Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
8C_311/2011
Arrêt du 12 décembre 2011
Ire Cour de droit social
Composition
MM. et Mmes les Juges Ursprung, Président, Leuzinger, Frésard, Niquille et Maillard.
Greffière: Mme Fretz Perrin.
Participants à la procédure
L.________,
recourant,
contre
Caisse cantonale vaudoise de chômage, Division technique et juridique, Rue Caroline 9bis, 1014 Lausanne,
intimée.
Objet
Assurance-chômage (période de cotisation; prolongation du délai-cadre),
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 24 février 2011.
Faits:
A.
L.________ a travaillé en qualité de sommelier du 14 juin 2006 au 28 février 2007 au service de X.________ SA, qui exploitait la pizzeria «Y.________». Il a ensuite exercé une activité indépendante comme exploitant d'un restaurant-pizzeria à Z.________ du 6 mars 2007 au 16 janvier 2009, date à laquelle son entreprise individuelle a été radiée du registre du commerce. Le 2 septembre 2009, il a demandé à bénéficier des indemnités de l'assurance-chômage à partir du 31 août 2009, date de son inscription auprès de l'Office régional de placement de Lausanne.
Par décision du 17 septembre 2009, confirmée sur opposition le 14 décembre 2009, la caisse cantonale de chômage a nié le droit à l'indemnité prétendue, au motif que l'intéressé ne remplissait pas les conditions relatives à la période de cotisation. Durant le délai-cadre ordinaire de cotisation de deux ans, il n'avait pas exercé d'activité soumise à cotisation. Certes, le délai-cadre pouvait être prolongé de la durée de l'activité indépendante. Toutefois, cette prolongation ne pouvait excéder la durée de l'activité indépendante exercée pendant le délai-cadre de cotisation ordinaire. En l'espèce, le délai-cadre de cotisation ordinaire s'étendait du 31 août 2007 au 30 août 2009. Pendant cette période, l'assuré avait exercé une activité indépendante du 31 août 2007 au 16 janvier 2009, soit 16 mois et 13 jours. Le délai-cadre ordinaire ne pouvait dès lors être prolongé que pour cette même période qui s'étendait, par conséquent, du 14 avril 2006 au 31 août 2009. Pendant ce laps de temps, l'assuré ne pouvait pas se prévaloir d'une période de cotisation de douze mois au moins.
B.
Par jugement du 24 février 2011, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours formé contre la décision sur opposition par L.________.
C.
L.________ a formé un recours en matière de droit public en concluant à l'annulation de la décision attaquée et en demandant au Tribunal fédéral d'inviter la caisse à tenir compte d'une prolongation du délai-cadre correspondant à toute la durée de son activité indépendante (22 mois et 12 jours) et de fixer en conséquence le début du délai-cadre de cotisation au 18 octobre 2005.
La caisse intimée s'en remet à justice. Quant au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), il conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.
1.1 L'assuré a droit à l'indemnité de chômage si, entre autres conditions, il remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 8 al. 1 let. e LACI). Selon l'art. 13 al. 1 LACI (dans sa version en vigueur depuis le 1er juillet 2003), celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI) - c'est-à-dire dans les deux ans précédant le jour où toutes les conditions du droit à l'indemnité sont remplies - a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation.
1.2 En l'espèce, il est constant qu'au moment où il s'est annoncé à l'assurance-chômage, le recourant ne pouvait pas se prévaloir d'une activité soumise à cotisation d'au moins une année au cours des deux années précédentes.
2.
Sous le titre «Délais-cadres pour les assurés qui entreprennent une activité indépendante sans l'aide de l'assurance-chômage», l'art. 9a LACI, en vigueur également depuis le 1er juillet 2003, a la teneur suivante:
«1Le délai-cadre d'indemnisation de l'assuré qui a entrepris une activité indépendante sans toucher les prestations visées aux art. 71a à 71d est prolongé de deux ans aux conditions suivantes:
a. un délai-cadre d'indemnisation courait au moment où l'assuré a entrepris l'activité indépendante;
b. l'assuré ne peut pas justifier d'une période de cotisation suffisante au moment où il cesse cette activité ou du fait de celle-ci.
