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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A_106/2011, 4A_108/2011
Arrêt du 30 août 2011
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Thélin.
Participants à la procédure
M.________,
représentée par Me Bernard de Chedid,
demanderesse et recourante (4A_106/2011),
contre
Z.________ SA,
O.________,
représentés par Me Alexandre Guyaz,
défendeurs et recourants (4A_108/2011).
Objet
responsabilité civile
recours contre le jugement rendu le 13 janvier 2010 par la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Faits:
A.
Le 5 juillet 2000, M.________ circulait en automobile à l'avenue du Temple à Lausanne. O.________, conducteur d'une automobile qui approchait en sens inverse, a brusquement obliqué à gauche et lui a coupé la route. Une collision s'est produite. M.________ a subi un traumatisme d'accélération-décélération crânio-cervicale dit « coup du lapin »; O.________ n'a pas été blessé.
Née en 1960, M.________ exerçait depuis 1984 la profession de traductrice à titre indépendant. Depuis 1988, elle exerçait aussi la profession d'interprète. Elle avait réduit son activité à la naissance de sa fille en 1994. Depuis 1999, elle accroissait progressivement son taux d'occupation et elle prévoyait de reprendre une activité complète dès la majorité de l'enfant, en 2012. A l'époque où elle travaillait à temps complet et avec des horaires irréguliers, son revenu annuel brut n'a jamais excédé 44'400 francs.
Par suite de divers troubles consécutifs au traumatisme subi, en particulier des troubles de l'attention, M.________ est désormais incapable de pratiquer l'activité d'interprète, et sa capacité de travail est réduite à septante pour cent dans l'activité de traductrice.
Dès le 1er juin 2001, M.________ est entrée au service de la Fondation H.________ en qualité de traductrice à temps complet. Elle est autorisée à accomplir au maximum trente pour cent de ses heures de travail à son domicile. Elle compense sa perte de capacité de travail par des heures supplémentaires non rémunérées, à son domicile. Son salaire annuel brut, d'abord fixé à 91'000 fr., s'est élevé à 97'825 fr. en 2004; il semble que d'autres augmentations soient survenues depuis.
B.
Lors de l'accident, la société Z.________ SA couvrait la responsabilité civile de O.________. Elle a admis la responsabilité de son client. Le 31 juillet 2000, M.________ a reçu de la compagnie 11'000 fr. correspondant aux frais de remise en état de son véhicule. Le 15 novembre suivant, elle a encore reçu 3'512 fr.80, dont 512 fr.80 pour remboursement partiel de ses frais de location d'un véhicule de remplacement.
C.
Le 17 mai 2004, M.________ a ouvert action contre Z.________ SA et contre O.________ devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud. Les défendeurs devaient être condamnés à payer solidairement diverses sommes au total de plus de 3'000'000 de fr. en capital, à titre de dommages-intérêts et de réparation morale par suite de l'accident.
Les défendeurs ont reconnu devoir 2'000 fr. pour réparation morale; au delà de ce montant, ils ont conclu au rejet de l'action.
La Cour civile du Tribunal cantonal s'est prononcée par jugement du 13 janvier 2010. Accueillant partiellement l'action, elle a condamné les défendeurs à payer solidairement 61'357 fr.25 pour compensation de l'atteinte à l'avenir économique, 337 fr.60 pour remboursement de frais médicaux, 20'000 fr. pour réparation morale et 13'612 fr.85 pour remboursement de frais d'avocat, avec intérêts au taux de 5% par an, respectivement dès le 13 janvier 2010, le 17 novembre 2001, le 5 juillet 2000 et le 10 mai 2003.
D.
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral de réformer le jugement en ce sens que les défendeurs soient condamnés à payer solidairement, en sus des sommes déjà allouées, 1'021'444 fr.93 pour réparation d'une perte de gain et 345'480 fr. pour réparation d'un préjudice ménager, avec intérêts dès le 5 juillet 2000, et 135'837 fr.05 pour compensation de l'atteinte à l'avenir économique, avec intérêts dès le 13 janvier 2010.
Les défendeurs concluent au rejet de son recours.
