BGer 4A_763/2011
 
BGer 4A_763/2011 vom 30.04.2012
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_763/2011
Arrêt du 30 avril 2012
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz, Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffier: M. Carruzzo.
Participants à la procédure
X.________, représentée par Mes Pierre-Yves Tschanz et Frank Spoorenberg,
requérante,
contre
Y.________, représentée par Mes Saverio Lembo et Vincent Guignet,
intimée.
Objet
arbitrage international; demande de révision des sentences rendues les 15 janvier 2007, 29 juillet 2009 et 1er septembre 2011 par le Tribunal arbitral CCI.
Faits:
A.
A.a Y.________ est une société à responsabilité limitée ayant son siège à .... Elle est la filiale à 100% de la société A.Y.________, elle-même détenue entièrement par la société B.Y.________.
X.________ est une société anonyme ayant son siège à .... Elle fait partie du groupe de sociétés du même nom.
A.X.________ est une société à responsabilité limitée. Elle est détenue et contrôlée par X.________.
A.b En 2005, X.________ et Y.________ détenaient, respectivement, 52,91% (actions de classe B; ci-après: les Actions) et 47,09% (actions de classe A; ci-après: les Actions A) du capital de V.________, société qui avait une participation majoritaire (51%) dans une autre société, W.________.
Le 25 mars 2005, X.________ et Y.________, ainsi que A.X.________, ont signé un accord-cadre (Letter Agreement) en vue de la conclusion d'un contrat portant sur la vente par X.________ à Y.________ de l'intégralité des Actions contre paiement d'un prix fixé provisoirement à 3'103'761'647 USD. Cet accord, dont la durée de validité était fixée à soixante jours, soit jusqu'au 23 mai 2005, deviendrait caduc si le contrat de vente n'était pas signé dans l'intervalle.
Y.________ s'est efforcée de satisfaire aux conditions prévues dans l'accord-cadre et a fait circuler un projet finalisé de contrat de vente le 19 avril 2005.
Le contrat de vente n'a, toutefois, jamais été signé. Le 23 mai 2005, X.________ a annoncé publiquement qu'elle entendait travailler sur d'autres alternatives à ce contrat.
B.
Le 27 mai 2005, Y.________ (ci-après: la demanderesse), se fondant sur la clause arbitrale insérée dans l'accord-cadre, a déposé une requête d'arbitrage contre X.________ (ci-après: la défenderesse) et A.X.________ devant la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI). Elle a retiré ultérieurement ses conclusions prises contre A.X.________; abstraction sera dès lors faite de cette société dans la suite du présent arrêt. Un Tribunal arbitral de trois membres a été désigné pour trancher le différend. L'arbitrage, dont le siège a été fixé à Genève, s'est déroulé en trois étapes.
B.a La demanderesse a d'abord pris des conclusions tendant à l'exécution par la défenderesse de son obligation de lui livrer les Actions, déduite de l'accord-cadre et du projet de contrat de vente. Elle s'est, en outre, réservé le droit d'obtenir une évaluation des Actions par les arbitres.
Le Tribunal arbitral a rendu une première sentence partielle en date du 15 janvier 2007. Après avoir écarté les exceptions d'incompétence soulevées par la défenderesse, de même qu'un moyen tiré de l'absence d'une tentative de conciliation préalable, les arbitres ont examiné si les parties s'étaient entendues sur les termes du contrat de vente. Se fondant sur les déclarations de personnes ayant été impliquées dans la négociation de ce contrat et appliquant le principe de la bonne foi, ils ont répondu à cette question par l'affirmative et fixé au 9 mai 2005 la date à laquelle le contrat de vente avait été conclu tacitement du fait que la défenderesse n'avait pas formulé d'objections à l'encontre du projet que la demanderesse lui avait soumis le 19 avril 2005. Par conséquent, ils ont ordonné aux parties de déployer de bonne foi tous les efforts utiles à l'exécution du contrat de vente.