2Le délai-cadre de cotisation de l'assuré qui a entrepris une activité indépendante sans toucher de prestations est prolongé de la durée de l'activité indépendante, mais de deux ans au maximum.
3L'assuré ne peut toucher au total plus que le nombre maximum d'indemnités journalières fixé à l'art. 27.»
Cette disposition permet aux assurés qui se sont lancés dans une activité indépendante de bénéficier, sous certaines conditions, d'une prolongation de deux ans au maximum du délai-cadre d'indemnisation ou du délai-cadre de cotisation.
Le premier alinéa vise le cas où le délai-cadre d'indemnisation (art. 9 al. 2 LACI) court au moment où l'assuré débute son activité indépendante. Dans cette éventualité, le délai-cadre expire pendant l'exercice de cette activité (Message du 28 février 2001 concernant la révision de la loi sur l'assurance-chômage, FF 2001 2156 ch. 2.1 ad art. 9 LACI). Quant au deuxième alinéa, il vise la situation où une prolongation du délai-cadre d'indemnisation n'entre pas en ligne de compte (aucun délai-cadre d'indemnisation n'étant ouvert). Le délai-cadre de cotisation est prolongé de la durée de l'activité indépendante, mais de deux ans au maximum.
3.
En l'espèce, le litige porte sur l'application de l'art. 9a al. 2 LACI.
3.1 Les premiers juges ont confirmé la décision sur opposition de la caisse en se référant au ch. B59 de la circulaire du SECO relative à l'indemnité de chômage (état: janvier 2007). Selon cette directive, la prolongation du délai-cadre de cotisation ne peut excéder la durée de l'activité indépendante exercée pendant le délai-cadre de cotisation ordinaire du moment que l'assuré n'a pas été empêché de cotiser durant le laps de temps excédentaire (principe de causalité). Le SECO donne l'exemple d'un assuré qui a exercé une activité indépendante pendant 23 mois. Sur ces 23 mois, 13 ont été accomplis pendant le délai-cadre de cotisation ordinaire et 10 avant. Le délai-cadre de cotisation ne peut donc être prolongé que de 13 mois. Cet exemple peut être représenté selon le schéma suivant:
[img]
Dans ses déterminations sur le recours, le SECO précise qu'une prolongation du délai-cadre de la durée totale de l'activité indépendante (mais au maximum 24 mois) n'est pas admissible, car cela dépasserait de loin la volonté du législateur, qui a toujours renoncé, pour divers motifs, à donner la possibilité aux personnes exerçant une activité indépendante de s'assurer contre le risque de chômage.
3.2 Le recourant soutient que la directive invoquée est contraire au texte clair de l'art. 9a al. 2 LACI.
4.
4.1 Il convient en premier lieu de préciser que les directives du SECO constituent des ordonnances administratives adressées aux organes chargés de l'application de l'assurance-chômage afin d'assurer une pratique uniforme en ce domaine. Dans ce but, elles indiquent l'interprétation généralement donnée à certaines dispositions légales. Elles n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux (ATF 133 II 305 consid. 8.1 p. 315 et les références). Toutefois, du moment qu'elles tendent à une application uniforme et égale du droit, ces derniers ne s'en écartent que dans la mesure où elles ne restitueraient pas le sens exact de la loi (voir ATF 133 V 346 consid. 5.4.2 p. 352).
4.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (voir par exemple ATF 137 II 164 consid. 4.1 p. 170).
4.3 Sur le point litigieux, le texte de l'art. 9a al. 2 LACI est clair. Le délai-cadre est prolongé de la durée de l'activité indépendante, mais de deux ans au maximum («wird um die Dauer der selbstständigen Erwerbstätigkeit, höchstens jedoch um zwei Jahre verlängert»; «è prolungato della durata dell'attività indipendente, ma al massimo di due anni»). Il convient donc d'examiner s'il existe des raisons objectives permettant de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la norme en cause.
