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Original
 
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
9C_540/2011
Arrêt du 15 mars 2012
IIe Cour de droit social
Composition
MM. et Mmes les Juges U. Meyer, Président, Borella, Kernen, Pfiffner Rauber et Glanzmann.
Greffier: M. Piguet.
Participants à la procédure
R.________, représentée par Me Michel Bergmann, avocat,
recourante,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue de Lyon 97, 1203 Genève,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 30 mai 2011.
Faits:
A.
A.a R.________ fait partie de la communauté suisse des gens du voyage. Elle et sa famille mènent un mode de vie semi-nomade, passant 4 mois en hiver sur une aire de séjour située à X.________ et voyageant le reste de l'année en Suisse allemande, en France et en Allemagne. Sur le plan professionnel, elle travaillait comme employée dans l'entreprise de brocante de son mari. En incapacité de travail totale depuis le 1er mars 2006 en raison de problèmes lombaires, elle a déposé le 11 décembre 2006 une demande de prestations de l'assurance-invalidité.
Dans le cadre de l'instruction de cette demande, l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a recueilli les renseignements médicaux usuels auprès des docteurs F.________, spécialiste en anesthésiologie (rapport du 28 février 2007), M.________, spécialiste en médecine interne générale (rapport du 5 mars 2007) et S.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur (rapport du 22 mars 2007); d'après les documents produits, l'assurée souffrait principalement de lombalgies chroniques sur discopathies L4-L5 et L5-S1.
Considérant que l'assurée était malgré tout en mesure d'exercer à plein temps une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, l'office AI a, par décision du 19 décembre 2007, rejeté la demande de prestations.
A.b A la suite du recours formé par l'assurée devant le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève (aujourd'hui: la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales), l'office AI a, par décision du 3 mars 2008, annulé la décision du 19 décembre 2007 et repris l'instruction de la cause. Il a confié la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire au Centre Z.________. Dans leur rapport du 31 août 2009, les docteurs V.________, spécialiste en médecine interne générale, H.________, spécialiste en neurologie, et L.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, ont retenu les diagnostics - avec répercussion sur la capacité de travail - de lombalgies chroniques dans un contexte de troubles statiques et dégénératifs, de rachialgies cervico-dorso-lombaires et de protrusion discale L4-L5 médiane et hernie discale médiane et paramédiane L5-S1, ainsi que ceux - sans répercussion sur la capacité de travail - d'obésité de classe I, d'anxiété généralisée et d'hyperphagie associée à d'autres perturbations psychologiques; l'exercice d'une activité lucrative à 100 % était exigible dans une activité sédentaire ou semi-sédentaire sans port de charges et permettant le changement fréquent de positions.
Se fondant sur les conclusions de cette expertise, l'office AI a, par décision du 7 décembre 2010, rejeté à nouveau la demande de prestations de l'assurée.
B.
Par jugement du 30 mai 2011, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, a rejeté le recours formé par l'assurée contre cette décision.
C.
R.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à compter du 1er mars 2006.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Par exception à ce principe, il ne peut entrer en matière sur la violation d'un droit constitutionnel ou sur une question relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF). Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
2.
Selon les constatations de la juridiction cantonale, qui ne sont pas contestées par les parties et qui lient par voie de conséquence le Tribunal fédéral, la recourante dispose, d'un point de vue médical, d'une capacité de travail pleine et entière dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (sans port de charges de manière itérative de plus de 10 kilos, sans maintien de longues positions assise ou debout immobile, ne nécessitant pas la flexion antérieure prolongée du tronc ou des activités en porte-à-faux ou en zone basse), étant admis que la nature des activités qu'elle exerçait auparavant dans le domaine de la brocante n'est pas compatible avec lesdites limitations. Est litigieuse la question de savoir s'il existe des activités exigibles qui s'accordent avec son mode de vie semi-nomade et ses facultés intellectuelles et professionnelles.