Agissant eux aussi par la voie du recours en matière civile, les défendeurs requièrent la réforme du jugement en ce sens que leurs obligations soient réduites à 337 fr.60 pour remboursement de frais médicaux, 17'000 fr. pour réparation morale et 13'612 fr.85 pour remboursement de frais d'avocat, respectivement avec intérêts dès le 17 novembre 2001, le 5 juillet 2000 et le 10 mai 2003.
La demanderesse conclut au rejet de leur recours.
E.
Par arrêt du 31 mars 2011, le Tribunal fédéral a ordonné la jonction des causes et prononcé que les recours sont recevables au regard de l'art. 75 al. 1 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF); pour le surplus, il a renvoyé l'affaire au juge rapporteur.
Les parties ont retiré les recours en réforme et en nullité qu'elles avaient aussi introduits, contre le jugement de la Cour civile, devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal.
Considérant en droit:
1.
Le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé le 31 mars 2011 sur la recevabilité des recours au regard de l'art. 75 al. 1 LTF concernant l'épuisement préalable des voies de recours cantonales. Il a retenu que le jugement de la Cour civile était susceptible des recours prévus par le droit fédéral et cantonal antérieur au code de procédure civile unifié, à l'exclusion de l'appel instauré par ce code, bien que l'expédition motivée du jugement ait été communiquée après le 1er janvier 2011. Le jugement était donc susceptible non seulement du recours en matière civile au Tribunal fédéral, mais aussi des recours en réforme et en nullité alors prévus par le droit cantonal, recours que les parties ont introduits puis retirés.
2.
Les autres conditions de recevabilité du recours en matière civile sont elles aussi satisfaites; en particulier, pour chaque recours, la valeur litigieuse déterminée d'après l'art. 51 al. 1 let. a LTF excède le minimum de 30'000 fr. qu'exige l'art. 74 al. 1 let. b LTF.
Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits; il s'en tient cependant, d'ordinaire, aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254), et il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief invoqué et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le tribunal peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252), ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). En règle générale, la partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF); en l'occurrence toutefois, les parties ont renoncé à leurs recours en nullité introduits devant la Chambre des recours du Tribunal cantonal, laquelle pouvait être saisie du grief d'appréciation arbitraire des preuves (JdT 2001 III 128; voir aussi ATF 126 I 257 consid. 1b p. 259); il s'ensuit que, faute d'épuisement des voies de recours cantonales, les constatations de fait ne peuvent pas être critiquées devant la cour de céans.
3.
Il est constant que les défendeurs peuvent être recherchés selon les art. 58 al. 1 et 65 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière (LCR) pour les dommages-intérêts et l'indemnité de réparation morale auxquels la demanderesse a encore droit par suite de l'accident du 5 juillet 2000. Conformément à l'art. 62 al. 1 LCR, ces réparations doivent être évaluées sur la base des art. 46 et 47 CO.
4.
Aux termes de l'art. 46 al. 1 CO, la victime de lésions corporelles a droit au remboursement des frais et aux dommages-intérêts qui résultent de son incapacité de travail totale ou partielle, ainsi que de l'atteinte portée à son avenir économique.
Les défendeurs ne mettent pas en doute qu'en conséquence du traumatisme subi, leur adverse partie soit définitivement incapable de pratiquer l'activité d'interprète, ni que sa capacité de travail soit définitivement réduite à septante pour cent dans l'activité de traductrice. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner s'ils auraient pu faire valoir, pour résister à l'action soumise à l'art. 46 al. 1 CO, la jurisprudence relative aux assurances sociales selon laquelle une invalidité ne peut être reconnue, par suite d'un traumatisme d'accélération-décélération crânio-cervicale, que d'après les critères applicables aux troubles douloureux somatoformes persistants (ATF 136 V 279).
5.
Une invalidité est de nature à réduire ou à compromettre l'aptitude du lésé à l'exercice de son activité lucrative.
