BGer 4A_63/2012 |
BGer 4A_63/2012 vom 09.03.2012 |
Bundesgericht
|
Tribunal fédéral
|
Tribunale federale
|
{T 0/2}
|
4A_63/2012
|
Arrêt du 9 mars 2012
|
Ire Cour de droit civil
|
Composition
|
Mmes et MM. les juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
|
Greffier: M. Thélin.
|
Participants à la procédure
|
X.________ SA,
|
représentée par Me Pascal Dévaud,
|
demanderesse et recourante,
|
contre
|
A.________ SA,
|
représentée par Me Thierry Amy,
|
B.________ SA, représentée par Me Pierre-André Oberson,
|
C.________ SA, représentée par Me Christian Bettex,
|
défenderesses et intimées.
|
Objet
|
procédure civile; suspension
|
recours contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2011 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
|
Considérant en fait et en droit:
|
1.
|
Le 13 octobre 2010, X.________ SA a ouvert action contre A.________ SA, B.________ SA et C.________ SA devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. Les défenderesses doivent être condamnées à lui payer solidairement 1'376'400 fr. en capital, à titre de dommages-intérêts pour inexécution d'une promesse que Y.________ SA a obtenue en sa faveur le 26 mai 2009, relative à la cession conditionnelle d'actions de C.________ SA.
|
Le 16 septembre précédent, Y.________ SA avait déjà ouvert action contre les mêmes défenderesses devant le Tribunal cantonal du canton de Vaud; elle prétend à des dommages-intérêts pour inexécution d'un contrat conclu également le 26 mai 2009 entre elle et ses adverses parties, concernant aussi la cession conditionnelle d'actions de C.________ SA. Dans ce procès, A.________ SA a demandé l'autorisation d'appeler en cause X.________ SA.
|
Devant le Tribunal de première instance genevois, les défenderesses ont conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande; à titre subsidiaire, elles ont demandé la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur cette demande d'appel en cause, ou, alternativement, le dessaisissement en faveur de la juridiction vaudoise.
|
Par jugement du 5 mai 2011, le Tribunal de première instance a ordonné la suspension jusqu'à droit connu sur la demande d'appel en cause.
|
La Cour de justice a statué le 21 décembre 2011 sur l'appel de la demanderesse; elle a confirmé le jugement.
|
2.
|
Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et d'ordonner la continuation de l'instruction devant le Tribunal de première instance.
|
Chacune des défenderesses a pris position sur une demande d'effet suspensif jointe au recours. Elles n'ont pas été invitées à répondre au recours.
|
3.
|
Le code de procédure civile unifié est entré en vigueur le 1er janvier 2011. Selon l'art. 404 al. 1 de ce code et jusqu'à la clôture de l'instance, le procès commencé auparavant, en l'occurrence le 13 octobre 2010, demeure soumis au droit fédéral et cantonal alors en vigueur. Une éventuelle suspension jusqu'à droit connu sur une cause connexe demeure donc régie par l'art. 36 al. 1 de la loi fédérale sur les fors du 24 mars 2000 (LFors; RO 2000 p. 2355). Les art. 35 et 36 de cette loi, constituant le chapitre « actions identiques et actions connexes », se lisaient comme suit:
|
Art. 35 - actions identiques
|
1 Lorsque des actions portant sur le même objet de litige entre les mêmes parties sont introduites devant plusieurs tribunaux, tout tribunal saisi ultérieurement sursoit à la procédure jusqu'à ce que le tribunal saisi en premier lieu ait statué sur sa compétence.
|
2 Aucun tribunal saisi ultérieurement n'entre en matière sur le fond de l'action à partir du moment où la compétence du tribunal saisi en premier lieu a été établie.
|
Art. 36 - actions connexes
|
1 Lorsque plusieurs tribunaux sont saisis d'actions connexes, tout tribunal saisi ultérieurement peut surseoir à la procédure jusqu'à ce que le tribunal saisi en premier lieu ait statué.
|
2 Le tribunal saisi ultérieurement peut transmettre l'action au tribunal saisi en premier lieu lorsque celui-ci accepte de s'en charger.
|
Ces dispositions correspondaient aux art. 21 et 22 de la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, du 16 septembre 1988 (aCL; RO 1991 p. 2436), actuellement remplacés par les art. 27 et 28 de la convention révisée conclue le 30 octobre 2007 (CL; RS 0.275.12).
|
La demanderesse critique les constatations de fait de la Cour de justice et elle se plaint d'une application prétendument incorrecte de l'art. 36 al. 1 LFors.
