, notamment, les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial (cf. let. b). A contrario, les amortissements et les provisions justifiés par l'usage commercial peuvent être déduits fiscalement (cf. arrêt 2C_895/2008 du 9 juin 2009 consid. 2.1). L'art. 94 al. 1 let. a et b LI/VD correspond à l' art. 58 al. 1 let. a et b LIFD , de sorte que l'interprétation donnée par la jurisprudence en relation avec la LIFD est aussi applicable en matière d'ICC. Il en va de même du principe de la périodicité, qui s'applique de manière générale aux cantons (cf. arrêt 2C_895/2008 du 9 juin 2009 consid. 2.1).
6.2 Les comptes, et notamment le compte de résultat, établis conformément aux règles du droit commercial, lient les autorités fiscales à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices particulières. L'autorité du bilan commercial (art. 662a CO) tombe en revanche lorsque des normes impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 136 II 88 consid. 3.1 p. 92; arrêt 2C_419/2010 du 13 octobre 2010 consid. 3.1).
En vertu de l'art. 960 al. 2 CO, la valeur de tous les éléments de l'actif ne peut figurer au bilan pour un chiffre dépassant celui qu'ils représentent pour l'entreprise à la date du bilan. En matière d'évaluation des actifs, un des principes les plus importants est celui de la prudence (pour la société anonyme, cf. art. 662a al. 2 ch. 3 CO). Il implique que, dans le doute, les comptes seront présentés sous la forme la moins favorable à l'entreprise (ATF 136 II 88 consid. 5.3 p. 98), compte tenu de la marge d'incertitude et des limites légales fixées au pouvoir d'appréciation (ATF 115 Ib 55 consid. 5b p. 59 s.). Le risque de perte sur une créance résulte principalement de la solvabilité douteuse du débiteur (ATF 115 Ib 55 consid. 5b p. 60 et les références citées; ROBERT DANON, Commentaire LIFD, op. cit, N 30 ad art. 63 LIFD). Lorsqu'un risque de perte est admis sur une créance, une correction de valeur doit obligatoirement être enregistrée dans les comptes (ATF 115 Ib 55 consid. 6a p. 63, confirmé en matière fiscale in: arrêts 2A.55/2007 du 6 juillet 2007 consid. 4.2; 2A.99/2004 du 27 octobre 2004, in: RF 60/2005 p. 117, consid. 4.2 et 4.3; cf. aussi: arrêts 2C_788/2010 du 18 mai 2011 consid. 4.2; 2C_392/2009 du 23 août 2010 consid. 2.2, in: RDAF 2011 II 70).
6.3 En l'espèce, il faut déduire des constatations cantonales (cf. consid. 5.2.1) que, depuis 1995, la Société a considéré que les débiteurs C.________ et D.________ rencontraient des difficultés financières a priori passagères, raison pour laquelle, à partir de cette année-là, elle n'a plus calculé d'intérêt sur les sommes prêtées à ceux-ci. Il en découle que, depuis 1995 en tout cas, le risque de perte d'une partie au moins de ses créances était admis par la Société. Cette dernière devait dans un tel contexte procéder à une correction de valeur au bilan. Le fait qu'elle ait développé, par l'intermédiaire de son administrateur unique, des relations personnelles avec ces deux débiteurs et qu'elle ait espéré un recouvrement de ces créances ne change rien au caractère objectivement douteux de celles-ci, les deux débiteurs étant, depuis 1995 en tous les cas, en proie à des difficultés financières. Le principe de la prudence lui imposait donc de procéder à des corrections de valeur au bilan.
6.4 Encore faut-il se demander si le fait que la Société ait omis d'enregistrer des corrections de valeur sur les deux créances, en violation du principe de la prudence, justifie de ne pas prendre en compte, sur le plan fiscal, les amortissements sur ces mêmes créances comptabilisés en 2001 et 2002, étant précisé qu'il n'est pas contesté que, par ces amortissements, la Société a fait correspondre son bilan comptable avec sa situation réelle.