5.1 Selon la jurisprudence, le dommage consécutif à l'invalidité doit être établi autant que possible de manière concrète. Il faut déterminer les effets de l'invalidité sur la capacité de gain et l'avenir économique du lésé, ce qui nécessite d'estimer le gain que celui-ci aurait obtenu dans son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident. La situation salariale concrète, avant l'événement dommageable, constitue la référence; néanmoins, le juge ne doit pas se borner à constater le revenu réalisé jusqu'alors car il faut surtout déterminer ce que le lésé aurait annuellement gagné dans le futur (ATF 131 III 360 consid. 5.1 p. 363; 129 III 135 consid. 2.2 p. 141). La constatation du dommage ressortit en principe au juge du fait; saisi d'un recours, le Tribunal fédéral n'intervient que si la juridiction cantonale a méconnu la notion juridique du dommage ou si elle a violé les principes juridiques à appliquer dans le calcul (ATF 128 III 22 consid. 2e p. 26; 126 III 388 8a 389; voir aussi ATF 132 III 359 consid. 4 p. 366).
Une atteinte à l'avenir économique doit éventuellement être reconnue aussi lorsque le lésé demeure capable de travailler en dépit des séquelles de l'accident et obtient un gain équivalent à celui qu'il aurait réalisé sans atteinte à son intégrité physique. En effet, des facteurs autres que la capacité de travail sont susceptibles d'influencer les possibilités de gain futur d'une personne handicapée. Ainsi, cette personne sera désavantagée sur le marché du travail car il lui sera plus difficile, par rapport à une personne pleinement valide, de trouver et de conserver un emploi avec une rémunération identique. Le risque de chômage se trouve également accru. L'infirmité peut aussi entraver un changement de profession, réduire les perspectives d'être promu dans l'entreprise ou réduire les possibilités de se mettre à son compte (ATF 99 II 214 consid. 4c p. 219; 81 II 512 consid. 2b p. 515; arrêts 4C.223/1998 du 23 mars 1999, PJA 1999 p. 1472, consid. 3b, et 4C.318/1990 du 22 mai 1991, SJ 1992 p. 4, consid. 2c).
5.2 La Cour civile a effectué un calcul du revenu hypothétique que la demanderesse aurait censément obtenu si elle n'avait pas subi l'accident. Sur la base d'une expertise et d'après les tarifs en usage dans la profession, la Cour a déterminé le revenu théorique d'un traducteur-interprète indépendant, combinant les activités de traducteur et d'interprète. Le jugement précise que le calcul porte sur « le revenu d'un interprète qui a des mandats à plein temps, en permanence, uniquement auprès de grandes sociétés ou institutions », que la demanderesse pratiquait des tarifs « très inférieurs » à ceux retenus, et qu'avant la naissance de sa fille, alors qu'elle travaillait à temps complet, son revenu annuel n'a jamais dépassé 44'400 francs.
Le calcul tient compte d'un taux d'activité réduit, de 60% en 2004, progressant d'année en année jusqu'en 2011, complet dès 2012, selon ce qui était le projet de la demanderesse. L'activité doit prendre fin en 2024, année où la demanderesse atteindra l'âge légal de la rente de vieillesse AVS. Les revenus annuels nets sont portés dans un tableau pour les années 2004 à 2024. Le tableau présente aussi, année après année, le salaire net perçu ou à percevoir de la Fondation, dont la Cour présume qu'il augmentera régulièrement de 2% par année. Les revenus annuels cumulés s'élèvent à 2'417'123 fr.75 pour l'activité hypothétique d'indépendante et à 2'491'603 fr.55 pour l'activité salariée actuelle et future. La différence de 74'479 fr.80 est considérée comme le bénéfice qui résultera globalement de l'activité salariée, sur la durée totale envisagée, en comparaison avec l'activité indépendante. Au regard de ce bénéfice, la Cour juge que l'accident du 5 juillet 2000 n'entraîne aucune perte de gain et elle n'alloue pas de dommages-intérêts à ce titre.
La Cour estime néanmoins que l'accident pourrait entraîner des conséquences défavorables sur la capacité de gain future de la demanderesse, et que celle-ci a donc droit à une indemnité qu'elle fixe à dix pour cent du revenu brut futur. La Cour mentionne ici, sans en préciser les détails, un autre calcul du revenu hypothétique brut des années 2010 à 2024, avec capitalisation, et elle parvient au montant de 135'837 fr.05 pour cette indemnité; elle impute toutefois le bénéfice précité de 74'479 fr.80 et elle alloue finalement le montant de 61'357 fr.25 pour compensation de l'atteinte à l'avenir économique.