|
4.
|
L'ordonnance de suspension de la procédure n'a pas terminé la contestation pendante devant le Tribunal de première instance; il ne s'agit donc pas d'une décision finale susceptible de recours selon l'art. 90 LTF.
|
5.
|
L'art. 92 al. 1 LTF prévoit que les décisions incidentes relatives à la compétence peuvent être attaquées séparément de la décision finale.
|
Selon la jurisprudence, une décision de suspension fondée sur l'art. 21 al. 1 aCL s'apparente étroitement à une décision en matière de compétence et elle est donc susceptible du recours indépendant prévu par l'art. 92 al. 1 LTF (ATF 123 III 414 consid. 2 p. 417; arrêt 4A_538/2010 du 20 décembre 2010, consid. 1.1). Une décision de dessaisissement fondée sur l'art. 36 al. 2 LFors se rapporte elle aussi à la compétence du juge saisi et elle est donc susceptible du même recours (ATF 132 III 178 consid. 1.2 p. 181). En revanche, une décision de suspension de l'instance fondée sur l'art. 36 al. 1 LFors, seulement destinée à prévenir des décisions ou solutions divergentes sur des questions de fait ou de droit connexes (Yves Donzallaz, Commentaire de la loi fédérale sur les fors en matière civile, 2001, n° 2 ad art. 36 LFors), n'anticipe pas un éventuel refus d'entrer en matière ni un dessaisissement en faveur d'un autre for; la compétence n'est donc pas en cause et le recours prévu par l'art. 92 al. 1 LTF n'est pas ouvert.
|
Le Tribunal fédéral a certes jugé que toutes les décisions fondées sur les art. 35 ou 36 LFors sont globalement susceptibles de ce recours (arrêt 4P.302/2006 du 16 février 2007, consid. 3.2, RSPC 2007 p. 245), mais il s'agissait d'un cas où la décision attaquée ne précisait pas si la suspension réclamée par l'une des parties devait être fondée, le cas échéant, sur l'art. 35 al. 1 ou sur l'art. 36 al. 1 LFors. Ce précédent n'est donc pas concluant en ce qui concerne cette dernière disposition, seule déterminante dans la présente contestation, et il n'y a pas lieu de le confirmer.
|
6.
|
L'art. 93 al. 1 let. a LTF prévoit que les décisions incidentes propres à causer un préjudice irréparable peuvent elles aussi être attaquées séparément de la décision finale.
|
Selon la jurisprudence, l'exigence d'un préjudice irréparable n'est pas opposable à la partie recourante lorsque celle-ci expose et rend vraisemblable que l'ordonnance de suspension qu'elle conteste entraînera une violation du principe de la célérité, c'est-à-dire du droit de tout justiciable à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable, garanti par l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 134 IV 43 consid. 2.5 p. 47). En l'occurrence, la demanderesse se réfère au principe de la célérité, toutefois sans tenter de démontrer que, compte tenu de la nature du procès concerné, la suspension litigieuse risque réellement de différer le jugement final au-delà de ce qui est raisonnable. Ce moyen est insuffisamment motivé, de sorte que le recours n'échappe pas à l'exigence précitée (arrêt 4A_542/2009 du 27 avril 2010, consid. 4.2).
|
Un préjudice irréparable n'est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu'une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu'un inconvénient seulement matériel, résultant par exemple d'un accroissement de la durée et des frais de la procédure, est insuffisant (ATF 134 III 188 consid. 2.2 p. 191; 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632; 131 I 57 consid. 1 p. 59). La demanderesse fait seulement valoir que la suspension « [l'empêchera] pour longtemps de faire valoir ses droits », sans faire état d'aucune autre sorte de préjudice; elle ne se plaint donc pas d'un inconvénient pertinent au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Il s'ensuit que le recours en matière civile est irrecevable.
|
7.
|
A titre de partie qui succombe, la demanderesse doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels les adverses parties peuvent prétendre pour avoir pris position sur la demande d'effet suspensif.
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
|
1.
|
Le recours est irrecevable.
|
2.
|
La demanderesse acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
|
3.
|
La demanderesse versera une indemnité de 1'000 fr. à chacune des trois défenderesses, à titre de dépens.
|
4. à l'
|
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
|
Lausanne, le 9 mars 2012
|
Au nom de la Ire Cour de droit civil
|
du Tribunal fédéral suisse
|
La présidente: Klett
|
Le greffier: Thélin
|