BGer 1B_460/2011 |
BGer 1B_460/2011 vom 21.09.2011 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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1B_460/2011
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Arrêt du 21 septembre 2011
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Ire Cour de droit public
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Composition
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MM. les Juges Fonjallaz, Président, Reeb et Eusebio.
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Greffier: M. Kurz.
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Participants à la procédure
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A.________, représenté par Me Pascal Junod, avocat,
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recourant,
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contre
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Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.
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Objet
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détention provisoire,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 3 août 2011.
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Faits:
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A.
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A.________, ressortissant équatorien né en 1969, se trouve en détention provisoire à Genève depuis le 13 avril 2011 sous la prévention de tentative de meurtre. Le 9 avril 2011, après avoir bu de nombreuses bières en compagnie de B.________ et C.________, ce dernier l'aurait notamment frappé à la tête avec une bouteille. Peu après, le prévenu avait frappé C.________ à l'abdomen avec un couteau. La victime avait dû être opérée. Après avoir pris la fuite, A.________ s'était livré à la police le 13 avril 2011.
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La détention provisoire a été confirmée le 14 avril 2011 par le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève (Tmc). Elle a ensuite été prolongée par ordonnances des 27 avril et 28 juin 2011, en raison du risque de fuite et d'un risque de réitération que l'on ne pouvait exclure tant que le rapport d'expertise psychiatrique n'était pas rendu. Par arrêt du 3 août 2011, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a confirmé cette dernière décision. Le prévenu était de nationalité équatorienne, domicilié en Espagne avec sa famille. Il faisait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse. Même s'il avait une soeur qui vivait à Genève, le risque de fuite apparaissait élevé. La caution proposée, de 10'000 fr., n'était pas suffisante. Le risque de récidive ne pouvait être écarté en l'état.
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B.
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Par acte du 5 septembre 2011, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande l'annulation de l'arrêt cantonal et sa mise en liberté immédiate, éventuellement moyennant le versement d'une caution de 10'000 fr. Plus subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. Par la suite, il a requis l'assistance judiciaire.
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La Cour cantonale se réfère à son arrêt, et le Ministère public a renoncé à présenter des observations.
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Considérant en droit:
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1.
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Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, notamment les décisions relatives à la détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP.
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Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, l'accusé a qualité pour agir. Le recours est formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
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2.
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Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168).
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Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 135 I 71 consid. 2.5 p. 73 s. et les références).
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3.
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Le recourant se plaint d'établissement manifestement inexact des faits, s'agissant de savoir qui, de lui ou de la victime, se serait avancé vers l'autre. Selon le procès-verbal d'audition, le recourant a été rendu attentif au fait que, selon le témoin, c'est lui qui se serait dirigé vers la victime qui se trouvait assise. Le recourant a alors simplement répondu: "j'avais reçu des coups et [...] cela m'avait perturbé". Dès lors que le recourant ne contestait pas la version du témoin, la cour cantonale pouvait en déduire qu'il était "possible" que le recourant se soit rendu en direction de la victime, et non le contraire. Cette considération n'est pas contraire aux pièces du dossier. Au demeurant, dans la mesure où le recourant ne conteste ni l'existence de charges suffisantes, ni la qualification juridique des faits qui lui sont reprochés, son grief apparaît dénué de pertinence.
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Quant aux faits en rapport avec le risque de fuite (soit l'existence d'une procédure de naturalisation en Espagne et le fait que le recourant s'est spontanément rendu à la police), ils ne sont pas contestés en tant que tels par la cour cantonale et doivent être examinés conjointement avec le grief de fond.
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4.
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Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 221 CPP. Il conteste l'existence d'un risque de fuite. Il estime que la présence de sa soeur à Genève représenterait une forte attache familiale. Le fait qu'il soit spontanément venu se dénoncer en Suisse constituerait un argument de poids en sa faveur. De même, en cas de fuite en Espagne une demande d'extradition de la Suisse mettrait à néant la procédure de naturalisation.
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4.1 Selon la jurisprudence le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 117 Ia 69 consid. 4a p. 70, 108 Ia 64 consid. 3 p. 67).
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4.2 Le recourant est de nationalité équatorienne et l'essentiel de sa famille se trouve en Espagne. Il a manifestement de très solides attaches avec ce pays puisqu'il en a demandé la nationalité et que cette demande, selon ses propres déclarations, est sur le point d'aboutir. Les arguments soulevés ne sont pas à même de remettre en cause ou de relativiser le risque de fuite. Après avoir pris la fuite, le recourant ne s'est en effet nullement livré spontanément et dans le seul intérêt de l'enquête: comme cela ressort des explications fournies dans le recours cantonal, il s'est rendu aux autorités suisses pour éviter que les faits qui lui sont reprochés ne parviennent à la connaissance des autorités espagnoles, ce qui compromettrait ses chances d'obtenir la nationalité espagnole. Par ailleurs, si le recourant obtenait dans l'intervalle la nationalité espagnole, cela empêcherait, en cas de fuite, une éventuelle extradition à la Suisse. L'existence d'une procédure de naturalisation n'apparaît dès lors pas comme un élément favorable au recourant. Le risque de fuite est indéniable.
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4.3 Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.), il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l'art. 237 al. 1 CPP, qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l'art. 237 al. 2 CPP, font notamment partie des mesures de substitution la fourniture de sûretés (let. a) et la saisie des documents d'identité (let. b). Celui qui prétend à une libération sous caution doit fournir à l'autorité tous les éléments nécessaires pour évaluer le caractère dissuasif du montant proposé.
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4.4 En l'occurrence, le recourant se contente de relever qu'il est sans travail et que la caution de 10'000 fr. "représente beaucoup" pour sa famille qui n'a que peu de moyens financiers. Le recourant a certes donné certaines indications sur ses propres revenus et sur ceux de sa soeur, mais on ignore tout sur d'éventuels éléments de fortune ainsi que sur les autres personnes susceptibles de fournir tout ou partie de la caution proposée. Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait retenir que le montant relativement modeste proposé par le recourant ne constituait pas une garantie suffisante, face à un risque de fuite évident.
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5.
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Le maintien en détention en raison du risque de fuite dispense d'examiner la question du risque de récidive.
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6.
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Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies. Me Pascal Junod est désigné comme avocat d'office du recourant, rétribué par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté.
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2.
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La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Pascal Junod est désigné comme défenseur d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à verser par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
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Lausanne, le 21 septembre 2011
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Fonjallaz
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Le Greffier: Kurz
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