5.3 La demanderesse critique ce calcul. Elle fait grief à la Cour d'avoir sous-estimé le revenu hypothétique. A son avis, il fallait envisager une activité indépendante à temps complet dès 2004, cela parce qu'elle travaille effectivement à temps complet depuis 2001. Il fallait en outre tenir compte du renchérissement futur, c'est-à-dire d'une augmentation future des tarifs professionnels d'un pour cent par an, ce que la Cour n'a pas fait. Il fallait aussi prendre en considération qu'une traductrice-interprète indépendante peut travailler jusqu'à l'âge de soixante-sept ans, alors que la Cour s'est tenue à l'âge légal de la retraite à soixante-quatre ans. La demanderesse fait aussi grief à la Cour d'avoir surestimé le revenu prévisible de l'activité salariée: l'augmentation annuelle de 2% doit être réduite de moitié. Selon le calcul soumis au Tribunal fédéral, la Cour aurait dû constater une perte de gain future au montant de 1'021'444 fr.93, et allouer les dommages-intérêts correspondants; par ailleurs, aucun bénéfice ne peut être imputé sur l'indemnité pour atteinte à l'avenir économique. La demanderesse n'explique cependant pas comment elle parvient à réclamer, à ce titre, 135'837 fr.05 en sus des 61'357 fr.25 alloués par le jugement attaqué.
Les défendeurs critiquent eux aussi le calcul de la Cour. Ils soulignent que le revenu annuel brut obtenu avant l'accident n'a jamais excédé 44'400 fr., et ils font valoir que le revenu hypothétique annuel brut au montant de 141'678 fr., retenu pour chacune des années 2012 à 2024, est plus de trois fois supérieur à ce chiffre. Ils soulignent aussi que selon le jugement, les tarifs et nombres d'heures retenus correspondent à la situation d'un traducteur-interprète travaillant exclusivement pour des clients importants, doté de mandats en suffisance pour travailler sans interruption, et en mesure d'appliquer concrètement des tarifs largement supérieurs à ceux que la demanderesse appliquait elle-même avant l'accident. Ils relèvent encore que le temps nécessaire à la recherche de nouveaux clients et à la formation continue n'a pas été pris en considération. En définitive, ils préconisent un abattement de trente pour cent sur le revenu hypothétique retenu par la Cour, de sorte que le bénéfice à retirer de l'activité salariée, par rapport à l'exercice indépendant de la profession de traducteur-interprète, soit augmenté de 74'479 fr.80 à 799'616 fr.90, et couvre entièrement l'indemnité de 135'837 fr.05 pour compensation de l'atteinte à l'avenir économique. A titre subsidiaire, ils soutiennent encore qu'une indemnité pour atteinte à l'avenir économique doit se calculer sur un revenu net.
5.4 En principe, l'art. 46 al. 1 CO prescrit au juge de constater d'abord la perte de gain que le lésé a effectivement subie du jour de l'accident jusqu'à la date de la décision terminant l'instance dans laquelle il est permis d'alléguer pour la dernière fois des faits nouveaux, puis d'évaluer la perte de gain postérieure à cette décision, en comparant les valeurs capitalisées, à la même date, du revenu que le lésé aurait obtenu à l'avenir sans l'accident, d'une part, et du revenu à attendre d'une activité résiduelle compatible avec l'invalidité, d'autre part (Franz Werro, in Commentaire romand, n°s 7, 11 et 13 ad art. 46 CO). La Cour civile n'a pas procédé de cette manière car elle s'est abstenue de distinguer les périodes respectivement antérieure et postérieure à sa décision, et elle a additionné puis comparé des revenus annuels sans effectuer leur capitalisation. Aucune des parties ne relève ces anomalies.