2.1 La juridiction cantonale a considéré que les principes valables en matière d'évaluation de l'invalidité étaient applicables à toute personne vivant en Suisse qui requérait l'octroi de prestations de l'assurance-invalidité. La loi permettait notamment aux familles, comme celle de la recourante qui est nomade, d'obtenir des prestations d'invalidité, dans l'hypothèse où l'un de ses membres devenait invalide. Par ailleurs, l'art. 16 LPGA n'avait pas pour objectif de sédentariser les assurés appartenant à la communauté des gens du voyage ou de remettre en question leur mode de vie. Exiger de la recourante qu'elle exerce une activité légère adaptée à ses limitations fonctionnelles n'était dès lors pas incompatible avec son mode de vie nomade et n'exigeait pas d'elle qu'elle se sédentarise. En ce sens, la recourante n'était pas traitée différemment des autres citoyens suisses, qui étaient également dans l'obligation de se reconvertir professionnellement pour mettre pleinement en valeur leur capacité résiduelle de travail, conformément à l'obligation de réduire le dommage résultant de l'invalidité. Par conséquent, la recourante ne faisait pas l'objet d'une discrimination directe ou indirecte par le biais de l'application de l'art. 16 LPGA. C'est ainsi à bon droit que l'office AI s'était fondé sur les données économiques statistiques pour déterminer le revenu d'invalide.
2.2 La recourante reproche à la juridiction cantonale d'avoir violé le droit fédéral, en considérant qu'il existait des activités exigibles de sa part. Les activités envisagées ou identifiées comme exigibles au cours de la procédure seraient en effet incompatibles avec le mode de vie traditionnel nomade des gens du voyage. Elles exigeraient qu'elle se sédentarise et renonce à son mode de vie traditionnel et à sa famille (à moins que sa famille ne se sédentarise et renonce elle aussi à son mode de vie), ce qui entraînerait incontestablement une atteinte grave à ses droits constitutionnels à la protection de son mode de vie (art. 13 Cst. et 8 CEDH) et de sa vie de famille (art. 13 Cst. et 8 CEDH), et au principe de la non-discrimination (art. 8 Cst. et 14 CEDH). De plus, la juridiction cantonale aurait omis de tenir compte dans son analyse du fait qu'elle souffrait également, en plus de limitations fonctionnelles importantes, d'une absence de formation, d'une intelligence diminuée et de déficiences notables et handicapantes en français lu et écrit.
3.
3.1 Le rôle principal de l'assurance-invalidité consiste à éliminer ou à atténuer au mieux les effets préjudiciables d'une atteinte à la santé sur la capacité de gain de la personne assurée, en privilégiant au premier plan l'objectif de réinsertion dans la vie professionnelle active ou dans le secteur d'activité initial, et au second plan le versement de prestations en espèces (Message du 22 juin 2005 concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [5e révision de l'AI], FF 2005 4223 ch. 1.1.1.2). L'examen d'un éventuel droit à des prestations de l'assurance-invalidité doit par conséquent procéder d'une démarche au centre de laquelle figure avant tout la valorisation économique des aptitudes résiduelles - fonctionnelles et/ou intellectuelles - de la personne assurée. Les mesures qui peuvent être exigées d'un assuré doivent être aptes à atténuer les conséquences de l'atteinte à la santé (arrêt 9C_236/2009 du 7 octobre 2009 consid. 4.4.1).
3.2 Dans le domaine de l'assurance-invalidité, on applique de manière générale le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu'on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité; c'est pourquoi un assuré n'a pas droit à une rente lorsqu'il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d'obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. La réadaptation par soi-même est un aspect de l'obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation. L'obligation de diminuer le dommage s'applique aux aspects de la vie les plus variés. Toutefois, le point de savoir si une mesure peut être exigée d'un assuré doit être examiné au regard de l'ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret (ATF 113 V 22 consid. 4a p. 28 et les références). Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l'importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l'âge, la situation professionnelle concrète ou encore l'attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être pris en compte l'existence d'un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 750/04 du 5 avril 2006 consid. 5.3, in SVR 2007 IV n° 1 p. 1 ; I 11/00 du 22 août 2001 consid. 5a/bb, in VSI 2001 p. 274).