B.b Suite à la communication de ladite sentence, la demanderesse s'est employée à requérir, auprès des services compétents, les autorisations auxquelles était subordonnée l'obligation de la défenderesse de lui livrer les Actions. N'ayant pu les obtenir, selon elle par la faute de sa partenaire, elle s'est adressée derechef au Tribunal arbitral afin qu'il ordonnât à la défenderesse de lui transférer les Actions et qu'il en estimât la valeur.
Le 29 juillet 2009, le Tribunal arbitral a rendu une seconde sentence partielle. Il a sommé la défenderesse de remettre les Actions à la demanderesse contre paiement de 3'103'761'647 USD et a fixé la valeur des titres, au 30 juin 2007, à 1'809'000'000 USD. Selon lui, cette date était celle à laquelle l'exécution du contrat de vente serait intervenue si la défenderesse n'avait pas empêché de mauvaise foi la réalisation des conditions préalables dont les parties étaient convenues.
B.c La compréhension de l'objet du litige soumis à la Cour de céans nécessite que l'on relate encore certains événements, touchant chacune des parties, avant d'évoquer la sentence finale.
B.c.a U.________ est une filiale à 100% de U.A.________, une société du groupe Z.________.
Dans le courant du premier semestre de l'année 2005, U.________ s'est engagée à fournir à la défenderesse les fonds devant lui permettre de remplir certaines obligations envers les autorités .... En contrepartie, elle a obtenu la maîtrise partielle et indirecte des Actions. A cet effet, en novembre 2005, la défenderesse a constitué une nouvelle entité, entièrement sous son contrôle, la société C.X.________, et lui a transféré les Actions. Elle a ensuite vendu 49% de sa participation dans C.X.________ à U.________. Quant aux actions restantes de C.X.________ (51%), elles ont été cédées à une autre filiale de la défenderesse, D.X.________, qui les a ensuite mises en gage en garantie d'un prêt consenti par U.________ à la défenderesse. Ces opérations ont eu pour conséquence que V.________, qui aurait dû être contrôlée par la seule demanderesse, déjà détentrice d'une participation de 47,09% (les Actions A), si le contrat de vente avait été exécuté, appartenait désormais aussi, non seulement à la défenderesse (51% de 52,91%), via D.X.________ et C.X.________, mais encore à U.________ (49% de 52,91%), via C.X.________.
En avril 2007, U.________ a commencé un arbitrage contre la défenderesse. Faisant valoir, en substance, que cette dernière n'avait pas exécuté ses obligations découlant du contrat de prêt, elle a soutenu avoir valablement exercé son droit de gage sur le 51% des actions de C.X.________ appartenant à D.X.________ et être ainsi devenue l'actionnaire unique de C.X.________ de même que la détentrice indirecte des Actions. La procédure en question est apparemment toujours pendante.
De son côté, A.Y.________ a introduit une requête d'arbitrage, le 16 août 2005, afin de faire constater, en bref, que l'accord précité, conclu entre U.________ et la défenderesse, par lequel la première avait obtenu le contrôle indirect des Actions, violait une convention de 1999 liant les actionnaires de V.________. Dans une sentence intérimaire et partielle du 1er mars 2008, le Tribunal arbitral CCI a admis l'existence de la violation alléguée et ordonné à la défenderesse de faire tout son possible pour récupérer les actions de C.X.________ cédées à U.________. On ignore si cette procédure arbitrale a pris fin.
B.c.b Le 11 novembre 2009, B.Y.________, A.Y.________ et la demanderesse (ci-après collectivement désignées: les Parties Y.________) ont conclu un joint venture agreement (ci-après: le JVA) avec U.________ et U.A.________ (ci-après désignées collectivement: les Parties U.________). Le JVA prévoyait notamment que les Parties Y.________ et les Parties U.________ s'engageaient à regrouper leurs participations directes et indirectes dans W.________ et dans la société F.________ afin de créer une compagnie internationale de premier plan et de partir à la conquête des marchés émergents.