6.4.1 En droit fiscal à la différence du droit commercial (pour les notions de "correction de valeur" et de "provision" en matière comptable, cf. CONRAD MEYER, Betriebswirtschaftliches Rechnungswesen, 2ème éd., Zurich/Bâle/Genève 2008, p. 260 et 263), l'amortissement s'oppose à la correction de valeur par le caractère définitif ou provisoire de la charge. Ainsi, un amortissement constitue la constatation définitive d'une diminution de valeur d'un actif, alors que la correction de valeur (provision) est retenue lorsque la perte de valeur est temporaire (PETER LOCHER, Kommentar zum DGB, Bâle 2001, N 3 ad art. 28 LIFD; DANON, op. cit., N 7 et 28 ad art. 62 LIFD; XAVIER OBERSON, Droit fiscal suisse, 3e éd. Bâle 2007, p. 143 N 233; s'agissant des provisions: arrêt 2C_392/2009 du 23 août 2010 consid. 3.2, in: RDAF 2011 II 70). Un amortissement est justifié par l'usage commercial dans la mesure où il permet de tenir compte d'une véritable moins-value d'un poste au bilan (DANON, op. cit., N 14 ad art. 62 LIFD). En principe, les amortissements sont progressifs; un amortissement unique - on parle alors d'amortissement extraordinaire - est toutefois admissible à titre exceptionnel (cf. arrêt 2A.464/2006 du 15 janvier 2007, in: RtiD 2007 II 622, consid. 4.1). La doctrine l'admet notamment si le contribuable a négligé de procéder à des amortissements progressifs (LOCHER, op. cit., N 49 ad art. 28 LIFD; MARTIN REICH/MARINA ZÜGER, Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht I/2b, N 40 et 47, ad art. 28 LIFD; MARKUS REICH/ROBERT WALDBURGER, Rechtsprechung im Jahr 2004, IFF 2005, p. 229). Par analogie, il en va de même en cas d'omission de procéder à des ajustements de valeur. Exclure de manière générale la prise en compte fiscale d'un amortissement extraordinaire dans ces hypothèses serait du reste contraire à l'imposition selon la capacité économique, dès lors que le contribuable se verrait systématiquement imposé sur des actifs qui ne correspondent plus à leur valeur réelle au bilan (cf. LOCHER, op. cit., n. 49 ad art. 28 LIFD).
6.4.2 Si le principe d'un amortissement unique doit être admis, sa prise en compte peut cependant, selon les circonstances, s'avérer contraire au principe de la périodicité de l'impôt, qui impose d'imputer à un exercice donné les produits et les charges qui lui sont propres afin de dégager le résultat qui y trouve son origine (cf. arrêt 2A.128/2007 du 14 mars 2008, in: RF 63/2008 p. 630, consid. 5.3; voir aussi, sur ce point, le consid. 6.4.4 infra). Lorsqu'il s'agit de procéder à un amortissement extraordinaire en vue de "rattraper" des amortissements ordinaires ou des corrections de valeur qui n'auraient pas été enregistrés en temps utile, la périodicité peut se trouver en conflit avec l'imposition selon la capacité économique.
6.4.3 Appelée à se prononcer sur l'incidence fiscale d'un amortissement unique, la jurisprudence fait tantôt primer le principe de la périodicité, tantôt celui de la capacité économique.
