Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_697/2011
Arrêt du 5 janvier 2012
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Fonjallaz, Président,
Merkli et Eusebio.
Greffière: Mme Mabillard.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me Daniel Kinzer, avocat,
recourant,
contre
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3.
Objet
Détention à des fins de sûreté,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du
canton de Genève, Chambre pénale de recours,
du 25 novembre 2011.
Faits:
A.
X.________, se disant ressortissant égyptien et palestinien, sous interdiction d'entrée en Suisse jusqu'au 8 décembre 2013 et sans profession, a été interpellé le 10 octobre 2011 à Genève. Il a été prévenu d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b et c de la loi fédérale du 18 décembre 2005 sur les étrangers (LEtr; RS 142.20). Le prénommé a admis séjourner en Suisse depuis de longues années, sans titre de séjour et a indiqué vivre d'expédients, à savoir de divers travaux, notamment agricoles, accomplis dans les cantons de Genève et de Fribourg. A la police il a indiqué dormir "dehors chez des amis" et au Ministère public loger "la plupart du temps à A.________, l'immeuble n° ** et l'appartement ***".
Le 11 octobre 2011, le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après: le Tmc) a autorisé le placement en détention provisoire de l'intéressé pour une durée d'un mois, vu les risques de fuite et de réitération.
Le même jour, le Ministère public l'a condamné par ordonnance pénale à une peine privative de liberté de 120 jours. X.________ a formé une opposition, laquelle a été rejetée le 28 octobre 2011. La cause a été transmise au Tribunal de police.
B.
Statuant le 2 novembre 2011 sur requête du Ministère public, le Tmc a autorisé le placement en détention de sûreté de X.________ jusqu'au 2 janvier 2012, retenant, comme dans son ordonnance précédente, que les risques de fuite et de réitération étaient concrets. Par ailleurs, la durée de la détention n'enfreignait pas le principe de proportionnalité.
L'audience de jugement était prévue pour le 20 décembre 2011.
Par arrêt du 25 novembre 2011, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale) a rejeté le recours formé par l'intéressé contre l'ordonnance du Tmc du 2 novembre 2011.
C.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre pénale du 25 novembre 2011 et d'ordonner sa mise en liberté immédiate, subsidiairement d'ordonner sa mise en liberté moyennant le dépôt de sûretés n'excédant pas 500 fr. Il requiert en outre l'assistance judiciaire. Il conteste l'existence des risques de récidive et de fuite ainsi que la proportionnalité de la décision attaquée.
La Chambre pénale se réfère aux considérants de son arrêt et n'a pas d'observations à formuler. Le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Le recourant a répliqué le 23 décembre 2011. Il précise que, lors de l'audience de jugement du 20 décembre 2011, son opposition a été déclarée irrecevable et qu'il fera recours contre cette ordonnance d'irrecevabilité. Par courrier du 30 décembre 2011, il a transmis au Tribunal fédéral une copie dudit recours adressé le même jour à la Chambre pénale.
Considérant en droit:
1.
Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est en principe ouvert contre une décision relative à la mise en détention pour des motifs de sûreté au sens de l'art. 232 CPP. Dès lors que l'acte de procédure litigieux ne met pas un terme à la procédure pénale (art. 90 s. LTF), il s'agit d'une décision incidente prise séparément au sens de l'art. 93 al. 1 LTF. La décision ordonnant la mise en détention préventive du prévenu étant susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, elle peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, l'accusé a qualité pour agir.
Les conditions de recevabilité du recours étant en l'espèce réunies, il y a lieu d'entrer en matière.
2.
Une mesure de détention provisoire n'est compatible avec la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce les art. 221 et 232 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH; arrêt 1B_63/2007 du 11 mai 2007 consid. 3 non publié in ATF 133 I 168).
Le Tribunal fédéral examine librement ces questions, sous réserve toutefois de l'appréciation des faits, revue sous l'angle restreint des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF (ATF 137 IV 122 consid. 2 p. 125-126).
3.
Le recourant ne discute pas l'existence de soupçons de culpabilité à son encontre. Il conteste en revanche l'existence des risques de fuite et de récidive.
3.1 Selon la jurisprudence, le risque de fuite au sens de l'art. 221 al. 1 let. a CPP doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et la jurisprudence citée). Lorsqu'elle admet l'existence d'un risque de fuite, l'autorité doit en outre examiner s'il ne peut être contenu par une mesure moins rigoureuse (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62; 123 I 268 consid. 2c p. 271; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67; 102 Ia 379 consid. 2a p. 381/382 et les arrêts cités).