En vertu de l'art. 5 du JVA, les parties à cet accord s'engageaient, en outre, à poursuivre et à résoudre la procédure d'arbitrage pendante entre la demanderesse et la défenderesse, ainsi que la procédure ouverte par U.________, selon les modalités fixées dans une annexe 5 au JVA (ci-après: l'Annexe 5). Conformément à l'Annexe 5, la demanderesse, en bref, renonçait à son droit d'exiger l'exécution du contrat de vente des Actions pour réclamer, en lieu et place, des dommages-intérêts à la défenderesse. En contrepartie, U.________ lui versait immédiatement la somme de 50'000'000 USD. Elle s'engageait, de plus, à lui payer un montant de 100'000'000 USD dans les jours suivant le prononcé de la sentence finale, en échange d'une procuration lui permettant d'agir en exécution de cette sentence contre la défenderesse. Quant aux montants ainsi recouvrés ou directement versés par cette dernière à la demanderesse, ils devaient servir, en premier lieu, à rembourser les 150'000'000 USD avancés par U.________, le solde revenant en majorité à celle-ci selon une clé de répartition et un certain nombre de scénarios prévus dans ce document.
B.d Par lettre du 19 novembre 2009, la demanderesse s'est adressée au Tribunal arbitral. Soutenant que la défenderesse persistait à refuser de s'exécuter et que le contrôle indirect des Actions avait été transféré à un tiers, elle lui a indiqué qu'elle avait décidé de ne plus poursuivre l'exécution du contrat de vente, mais de réclamer des dommages-intérêts pour cause d'inexécution. A cette lettre, qui faisait état du JVA, était annexé un communiqué de presse du 12 novembre 2009 de B.Y.________ décrivant le JVA dans ses grandes lignes.
La troisième étape de l'arbitrage, ainsi ouverte, a abouti au prononcé de la sentence finale, en date du 1er septembre 2011. La défenderesse a été condamnée à payer 932'000'000 USD à la demanderesse à titre de dommages-intérêts pour inexécution de l'obligation, découlant du contrat de vente conclu le 9 mai 2005, de livrer les Actions à sa cocontractante. Des intérêts sur cette somme ont été alloués à la demanderesse à compter du 30 juin 2007, date à laquelle l'exécution aurait dû intervenir.
Pour fixer le montant des dommages-intérêts, les arbitres ont retenu deux éléments: d'une part, la différence entre la valeur réelle des Actions au 30 juin 2007 (3'292'000'000 USD) et le prix de vente de celles-ci (3'104'000'000 USD), soit 188'000'000 USD; d'autre part, une "décote d'illiquidité" (illiquidity discount) de 744'000'000 USD (i.e. le 20% de la valeur boursière de la part du capital-actions de W.________ représentée par les Actions A), laquelle représentait la dépréciation due au caractère minoritaire de la participation de la demanderesse dans V.________, dépréciation qui aurait été supprimée si la demanderesse était effectivement devenue propriétaire de l'ensemble des actions de ce holding en acquérant les Actions et en obtenant, par là même, le contrôle de W.________.
C.
La défenderesse ayant fait part de son intention de déposer une demande de révision, la demanderesse a adressé au Tribunal fédéral, le 5 décembre 2011, un "mémoire préventif" en vue de s'opposer à l'octroi de l'effet suspensif qui pourrait être requis à l'occasion du dépôt éventuel de cette demande.
En date du 23 décembre 2011, la défenderesse (ci-après: la requérante) a saisi le Tribunal fédéral d'une demande de révision assortie d'une requête d'effet suspensif. Elle a conclu à l'annulation des trois sentences susmentionnées et au renvoi de la cause au Tribunal arbitral pour nouveaux débats et nouvelle décision. A titre subsidiaire, la requérante a sollicité l'autorisation de prouver les faits allégués à l'appui de sa demande de révision.