5.5 Lorsque le lésé bénéficie d'avantages économiques par suite du fait dommageable, en concordance adéquate avec celui-ci, leur valeur doit être imputée sur les dommages-intérêts ( ATF 112 Ib 322 consid. 5a p. 330; 136 III 113 consid. 3.1.1 p. 118; prestations d'assurances sociales: ATF 134 III 489 consid. 4.2 p. 491). Or, il n'existe pas de concordance adéquate entre le revenu de l'activité salariée future de la demanderesse et l'indemnité qui doit éventuellement lui être allouée, selon la jurisprudence précitée relative à l'art. 46 al. 1 CO, en considération de risques qui ne diminuent pas immédiatement sa capacité de gain. En effet, le salaire rémunère un travail tandis que l'indemnité compense une probable perte de gain. La simple soustraction que la Cour a opérée - 135'837 fr.05 moins 74'479 fr.80 - n'est donc pas admissible. L'approche de la Cour se révèle viciée sur ce point également, qui n'est pas non plus abordé dans les mémoires de recours.
5.6 Dans leur principe, la critique des défendeurs est fondée et celle de la demanderesse ne l'est pas. La Cour civile constate que le revenu annuel brut obtenu par celle-ci avant l'accident n'a jamais excédé 44'400 fr., mais elle ne tient aucun compte de ce fait dans son appréciation. Elle se consacre à un calcul purement théorique alors que, selon la jurisprudence, il faut autant que possible établir le dommage de manière concrète. Dans les constatations déterminantes, rien n'autorise à supposer que sans l'accident survenu le 5 juillet 2000, et après la majorité de sa fille, la demanderesse aurait multiplié par plus de trois le revenu obtenu par elle avant la naissance de son enfant, dans une période où sa formation était terminée et où elle travaillait à plein temps et se contraignait à des horaires irréguliers. Certes, la Cour expose que « la demanderesse est une traductrice et interprète de bon niveau, [qu'elle] traduisait en français, anglais, italien et espagnol [et qu'elle] a disposé d'un quotient intellectuel supérieur à la norme, comme le traduisent ses résultats scolaires et ses diplômes », mais cela ne justifie pas de retenir un revenu hypothétique dépourvu de toute relation raisonnable avec la situation économique qui était celle de la lésée avant l'accident.
Celle-ci demande vainement une surestimation plus importante encore de son revenu hypothétique. Au regard du rendement très faible de l'activité indépendante, il y a lieu de penser que même sans l'accident et la perte de capacité de travail qui s'est ensuivie, la demanderesse aurait abandonné cette activité pour entrer au service de la Fondation. En l'absence d'indices concrets et pertinents, la demanderesse ne peut pas utilement soutenir qu'elle aurait poursuivi son activité indépendante encore après l'âge légal de la rente de vieillesse AVS (ATF 136 III 310 consid. 3.2.2 p. 312). Le rendement de l'activité lucrative actuelle et future étant très supérieur à celui de l'activité qui a précédé l'accident, la Cour refuse à bon droit tout dédommagement à raison d'une perte de gain actuelle ou certainement prévisible.
Il demeure qu'à l'avenir, l'accident entraînera peut-être des conséquences défavorables sur la capacité de gain de la demanderesse. En particulier, il faut prévoir que celle-ci ne pourra pas indéfiniment travailler au delà du plein temps pour compenser le handicap résultant du traumatisme subi. Il peut aussi se produire que la demanderesse doive un jour quitter la Fondation car aucun salarié, même pleinement valide, n'est certain que son emploi sera maintenu à long terme. Dans cette éventualité, en raison de son handicap, la demanderesse pourrait rencontrer des difficultés à s'intégrer dans une autre entreprise. Néanmoins, même un salaire réduit de moitié, par rapport à celui actuellement perçu, serait encore supérieur au revenu annuel le plus élevé obtenu avant l'accident. Dans ces conditions, et même en prévision d'un avenir éloigné, il n'y a pas lieu de redouter une diminution de la capacité de gain en deçà des perspectives qui appartiendraient à la demanderesse sans l'accident. En rapport avec son activité professionnelle, l'allocation de dommages-intérêts ne se justifie donc pas, de sorte que le recours des défendeurs doit être admis sur ce chef de la contestation.
6.