3.3 Ainsi doit-on pouvoir exiger de celui qui requiert des prestations qu'il prenne toutes les mesures qu'un homme raisonnable prendrait dans la même situation s'il devait s'attendre à ne recevoir aucune prestation d'assurance. Au moment d'examiner les exigences qui peuvent être posées à un assuré au titre de son obligation de réduire le dommage, l'administration ne doit pas se laisser guider uniquement par l'intérêt général à une gestion économique et rationnelle de l'assurance, mais doit également tenir compte de manière appropriée du droit de chacun au respect de ses droits fondamentaux. La question de savoir quel est l'intérêt qui doit l'emporter dans un cas particulier ne peut être tranchée une fois pour toutes. Cela étant, plus la mise à contribution de l'assureur est importante, plus les exigences posées à l'obligation de réduire le dommage devront être sévères. C'est le cas, par exemple, lorsque la renonciation à des mesures destinées à réduire le dommage conduirait à l'octroi d'une rente ou au reclassement dans une profession entièrement nouvelle. Conformément au principe de la proportionnalité, il convient en revanche de faire preuve de prudence dans l'invocation de l'obligation de réduire le dommage lorsqu'il s'agit d'allouer ou d'adapter certaines mesures d'ordre professionnel afin de tenir compte de circonstances nouvelles relevant de l'exercice par l'assuré de ses droits fondamentaux. Demeurent réservés les cas où les dispositions prises par l'assuré doivent être considérées, au regard des circonstances concrètes, comme étant déraisonnables ou abusives (ATF 113 V 22 consid. 4d p. 32, confirmé par ATF 134 I 105 consid. 8.2 p. 111; MARC HÜRZELER, Prävention im Haftpflicht- und Sozialversicherungsrecht, in Prävention im Recht, 2007, p. 172 s.).
4.
Les gens du voyage suisses (appelés également Tziganes) forment une communauté estimée à 30'000 personnes. Si la grande majorité d'entre eux mène aujourd'hui un mode de vie sédentaire, une frange importante de ce groupe continue d'avoir un mode de vie qui peut être caractérisé de semi-nomade. La tradition d'itinérance (ou nomadisme) reste et demeure une composante essentielle de l'identité culturelle tzigane, intrinsèquement liée à l'exercice de leurs différentes activités professionnelles. Traditionnellement, les gens du voyage exercent des métiers dans les domaines de la récupération (achat d'antiquités, recyclage, collecte de vieux métal, etc.), du commerce forain et de l'artisanat ambulant (aiguisage, vannerie, rétamage, etc.), quand bien même leur champ d'activité ne saurait se limiter à ces seuls domaines (Office fédéral de la culture, Les gens du voyage en Suisse, http://www.bak.admin.ch, sous Création culturelle, Gens du voyage; JOËLLE SAMBUC BLOISE, La situation juridique des Tziganes en Suisse, 2007, p. 67).
5.
Eu égard à la nature des griefs portés par la recourante devant le Tribunal fédéral, il convient d'examiner, à titre général, si et dans quelle mesure les membres de la communauté des gens du voyage bénéficient, en vertu du droit fédéral et international, d'une protection particulière en raison de leurs spécificités ethno-culturelles.