3.2 En l'occurrence, la Chambre pénale a relevé que le recourant n'avait pas parlé à la police de ses attaches avec A.________ et qu'il ne l'avait fait pour la première fois que devant le Ministère public. Par ailleurs, dans son recours, il ne prétendait pas être titulaire d'un contrat de bail ou bénéficier d'un quelconque droit ou faveur d'un ayant-droit sur l'appartement ainsi désigné. Selon les juges cantonaux, il était d'autant plus douteux que ce logement constituait un véritable domicile pour le prévenu qu'on relevait, parmi les pièces du dossier, la présence d'un permis de visiter délivré à une femme domiciliée à B.________ (FR), laquelle se déclarait "son amie", de sorte qu'on était plutôt fondé à retenir, sur ce point, les premières déclarations du recourant, selon lesquelles il vivait en réalité d'expédients et sans domicile fixe, entre Genève et Fribourg. L'ensemble de ces éléments paraît suffisant pour motiver un risque concret de fuite. En effet, la nationalité étrangère du prévenu, sa situation irrégulière, sa précarité ainsi que l'absence de liens étroits avec la Suisse constituent déjà des indices selon lesquels il pourrait vraisemblablement prendre la fuite en cas de libération. Il importe peu que sa région d'origine traverse une grave crise politique, comme il l'allègue, puisqu'il pourrait également, cas échéant, se rendre dans un autre pays. De même, comme l'ont relevé les juges cantonaux, le traitement à la méthadone qu'il suit en Suisse ne peut pas avoir la valeur d'une attache, sinon durable avec le canton, du moins suffisante pour garantir l'exécution de la peine privative de liberté à laquelle il paraît concrètement exposé.
3.3 C'est par ailleurs à juste titre que les juges cantonaux ont considéré que le risque de fuite ne pouvait être pallié par le versement d'une caution. Le recourant n'a en effet nullement justifié l'origine du montant articulé et il fait valoir, à l'appui de sa demande d'assistance judiciaire, qu'il est dans le besoin. Il est dès lors douteux que le versement d'une éventuelle garantie soit assez dissuasif pour l'empêcher de se soustraire à son futur jugement.
4.
La mise en détention préventive du recourant étant justifiée par un risque de fuite, il n'y a pas lieu d'examiner si cette mesure s'impose également en raison d'un risque de récidive. La question de savoir si la commission réitérée, et admise, d'infractions à l'art. 115 LEtr peut être tenue pour un délit grave au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, peut dès lors rester indécise, comme elle l'a été devant la Chambre pénale.
5.
Le recourant se plaint en outre de la durée de sa détention. Celle-ci dure depuis deux mois et demi et apparaît encore proportionnée, au vu de la peine privative de liberté de 120 jours à laquelle il a été condamné, étant précisé que, lors de l'audience de jugement du 20 décembre 2011, son opposition a été déclarée irrecevable.
Toujours sous l'angle de la proportionnalité, le recourant estime que l'ordonnance pénale du Ministère public du 11 octobre 2011 viole l'art. 41 CP (courte peine privative de liberté) ainsi que le droit communautaire. A cet égard, il allègue que, selon l'arrêt Hassan El Dridi du 28 avril 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne (affaire C-61/11 PPU), la règlementation d'un Etat membre qui prévoit l'infliction d'une peine d'emprisonnement à un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d'un ordre de quitter le territoire de cet Etat dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié, est contraire au droit communautaire. En réalité, les critiques du recourant ne se rapportent pas à la légalité de sa détention préventive mais au bien-fondé de l'ordonnance de condamnation; elles sortent dès lors du cadre du présent litige. Ces questions seront donc, cas échéant, examinées par le juge du fond, auquel le juge de la détention ne saurait se substituer.
6.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, sa requête d'assistance judiciaire doit être admise (art. 64 al. 1 LTF). Par conséquent, il y a lieu de le dispenser des frais pour la procédure devant le Tribunal fédéral et d'allouer une indemnité à son mandataire, désigné comme avocat d'office (art. 64 al. 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Daniel Kinzer est désigné comme avocat d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
Lausanne, le 5 janvier 2012
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Mabillard