4.4 Selon le Message du Conseil fédéral, le but de l'art. 9a al. 2 LACI est d'éviter que l'assuré qui a exercé une activité indépendante soit pénalisé pour cette raison dans son droit à l'indemnité (Message cité, p. 2156). Aussi bien les droits acquis avant l'exercice de l'activité indépendante sont-ils préservés (BORIS RUBIN, Assurance-chômage, 2e éd., 2006, no 3.4.4.1.2, p. 138). En ce sens, le législateur a fait un pas en direction de la réalisation du mandat constitutionnel visant à ce que les indépendants soient protégés en cas de chômage, mandat qui prévoit l'institution d'une assurance facultative pour les indépendants (art. 114 al. 2 let. c Cst.; cf. RUBIN, op. cit. no 3.4.4.1 p. 137).
Rien ne permet de dire, comme le soutient le SECO, qu'une interprétation littérale dépasserait la volonté du législateur. Le message ne contient aucune restriction qui irait dans le sens préconisé par le SECO. La question n'a ensuite pas été discutée au Parlement, les deux Chambres s'étant ralliées sans discussion à la proposition du Conseil fédéral (cf. BO 2001 CE 395 et 2001 CN 1884). Une prolongation du délai-cadre de deux ans au maximum présente déjà une garantie face à une extension plus large de l'assurance-chômage aux indépendants que le législateur, à ce jour, n'a pas concrétisée. La solution proposée par le SECO revient en réalité à admettre une prolongation maximale de 24 mois uniquement dans des situations où l'activité indépendante se recouvre en totalité avec le délai-cadre ordinaire de cotisation de deux ans, ce qui va à l'encontre du texte clair de la loi. Elle pénalise, de surcroît, les assurés qui, après la cessation de leur activité indépendante, ne s'annoncent pas immédiatement à l'assurance-chômage. L'assurance-chômage n'a d'ailleurs aucun intérêt à une annonce immédiate, car l'assuré peut trouver dans l'intervalle un emploi. Quant au principe de causalité, il trouve son expression dans la condition que la prolongation doit correspondre exactement à la période de l'activité indépendante: c'est uniquement durant la période où l'assuré a exercé son activité indépendante qu'il n'a pas été en mesure de cotiser en vue d'ouvrir un droit à l'indemnité de chômage: (RUBIN, op. cit., no 3.4.4.1.2, p. 139). On notera enfin que la conception défendue par le SECO ne trouve pas non plus appui en doctrine (RUBIN, op. cit., nos 3.4.4.1.2 s. p. 138 s.; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR, vol. XIV, 2e éd., 2007, nos 106 ss, p. 2213).
4.5 On peut ainsi conclure que la directive litigieuse pose une condition supplémentaire, non prévue par la loi, à la prise en compte de l'activité indépendante pour la prolongation du délai-cadre de cotisation. Dans cette mesure, elle s'écarte des limites fixées par la norme qu'elle est censée concrétiser. Aussi bien convient-il d'admettre, conformément au texte légal, que la prolongation du délai-cadre de cotisation peut excéder la durée de l'activité indépendante exercée pendant le délai-cadre de cotisation ordinaire. En d'autres termes, pour que l'assuré puisse conserver des droits acquis avant l'exercice de son activité indépendante il suffit, d'un point de vue temporel, qu'il s'annonce à l'assurance-chômage à un moment où il remplit encore la période de cotisation minimale de douze mois dans le délai-cadre prolongé. Comme la condition d'une année au moins de cotisation doit être remplie dans un délai-cadre (prolongé) de quatre ans au maximum, l'annonce doit intervenir au plus tard trois années après le dernier jour de l'activité soumise à cotisation (sous réserve de périodes de cotisation accomplies parallèlement à l'exercice d'une activité indépendante; cf. NUSSBAUMER, op. cit., n° 109, p. 2213).
5.
Dans ces conditions et sans préjuger de toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité, il convient d'annuler le jugement attaqué, ainsi que la précédente décision sur opposition, et de renvoyer la cause à la caisse intimée pour qu'elle statue à nouveau sur l'indemnisation du recourant à l'aune des considérants du présent arrêt.
6.
Vu l'issue du litige, l'intimée supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 24 février 2011, ainsi que la décision sur opposition du 14 décembre 2009, sont annulés, la cause étant renvoyée à la caisse intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat à l'économie.
Lucerne, le 12 décembre 2011
Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Ursprung
La Greffière: Fretz Perrin