La demanderesse (ci-après: l'intimée) s'est déterminée sur la requête d'effet suspensif dans une écriture du 16 janvier 2012. Puis elle a déposé sa réponse, le 1er février 2012, concluant au rejet de la demande de révision.
Par lettre de son président du 16 janvier 2012, le Tribunal arbitral a indiqué qu'il n'avait pas d'observations à formuler, que ce soit sur le fond ou sur la requête d'effet suspensif.
Dans une réplique du 17 février 2012 et une duplique du 6 mars 2012, la requérante et l'intimée ont maintenu leurs conclusions respectives.
Considérant en droit:
1.
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé toutes deux le français. Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
2.
2.1 Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève. L'une des parties au moins (en l'occurrence, les deux) n'avait pas son domicile en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont donc applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
2.2 La loi sur le droit international privé (LDIP; RS 291) ne contient aucune disposition relative à la révision des sentences arbitrales au sens des art. 176 ss LDIP. Le Tribunal fédéral a comblé cette lacune par voie jurisprudentielle. Les motifs de révision de ces sentences étaient ceux que prévoyait l'art. 137 OJ. Ils sont désormais visés par l'art. 123 LTF. Le Tribunal fédéral est l'autorité judiciaire compétente pour connaître de la demande de révision de toute sentence arbitrale internationale, qu'elle soit finale, partielle ou préjudicielle; sa compétence en ce domaine ne concerne que les sentences liant le tribunal arbitral dont elles émanent, à l'exclusion des simples ordonnances ou directives de procédure susceptibles d'être modifiées ou rapportées en cours d'instance. S'il admet une demande de révision, le Tribunal fédéral ne se prononce pas lui-même sur le fond mais renvoie la cause au tribunal arbitral qui a statué ou à un nouveau tribunal arbitral à constituer (ATF 134 III 286 consid. 2 et les références).
En l'espèce, la requérante invoque un motif de révision prévu par la loi (la découverte de faits nouveaux pertinents, au sens de l'art. 123 al. 2 let. a LTF). Elle affirme n'en avoir eu connaissance que le 24 octobre 2011 au plus tôt. Déposée le 23 décembre 2011, soit dans les 90 jours suivant la découverte du motif de révision (art. 124 al. 1 let. d LTF), la demande de révision soumise à l'examen du Tribunal fédéral est recevable du point de vue formel, qu'elle ait trait à la sentence finale ou au deux sentences partielles antérieures à celle-ci. Par ailleurs, la requérante expose que, si les faits nouveaux allégués par elle étaient pris en considération, ils devraient conduire le Tribunal arbitral à rendre une nouvelle sentence qui la libérerait de toute condamnation pécuniaire envers l'intimée ou, à tout le moins, en réduirait sensiblement le montant. Elle a donc un intérêt digne de protection à faire constater l'existence de tels faits afin que les arbitres statuent derechef dans la cause qui la divise d'avec l'intimée, après annulation des trois sentences attaquées, ce qui lui confère la qualité pour demander la révision (ATF 114 II 189 consid. 2 p. 190).
3.