Dans son arrêt 2A.464/2006 du 15 janvier 2007, le Tribunal fédéral a exclu que les résultats des différents exercices annuels puissent être compensés entre eux, de manière à augmenter ou à diminuer ceux d'une période déterminée en faveur ou à charge d'une autre période; la violation du principe de la périodicité devait ainsi déboucher sur une correction fiscale (consid. 3, in: RtiD 2007 II 622). Dans l'arrêt 2A.55/2007 du 6 juin 2007, la Cour de céans s'est demandé si le fait d'avoir omis, en violation des prescriptions comptables, de procéder à des provisions sur des créances douteuses pouvait être rattrapé par l'enregistrement de provisions ultérieures. Elle a laissé la question ouverte, considérant que le principe de la périodicité s'y opposait en l'occurrence (cf. consid. 4.2). Dans l'arrêt 2C_220/2009 du 10 août 2009 (in: RF 64/2009 p. 886), la Cour de céans a confirmé le refus des juges cantonaux d'admettre, pour la période fiscale 2001/2002, l'amortissement comptabilisé dans l'exercice commercial 1998/1999 sur la participation du contribuable au sein d'une société. Cette société ayant été liquidée en 1994, l'amortissement en cause aurait en effet dû être comptabilisé durant l'exercice commercial 1994; l'ignorance dans laquelle le recourant était resté de la liquidation de cette société ne modifiait pas cette conclusion (cf. consid. 5.2). Dans l'arrêt 2A.99/2004 du 27 octobre 2004 (in: RF 60/2005 p. 117), le respect du principe de la périodicité a été considéré comme déterminant et il n'a pas été tenu compte, sur le plan fiscal, d'un amortissement extraordinaire comptabilisé en 2000, au motif que le contribuable aurait dû, deux ans auparavant, procéder à des ajustements et à un amortissement, car la perte se rapportait à des périodes antérieures (consid. 4.5). Comme le relève la doctrine, la jurisprudence s'est montrée stricte dans cette dernière décision, dès lors que l'amortissement en cause aurait normalement dû être comptabilisé durant une période de brèche fiscale. On ne peut donc déduire de cette décision que, de manière générale, les amortissements portés au bilan en rattrapage de corrections de valeur qui auraient déjà pu ou dû se faire antérieurement ne doivent jamais être pris en considération sur le plan fiscal (cf. REICH/WALDBURGER, op. cit., p. 230; MADELEINE SIMONEK, Die steuerrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahre 2004, in: ASA 75 p. 3 ss, 14); de même, on ne peut déduire de l'arrêt 2A.99/2004 précité que le Tribunal fédéral aurait généralement admis de tels rattrapages.
Dans un arrêt 2A.571/1998 du 25 janvier 2000 consid. 2b (in: ASA 69 p. 87) concernant l'évaluation non pas d'une créance mais d'un immeuble, le Tribunal fédéral a, à l'inverse, fait primer le principe de l'imposition selon la capacité économique, indiquant - sans qu'il ne s'agisse toutefois d'un élément déterminant pour la résolution du litige - qu'un amortissement extraordinaire portant sur la valeur d'un immeuble pouvait être pris en compte en tout temps et même postérieurement à sa perte de valeur dès qu'il apparaissait que la valeur comptable ne correspondait plus à la valeur réelle du bien. Enfin, dans un arrêt ancien du 31 mai 1946, paru in: ASA 15 p. 216 N 50, le Tribunal fédéral a commencé par rappeler que, pour qu'un amortissement puisse être déduit dans le cadre du bénéfice net imposable, il faut qu'il serve à compenser la moins-value subie par un élément de l'actif pendant la période de calcul. Puis, il a précisé que le plus souvent, ce principe n'est pas susceptible d'une application stricte en ce sens qu'il n'est guère possible de déterminer exactement et directement si, pendant la période de calcul, tel événement de l'actif a subi une dépréciation effective et de mesurer exactement cette dépréciation; dans ce cadre, les autorités fiscales doivent laisser au contribuable une certaine liberté (ASA 15 p. 217, consid. 2). Ainsi, en présence d'amortissements complémentaires qui ne servent pas à couvrir des moins-values subies pendant la période de calcul, puisqu'ils doivent compenser l'insuffisance des amortissements sur des exercices anciens, le principe de périodicité devait se limiter à empêcher que le contribuable ne répartisse arbitrairement ses amortissements. Si tel n'était pas le cas, le fisc ne pouvait s'opposer en principe à ce que le contribuable déduise les amortissements complémentaires dans le calcul de son bénéfice net (cf. ASA 15 p. 218 s., consid. 3). Il convient toutefois de relativiser la portée de ce dernier arrêt, étant donné qu'il s'intéressait à un système prévoyant des taux d'amortissement fixes, de sorte à obliger l'entreprise à opérer des rattrapages.
