Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
2C_597/2011
{T 0/2}
Arrêt du 13 septembre 2011
IIe Cour de droit public
Composition
MM. et Mme les Juges Zünd, Président,
Aubry Girardin et Stadelmann.
Greffier: M. Addy.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Pierre Bayenet, avocat,
recourant,
contre
Officier de police du canton de Genève, boulevard Carl-Vogt 17-19, case postale 236, 1211 Genève 8,
Tribunal administratif de première instance du canton de Genève, rue Ami-Lullin 4, case postale 3888, 1211 Genève 3,
Office cantonal de la population du canton de Genève, route de Chancy 88, case postale 2652,
1211 Genève 2.
Objet
Détention en vue du renvoi,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative, du 12 juillet 2011.
Considérant en fait et en droit:
1.
X.________, ressortissant algérien né le 14 février 1985, a été pénalement condamné à treize reprises entre le 20 avril 2005 et le 18 juillet 2010, totalisant 41 mois de peine privative de liberté, essentiellement pour des vols et des infractions à la législation fédérale sur les étrangers. Le 21 juin 2011, l'Office cantonal de la population du canton de Genève (ci-après: l'Office cantonal) a ordonné son renvoi de la Suisse, aux motifs qu'il était entré sans documents de voyage ni visa valables dans notre pays alors qu'il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée de durée indéterminée, qu'il n'avait pas de moyens financiers suffisants et qu'il constituait une menace pour l'ordre et la sécurité intérieurs du pays; pour ce dernier motif, la décision était déclarée exécutoire nonobstant recours, la police étant chargée d'exécuter le renvoi sans délai.
Par décision du 22 juin 2011 de l'Officier de police, confirmée le lendemain par le Tribunal administratif de première instance (ci-après: Tribunal de première instance), X.________ a été placé en détention en vue du renvoi pour une durée de trois mois en raison du risque qu'il se soustraie à son renvoi et de ses condamnations pour crime.
Saisie d'un recours contre la décision du Tribunal de première instance, la Cour de justice du canton de Genève, Chambre administrative (ci-après: la Cour de justice), l'a rejeté, par arrêt du 12 juillet 2011.
2.
X.________ a formé un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité de la Cour de justice. Il fait valoir que son renvoi est impossible et se plaint de la violation du principe d'égalité (art. 8 Cst.) ainsi que de son droit d'être entendu (art. 29 Cst.). Il conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision attaquée et à sa libération immédiate. Il requiert le bénéfice de l'assistance judiciaire.
La Cour de justice renvoie aux considérants de son arrêt, tandis que l'Officier de police conclut au rejet du recours, en produisant la réservation d'un vol de ligne Genève-Alger pour le 4 août 2011, au nom de X.________, ainsi qu'un laissez-passer de l'autorité algérienne compétente autorisant le prénommé à rentrer dans son pays d'origine par ce vol.
Par courriel du 5 août 2011, le Chef du service juridique de la police genevoise a informé le Tribunal fédéral que X.________ avait refusé de prendre le vol prévu le 4 août 2011, que le Service d'application des peines et mesures avait décerné un ordre d'écrou à son encontre pour une durée de 58 jours et que la mesure de détention administrative le frappant avait été levée, le même jour, au profit dudit ordre d'écrou.
Invité à se déterminer sur le courriel précité, X.________ s'est opposé, par son mandataire, à ce que la cause soit déclarée sans objet, en faisant valoir que la levée de la détention administrative au profit d'un ordre d'écrou était un fait nouveau irrecevable devant le Tribunal fédéral; en tout état de cause, il estime qu'il y a lieu, au vu des circonstances, de renoncer à l'exigence d'un intérêt actuel et d'entrer en matière sur son recours (cf. ses écritures des 9 et 23 août 2011).
3.
3.1 En matière de mesures de contrainte, le recours en matière de droit public au sens des art. 82 ss est en principe ouvert, notamment pour contester une mise en détention en vue d'un renvoi (cf. arrêt 2C_10/2009 du 5 février 2009 consid. 2, non publié aux ATF 135 II 94).
3.2 La qualité pour recourir suppose, en vertu de l'art 89 al. 1 let. c LTF, que le recourant ait un intérêt actuel digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise (cf. ATF 131 II 361 consid. 1.2 p. 365). Cet intérêt actuel doit exister non seulement au moment du dépôt du recours, mais encore au moment où l'arrêt est rendu (cf. ATF 136 II 101 consid. 1.1 p. 103).