3.1 En vertu de l'art. 123 al. 2 let. a LTF, la révision peut être demandée dans les affaires civiles si le requérant découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu'il n'avait pas pu invoquer dans la procédure précédente, à l'exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à la décision formant l'objet de la demande de révision. Sauf sur quelques points concernant la révision pour violation de la CEDH, la réglementation de l'OJ en matière de révision a été reprise dans la LTF. Certaines modifications d'ordre systématique et rédactionnel ont toutefois été apportées. Ainsi, contrairement à l'art. 137 let. b OJ, l'art. 123 al. 2 let. a LTF ne contient plus l'expression impropre de "faits nouveaux", mais précise qu'il doit s'agir de faits pertinents découverts après coup, à l'exclusion des faits postérieurs à l'arrêt. Il n'en demeure pas moins que, sur le fond, la jurisprudence relative aux "faits nouveaux" garde toute sa portée. Ne peuvent, dès lors, justifier une révision que les faits qui se sont produits jusqu'au moment où, dans la procédure antérieure, des faits pouvaient encore être allégués, mais qui n'étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence; en outre, ces faits doivent être pertinents, c'est-à-dire de nature à modifier l'état de fait qui est à la base de la décision entreprise et à conduire à une solution différente en fonction d'une appréciation juridique correcte (arrêt 4F_3/2007 du 27 juin 2007 consid. 3.1 et les références). Il y a lieu de conclure à un manque de diligence lorsque la découverte de faits ou de moyens de preuve nouveaux résulte de recherches qui auraient pu et dû être effectuées dans la procédure précédente. On n'admettra qu'avec retenue qu'il était impossible à une partie d'alléguer un fait déterminé dans la procédure antérieure, car le motif de révision des faux nova ne doit pas servir à remédier aux omissions de la partie requérante dans la conduite du procès (arrêt 4A_528/2007, précité, consid. 2.5.2.2 et les auteurs cités).
3.2 A l'appui de sa demande de révision, la requérante allègue qu'en date du 24 octobre 2011, un journal a mentionné les commentaires faits par la direction de W.________ au sujet de sommes versées par U.A.________ au groupe Y.________ (ci-après désignés, resp., U.________ et Y.________ [remplacée par l'intimée], pour reprendre les noms utilisés par les deux parties). Ces commentaires se référaient à un rapport intermédiaire (période de janvier à septembre 2011), publié le 19 du même mois par l'intimée, dans lequel celle-ci annonçait avoir reçu de U.________, le 7 octobre 2011, la somme de 100'000'000 USD, en exécution de l'accord conclu en novembre 2009 (i.e. le JVA), après avoir déjà touché 50'000'000 USD, provenant de la même source, à la signature de cet accord. La requérante ajoute que le lendemain, 25 octobre 2011, les deux sociétés ont publié, chacune, un communiqué de presse dans lequel elles expliquaient que ces versements avaient été effectués afin d'unir leurs efforts en vue de l'exécution de la sentence condamnatoire rendue par le Tribunal arbitral CCI à l'encontre de la requérante, après que l'intimée eut renoncé à exiger le transfert des Actions.
Selon la requérante, l'engagement, pris par U.________ dans le JVA, d'indemniser l'intimée à hauteur de 150'000'000 USD, en contrepartie de sa renonciation à demander la livraison des Actions, puis le paiement d'une partie de cette somme pendente lite, à son insu, constituent des faits nouveaux pertinents à un double titre: d'une part, ils démontreraient que l'intimée n'a pas agi de bonne foi dans la procédure arbitrale, ce qui affecterait toutes les conclusions tirées par les arbitres dans les trois sentences qu'ils ont rendues successivement et aurait dû conduire ceux-ci à nier déjà l'existence même du contrat de vente prétendument venu à chef le 9 mai 2005; d'autre part, les "nova reperta" établiraient que la réparation accordée à l'intimée a été surévaluée d'un montant égal à 150'000'000 USD au moins, sans tenir compte des intérêts.
3.3 L'intimée conteste tant la nouveauté des faits allégués par la requérante que leur pertinence. Il y a lieu de commencer par l'examen de la première de ces deux objections, étant donné que le défaut de réalisation de cette condition d'application de l'art. 123 al. 2 let. a LTF entraînerait déjà à lui seul le rejet de la demande de révision et rendrait superflue l'analyse de l'autre condition cumulative que doit remplir pareille demande.
3.3.1 Selon l'intimée, la requérante connaissait ou, à tout le moins, aurait pu connaître, en faisant montre d'un tant soit peu de diligence, les faits nouveaux sur lesquels elle fonde sa demande de révision.