6.4.4 Pour déterminer la portée de la périodicité en matière d'amortissement, il convient de rappeler que ce principe se déduit, en droit fiscal, de l' art. 79 al. 1 et 2 LIFD , en conjonction avec l'art. 58 al. 1 let. a LIFD. En vertu de la première disposition énoncée, l'impôt sur le bénéfice net est en effet fixé et prélevé pour chaque période fiscale, laquelle correspond à l'exercice commercial; selon la seconde, le bénéfice net imposable comprend le solde du compte de résultat, eu égard au solde reporté de l'exercice précédent. Ce principe défend à l'entreprise assujettie à l'impôt sur le bénéfice net de compenser entre eux, à son bon vouloir, les résultats des différentes périodes de calcul, de sorte à augmenter ou diminuer ceux afférents à une période déterminée en faveur ou à charge d'une autre période fiscale (cf. arrêt 2A.464/2006 consid. 3 précité; arrêt du 22 septembre 1966, in: ASA 36 p. 145, consid. 2; cf. PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, t. II, 1ère éd., Therwil/Bâle 2004, ad art. 58 LIFD, p. 275 N 82).
Les règles matérielles comptables consacrent également le principe de la périodicité ["umfassender Periodisierungsgrundsatz"]. Elles exigent que la totalité du bénéfice et des frais tombant dans une période donnée lui soient attribués temporellement (MEYER, op. cit., p. 71 et 236; cf. LOCHER, op. cit., ad art. 58 LIFD, p. 276 N 83). Le principe, selon lequel les frais fonctionnellement rattachés à un exercice doivent être imputés au bénéfice de cet exercice, est lié au principe de réalisation (pour ce principe: arrêt 2C_116/2010 du 21 juin 2010 consid. 2.3, in: RF 66/2011 p. 54; RDAF 2010 II 474; StE 2011 A 31.2 n° 9; Pra 2011 n° 26 p. 175; cf. art. 58 al. 1 let. a LIFD; ROLF BENZ, Handelsrechtliche und steuerrechtliche Grundsätze ordnungsmässiger Bilanzierung, thèse Zurich 2000, p. 128; MARKUS REICH, Steuerrecht, Zurich/Bâle/Genève 2009, p. 356 N 85; JÜRG STOLL, Die Rückstellung im Handels- und Steuerrecht, thèse Zurich 1992, p. 143 s.). Le défaut de comptabilisation d'un élément nécessaire revient ainsi, en principe, à violer une norme impérative du droit commercial et justifie une correction du bilan par les autorités fiscales (cf. ATF 136 II 88 consid. 3.1 p. 92). Cette correction ne devra toutefois pas "récompenser" les omissions comptables qui sont imputables au contribuable. Par ailleurs, l'art. 127 al. 2 Cst., qui garantit le respect du principe de la capacité économique, ne saurait s'interpréter comme autorisant un contribuable à déterminer son bénéfice imposable à sa guise. Au demeurant, faire primer, de manière systématique, le principe du bénéfice total ("Totalgewinnprinzip") sur celui de la périodicité aboutirait à un résultat impraticable, entravant le bon fonctionnement de l'Etat. Le législateur a seulement pris en compte le principe du bénéfice total dans la mesure où il admet le report de la déduction des pertes (art. 67 LIFD; cf. LOCHER, op. cit., ad art. 58 LIFD, p. 274 s. N 81).
6.4.5 De ce qui précède, il est possible de dégager les règles suivantes: le principe de la périodicité doit de manière générale être appliqué et s'opposer, du point de vue fiscal, à la comptabilisation tardive de corrections au bilan. Cela étant, l'on ne peut pas, dans l'absolu, refuser de tenir compte sur le plan fiscal d'un amortissement extraordinaire lié à une créance devenue irrécupérable au seul motif que le contribuable a auparavant omis de provisionner cette créance alors que son recouvrement n'était qu'incertain. En effet, dans le cadre de la marge d'appréciation comptable dont doit pouvoir bénéficier le contribuable pour évaluer certains risques de pertes, un tel refus s'avérerait contraire à l'imposition selon la capacité économique. En revanche, le respect du principe de la périodicité, qui imprègne tant le droit comptable que le droit fiscal, impose de ne tenir compte fiscalement des amortissements litigieux que s'ils sont comptabilisés durant la période où le créancier devait de bonne foi admettre que la dette était devenue durablement irrécupérable.