5.1 D'après l'art. 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, conclu à New York le du 16 décembre 1966 et entré en vigueur pour la Suisse le 18 septembre 1992 (ci-après: Pacte ONU II; RS 0.103.2), dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue. L'art. 27 Pacte ONU II ne consacre aucun droit collectif pour les minorités - ethniques, religieuses ou linguistiques - en tant que groupes, mais uniquement un droit individuel - directement invocable devant les tribunaux suisses -, appartenant aux membres de ces groupes, de voir leurs caractéristiques minoritaires respectées et promues (voir l'Observation générale n° 23 du Comité des droits de l'homme se rapportant au Pacte ONU II, in WALTER KÄLIN/GIORGIO MALINVERNI/MANFRED NOWAK, La Suisse et les Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, 2e éd. 1997, p. 550 ; voir également GIORGIO MALINVERNI, La Suisse et la protection des minorités [art. 27 Pacte ONU II], in WALTER KÄLIN/GIORGIO MALINVERNI/MANFRED NOWAK, op. cit., p. 233 ss). Considérant que les champs d'application de ces deux normes étaient identiques et leur restriction admissible aux mêmes conditions, le Tribunal fédéral a toutefois jugé que l'art. 27 Pacte II n'offrait pas de garanties plus étendues que la protection de la vie privée et familiale consacrée à l'art. 8 CEDH, en tant que cette disposition protège le mode de vie tzigane (ATF 129 II 321 consid. 3.4 p. 329; arrêt critiqué par SAMBUC BLOISE, op. cit., p. 216).
5.2 En adhérant à la Convention-cadre du 1er février 1995 pour la protection des minorités nationales (RS 0.441.1), la Suisse s'est engagée d'une part à garantir à toute personne appartenant à une minorité nationale le droit à l'égalité devant la loi et à une égale protection de la loi et à interdire toute discrimination fondée sur l'appartenance à une minorité nationale (art. 4 par. 1). Elle s'est engagée d'autre part à promouvoir les conditions propres à permettre aux personnes appartenant à des minorités nationales de conserver et développer leur culture, ainsi que de préserver les éléments essentiels de leur identité que sont leur religion, leur langue, leurs traditions et leur patrimoine culturel (art. 5 par. 1). A l'occasion de la ratification de cette Convention-cadre, la Suisse a fait la déclaration suivante :
La Suisse déclare que constituent en Suisse des minorités nationales au sens de la présente Convention-cadre les groupes de personnes qui sont numériquement inférieurs au restant de la population du pays ou d'un canton, sont de nationalité suisse, entretiennent des liens anciens, solides et durables avec la Suisse et sont animés de la volonté de préserver ensemble ce qui fait leur identité commune, notamment leur culture, leurs traditions, leur religion ou leur langue.
Dans son message, le Conseil fédéral a, à ce propos, expressément précisé que la Convention-cadre pouvait être appliquée en Suisse aux minorités linguistiques nationales, mais aussi à d'autres groupes minoritaires de la population suisse, comme les membres de la communauté des gens du voyage (Message du 19 novembre 1997 relatif à la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, FF 1998 1048 ch. 22; voir également le Rapport initial du gouvernement suisse sur la mise en oeuvre de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, établi en 2001 à l'intention du Conseil de l'Europe, http://www.dfae.admin.ch/eda/fr/home/topics/eu/euroc/coeusw/coswtr.html). Toutefois, la Convention ne contient pas de disposition directement applicable, mais impose aux Etats membres l'adoption de mesures, notamment législatives, visant à protéger l'existence des minorités nationales (voir également GIORGIO MALINVERNI, La Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales, in RSDIE 1995 p. 531; Avis de droit de l'Office fédéral de la justice du 27 mars 2002 concernant le statut juridique des gens du voyage en Suisse eu égard à leur qualité de minorité nationale reconnue, JAAC 2002 n° 50 p. 578).
5.3 Contrairement au Pacte ONU II, le texte de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH; RS 0.101) ne contient aucune norme garantissant explicitement les droits des minorités. Dans sa pratique, la Cour européenne des droits de l'homme a admis qu'il appartenait aux autorités de prendre en considération l'appartenance à une minorité ethnique ou à un groupe menant un mode de vie distinct de celui de la population majoritaire. En effet, un consensus international se faisait jour au sein des Etats membres du Conseil de l'Europe pour reconnaître les besoins particuliers des minorités et l'obligation de protéger leur sécurité, leur identité et leur mode de vie, et ce non seulement dans le but de protéger les intérêts des minorités elles-mêmes mais aussi pour préserver la diversité culturelle qui est bénéfique à la société dans son ensemble (arrêts Chapman contre Royaume-Uni du 18 janvier 2001, Recueil CourEDH 2001-I p. 91 §§ 93 et 94). Même si l'appartenance à une minorité ne dispensait pas de respecter les lois destinées à protéger le bien commun, la Cour a considéré que l'art. 8 CEDH conférait aux membres d'une minorité le droit à ce que les autorités prennent en considération leurs besoins spécifiques en raison de leur vulnérabilité en tant que membres de cette minorité, tant dans le cadre réglementaire que lors de la prise de décision dans un cas particulier (arrêts Chapman précité, § 96; Connors contre Royaume-Uni du 27 mai 2004, no 66746/01, § 84; D. H. et autres contre République Tchèque du 13 novembre 2007, n° 57325/00, § 181).