D'abord, le JVA conclu le 11 novembre 2009 était accessible au public en général, ayant été enregistré auprès de l'United States Securities and Exchange Commission (SEC), au moyen du formulaire 13D, et publié sur le site Internet de cet organisme. Ensuite, la lettre du 19 novembre 2009 (cf. lettre B.d ci-dessus), dont les mandataires de la requérante ont reçu une copie, s'y référait expressément en renvoyant à un communiqué de presse explicatif joint en annexe. Qui plus est, le rapport de l'intimée pour l'exercice 2009, publié le 22 mars 2010, mettait le JVA en évidence, sous la rubrique "Highlights and achievements" (p. 3), et faisait état, par deux fois, d'un montant de ... versé au titre de cet accord (p. 9 et 36). La requérante, enfin, a elle-même mentionné celui-ci dans l'écriture, intitulée "Answer to Claimant's Request for Damages", qu'elle a versée le 31 mars 2010 au dossier de l'arbitrage (cf. par. 74 et 76 à 79 de ce mémoire, avec renvoi, en note de pied 69, à l'"Exhibit RX-126" correspondant au formulaire 13D). Il est donc acquis qu'elle connaissait l'existence du JVA quelque cinq mois et demi déjà avant la tenue de l'audience du Tribunal arbitral relative à l'évaluation du dommage (13 et 14 septembre 2010) et plus encore si l'on prend comme date décisive celle du dépôt de ses conclusions motivées après enquêtes ("Post-Hearing Brief"), soit le 19 octobre 2010. Or, poursuit l'intimée, le JVA contient, à son art. 5 ainsi libellé, une référence expresse à la procédure d'arbitrage dont il est ici question ("the YX Claim", défini à la p. 3 let. I du JVA): "The Parties agree to pursue and resolve the ... Claim and the YX Claim and then proceed following resolution of those claims as set out in Schedule 5 to this Agreement". La requérante reconnaît du reste, dans sa demande de révision (n° 53), que, d'après l'art. 5 du JVA, les conditions stipulées par U.________ et l'intimée pour résoudre le différend faisant l'objet de l'arbitrage sont contenues dans l'Annexe 5. Dès lors, toujours selon l'intimée, la requérante, personne morale rompue aux affaires, aurait dû, à tout le moins, s'interroger sur la portée du JVA et, singulièrement sur l'art. 5, de cet accord, ce qui l'eût amenée immanquablement à se soucier du contenu de l'Annexe 5, qui n'était pas en sa possession. Il lui eût suffi, pour être éclairée sur ce point, de demander à son adverse partie de produire ce document et elle aurait alors appris l'existence des faits qu'elle allègue aujourd'hui à l'appui de sa demande de révision. Dans ces conditions, conclut l'intimée, la requérante est forclose à invoquer le motif de révision fondé sur l'art. 123 al. 2 let. a LTF.
3.3.2 Pareille argumentation, conforme aux pièces qui l'étayent, emporte la conviction de la Cour de céans, en dépit des objections soulevées par la requérante à son encontre.
