Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
9C_97/2011
Arrêt du 21 juillet 2011
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella et Kernen.
Greffier: M. Bouverat.
Participants à la procédure
T.________,
représentée par Me Ralph Wiedler Friedmann, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue de Lyon 97, 1203 Genève,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 16 décembre 2010.
Faits:
A.
A.a T.________, ressortissante étrangère née en 1974, a travaillé comme aide-infirmière à l'hôpital X.________. Souffrant de douleurs dorsales, elle a déposé, le 4 août 1997, une demande de prestations de l'assurance-invalidité auprès de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Zurich (ci-après: l'OAI Zurich), tendant à l'octroi d'une rente.
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'OAI Zurich a confié un mandat d'expertise à l'hôpital X.________. Les docteurs K.________, spécialiste en médecine physique et réadaptation et rhumatologie, et W.________, ont diagnostiqué notamment des douleurs lombaires chroniques, de légères cervicalgies et un trouble somatoforme douloureux, et conclu à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée (rapport du 25 août 1998). Afin de compléter ces données, l'OAI Zurich a mandaté le docteur A.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, qui a posé les diagnostics de trouble somatoforme douloureux et de trouble dépressif réactionnel et estimé que la capacité de travail de l'assurée était nulle (rapport du 30 juillet 1999).
Par décision du 10 décembre 1999, l'OAI Zurich a octroyé à l'assurée une rente entière d'invalidité à partir du 1er octobre 1997.
A.b Une procédure de révision a été initiée le 24 juin 2004 par l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'OAI Genève). Le docteur R.________, médecin traitant, a indiqué que sa patiente souffrait depuis 1996 de fibromyalgie et d'un état dépressif secondaire avec troubles de l'adaptation. L'état douloureux était fluctuant avec une péjoration des dorsolombalgies. De manière générale, l'état était stationnaire (rapport du 9 décembre 2004). Vu le contexte médical, le service médical régional de l'assurance-invalidité (ci-après: SMR) a procédé à un examen de l'assurée. Les docteurs P.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie, et B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont posé les diagnostics, avec répercussion sur la capacité de travail, de discrets troubles de la statique vertébrale et, sans répercussion sur la capacité de travail, de syndrome somatoforme douloureux et dysthymie; une activité adaptée aurait pu être exercée à plein temps depuis mars 1997 (rapport du 23 mai 2006).
Considérant que la décision du 10 décembre 1999 était manifestement erronée, puisque l'assurée disposait d'une capacité de travail entière depuis 1997, l'OAI Genève a, le 10 novembre 2006, indiqué à T.________ qu'il envisageait de supprimer sa rente d'invalidité. L'assurée s'est opposée à ce projet de décision (courrier du 29 novembre 2006).
Afin de vérifier le statut de l'assurée et, le cas échéant, d'évaluer les empêchements dans le ménage, l'OAI Zurich a fait réaliser (pour le compte de l'OAI Genève) une enquête économique sur le ménage dont il est ressorti que l'assurée présentait un statut mixte (80% d'activité professionnelle et 20% d'activité ménagère) et un degré d'invalidité de 32% dans les tâches habituelles (rapport du 7 août 2009).
Par décision du 19 octobre 2009, l'OAI Genève a supprimé la rente de l'assurée à partir du premier jour du deuxième mois suivant la notification de cette décision. Il a constaté en premier lieu que l'amélioration de son état psychique influençait le degré d'invalidité. Selon la méthode mixte, qu'il convenait désormais d'appliquer, celui-ci s'élevait à 33%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente de l'assurance-invalidité.
B.
Par jugement du 16 décembre 2010, le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève (aujourd'hui: la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales) a rejeté le recours de l'assurée.
C.
T.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, requérant l'annulation de celui-ci et de la décision de l'OAI Genève du 19 octobre 2009. Elle conclut, principalement, au maintien de sa rente et, subsidiairement, au renvoi de la cause aux premiers juges pour complément d'instruction et nouvelle décision.
L'intimé conclut au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se prononcer.
Considérant en droit:
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments du recourant ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
2.
