BGer 6B_574/2011 |
BGer 6B_574/2011 vom 20.02.2012 |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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6B_574/2011
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Arrêt du 20 février 2012
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Cour de droit pénal
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Composition
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MM. et Mme les Juges Mathys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et Denys.
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Greffière: Mme Gehring.
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Participants à la procédure
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1. X.________,
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2. Y.________,
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tous les 2 représentés par Me Jean-Franklin Woodtli, avocat,
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recourants,
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contre
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1. Ministère public du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
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2. Banque Z.________ SA,
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représentée par Me Philippe Neyroud, avocat,
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intimés.
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Objet
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Faux dans les titres; arbitraire,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, du 4 juillet 2011.
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Faits:
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A.
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Par jugement du 6 septembre 2010, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu X.________ et Y.________ coupables de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) et les a condamnés à une peine pécuniaire de 100, respectivement 120, jours-amende - à 500 fr. le jour - avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans. Le tribunal a réservé les droits de la partie civile.
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B.
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La Chambre pénale de la Cour de justice genevoise a rejeté l'appel des prénommés aux termes d'un arrêt rendu le 4 juillet 2011. Celui-ci est fondé sur les éléments de fait suivants.
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En vue de l'ouverture par la Banque Z.________ SA de comptes au nom des sociétés A.________ SA et B.________ Ltd, X.________ et Y.________ - agissant en qualité d'organes de la société C.________ SA - ont rempli et remis en copie à la banque deux formules A, en y désignant comme ayants droit économiques, sur l'une X.________ et un tiers, sur l'autre eux-mêmes et un tiers, alors qu'en réalité, les comptes étaient destinés à être crédités de 15'000'000 US$ prétendument hérités par une dénommée D.________.
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C.
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X.________ et Y.________ forment un recours en matière pénale contre l'arrêt cantonal, en concluant à leur acquittement.
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Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
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Considérant en droit:
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1.
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1.1 Les recourants se plaignent d'arbitraire dans la constatation des faits et l'appréciation des preuves.
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1.2 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. La partie recourante ne peut ainsi critiquer ces faits que s'ils ont été établis en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (sur cette notion, cf. ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 58 consid. 4.1.2 p. 62), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 5). En outre, le Tribunal fédéral n'examine, en général, que les questions juridiques que la partie recourante soulève conformément aux exigences légales relatives à la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 I 91 consid. 2.1 p. 93). De plus, il n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). L'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits violés et préciser en quoi consiste la violation (ATF 136 I 65 consid. 1.3.1 p. 68).
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1.3 Dans la partie de leur mémoire intitulée "faits essentiels", les recourants se distancient dans une large mesure des faits retenus, ce qui n'est pas admissible à défaut de grief recevable selon les exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Dans la partie de leur mémoire intitulée "les griefs", ils se plaignent d'appréciation arbitraire des preuves en se bornant à formuler des remarques générales, sans indiquer précisément quels sont les passages des témoignages et les pièces du dossier qui sont invoqués. Dans cette mesure, le recours ne va guère au-delà d'une plaidoirie, dans laquelle on ne discerne aucune démonstration d'arbitraire au sens défini par la jurisprudence qui satisfasse aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF. Les griefs ainsi formulés sont irrecevables.
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2.
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2.1 Les recourants, qui invoquent une violation de l'art. 251 CP, contestent avoir eu la volonté de tromper la banque. A l'appui de leur point de vue, ils font valoir que plusieurs des employés de celle-ci connaissaient l'identité de la véritable ayant droit économique des comptes bancaires sujets à ouverture. En outre, les formules A remises en copie à l'établissement de crédit n'avaient pas encore été soumises au « compliance officer » de C.________ SA. A l'état de projet, elles constituaient de simples documents provisoires de travail.
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2.2 L'art. 251 ch. 1 CP réprime celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.
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2.2.1 Tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique sont des titres (cf. art. 110 ch. 4 CP). L'application de l'art. 251 CP n'est pas limitée à l'usage d'originaux, une copie d'un document falsifié suffisant (ATF 115 IV 51 consid. 6b p. 57). Un formulaire A, dont le contenu est inexact quant à la personne de l'ayant droit économique, constitue un faux dans les titres au sens de l'art. 251 CP (arrêt 6S.346/1999 du 30 novembre 1999 consid. 4 in SJ 2000 I 234; arrêt 6S.293/2005 du 24 février 2006 consid. 8.2.1; arrêt 6B_706/2009 du 10 mars 2010).