L'invalidité peut grever non seulement la capacité de gain et l'avenir économique du lésé, mais aussi son aptitude à accomplir les travaux du ménage, et des dommages-intérêts lui sont éventuellement dus à raison de ce préjudice spécifique (ATF 134 III 534 consid. 3.2.3.1 p. 538; 132 III 321 consid. 3.1 p. 332). Le juge doit évaluer l'incidence de l'invalidité médicale sur la capacité du lésé à accomplir des tâches ménagères, et il est possible qu'un handicap, selon sa nature, n'entraîne aucune réduction de cette capacité (ATF 129 III 135 consid. 4.2.1 p. 153).
La Cour civile considère que l'activité ménagère n'est pas comparable aux activités de traductrice et d'interprète, et que dans le cas de la demanderesse, il n'existe aucun indice d'une quelconque invalidité dans le domaine ménager. Sur ce dernier point, la Cour pose une constatation de fait qui lie le Tribunal fédéral. La demanderesse conteste vainement cette constatation en reproduisant divers passages de l'expertise judiciaire. Son argumentation est irrecevable car elle aurait pu être soumise à la Chambre des recours du Tribunal cantonal, et de plus, elle est inapte à mettre en évidence une erreur certaine dans l'appréciation des preuves (cf. ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254). La demanderesse n'est donc pas fondée à réclamer 345'480 fr. pour réparation d'un préjudice ménager.
7.
Les défendeurs ne contestent pas devoir 337 fr.60 pour remboursement de frais médicaux, ni 13'612 fr.85 pour remboursement de frais d'avocat. Ils ne contestent pas non plus devoir une indemnité de réparation morale au montant de 20'000 fr., mais ils réclament l'imputation de 3'000 fr. que la défenderesse a versés le 15 novembre 2000.
Ce versement de 3'000 fr. est établi mais la décision attaquée n'en constate pas le motif.
Les défendeurs affirment que selon les allégués de la demande en justice, donc de la demanderesse, cette partie a reçu ce montant à titre d'« acompte ». La demanderesse ne le conteste pas dans sa réponse au recours. Elle présente diverses conjectures sur le motif du versement et elle fait allusion aux « éventuels arrangements extrajudiciaires entre parties intervenus parallèlement à la procédure ». Elle n'indique pas précisément quel élément du dommage a été, le cas échéant, reconnu par la compagnie d'assurances et couvert par ces 3'000 francs. Dans ces conditions, ce montant est effectivement un acompte qui restait à imputer lors du jugement de la Cour civile. Le recours des défendeurs doit être accueilli sur ce point aussi.
8.
De la discussion qui précède, il ressort que le recours de la demanderesse doit être rejeté, dans la mesure où les griefs présentés sont recevables, et que celui des défendeurs doit être admis; le jugement attaqué sera donc réformé selon leurs conclusions.
Conformément à la pratique fondée sur l'art. 68 al. 5 LTF et consacrée en matière civile, la cause sera renvoyée à la Cour civile pour statuer à nouveau sur les frais et dépens de l'instance cantonale; il n'y a donc pas lieu de procéder à la réduction des dépens cantonaux aussi réclamée par les défendeurs.
A titre de partie qui succombe, la demanderesse doit acquitter les émoluments à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels ses adverses parties peuvent prétendre à raison de l'instance fédérale.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours de la demanderesse est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
2.
Le recours des défendeurs est admis et la décision attaquée est réformée en ce sens que ces derniers doivent payer à la demanderesse, solidairement entre eux, 337 fr.60, 17'000 fr. et 13'612 fr.85, respectivement avec intérêts au taux de 5% par an dès le 17 novembre 2001, le 5 juillet 2000 et le 10 mai 2003.
3.
La demanderesse acquittera des émoluments judiciaires au total de 15'000 fr. pour les deux recours.
4.
La demanderesse versera aux défendeurs, créanciers solidaires, une indemnité de 17'000 fr. à titre de dépens pour les deux recours.
5.
La cause est renvoyée à la Cour civile du Tribunal cantonal pour statuer à nouveau sur les frais et dépens de l'instance cantonale.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 30 août 2011
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La présidente: Klett
Le greffier: Thélin