Les premiers juges ont confirmé que la rente de la recourante devait être supprimée. Se fondant sur le rapport du SMR, qu'aucun élément du dossier ne permettait de remettre en question, l'instance cantonale a considéré que son état de santé s'était amélioré sur le plan psychique, le SMR n'ayant constaté que des troubles insuffisants pour justifier une incapacité de travail et conclu à une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Estimant, contrairement à ce qu'avait retenu l'administration, qu'elle devait être considérée comme active à 100%, l'autorité cantonale a procédé à une comparaison des revenus, qui a révélé un taux d'invalidité de 14%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.
3.
La recourante se plaint en substance d'une constatation manifestement inexacte des faits consécutive à une mauvaise appréciation des preuves. Pour juger de son état de santé actuel, l'instance cantonale n'aurait pas suffisamment pris en compte les circonstances particulières du cas d'espèce, et singulièrement les facteurs socio-culturels, qui revêtiraient une grande importance. Son incapacité à gérer sa propre vie et celle de ses enfants, ainsi que sa dépendance affective vis-à-vis de son ex-mari démontreraient l'existence d'un trouble psychique grave qui n'avait pas évolué depuis 1999.
4.
En vertu de l'art. 17 LPGA, si le taux d'invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d'office ou sur demande, révisée pour l'avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Cela vaut également pour d'autres prestations durables accordées en vertu d'une décision entrée en force, lorsque l'état de fait déterminant se modifie notablement par la suite. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 p. 349, 113 V 273 consid. 1a p. 275). Une simple appréciation différente d'un état de fait, qui, pour l'essentiel, est demeuré inchangé n'appelle en revanche pas à une révision au sens de l'art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b p. 372; 387 consid. 1b p. 390). Le point de savoir si un tel changement s'est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu'ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l'époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).
5.
En l'espèce, la recourante ne démontre pas en quoi les conclusions des premiers juges, fondées sur l'expertise du docteur B.________ du 22 mai 2006, selon lesquelles son état de santé psychique s'est notablement amélioré depuis la décision d'octroi de rente du 10 décembre 1999 (jugement p. 12 s., consid. 6a), seraient manifestement inexactes, insoutenables ou arbitraires. Au demeurant, le docteur B.________, à l'issue d'un examen particulièrement circonstancié et conforme aux règles de l'art, qui n'est pas remis en question de manière substantielle dans le recours, a clairement indiqué que l'état psychique actuel de la recourante n'affectait pas sa capacité de travail. Le fait que ce médecin s'est prononcé sans ambiguïté sur l'état actuel de la recourante, en se basant sur ses propres observations, ne signifie pas de prime abord que ses constatations se limiteraient à une nouvelle appréciation d'un état de santé psychique demeuré identique - qui ne justifierait pas une révision. L'évolution globale de la situation de la recourante au fil des ans est caractérisée au premier abord par de multiples facteurs sociaux-culturels et psychologiques qui ne ressortent pas à la notion d'invalidité (ATF 127 V 294 consid. 5a p. 299), en particulier la naissance de son deuxième enfant durant la période d'allocation de la rente (en mars 2002), ce qui exclut dès lors l'hypothèse selon laquelle sa situation médicale, sur le plan psychique notamment, serait demeurée inchangée. Dans ces conditions, les premiers juges étaient habilités, sans violer le droit fédéral, à considérer la prise de position de l'expert de l'administration comme l'expression d'une amélioration notable de l'état de santé psychique de la recourante, même si le docteur B.________ a simultanément émis l'opinion selon laquelle, d'après les indications figurant au dossier, celle-ci n'avait jamais été en incapacité de travail pendant une longue période. Si cette affirmation était exacte, l'octroi de la rente devrait, en l'état du dossier, être considéré comme manifestement erroné, comme l'avait estimé l'OAI dans son projet de décision du 10 novembre 2006; dès lors, la suppression de la rente devrait être confirmée par substitution de motifs. Aussi, en tout état de cause, les conditions de la suppression de la rente avec effet ex nunc sont réunies.
6.
Compte tenu de ce qui précède, le recours s'avère mal fondé.
7.
Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de la recourante (art. 66 al. 1 première phrase LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 21 juillet 2011
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Meyer Bouverat