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2.2.2 Du point de vue subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, le dol éventuel suffisant. Ainsi, l'auteur doit être conscient que le document est un titre. Il doit également savoir que le contenu ne correspond pas à la vérité. L'auteur doit avoir voulu (faire) utiliser le titre en le faisant passer pour véridique, ce qui présuppose l'intention de tromper autrui. Bien que l'art. 251 CP ne le mentionne qu'au sujet de l'usage de faux, l'intention de tromper est requise dans tous les cas d'espèce visés par la disposition. En revanche, point n'est besoin que l'auteur ait eu l'intention d'utiliser lui-même le titre. Il suffit qu'il ait su (au sens d'un dol éventuel) qu'un tiers allait l'utiliser de façon trompeuse pour amener autrui à avoir un comportement ayant une portée juridique effectivement (ATF 135 IV 12 consid. 2.2 p. 15; arrêt 6B_522/2011 du 8 décembre 2011 consid. 1.3). Il n'est pas non plus requis que la tromperie réussisse (cf. ATF 121 IV 216 consid. 4 p. 223; cf. MARKUS BOOG, in: Basler Kommentar, Strafgesetzbuch, 2e éd. 2007, n. 87 ad art. 251 CP). De surcroît, l'art. 251 CP exige un dessein spécial, à savoir que l'auteur agisse afin de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite.
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2.2.3 Déterminer ce qu'une personne a su, voulu, envisagé ou accepté relève de l'établissement des faits. Est en revanche une question de droit, celle de savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de la notion d'intention, notamment de dol éventuel, et si elle l'a correctement appliquée sur la base des faits retenus et des éléments à prendre en considération (ATF 133 IV 1 consid. 4.1).
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2.3
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2.3.1 Selon les constatations cantonales - qui lient le Tribunal fédéral dès lors que les griefs d'arbitraire ont été écartés (cf. supra consid. 1.3; art. 105 al. 1 LTF) - les recourants ont rempli et remis en copie à la banque en vue de l'ouverture de comptes bancaires, deux formulaires A signés dont ils ont faussement désigné les ayants droit économiques, sachant d'expérience qu'elle s'y refuserait si elle avait connu l'identité de la véritable bénéficiaire (cf. arrêt attaqué p. 10 § 2-3 et p. 11 § 2). En outre, rien au dossier n'indiquait que les recourants aient entendu modifier ultérieurement l'identité des ayants droit économiques mentionnés (cf. arrêt attaqué p. 10 § 3). Cela étant, les recourants ont consciemment et volontairement omis de révéler l'identité de la véritable ayant droit économique des comptes bancaires sujets à ouverture, cela dans le but de convaincre la banque d'entreprendre des relations bancaires auxquelles elle se serait refusée si elle avait été correctement informée. C'est par conséquent à juste titre que l'intention de tromper l'établissement financier leur a été imputée (cf. arrêt attaqué p. 10 § 3).
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Le fait que les démarches d'ouverture des comptes bancaires n'aient pas abouti et que certains employés de la banque aient connu l'identité du véritable ayant droit économique concerné, n'est pas de nature à disculper les auteurs de leur responsabilité pénale. Le faux dans les titres constitue une infraction de mise en danger abstraite (ATF 123 IV 61 consid. 5a p. 63), de sorte que la seule intention de tromper suffit et qu'il n'est pas nécessaire que la duperie réussisse (cf. consid. 2.2.2 supra). La connaissance par certains employés de la banque du véritable ayant droit économique des comptes bancaires sujets à ouverture n'est pas non plus déterminante s'agissant de l'intention de tromper. En effet, la banque n'est pas l'unique destinataire des formulaires A. D'autres tiers - autorités de surveillance, réviseurs externes, autorités de poursuite pénale - pouvaient être amenés à apprécier le respect de la loi fédérale sur le blanchiment d'argent (LBA; RS 955.0) où le formulaire A joue un rôle déterminant (arrêt 6B_706/2009 du 10 mars 2010 consid. 3.2).
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Quoi qu'en disent les recourants, il est également sans incidence sur l'issue du litige qu'ils aient considéré les formules A remises à l'intimée comme provisoires. La confiance particulière conférée dans les rapports juridiques aux titres en tant que moyen de preuve (ATF 129 IV 53 consid. 3.2) commande d'admettre la volonté de tromper aussitôt qu'ils sont mis en circulation sans indication spéciale attestant visiblement de leur caractère provisoire. Les recourants n'allèguent pas que tel serait le cas en l'occurrence.
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2.3.2 Par ailleurs, la juridiction cantonale a retenu que la condition subjective du dessein spécial sous la forme d'un avantage illicite était également réalisée puisque l'ouverture des comptes bancaires aurait permis aux recourants d'encaisser des rétrocessions pour avoir favorisé la conclusion d'affaires par la banque et de percevoir des commissions en investissant les fonds dans des opérations immobilières.
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2.3.3 Partant, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en admettant qu'outre les conditions objectives présidant à la commission de faux dans les titres, l'élément subjectif de l'infraction en était également réalisé. Le grief soulevé sur ce point est mal fondé.
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3.
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En tant qu'ils succombent, les recourants supportent les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 4000 fr., sont mis à la charge des recourants.
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3.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale.
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Lausanne, le 20 février 2012
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Mathys
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La Greffière: Gehring
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