5.4 D'après l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou physique. On est en présence d'une discrimination selon l'art. 8 al. 2 Cst. lorsqu'une personne est traitée différemment en raison de son appartenance à un groupe particulier qui, historiquement ou dans la réalité sociale actuelle, souffre d'exclusion ou de dépréciation. Le principe de non-discrimination n'interdit toutefois pas toute distinction basée sur l'un des critères énumérés à l'art. 8 al. 2 Cst., mais fonde plutôt le soupçon d'une différenciation inadmissible. Les inégalités qui résultent d'une telle distinction doivent dès lors faire l'objet d'une justification particulière (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 p. 348; 135 I 49 consid. 4.1 p. 53). La notion de "mode de vie" vise plus particulièrement les groupes de personnes qui, par leur comportement ou leur forme de vie distincts, possèdent une identité propre; cette notion inclut à n'en pas douter la communauté des gens du voyage (ANDREAS RIEDER, Indirekte Diskriminierung - das Beispiel der Fahrenden, in WALTER KÄLIN, Das Verbot ethnisch-kultureller Diskriminierung, 1999, p. 164; BERNHARD PULVER, L'interdiction de la discrimination, 2003, p. 269). On précisera toutefois que le droit à la protection de son mode de vie présente un lien étroit avec le droit au respect de la vie privée et la liberté personnelle, consacrés respectivement aux art. 13 et 10 Cst. En tout état de cause, on ne saurait déduire de ces différentes libertés individuelles un droit quelconque à des prestations positives de l'Etat, notamment en matière d'assurance sociale; il appartient bien plutôt au législateur de définir les modalités d'un tel droit (ULRICH HÄFELIN/WALTER HALLER/HELEN KELLER, Schweizerisches Bundesstaatsrecht, 7e éd. 2008, p. 68 n. 213; sur l'ensemble de la question, voir également arrêt I 750/04 du 5 avril 2006 consid. 4.3 et les références, SVR 2007 IV n° 1 p. 1).
5.5 L'art. 8 al. 2 Cst. interdit non seulement la discrimination directe, mais également la discrimination indirecte. Une telle discrimination existe lorsqu'une réglementation, qui ne désavantage pas directement un groupe déterminé, défavorise tout particulièrement, par ses effets et sans justification objective, les personnes appartenant à ce groupe (ATF 126 II 377 consid. 6c p. 393 et les références citées; voir également ATF 124 II 409 consid. 7 p. 425). Eu égard à la difficulté de poser des règles générales et abstraites permettant de définir pour tous les cas l'ampleur que doit revêtir l'atteinte subie par un groupe protégé par l'art. 8 al. 2 Cst. par rapport à la majorité de la population, la reconnaissance d'une situation de discrimination ne peut résulter que d'une appréciation de l'ensemble des circonstances du cas particulier. En tout état de cause, l'atteinte doit revêtir une importance significative, le principe de l'interdiction de la discrimination indirecte ne pouvant servir qu'à corriger les effets négatifs les plus flagrants d'une réglementation étatique (PULVER, op. cit., p. 153; RIEDER, op. cit., p. 161).
6.