En l'espèce, il apparaît que la détention litigieuse a été levée, en vertu de l'art. 80 al. 6 let. c LEtr, afin que le recourant puisse subir une peine privative de liberté prononcée contre lui par la justice pénale. Contrairement à ce que prétend le recourant, bien que nouveau, ce fait n'est pas irrecevable au sens de l'art. 99 al. 1 LTF: en effet, cette disposition circonscrit seulement les faits pertinents pour juger le fond de la cause; en revanche, sous l'angle de la recevabilité, est déterminant le moment où le Tribunal fédéral statue sur le recours; les faits postérieurs à l'arrêt attaqué qui conditionnent la recevabilité du recours sont donc pris en considération, notamment s'ils ont pour effet, comme en l'espèce, de supprimer l'intérêt actuel du recourant à obtenir la modification ou l'annulation de la décision attaquée au sens de l'art. 89 al. 1 let. c LTF (cf. ATF 136 II 497 consid. 3.3 p. 500 s. et les arrêts cités).
3.3 Le Tribunal fédéral fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle ne perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 136 II 101 consid. 1.1 p. 103; 135 I 79 consid. 1.1 p. 81). La jurisprudence a par ailleurs admis que l'autorité de recours doit entrer en matière pour examiner la licéité de la détention d'une personne libérée en cours de la procédure, dans la mesure où le recourant invoque de manière défendable un grief fondé sur la CEDH (cf. arrêt 2C_745/2010 du 31 mai 2011 consid. 4 destiné à la publication et les arrêts cités).
En l'espèce, ces conditions ne sont pas réunies. D'une part, si elle devait être renouvelée, la mise en détention prononcée contre le recourant pourrait, en raison de sa durée (trois mois), faire l'objet d'un contrôle judiciaire de la part du Tribunal fédéral; sa levée au profit d'un ordre d'écrou apparaît du reste un événement plutôt exceptionnel dont rien n'indique qu'il va à l'avenir se reproduire. D'autre part, le recourant a été mis en détention en vue de son renvoi sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 et 3 LEtr, en raison d'un risque de soustraction au renvoi et des crimes qu'il a commis (en relation avec l'art. 75 al. 1 let. h LEtr); or, l'autorité compétente a clairement exposé au Tribunal fédéral (cf. son écriture du 3 août 2011, p. 3) qu'en ne rentrant pas de plein gré dans son pays par le vol du 4 août écoulé réservé à son attention, le recourant s'exposait à l'avenir à une détention pour insoumission au sens de l'art. 78 LEtr; comme cette dernière disposition prévoit des conditions différentes de la détention en vue du renvoi, il ne se justifie pas de faire exception à l'exigence d'un intérêt actuel et d'examiner la légalité de la détention litigieuse qui a été prononcée sur la base de l'art. 76 LEtr.
Par ailleurs, le recourant ne soulève aucun grief fondé sur la CEDH et ne conteste du reste pas le principe de sa détention en vue du renvoi.
3.4 Partant, le recours est devenu sans objet, faute d'intérêt actuel digne de protection au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, et l'affaire doit être rayée du rôle (cf. arrêts 4A_604/2010 du 11 avril 2011 consid. 1.2 et 2C_433/2007 du 27 septembre 2007 consid. 2; ALAIN WURZBURGER, in Commentaire de la LTF, no 23 ad art. 89).
4.
4.1 Aux termes de l'art. 72 PCF (applicable par renvoi de l'art. 71 LTF), lorsqu'un procès devient sans objet ou que les parties cessent d'y avoir un intérêt juridique, le tribunal, après avoir entendu les parties, mais sans autres débats, déclare l'affaire terminée et statue sur les frais du procès par une décision sommairement motivée, en tenant compte de l'état de choses existant avant le fait qui met fin au litige. Dans ce cadre, il n'y a pas lieu d'examiner en détail quelle eût été normalement l'issue du procès. Il convient de procéder simplement à une appréciation sommaire au vu du dossier. La décision sur les frais n'équivaut pas à un jugement matériel et ne doit, selon les circonstances, pas préjuger d'une question juridique délicate. Si l'issue probable de la procédure dans le cas concret ne peut être établie sans plus ample examen, il convient d'appliquer par analogie les critères valables en procédure civile. A cet égard, les frais et dépens seront supportés en premier lieu par la partie qui a provoqué la procédure devenue sans objet ou chez qui sont intervenues les causes qui ont conduit à ce que cette procédure devienne sans objet (cf. ATF 118 Ia 488 consid. 4a p. 494 s.; arrêt 2C_45/2009 du 26 juin 2009 consid. 3.1).