Selon la requérante, l'intimée aurait volontairement omis de révéler le contenu de l'Annexe 5; elle se serait bien gardée de soumettre ce document à la SEC, aurait présenté l'accord passé avec U.________ de manière trompeuse dans son communiqué de presse publié le 25 octobre 2011 et continuerait encore à cacher des documents importants, telle la procuration prévue à l'art. 8 de l'Annexe 5. L'affirmation de la requérante tient du procès d'intention. Aussi bien, le seul fait que l'intimée n'a pas produit l'Annexe 5, dans la procédure arbitrale ou ailleurs, ne signifie pas encore qu'elle ait eu le dessein de cacher cette pièce à son adverse partie. C'eût été peine perdue, d'ailleurs, car l'existence de cette Annexe 5 ressortait clairement du texte même du JVA, de sorte qu'il suffisait à la requérante de demander la production de ce document pour contrarier semblable dessein. Au demeurant, l'intimée indique, en exposant de manière crédible les raisons de sa conviction, qu'elle a toujours considéré que le JVA et son Annexe 5 n'avaient aucune incidence directe sur le calcul du dommage subi par elle en raison de l'inexécution du contrat de vente des Actions. On ne voit pas, pour le reste, en quoi le communiqué de presse postérieur au prononcé de la sentence finale serait de nature à confirmer l'intention dissimulatrice prêtée à l'intimée. Il en va de même en ce qui concerne la susdite procuration, que cette partie a, du reste, produite sua sponte après avoir pris connaissance de l'argument s'y rapportant.
La requérante fait encore valoir que ni le JVA dans son ensemble, ni l'art. 5 de cet accord, non plus que le rapport de l'intimée pour l'année 2009 ne lui permettaient de deviner l'existence de l'engagement pris par U.________ quant au versement des 150'000'000 USD à l'intimée et au paiement, déjà effectué, d'une partie de cette somme, à savoir 50'000'000 USD. Elle ajoute que, même requise de le faire, l'intimée aurait de toute façon refusé de produire l'Annexe 5. Cette dernière affirmation n'est, toutefois, qu'une hypothèse, ce qui lui enlève tout crédit. De surcroît, la requérante ne prétend pas, ni a fortiori ne démontre, qu'elle n'eût pas été en mesure de passer outre à une éventuelle obstruction de l'intimée en mettant en oeuvre la procédure adéquate. Pour le surplus, la thèse défendue par la requérante n'apparaît pas convaincante: il n'importe que le susdit engagement pris par U.________ à l'égard de l'intimée ne résultât pas directement du JVA ou du rapport précité. Le fait est qu'il figurait, noir sur blanc, dans l'Annexe 5. Or, quoi qu'en dise la requérante, dans les circonstances caractérisant la présente espèce et sur le vu des sommes considérables en jeu dans l'arbitrage en question, la prudence la plus élémentaire lui commandait de s'enquérir du contenu de cette Annexe 5 dont elle ne pouvait ignorer, à la lecture de l'art. 5 du JVA, qu'elle avait trait, en partie, à la procédure arbitrale l'opposant à l'intimée, signataire du JVA. La requérante aurait ainsi appris l'existence du fait qu'elle se plaint de n'avoir découvert qu'après la notification de la sentence finale.
Enfin, contrairement à l'avis de la requérante, les recherches qui auraient pu et dû être effectuées par elle au cours de la procédure arbitrale n'impliquaient pas une obligation générale de discovery qui eût été mise à sa charge (sur l'institution du discovery, cf. parmi d'autres: POUDRET/BESSON, Comparative Law of International Arbitration, 2e éd. 2007, n° 652). Le devoir de les entreprendre découlait simplement de la nature même de la demande de révision et de l'obligation de diligence, voire de curiosité, inhérente à ce moyen de droit extraordinaire. Il ne s'apparentait, ni de près ni de loin, à une procédure visant à rassembler des éléments de preuve qui pourraient avoir un rapport plus ou moins étroit avec le litige.
3.4 Il appert ainsi de ce qui précède que l'une des deux conditions d'application cumulatives de l'art. 123 al. 2 let. a LDIP n'est pas réalisée en l'espèce. Par conséquent, la demande de révision ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les mérites de la seconde condition.
Le sort réservé à la demande de révision rend sans objet la requête d'effet suspensif dont cette demande était assortie.
4.
Succombant, la requérante devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
La demande de révision est rejetée.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 100'000 fr., sont mis à la charge de la requérante.
3.
La requérante versera à l'intimée une indemnité de 200'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral CCI.
Lausanne, le 30 avril 2012
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
Le Greffier: Carruzzo