6.1 Que ce soit en vertu des engagements pris sur le plan international ou en vertu de la protection offerte par les droits fondamentaux garantis par le droit fédéral, la Suisse reconnaît aujourd'hui le statut de minorité nationale à la communauté suisse des gens du voyage et s'est engagée à permettre à ce groupe de préserver les éléments essentiels de son identité ethno-culturelle. S'il n'est pas le lieu de tracer dans le cas particulier le contour précis de toutes les obligations que cela implique, on peut toutefois affirmer qu'il appartient aux autorités, lorsqu'elles appliquent le droit, de prendre en considération les spécificités et les particularités du mode de vie traditionnel de la communauté tzigane, parmi lesquelles figurent notamment la tradition de l'itinérance.
6.2 Lorsqu'il y a lieu de définir, dans le cadre de l'évaluation du degré d'invalidité, le revenu qu'une personne appartenant à la communauté des gens du voyage et perpétuant la tradition d'itinérance de ce groupe serait capable de réaliser, il ne peut être fait abstraction des particularités intrinsèques de ce mode de vie. Comme on l'a vu, la vie nomade implique des déplacements continuels et réguliers d'un lieu à un autre, ce qui réduit de façon conséquente le champ des activités salariées envisageables (cf. supra consid. 4). Compte tenu de ces spécificités, le recours aux données économiques statistiques, telles qu'elles résultent de l'Enquête suisse sur la structure des salaires - généralement applicables lorsque la personne assurée n'a pas repris d'activité lucrative après la survenance de l'atteinte à la santé (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475) -, singulièrement le revenu auquel peuvent prétendre les femmes effectuant des activités simples et répétitives (niveau 4 de qualification), n'apparaît pas approprié à la situation des membres de la communauté des gens du voyage. En effet, les valeurs issues des données économiques statistiques tiennent compte de l'ensemble des branches économiques en Suisse (à l'exception de l'agriculture), dont la majeure partie exige une vie sédentaire et n'est pas conciliable avec le mode de vie tzigane. Eu égard à la protection accordée à ce mode de vie traditionnel par le droit fédéral et international (cf. supra consid. 5), il n'est pas admissible de considérer comme exigible l'exercice d'une activité salariée qui supposerait la sédentarisation de la personne assurée, la rupture avec sa famille et son mode de vie traditionnel, et, plus largement, un déracinement culturel (voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 224/99 du 5 mai 2000 consid. 3c). Il y a par conséquent lieu de constater que le recours aux données économiques statistiques pour évaluer le revenu d'invalide d'une personne appartenant à la communauté des gens du voyage, en tant qu'il contribue à assimiler une personne de ce groupe à la majorité de la population, aboutit indirectement à une discrimination importante, contraire aux droits fondamentaux.
6.3 Compte tenu de ce qui précède, il s'avère que l'évaluation du degré d'invalidité opérée par l'office intimé repose sur des bases erronées. Cela étant, on ne saurait prétendre en l'état qu'il n'existe aucune activité exigible en regard des limitations fonctionnelles de la recourante et de son mode de vie traditionnel. Dans ces conditions, il convient de renvoyer la cause à l'office intimé afin qu'il examine concrètement si et dans quelle mesure la recourante est en mesure de tirer profit de sa capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles et à ses aptitudes intellectuelles et professionnelles, et compatible avec le mode de vie traditionnel de la communauté des gens du voyage. Il lui appartiendra notamment d'examiner si et dans quelle mesure la recourante pourrait mettre en oeuvre sa capacité résiduelle de travail pendant les quatre mois durant lesquels elle réside de manière continue à X.________ (cf. arrêt I 750/04 du 5 avril 2006 consid. 5.4 et les références, in SVR 2007 IV n° 1 p. 1).
7.
Le recours se révèle bien fondé. Vu l'issue du litige, les frais de justice seront supportés par l'office intimé qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci versera par ailleurs une indemnité de dépens à la recourante (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis en ce sens que le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 30 mai 2011 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève du 7 décembre 2010 sont annulés, la cause étant renvoyée audit office pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
4.
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 15 mars 2012
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Meyer
Le Greffier: Piguet