4.2 En l'espèce, le recourant remplissait manifestement les conditions mises à sa détention en vue d'un renvoi, au vu notamment, selon les constatations cantonales qui lient le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF), de ses condamnations pénales pour crimes (cf. art. 76 al. 1 let. b ch. 2 LEtr en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEtr). Il ne contestait du reste pas, dans son écriture de recours, la réalisation de ces conditions, mais faisait seulement valoir que sa détention devait être levée, car sa détention était impossible au sens de l'art. 80 al. 6 let. a LEtr, faute de convention entre la Suisse et l'Algérie autorisant des vols spéciaux. Il est vrai la jurisprudence a admis la levée de la détention de Nigérians détenus en vue de leur renvoi au sens de l'art. 76 LEtr, au motif que les vols spéciaux à destination de leur pays d'origine avaient été supprimés, sans qu'il n'y ait aucun indice de reprise de tels vols dans un délai prévisible (arrêts 2C_538/2010 du 19 juillet 2010 consid. 3; 2C_386/2010 du 1er juin 2010 consid. 5 et 2C_473/2010 du 25 juin 2010 consid. 4.2 et les références). Il s'agissait toutefois de cas où l'on pouvait clairement et avec quasi-certitude déduire des circonstances que les personnes concernées s'opposeraient par tous les moyens, au besoin par la force, à leur renvoi, par exemple parce qu'elles avaient précédemment refusé de monter à bord d'avions de ligne, si bien que seuls des vols spéciaux entraient en ligne de compte (cf. l'état de fait des arrêts précités 2C_386/2010 [ad let. A] et 2C_473/2010 [ad let. B]). En l'espèce, ce n'est toutefois que le 4 août 2011 que le recourant a refusé pour la première fois d'embarquer sur un vol de ligne réservé à son attention; auparavant, soit au moment de sa mise en détention en vue du renvoi en juin 2011, rien ne permettait d'affirmer, du moins avec une certitude suffisante, qu'il ne se soumettrait pas à son renvoi; au contraire, il ressort des constatations cantonales que lorsqu'il a été entendu par le Tribunal de première instance, le 23 juin 2011, il a certes déclaré s'opposer à son retour en Algérie, mais seulement "tant qu'on ne lui avait pas rendu les affaires en sa possession lors de son interpellation" (arrêt attaqué, chiffre 7; cf. aussi procès-verbal d'interrogatoire de la police du 22 juin 2011).
Par conséquent, il faut admettre, du moins sur la base d'un examen sommaire des faits de la cause, que la détention litigieuse n'apparaissait pas contraire aux art. 76 LEtr et 80 al. 6 LEtr.
4.3 Dans la mesure où il sont directement liés à la prétendue illégalité de la détention prononcée sur la base de l'art. 76 LEtr, les moyens tirés de la violation des principes d'égalité et du droit d'être entendu (sous l'angle du droit à une motivation suffisante) n'étaient selon toute vraisemblance pas davantage de nature à fonder les conclusions du recours. En particulier, le recourant n'a nullement pris la peine d'établir, dans les cas de détention en vue de renvoi jugés contraires au droit qu'il a invoqués à l'appui de son argumentation, que des renvois étaient, comme dans sa situation, envisageables malgré l'absence de vols spéciaux.
4.4 Il résulte de ce qui précède que l'issue la plus prévisible du recours était son rejet. Compte tenu de la situation du recourant, il sera toutefois statué sans frais (art. 66 al. 1 in fine LTF). En revanche, comme ses conclusions étaient dénuées de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit aussi être rejetée (art. 64 al. 1 LTF).
par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est sans objet et la cause est rayée du rôle.
2.
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Officier de police, à l'Office cantonal de la population, au Tribunal administratif de première instance et à la Chambre administrative de la Cour de justice du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des migrations.
Lausanne, le 13 septembre 2011
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Zünd
Le Greffier: Addy