Ce sont les circonstances d'espèce qui doivent permettre d'établir à partir de quel moment le contribuable en cause savait ou ne pouvait plus ignorer que la créance litigieuse était devenue irrécupérable de façon durable, de sorte à devoir opérer un amortissement. En présence de créances portant sur des débiteurs à court de liquidités, toute la difficulté vient de ce qu'à moins d'un événement précis, il est difficile de déterminer à partir de quel moment une créance passe du stade de douteuse à celui d'impossible à recouvrer sur le long terme. Dans de telles situations, il faut que le moment choisi par le contribuable pour amortir sa créance soit justifiable et ne trahisse pas un objectif purement fiscal. Un amortissement extraordinaire ne sera ainsi pas pris en compte fiscalement s'il n'existe plus de lien suffisant avec la perte de valeur à son origine.
6.4.6 En l'espèce, selon les explications fournies par la Société, qualifiées sans arbitraire de convaincantes par le Tribunal cantonal (cf. supra consid. 5.2.1), celle-ci avait conservé jusqu'en 2000 l'espoir de récupérer le montant en capital; en outre, elle avait convenu avec l'Administration cantonale d'attendre la fin de la procédure de recours concernant la taxation pour les périodes 1993 et 1994 avant de décider de la manière dont traiter ces prêts sur les plans fiscal et comptable. Ces éléments permettent de justifier l'enregistrement des amortissements en 2001 et 2002 seulement. En outre, l'arrêt attaqué ne révèle aucun indice concret faisant apparaître que la Société aurait délibérément attendu le meilleur moment sur le plan fiscal pour procéder aux amortissements litigieux, ce que l'Administration cantonale ne soutient du reste pas. En d'autres termes, l'existence d'éléments concrets dont la Société créancière pouvait inférer une chance d'être remboursée à terme, telle que couplée à la latitude d'appréciation laissée au contribuable, était susceptible d'expliquer, sans tomber dans l'arbitraire, pour quelle raison la Société pouvait, de bonne foi, estimer ne pas devoir amortir ses créances en 1995 déjà, soit aux premiers signes de l'insolvabilité de ses débiteurs.
Partant, dans de telles circonstances, le principe de périodicité ne permet pas de corriger les comptes de la Société en y ajoutant les sommes amorties s'agissant du calcul de l'ICC, comme le souhaiterait l'Administration cantonale.
7.
7.1 Compte tenu de ce qui précède, le recours formé par la Société en matière d'IFD doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité (cause 2C_645/2010). Les frais de cette cause seront mis à la charge de la Société (art. 66 al. 1 LTF) et il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
7.2 Pour sa part, le recours de l'Administration cantonale portant sur l'ICC sera rejeté (cause 2C_628/2010). Les frais y afférents seront mis à la charge de l'Etat de Vaud, dès lors que son intérêt patrimonial est en jeu (cf. art. 66 al. 4 LTF). Il versera des dépens à la société recourante (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les causes 2C_628/2010 et 2C_645/2010 sont jointes.
2.
Le recours de la Société concernant l'IFD est rejeté dans la mesure où il est recevable.
3.
Le recours de l'Administration cantonale concernant l'ICC est rejeté.
4.
Des frais judiciaires sont mis à raison de 1'500 fr. à charge de la Société et à raison de 3'000 fr. à charge de l'Etat de Vaud.
5.
L'Etat de Vaud versera à la Société une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Administration fédérale des contributions.
Lausanne, le 28 juin 2011
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Zünd
Le Greffier: Chatton